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Trek du Laugavegur : Légende d’Islande

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Les trekkeurs de la planète entière se donnent rendez-vous en Islande depuis des années pour en découdre avec sa randonnée itinérante la plus mythique : le Laugavegur « la route des sources chaudes ». Le seul et unique itinéraire correctement balisé à ce jour sur l’île. Tracé dans les paysages incroyables du Landmannalaugar, c’est quatre à cinq jours de trek au cœur des montagnes de rhyolite pour rejoindre Thörsmork, puis Skogar tout au sud. Une sorte de mini-GR®20 jeté en défi aux aventuriers qui veulent gagner leurs galons de trekkeurs en Islande. À l’instar de la Corse, la météo en Islande joue un rôle clé dans le bon déroulement de ce périple inscrit dans la bucket-list de tout marcheur. En 2013, la chance était avec nous pour ce reportage : trois jours et demi de soleil ! Des conditions optimales pour un compte-rendu détaillé de cette aventure islandaise sur le Laugavegur.

Difficulté : moyen (par bonne météo) | Longueur : 55 à 80 km | Durée : 4 à 6 jours | Dénivelé : 800 à 1500m

ACCÈS AU LANDMANNALAUGAR

En général, on rejoint le Landmannalaugar depuis Reykjavik, à quelques 180 kilomètres de là. Une distance qui peut sembler courte mais vous constaterez rapidement que, en Islande, chaque kilomètre peut être une aventure à lui tout seul. À vrai dire, les 135 premiers kilomètres sont les plus faciles : depuis la capitale, la route est bonne et agréable, d’abord par la circumvirat, la fameuse route n°1 qui fait le tour de l’île en quelques 1300 kilomètres, puis par la route 26 qui remonte vers les Hautes Terres et le Hekla Center, au pied d’un des strato-volcans les plus actifs du pays. À partir de là, il faudra près d’une heure trente pour parcourir les quelques 50 kilomètres de la piste F208 qui vous séparent du Brennisteinsalda Camping, point de départ du Laugavegur.

Le bus est le moyen le plus adapté de rallier le Landmannalaugar pour celles et ceux qui partent ensuite à pied vers le sud. Mais attention, pas n’importe quel bus ! Un bus amphibie, mais si ! La ligne Reykjavik – Selfoss – Hella – Landmannalaugar est gérée par Iceland ByBus et propose une desserte quotidienne entre le 10 juin et le 15 septembre. Le départ s’effectue le matin, à 7h15, pour une arrivée à midi. Dans le sens inverse, le bus quitte le Landmannalaugar à 18h avec une arrivée à la capitale aux alentours de 21h30. Il vous en coûtera, en 2020, la modique somme de 13900 couronnes islandaises, soit environ 90 euros par personne.

LE LANDMANNALAUGAR : PREMIÈRES IMPRESSIONS

Le bus nous dépose dans un petit bout du monde, niché dans le coude de l’immense rivière Jökulsgilskvisl déployée en multiples bras. C’est le terminus de tous les véhicules franchissant avec prudence les sections submergées de la piste. Des dizaines de tentes multicolores ont fleuri sur ce sol aride autour des baraquements du refuge. Ici on parle toutes les langues. Après s’être acquittés de la taxe pour camper, on jette notre petite tente au milieu des autres. Un coup d’œil inquiet et interrogateur au ciel, d’un bleu azuréen copié sur celui de la maison : à quelle sauce vas-tu nous croquer pendant ce trek ?

Le climat islandais est réputé changeant. La douche froide y est tout aussi célèbre que les bains chauds où barbotent joyeusement les touristes. Le charme un peu singulier du pays, nous a-t-on assuré. Je ne suis pas particulièrement pressé de le vérifier. J’invite Raphaèle à un petit tour du propriétaire. Nous empruntons un petit sentier aménagé au milieu des linaigrettes et qui nous ramène vers la route. J’y ai repéré tout à l’heure le départ d’un sentier qui prend de la hauteur par rapport au site. Rien de tel pour dominer notre monde et découvrir notre futur terrain de jeu.

Laugavegur

Il s’agit de l’itinéraire du Sudurnamur, une boucle d’une demi-journée autour du camp de base. Le sentier ne ménage pas les jambes ankylosées par le voyage et le vent à un petit goût d’arctique qui maintient les poumons bien ouverts. Les yeux, en revanche, miroitent d’émerveillement. Pas la peine de monter très haut pour embrasser le paysage. Les tentes ne sont plus que de petits points colorés, déposées sur un maigre tapis de verdure. Une monstrueuse coulée de lave semble ramper juste derrière le camp tandis que les sillons argentés du Jökulsgilskvisl coulent à travers un désert minéral. Partout autour se distinguent des pans de montagne ruisselants de vert ou défigurés par l’érosion.

Le Landmannalaugar tout entier semble lutter entre la vie et la cendre. Au-delà de cette bataille invisible, les dômes étincelants de glaciers lointains barrent l’horizon. La neige, la roche et le feu. Les trois élémentaires du territoire islandais. En fin de journée, je suis allé me perdre dans le chaos labyrinthique du Laugahraun, cette fameuse coulée de lave, précédemment repérée, qui s’élève au-dessus du camp. Tout le Landmannalaugar s’intègre à une immense zone géothermique, appelée Torfajökull, naufragée dans le désert volcanique des hautes terres du sud islandais et elle-même inscrite dans une réserve naturelle de quelques 500 km² : celle de Fjallabak.

Laugavegur

Dominant ces entrailles figées et envahies de lichens moussus, la pyramide sombre du Bláhnúkur se redresse, massive et menaçante. J’y distingue la trace plus claire d’un sentier qui en escalade l’arête jusqu’au sommet. Trop long pour s’y risquer à cette heure tardive où ma solitude ne croise qu’un couple furtif de lagopèdes. Le froid se bientôt fait plus mordant alors que le soleil décline. Les dernières lueurs, furtives mais intenses, inondent des versants austères d’un subit éclat doré. L’espace de quelques secondes, le Landmannalaugar se recouvre d’or. Une vision éphémère, mais précieuse, très vite éclipsée par la nuit qui jette son ombre froide sur le camp. Il est temps de regagner la tente. Demain, c’est le premier jour de marche.

Jour 1 – Landmannalaugar – Hrafntinnusker

Distance : 12 km | Dénivelé : 680m | Durée : 5h

Effervescence fébrile du matin. Un nouveau wagon quotidien de candidat(e)s pour Thörsmork se prépare à prendre la route et nous en faisons partie. Le ciel islandais est dégagé et inondé de bienveillance pour le départ. Je charge le sac sur les épaules en serrant les dents tout en jetant un œil sur ces reliefs surgis d’une autre planète. L’Islande plonge mon éternel besoin de comparaison dans l’impasse . Ici, c’est l’inconnu d’un univers modelé depuis toujours par des forces cosmiques qui dépassent l’entendement humain. L’empreinte laissée par le volcanisme est omniprésente et rappelle au voyageur qu’il se promène sur le couvercle d’une marmite en ébullition permanente.

Laugavegur

Laugavegur

Une déferlante de couleurs inonde également le champ de vision du marcheur. Les versants des montagnes sont peints aux couleurs de l’arc-en-ciel. Une éruption permanente de contrastes alternant entre jaunes sulfureux, oranges magmatiques, bleus surnaturels et des pentes de pelouses au vert jeune et lumineux. C’est la magie de la rhyolite, cette roche volcanique rare dans le reste du monde mais qui a formé ici des montagnes entières. Un chemin large et impeccablement jalonné en traverse l’espace, encadrant le randonneur de solfatares, ces fumerolles au parfum de soufre exhalées par des évents invisibles.

Derrière nous, l’étrange corne du Brennisteinsalda, marqueur caractéristique de ce volcan culminant à 855 mètres et dont la dernière éruption remonte à 1341, s’est drastiquement réduite. Un nouveau paysage de montagnes couleur cendre se dessine sous nos pas. Le sillon plus clair du sentier y dévoile un chemin dans un entrelac austère de versants pelés et de thalweg parfois encore prisonniers de la neige. Des taches blanches immobiles frémissent sur les arrondis nus des crêtes : le fameux mouton islandais, trapu et à la laine dense, fait partie du rare bestiaire de ces terres désolées. L’émeraude plus vive de la surface d’un petit lac se repère facilement dans ce dénuement. Pas question cependant d’y tremper les pieds : la surface en ébullition dissuade toute envie de baignade !

Laugavegur

Cette première étape est visuellement époustouflante. On est pris en étau entre d’énormes vagues de rhyolites au vert jade poussiéreux et des vallons tapissés de lichens fluorescents où s’épanchent des colonnes de fumée. J’ai très vite surnommé l’Islande « le Pays qui Fume ». La palette de couleurs y est si subtile qu’elle plonge le marcheur dans une forme de nature-peinture. Sur les photographies, le Landmannalaugar a des allures de tableau. La beauté du lieu transforme ainsi l’effort en émerveillement. Encore un étage de franchi et, peu à peu, les massifs rhyolitiques ne sont plus qu’un flou d’arrière-plan, remplacés par des reliefs éparpillés d’obsidienne et de roches noires plus sinistres.

Laugavegur

Laugavegur

Derrière des coulées sombres et poussiéreuses, le drapeau de l’Islande apparaît, mollement agité par un vent polaire, au-dessus du toit du refuge Hrafntinnusker. L’espace, libéré, donne ici l’impression de marcher sur la Lune. Des cercles de pierre y délimitent les emplacements des tentes et les frontières du camp. L’érosion, ici, a adouci les reliefs, les polissant jusqu’à l’arrondi. L’arc-en-ciel de couleurs du début de journée a été chassé par une bichromie plus marquée. Ce n’est que lorsque le soleil bascule derrière les montagnes du Landmannalaugar que Hrafntinnusker se drape enfin d’une teinte intensément sanguine. Le silence et le froid se déposent sur le camp en même temps que la nuit. Les mêmes, me dis-je, que ceux d’un caillou abandonné dans le noir profond de l’espace.

Jour 2 – Hrafntinnusker – Álftavatn

Distance : 12 km | Dénivelé : <100m | Durée : 5h

Tempête de ciel bleu sur l’Islande. Le mercure est timide mais l’azur impeccable qui s’épanche au-dessus des sommets nous fait presque douter du mythe de la météo catastrophe. La Nature sait pourtant se faire hostile dans ce secteur. Des faits divers sinistres de randonneurs égarés dans la tempête, certains morts de froid et d’épuisement, à quelques encâblures du refuge, se murmurent entre trekkeurs. Le Landmannalaugar sait être redoutable et on aurait tort de s’y aventurer à la légère. Un peu d’expérience de l’itinérance et un équipement adapté peuvent, à défaut de vous sauver la vie, vous rendre l’aventure moins difficile.

Laugavegur

De grands jalons verts sont plantés à intervalles réguliers pour faciliter l’orientation en cas de mauvais temps. Une aide précieuse mais pas forcément infaillible quand les choses se corsent pour de vrai. On ne connaîtra pas ce visage courroucé de l’Islande. Pour ce deuxième jour, contrastes et lumières tendent à la perfection. On quitte Hrafntinnusker et son camp en suivant, en pente douce, une longue rigole où s’écoule un ruisseau au courant timide. L’essentiel de la journée se passera à descendre, patiemment, jusqu’aux grands espaces d’Álftavatn. Quelques mètres de dénivelé seront nécessaires pour s’échapper, via un large col, de ces étendues poussiéreuses d’obsdienne.

C’est au détour de ce col que l’horizon se renouvelle. Après les feux d’artifices minéraux des montagnes de rhyolite, voici que surgissent des no-man’s-land volcaniques surmontés par des glaciers aux proportions immenses. Ce qui me frappe dans ces décors antédiluviens c’est leur virginité : nulle ville, nulle route, nul signe où que ce soit d’une quelconque activité humaine. Le Landmannalaugar a des airs de genèse. De notre position, la surface du lac d’Álftavatn est l’élément le plus lisse d’un paysage que la géologie a durement éprouvé. Fermant l’horizon, des déferlantes glaciaires refluent sur des plaines rocheuses sans vie. C’est un spectacle saisissant, baigné en permanence par la danse légère des solfatares.

Laugavegur

Des groupes de trekkeurs émergent, ici et là, au milieu des fumées. L’absence de végétation permet de les repérer de loin, silhouettes embryonnaires arpentant l’épiderme usé par l’âge et l’érosion d’un colosse nu. La carcasse se rompt bientôt en ravines profondes, creusées patiemment par l’eau, la glace et le vent. Le socle, fragilisé, nous fait rapidement perdre de l’altitude. Le ruban clair du sentier surgit bientôt aux portes d’une vaste plaine surmontée de cônes volcaniques. Je m’y engage à mon tour, accompagnant la course d’un torrent à main gauche qui annonce, très prochainement, un inévitable passage à gué. En jeep ou à pied, le passage à gué est un classique de l’Islande et fait partie de ces moments impatiemment attendus par le randonneur.

Laugavegur

Le lac et le camp d’Álftavatn se rejoignent ensuite facilement. Atmosphère bucolique de plaines verdoyantes et délicatement fleuries. On a changé de planète depuis la veille. Les tentes éclosent à la surface de la prairie comme autant de bourgeons colorés. Une fois le bivouac installé, je prends de l’altitude en m’élevant sur les pentes du volcan qui domine le lac. Extatique instant de solitude alors que la lumière qui décline arrose l’immense paysage d’une pluie dorée. Rarement un endroit m’a fait ressentir pareille sensation d’isolement. De la nature à l’état pur, dans son jus originel. Des balafres immenses y zèbrent des espaces bigarrés, creusant des gorges qui libèrent le passage à de grands serpents d’eau. Loin derrière, les glaciers, géants silencieux, semblent veiller sur la tranquillité des lieux. En redescendant vers la tente pour la nuit, je crois y entendre battre le pouls du monde.

Jour 3 – Álftavatn – Emstrur

Distance : 16 km | Dénivelé : < 50m | Durée : 7h

Sur le papier, avec son dénivelé insignifiant, cette troisième étape n’a rien d’inquiétante. Des quatre – ou cinq – jours de marche, c’est pourtant l’une de celles qui peut, hors contexte météorologique, se révéler parmi les plus éprouvantes. Comment cela est-ce possible ? Je vous donne des éléments de réponse un peu plus tard. Pour l’heure, c’est notre troisième réveil dans les paysages d’Islande et le soleil est toujours au rendez-vous, malgré un voilage nuageux encore discret. La routine du trek anime le camp qui se vide petit à petit au fur et à mesure que les trekkeurs/ses se mettent en route. L’étape démarre assez rapidement par deux gués à franchir dans les espaces ouverts et verdoyants du Hvanngil.

Laugavegur

Le Landmannalaugar arbore ici un visage d’estive. Ces vastes ondulations, à la couverture végétale rase, ont longtemps accueilli les troupeaux de moutons. En témoignent deux refuges destinés, initialement, aux éleveurs pour l’un, et aux étrangers pour l’autre. Un décor singulier, marqué dans ses moindres détails par l’empreinte omniprésente du volcanisme. Difficile de ne pas être englouti par l’espace islandais en progressant, pas après pas, sur ces larges chemins de terre brune ouverts au milieu de champs de débris magmatiques aujourd’hui pulvérisés en lits de cailloux sombres. Bientôt le bruit furieux d’une rivière coupe court à la rêverie. Nous arrivons au pont jeté sur les eaux tumultueuses de la Kaldaklofskvísl.

La Kaldaklofskvísl est un jalon essentiel de l’étape, une nouvelle frontière entre deux mondes reliés par un solide pont. Au-delà, le vert ras des fragiles tapis végétaux est avalé par le désert de cendres du Mólifellssandur. Dans cet océan gris où ne poussent que des éclats brisés de roche, la transhumance quotidienne des trekkeurs a tracé un chemin qui semble se déployer vers un infini inatteignable. L’expression traversée du désert prend ici tout son sens. Chaque kilomètre parcouru grignotera sournoisement la volonté du marcheur trop pressé d’en voir le bout, la remplaçant potentiellement, au mieux, par une lassitude tenace ou, au pire, par un profond désespoir. Il faudra une bonne dose de patience et d’abandon de soi pour ne pas se décourager à l’apparition d’une énième section de désert à parcourir.

Laugavegur

Le Mólifellssandur nous occupe durablement. On y dépasse des marcheur/ses aux visages marqués par la fatigue, visiblement mal préparé(e)s à cet effort d’endurance inattendu. Au milieu de cette scénographie un peu plombante, des touffes blanches et acaules de ce qui ressemble à des silènes enflés émergent de la cendre. « La vie trouve toujours un chemin« , disait un éminent scientifique de cinéma. Nouveau point haut atteint. Nouveau creux à franchir étiré sur de nouveaux kilomètres. Le dernier ? En le rejoignant avec une résignation renouvelée, chacun(e) prie secrètement pour enfin voir le bout de cette pénitence. Cette fois c’est la bonne : au-delà d’une dernière côte, le sol s’affaisse et le désert cède du terrain. Le chemin a finalement trouvé une issue.

Dans la large ouverture d’une cuvette apparaissent les toits rouges du refuge d’Emstrur autour duquel des marcheur/ses fourbu(e)s dressent leurs tentes. Le bivouac posé, et sous réserve de disposer encore d’un peu de jus, il est fortement recommandé de grimper sur les hauteurs proches du canyon qui fend la terre en deux pour laisser la place à l’un des fleuves majeurs de cette partie sud de l’Islande : le Markarfljot. Vertige de couleurs et de falaises, l’endroit contraste avec la monochromie plane de l’épisode passé de Mólifellssandur. Ici encore l’Islande impressionne par sa capacité à renouveler brutalement ses décors. Pour les trekkeur/ses, Emstrur porte déjà en lui les germes nostalgiques d’une fin proche mais offre, avec le Markarfljot, une récompense méritée à glisser dans le bagage déjà bien rempli des souvenirs marquants.

Laugavegur

Jour 4 – Emstrur – Thorsmork

Distance : 15 km | Dénivelé : < 50m | Durée : 7h

Un couvercle de nuages grisonnants s’est déposé sur les reliefs pendant la nuit. La randonnée reprend donc cette fois sous une cloche plus maussade. Au bord du sentier, un panneau traduit en plusieurs langues avise le visiteur sur la conduite à tenir en cas d’éruption. Un rappel utile. On a en effet tendance à oublier que, sous la vaste calotte glaciaire du Mýrdalsjökull, quatrième plus grand glacier de l’île qui coiffe les reliefs autour d’Emstrur, se dissimule l’un des volcans les plus redoutables de toute l’Islande. Ici on est sur le territoire du Katla, un habitué des débâcles glaciaires tous les 1 à 2 siècles, voisin oriental de l’Eyjafjöll dont l’Europe n’a pas oublié l’éruption de 2010.

L’année de notre trek, c’était le Bardarbunga qui était sous haute surveillance – il entrera d’ailleurs en éruption 24h après notre départ. Le risque éruptif est une réalité sur l’île et l’un des principaux artistes continuant, encore maintenant, à façonner son décor unique. Une courte descente boucle le contournement du canyon de Syðri Emstrur, enjambé ici par un pont. Un bel endroit par où s’échappe le Markarfljot en poursuivant sa route vers le sud. Les ravins s’y adoucissent, peu à peu réduits à des sillons encaissés et faciles à franchir sans se mouiller les pieds. Ou presque. Là où le Landmannalaugar cesse d’onduler pour s’étirer en plaines évasées, un passage à gué plus long s’impose. C’est le dernier. Le périple, au-delà, ouvre son dernier chapitre.

Laugavegur

Les ultimes kilomètres s’effectuent dans une nature apaisée et généreuse. Fait suffisamment rare pour ne pas retenir l’attention du marcheur, la végétation se densifie jusqu’à même former ce qui apparaît comme une singularité en Islande : de petits arbres, aux branches grêles mais aux feuillages denses, colonisent les pourtours du chemin. Ici démarre la forêt de Thor, berceau de contes et légendes locaux enfouis dans l’ombre de ses sous-bois. C’est en l’atteignant qu’une petite bruine fine s’est mise à tomber sur nos gore-tex. Les dieux du Landmannalaugar ont fait preuve de clémence en nous épargnant le mauvais temps pendant presque toute la durée du trek. En atteignant finalement Thorsmork, terminus du Laugavegur, on se réjouit presque d’avoir finalement connu la fameuse pluie islandaise !

BONUS : DE THORSMORK À SKOGAR

Distance : 25 km | Dénivelé : 700 m | Durée : 2 jours

Vous en voulez encore plus ? C’est possible. Il existe en effet deux autres étapes pour prolonger le Laugavegur. Une sorte de version longue pour les trekkeur/ses qui ont du temps et des ressources physiques. J’en fais simple mention ici car, précisément, nous manquions de ce temps pour continuer jusqu’à Skogar et je m’en suis mordu les doigts. De ce que j’ai pu en apprendre, il s’agit de deux étapes où se révèlent encore des paysages épiques. Le sentier se taille en effet un passage mémorable entre les calottes glaciaires du Mýrdalsjökull à l’est, et de l’Eyjafjallajökull, à l’ouest. Un défilé entre deux géants avant de terminer sa journée au petit refuge de Fimmvörðuháls. Le lendemain, c’est la descente vers Skogar et le pays des cascades. Une nouvelle atmosphère pour écrire une conclusion à ce trek.

EST-CE QUE LE LAUGAVEGUR EST UN TREK DIFFICILE ?

Sur le papier, le Laugavegur offre des atouts séduisants : 4 jours – donc pas très long – prolongeables en six, très peu de dénivelé, des distances quotidiennes n’excédant pas 16 kilomètres, des refuges chaque soir… On connaît bien pire et, en ne se tenant qu’aux chiffres, le Laugavegur pourrait bien être un chouette trek qui ne nécessite pas un gros niveau technique. Donc abordable pour le plus grand nombre, d’autant que le balisage est rassurant et la trace toujours claire. Il y a néanmoins une batterie de paramètres objectifs qui peuvent, à la longue, compliquer la tâche du marcheur.

L’autonomie

Le Laugavegur peut se parcourir intégralement en refuge, à condition d’avoir pris le soin de réserver sa place à l’avance (voir plus bas). Si ça ne vous garantit pas forcément la tranquillité du sommeil, cela vous assure cependant un sac (un peu) plus léger que les trekkeur/ses voyageant en autonomie totale. Le poids de la tente en plus sur toute la durée du trek vous rendra forcément la marche moins facile. Pour vous donner mon exemple, je portais tout le matos pour deux afin que Raphaèle, dont c’était le premier trek, puisse en profiter à fond. Ce qui m’a fait démarrer à pas loin de 22 kilos. Pas idéal ! Pour celles et ceux qui choisiront l’autonomie totale, je vous invite à boucler votre sac aux alentours des 17/18 kilos maximum.

La période choisie

À moins d’être un émule de Mike Horn, votre expérience du Laugavegur se situera nécessairement entre début juin et courant septembre. Avant et après, le centre de l’Islande est sous la neige. La température saisonnière sera la meilleure entre juin et août, avec des minimales et des maximales oscillant entre 10 et 20°. En début de saison, on marchera encore pas mal dans la neige et le mercure devrait se chercher entre 4 et 10°. À partir de septembre, la moyenne entame sa chute irréversible et il ne faudra pas compter dépasser les 12-13°, avec un minimum de 5 à 7°.

Le climat

La météo sur le Laugavegur, c’est un peu la loterie. On a eu de la chance, comme vous avez pu le voir dans l’article et sur les photos. Mais, à quelques jours près, ce scénario idyllique aurait pu être tout autre. On peut, évidemment, essayer de dessiner une tendance avant le trek. Il y a de bons sites météorologiques pour ça. À titre personnel, j’utilise depuis plusieurs mois MeteoBlue, dont voici la page des prévisions pour le Landmannalaugar. Cela donne une orientation, un indice de confiance mais, en aucun cas, ce n’est une science exacte, en particulier dans ces endroits du monde violemment soumis aux éléments. La pluie – son volume, sa température – , le vent – sa force, le ressenti engendré -, pire encore le brouillard ou la neige, pourront être des adversaires redoutables. Vos armes pour y faire face dépendront des deux critères suivants.

Le mental

Votre niveau de mental pourra faire une différence importante sur le Laugavegur en cas de conditions difficiles. Avec une météo pourtant favorable lors de notre passage, j’ai été témoin d’états de fatigue assez avancés chez des marcheur/ses découragé(e)s lors de la troisième étape. Je n’ose pas imaginer comment cela aurait été avec de la neige, du froid intense, de la pluie ou du brouillard… De ce que j’ai pu voir, certain(e)s trekkeur/ses sous-estiment la capacité d’évolution rapide du seuil de difficulté de ce parcours. Grossière erreur qui se paye cher si on n’a pas un gros mental capable de faire front quand la situation se durçit. Un élément à prendre en compte avant de s’aligner sur le Laugavegur.

L’équipement

Un critère qui va un peu de paire avec le précédent. Être mal équipé sur le Laugavegur, en cas de météo hostile, peut vous coûter plus que de l’inconfort : cela peut réellement impacter votre sécurité ou votre intégrité physique. Le choix et la qualité de l’équipement joueront un rôle essentiel dans l’appréciation de la difficulté. Pour en savoir plus sur le matériel à emporter, consulter la rubrique suivante.

Laugavegur

COMMENT S’ÉQUIPER POUR LE LAUGAVEGUR

Posée entre le 60ème parallèle et le cercle polaire, l’Islande présente, pour nous autres français/es, un climat plus porté vers l’hiver que vers l’été. Il ne faut pas s’attendre à y avoir bien chaud et il ne faut pas se fier aux Islandais(e)s pour s’habiller. Les locaux se baladent à Reyjkavik en petites chemises quand le touriste a déjà passé sa polaire et sa Gore-Tex ! Pour marcher sur le Laugavegur, il faudra envisager les scénarios les plus extrêmes. Voici ce que je vous recommande de mettre comme habits dans votre sac à dos (comptez en moyenne un 55/65L).

– 1 ou 2 tee-shirt manches longues, mailles chaudes, en 1ère couche
– 1 veste hybride en 2ème couche
– 1 veste Gore-Tex 3 layers imper-respirante
– 1 doudoune pour le bivouac
– 1 collant thermique long (optionnel, dépend de votre seuil de tolérance au froid)
– 1 pantalon de randonnée
– 1 sur-pantalon imperméable
– 2 paires de chaussettes de randonnée adaptées à votre hauteur de chaussures
– 1 paire de gants
– 1 bonnet
– votre rechange du soir (caleçon, tee-shirt propre, chaussettes)

Et pour les chaussures, on met quoi ?

Le risque de prendre la pluie dictera le choix des chaussures. Le terrain n’est cependant pas technique et un compromis entre de la « grosse », trop lourde, et une « mid » trop légère devra être trouvé. À l’époque j’avais fait le Laugavegur avec mes Adidas Terrex Fast-Mid dont j’adorais le chaussant et la tenue. Mais c’était pas forcément le meilleur choix en cas de gros mauvais temps. J’ai eu de la chance : on n’a quasiment pris que du soleil et du temps sec. Une mid un peu technique, pas trop souple, au caoutchouc de semelle pas trop raide et disposant d’une membrane Gore-Tex a minima Performance (ou équivalent) me paraît un bon choix. N’oubliez pas, pour le soir, une paire de chaussures légère pour le bivouac. Certain(e)s emportent aussi des chaussures de rivière pour le passage des gués. Un poids que j’ai jugé superflu : j’ai tout franchi pieds nus mais c’était pas une bonne idée. Pourquoi ? Parce qu’on est en Islande et que, sous les pieds, vous pouvez tomber sur de la pierre volcanique bien coupante. Vous voyez où je veux en venir ?

Laugavegur

On doit emporter quoi d’autre ?

En vrac, autonomie totale ou pas, n’oubliez pas une gourde ou une poche à eau, un sac de couchage en duvet (plus compressible) dont la température confort tourne autour de 0°, un sac à viande (si vous êtes en refuge), une lampe, des lunettes de soleil, la pharmacie pour les éventuels bobos, les affaires de toilette réduites au strict minimum, la crème solaire, une couverture de survie, un sac poubelle pour vos déchets, de quoi allumer le réchaud et, le compagnon de toutes les randos, votre couteau. Les bâtons, c’est en option : si vous avez l’habitude de marcher sans, continuez ! Si votre sac est lourd et que vous n’êtes pas coutumier du fait, les bâtons peuvent en revanche vous aider.

Et pour le bivouac ?

Alors si vous avez déjà fait de l’itinérance, vous avez déjà forcément votre matos attitré. Je mets donc ici, à titre indicatif, le nécessaire à l’autonomie pour celles et ceux dont le Laugavegur serait le baptême du trek. Ce qui ne m’apparaît pas forcément comme une très bonne idée, je dis ça, je dis rien.

– 1 tente 3 ou 4 saisons légère (légère = 2 kilos environ)
– 1 tapis de sol auto-gonflant
– 1 réchaud (gaz ou essence) : j’avais un réchaud à gaz dans mon cas.
– 1 popote avec couverts + briquet ou allume-tout

Et y’a une carte, au cas où ?

Oui, il y en a une. Même si le Laugavegur est bien balisé et qu’il y a toujours du monde dessus pour se rassurer, peut-être souhaiterez-vous jouer la sécurité supplémentaire et partir avec la carte. Dans ce cas c’est la Sérkort 4, Landmannalaugar, Þórsmörk, Fjallabak au 1:100 000 et 1:50 000 qu’il vous faudra acheter et emporter.

LAUGAVEGUR : LES REFUGES

Avec sa fréquentation élevée, le Laugavegur nécessite qu’on s’y prenne à l’avance en matière de réservations. Un peu comme pour le GR®20. Le nombre de couchages varie de 52 à 78. Aussi, pas question d’arriver comme une fleur en espérant avoir de la place pour dormir, à moins d’arriver tôt, très tôt et de décrocher les (rares) dortoirs laissés libres en cas de mauvais temps. La prudence impose donc de passer par la réservation en ligne, soit par mail, soit en utilisant la plate-forme de réservation du site fi.is pour la partie jusqu’à Thorsmork, puis Utivist pour celle jusqu’à Skogar . Autre chose : on n’est pas non plus dans les Alpes où les refuges sont devenus, souvent, la version alpine d’un hôtel-restaurant. En Islande les dortoirs ont des matelas mais pas de couverture : le sac de couchage est donc indispensable. Les cuisines sont équipées mais personne ne vous fera en revanche à manger : prévoyez la popote, le réchaud et de quoi les remplir ! Pour une nuit en refuge, comptez de 5000 à 8000 couronnes islandaises, soit 40 à 65 euros.

Si vous évitez les refuges, comme nous, ce ne sera pas gratuit pour autant. Pour pouvoir planter votre tente dans l’un des emplacements prévus autour des refuges, il faudra débourser dans les 15 euros par personne et par nuit. Et si vous voulez vous doucher, il faudra rajouter 4 euros. Les plus sauvages d’entre vous pourront toujours poser le bivouac dans la nature islandaise, excepté au départ du Laugavegur où c’est formellement interdit.

LAUGAVEGUR : AVIS PERSONNEL

L’Islande, c’était le voyage un peu surprise. Par jeu, on l’avait fait tirer au sort parmi quatre autres destinations par la serveuse d’un restaurant où on appréciait de se retrouver en tête-à-tête. Et voilà comment on se retrouve quelques mois plus tard dans un avion pour Reyjkavik. Aller en Islande sans passer par le Landmannalaugar quand on est randonneur, c’est comme visiter Paris pour la première fois sans aller voir la Tour Eiffel. C’est impensable. Et, dans la mesure où on est bien équipé, le reste de la préparation est un jeu d’enfant. On était donc tous les deux surexcités en débarquant sur le seuil du Laugavegur. On avait de hautes espérances et elles n’ont pas été déçues, bien au contraire.

Ce trek est davantage que du dépaysement. C’est une immersion totale dans des paysages à nul autre pareil. Moyennant le matériel adapté, c’est le passeport découverte d’un univers sans équivalent, à mi-chemin entre l’Europe et l’Arctique, et accessible à presque tous. Le Laugavegur absorbe littéralement le marcheur dans l’infini de son espace. On pense à Matt Damon dans Seul sur Mars ou à Matthew McConaughey dans Interstellar. C’est une effusion de couleurs surnaturelles comme aucune autre montagne dans le monde n’en offre. Le calque volcanique, superposé par-dessus la singularité de ce décor, ajoute à confiner à l’exception. Si tant est qu’on soit physiquement suffisamment préparé, on oublie l’effort – modéré – pour marcher dans un rêve étrange et enfumé.

Vous l’aurez compris, j’ai été totalement conquis par ce trek. Je nourris même un profond regret de ne pas avoir pu aller jusqu’à Skogar pour en profiter davantage. Ce trek est court : quatre jours ça passe très vite et on se surprend à s’exclamer, à Thorsmork, « déjà? ». Le Laugavegur entre, haut la main, dans le « top ten » des treks à faire absolument. Un authentique haut de gamme paysager qui met l’Islande sauvage à portée du plus grand nombre, au balisage de qualité, bien sécurisé et à l’ambiance internationale bon-enfant. On s’y fait vite des compagnons de marche, façon Auberge Espagnole. Un melting-pot de nationalités traçant un cortège coloré dans l’austérité superbe du Landmannalaugar. Un vrai must. Je recommande à 200%.

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Cerro Blanco : le Pilat version Nazca

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Nazca. Le nom évoque immédiatement des images de lignes mystérieuses, tracées dans le désert par les hommes d’une civilisation aujourd’hui disparue. Il y a un lien cosmique avec le reste de l’humanité à Nazca. Mais qui sait qu’il est possible d’y faire de la randonnée ? Mais oui, là, dans ce désert hostile où la vie semble mise au défi de s’animer. Les regards sont souvent trop tournés vers les géoglyphes pour apercevoir, dans l’arrière-pays, la plus haute dune de sable du monde. On l’appelle en espagnol le Cerro Blanco et elle renvoie celle du Pilat, dans les Landes, au rang de château de sable pour enfants. Les guetteurs d’expériences insolites savent qu’on peut aller jusqu’à la descendre en snowboard ! Pour en atteindre le sommet, il faudra marcher. Une randonnée au pays de la soif et vers un objectif en tout point singulier.

Distance : 14 km | Dénivelé : 650m | Durée : 5h | Difficulté : moyen | Carte : Peru 1/100000è Série J631 Feuille 1941

NAZCA ET SES ENVIRONS

Le Pérou, c’est le pays du système D. Quelques vagues infos en poche, une liasse de soles dans la poche et tout devient possible. On séjournait plusieurs jours sur Nazca cette année-là et on avait envie de dépasser le cliché touristique du survol des fameuses lignes. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas voir les lignes : bien sûr qu’il faut les voir. Pour ce qu’elles sont, pour ce qu’elles représentent, pour ce témoignage unique au monde, oui, il faut le faire. C’est une usine à gaz – à moins d’avoir un contact sur place – où le touriste est pressé comme un citron, racketté et essoré, mais c’est la seule opportunité de contempler, en vrai, ce site exceptionnel qui interroge encore les scientifiques et les archéologues. Cependant réduire Nazca à ses seules lignes, c’est faire peu de cas des autres atouts de cette petite ville de moins de 30000 habitants de la région d’Ica, notamment en randonnée.

Cerro Blanco

Située à une quarantaine de kilomètres de la côte Pacifique, pelée et désertique, Nazca est la dernière ville avant d’attaquer la longue route vers l’Altiplano, à l’Est. Ici le Pérou frémit, se creuse et se ravine, propulsant le désert de son littoral vers des hauteurs andines immenses et désolées. À une petite douzaine de kilomètres sud-est du centre-ville, à vol d’urubu – l’un des rapaces qu’on observe le mieux depuis Lima – un sommet singulier jaillit de ces amorces de montagnes : le Cerro Blanco. Avec ses 2078 mètres, il se distingue à plus d’un titre. Ce n’est ni plus ni moins que la plus haute dune de sable du monde, une espèce de super-dune du Pilat péruvienne, et l’idée d’y grimper a naturellement germé dans nos esprits lors de notre séjour. Il paraissait même qu’il était possible de la descendre en ski ou en surf. Un truc de fou.

La plus haute dune de sable du monde, vous dites ? Comment résister à l’appel d’un titre aussi prestigieux, non ?

La manne touristique a forcément conduit un pays comme le Pérou à imaginer mille et une façon de drainer les jeunes voyageur/ses dans ses filets. Lors de notre voyage – en 2007 – l’oasis de Huacachina récoltait déjà la plupart des lauriers : lagon de rêve à l’ambiance traveler, buggy et surf en journée sur les dunes alentours et soirées-mojitos sous les étoiles du désert. Un bon cocktail. En 2020, Huacachina confirme son leadership mais le Cerro Blanco, de par son titre royal, attire néanmoins les backpackers sportifs qui veulent un peu transpirer pour pouvoir raconter qu’ils ont gravi la plus haute dune de sable du coin, du pays et, tout simplement, du monde. J’imagine que des agences proposent aujourd’hui le trip en mode all-inclusive depuis Nazca. À l’époque, on se l’était joué indépendants, en mode improvisation totale. Une méthode certes plus roots mais plus intense en souvenirs.

L’ASCENSION DU CERRO BLANCO

Un matin, on missionne donc un taxi pour nous remonter sur la route 30A – celle qui s’en va rejoindre Abancay, au pied de la cordillère Vilcabamba – jusqu’à un lacet, une vingtaine de kilomètres après Nazca (ci-dessus). On rappelle surtout au taxi de bien venir nous récupérer au même endroit d’ici sept heures. Claquements de portière, salut amical, un coup de première et le véhicule fait demi-tour, nous laissant seuls au bord de la route déserte.

Un silence de far-west écrase un décor nu et poussiéreux. Il serait malhonnête de s’épancher en qualificatifs élogieux pour décrire les alentours. Les montagnes autour de Nazca ont des allures de chantier. Je désigne d’un mouvement de tête le chemin de rocailles qui abandonne le goudron à cet endroit pour s’élever en arrondi dans les plis dénudés de monticules caillouteux. On n’a pas de carte avec nous. Le repère du Cerro Blanco, immanquable, nous servira donc de mire.

Cerro Blanco

Cerro Blanco

Ici ce n’est pas le Sahara mais l’air, sec et chaud, laisse des sillons arides dans nos gorges. Ce n’est pas le moment d’avoir oublié sa bouteille d’eau à Nazca parce que l’endroit est plutôt pauvre en matière de sources. C’est une végétation cassante et rachitique qui tend des branches décharnées à travers la caillasse. Des cactus jaunâtres y poussent de manière erratique, jalonnant une voie sensiblement dallée.

Contre toute attente, la trace demeure bien visible dans ces montagnes qui respirent l’abandon. Sans doute le passage des mules, dont on distingue sans peine la trace des sabots dans l’ocre brûlant du sol, n’y est-il pas étranger. Autant de repères faciles à suivre pour traîner nos carcasses suantes en direction du Cerro Blanco. Ici les distances sont à la fois trompeuses et sidérantes.

Le serpent de la route réapparaît ainsi avec l’altitude, sinuant dans le néant d’un décor renié par la nature. Des cairns surgis de nulle part se repèrent parfois en nous confirmant qu’on est sur la bonne voie. Un sable timidement rosé a commencé à se déposer sur les étages supérieurs de ce no-man’s land où nulle âme qui vive ne se croise.

L’espace s’ouvre plus largement, constellé de petits arbres noircis dont les branches squelettiques rampent à même le sol. La dune massive du Cerro Blanco occupe maintenant l’horizon, sorte de monstrueux lombric enseveli sous une couverture de poussière organique. L’ascension ensablée démarre. C’est le morceau de bravoure de cette drôle de randonnée qui vient vite rappeler que marcher dans le sable, c’est loin d’être simple.

Cerro Blanco

À partir de maintenant, la trace se fait à vue, dans une pente encore modeste mais où on se surprend pourtant à chercher son souffle. Ce n’est pourtant pas là qu’il faut griller toutes ses cartouches : cette première rampe est un leurre, une antécime trompeuse qui dévoile de nouveaux étages sableux à gravir une fois franchie. Les espaces sommitaux ont des allures de Néguev. L’erg péruvien me propulse dans la peau de Paul Atréides, le héros du roman Dune de Frank Herbert.

Le vent a creusé des vaguelettes de sable et a déjà recouvert d’anciennes empreintes qui se dirigent vers ce qui doit être le point culminant des lieux. Pareils à deux bédouins andins abandonnés dans un océan de sable, Guillaume et moi progressons vers le dernier obstacle : une immense pyramide, lisse et brillante, qui déploie une interminable arête vers son sommet.

Cerro Blanco

Cerro Blanco

C’est le moment de vérité. Les appuis se défaussent, l’adhérence est traître. Le mirage de la fin qui se dérobe à chaque pas. Les ultimes mètres ont un prix mais le cadre de l’exercice est à ce point unique qu’on en oublie l’air chaud, le cœur qui bat la chamade et une asphixie en devenir. C’est de là-haut que l’environnement prend un sens et révèle sa démesure.

C’est un horizon de western qui encercle le Cerro Blanco, une succession interminable de crêtes fauves que creusent des vallées sans nom.

Une fragrance d’hostilité fascinante plane sur ces montagnes lunaires et grignotées par l’érosion. La pente peu à peu se couche alors que les chaussettes se remplissent un peu plus de sable. Le sommet de la pyramide est en fait une longue ligne de crête définissant, de part et d’autre, deux versants férocement pentus.

Cerro Blanco

Le regard du skieur et du snowboarder que nous sommes se projette avec curiosité dans cette piste jaune perdue dans un nulle part sud-américain. Est-ce que ça glisse réellement ? Est-ce qu’on peut carver comme des sales dans du sable ? Interrogations sans réponse. Au nord-ouest la plaine de Nazca est noyée dans une brume de chaleur qui la rend indistincte. La côte Pacifique, elle, est totalement invisible.

Le dénuement miséreux du paysage impressionne.  Le Cerro Blanco trône au milieu, formidable éruption de sable projetée à plus de 2000 mètres d’altitude. Le Pilat, dans les Landes, n’a qu’à bien se tenir ! Malgré un air un peu plus frais, la chaleur incite au mouvement pour éviter de rôtir comme les poulets d’une polleria de Nazca. On distille encore un peu d’eau chaude dans nos gorges avant de réajuster les sangles du sac à dos et de faire demi-tour.

LE CHEMIN DU RETOUR

La dégringolade, même sans ski, est vite expédiée. On rejoint plus vite qu’à l’aller les étages inférieurs, bidonvilles du désert où les plastiques abandonnés et emportés par le vent décorent les branches nues et carbonisées de chaleur d’arbres à la silhouette émaciée. Drôle de spectacle. La propreté n’est pas la préoccupation première du pays, comme on a pu le constater lors de notre arrivée à Lima.

Il y a du chemin à faire en matière de conscience environnementale et trouver trace de déchets humains ici, dans ce rien suffoquant et désert, est aussi étonnant qu’alarmant. De nouveaux cairns nous remettent dans la bonne direction, même si me louper ne m’apparaît pas comme une option envisageable tant la voie à suivre paraît claire à mes yeux.

Le chapeau de sable finit par être entièrement avalé par les ravins stratifiés du socle rocheux du massif. Tout ici n’est qu’à nouveau une succession de vagues moroses faisant le dos rond à l’infini. Une monochromie usée couleur sang y impose sa présence matte, interdisant à toute chose, excepté les cailloux, de prendre racine. J’y imagine bien une colonne d’indiens à cheval laissant derrière eux un nuage de poussière.

Je ne m’attendais pas à cette virginité crue en Amérique du Sud. Mais la suite de mon voyage m’apprendra à m’y habituer.

Un coup d’œil à la montre me tire de mes pensées. Il est déjà bientôt l’heure de retrouver notre taxi. On se laisse couler à vue une dernière fois dans ce décor inhospitalier et minimaliste. Une petite angoisse que le chauffeur nous ait oubliés s’est glissée dans nos esprits. En vain. Il est là et bien là. On l’apprendra également vite : ici personne ne passe à côté d’une occasion de gagner une poignée de soles de plus.

ACCÈS AU CERRO BLANCO

Si vous voulez vous la jouer comme nous, il faudra attraper un taxi depuis Nazca et vous faire déposer au bord de la route 30A, à 22 kilomètres de là (environ 25 minutes de voiture) au point UTM suivant : 14°51’20.0″S 74°47’39.8″W. Pensez à aviser le taxi de venir vous rechercher à une heure convenue à l’avance avec lui.

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

À moins de partir en groupe constitué, avec une agence, au départ de Nazca, vous serez seul(e)s au monde sur la route du Cerro Blanco. Peut-être alors sera-t-il bien d’aviser votre hospedaje que vous êtes en mission par là-haut. Même si se perdre paraît peu probable, il est néanmoins possible de dévier plus ou moins de la trajectoire et de se rallonger accidentellement.

La région de Nazca est aride. Comme vous avez pu le voir sur les photos, la végétation bataille pour exister et la poussière, avec les rochers, semble être la mieux adaptée à son environnement. Il fait donc plutôt chaud et la déshydratation est rapide. Équipez-vous bien contre la chaleur et le soleil : lunettes, crème, chapeau et de l’eau, en conséquence.

L’ascension du Cerro Blanco n’est pas à qualifier de facile. Elle n’est pas non plus insurmontable. C’est néanmoins un exercice fatigant. Parfois fastidieux. La faute à son environnement martien qui fait à la fois son charme unique et sa disgrâce. La faute aussi à la chaleur qui fait monter de plusieurs degrés la température corporelle et la difficulté. La faute, enfin, au sable qui emprisonne le pas, notamment dans la pente finale où le cardio s’affole.

CERRO BLANCO : MON AVIS PERSO

Ne nous mentons pas. En matière de paysage de randonnée, il y a beaucoup mieux que les montagnes de Nazca et, si vous êtes court en temps pendant votre voyage, cette ascension ne sera probablement pas une priorité. Cela reste néanmoins une expérience singulière et hors du temps. Un terrain très péruvien dans l’âme, à la manière qu’il a de projeter le voyageur très rapidement dans un autre monde aux repères habituels fragiles. En 2007, j’avais 32 ans et une soif d’aventure assez insatiable. J’étais donc partant pour tout ce qui s’écartait des autoroutes touristiques. Et, il faut l’avouer, on croise beaucoup moins de monde au sommet du Cerro Blanco que sur l’aérodrome de Nazca !

La force de cette randonnée est précisément là : dans sa nature à contre-courant, dans ce qu’elle procure comme sensation de découvrir le pays sous un autre angle que l’écrasante majorité de celles et ceux qui n’en verront rien d’autre que les lignes. Et puis on parle quand même de la plus haute dune de sable du monde, rien que ça ! La volonté d’aller tout là-haut ne serait peut-être pas la même s’il s’agissait d’une dune parmi d’autres dunes. On est ici dans une optique de collectionneur de spots remarquables sur Terre. Ce n’est peut-être pas donné à chacun(e) d’atteindre l’Everest mais, en revanche, le Cerro Blanco, pourquoi pas ? Autant d’éléments qui, encore aujourd’hui, ne me font pas regretter mon choix de l’époque et me convainquent de le partager avec vous, treize ans après.

QUE FAIRE D’AUTRE À NAZCA SINON ?

Tant qu’à être à Nazca – et dans la mesure du temps que vous avez à disposition – voici d’autres suggestions de choses à faire en marge de la randonnée.

Les Géoglyphes de Nazca

Oui, personne n’est dupe, les lignes de Nazca c’est LE business local. On y récolte du dollar et du sole en pagaille et on fait s’envoyer en l’air les hordes de touristes qui se pressent au hublot pour contempler ce qui, avouons-le, est un héritage unique et exceptionnel. Le site n’a pas son équivalent ailleurs dans le monde. Près de 80 km de long : des proportions démentes. C’est l’ultime témoignage d’une civilisation de 800 ans d’âge qui, 2000 ans plus tard, continue d’interroger les archéologues. Quand, comme moi, on a été sevré aux Mystérieuses Cités d’Or et à Indiana Jones, les lignes de Nazca ont des allures de Saint-Graal.

Plusieurs théories s’affrontent encore de nos jours pour comprendre l’usage et/ou le symbolisme de ces personnages ou de ces lignes géométriques rendus visibles en déplaçant les cailloux du désert. La somme de travail nécessaire ajoutée à la précision de l’opération – certaines lignes font des kilomètres ! – confèrent à l’incroyable. Était-ce un calendrier ? Une structure d’irrigation ? Un espace rituel ? Une Stargate ? Nous n’aurons jamais la réponse mais les géoglyphes sont de ces sites où les bribes d’un passé hautement inflammable pour l’imagination rend l’Histoire de l’Humanité fascinante.

Sur un plan pratique il faut se rendre à l’aérodrome de Nazca. Il est facile à trouver : c’est là où il y a le plus de monde ! Dedans, c’est un joyeux foutoir avec toutes les agences qui vendent la prestation. Le prix moyen constaté est d’environ 80 US$ pour environ 30 minutes de vol, décollage et atterrisage compris. Ce que je veux dire par là, c’est que ça passe vite. Et aussi que ça brasse : il est courant de voir un(e) passager(e) dégobiller son petit-déjeuner dans le sac fourni à cet effet. Certains pilotes, je pense, se font ce petit plaisir pour amuser leur journée. Vous ferez le tour des principales figures avant d’être ramené(e)s à l’aérodrome et gentiment poussé(e)s vers la sortie si vous n’avez pas l’intention de consommer davantage. Faut pas exagérer non plus !

Petit plus : avant – ou après – le survol des géoglyphes, une visite au planétarium Maria Reiche s’impose pour celles et ceux qui souhaitent approfondir le sujet. La séance se fait en soirée à l’hôtel Nazca Lines, sur un dôme prévu à cet effet, et développe l’histoire, les théories et la mythologie des cultures précolombiennes. Durée : 45 minutes. Séances en anglais à 19h et 21h. Tarif : 20 soles.

Le Cimetière de Chauchilla

Quand le taxi vous débarque à Chauchilla, vous vous dites qu’il s’est bien payé votre tête. Vu du sol, il n’y a strictement rien. On est en plein milieu d’un désert de cailloux, entouré de montagnes brunes pelées, et aussi plat qu’un hérisson écrasé sur une nationale. Une série d’abris bancals sert de parking et protège les visiteurs d’un soleil de plomb. Des petits cailloux blancs délimitent des allées pour la visite. Mais qu’y a-t-il à voir exactement ? Pour le découvrir, il faudra emprunter ces chemins rudimentaires et se laisser surprendre par le contenu des tombes qui ont été mises à jour sur le site de cette nécropole.

On est à une trentaine de kilomètres de Nazca et, même si l’endroit n’a pas été épargné par les pilleurs, il permet un face-à-face avec les reliques d’authentiques Nazcas. On vient ici pour les momies, parfaitement conservées et posées, intactes, dans leurs tombes. D’aucun(e) trouveront l’endroit macabre. Les féru(e)s d’archéologie l’apprécieront, pour leur part, à sa juste valeur car nulle part ailleurs, au Pérou, n’est-il possible de voir ainsi des momies dans leurs tombes d’origine. On en fait le tour quand même assez vite, d’autant qu’il y fait bien chaud. À coupler avec le site suivant.

Tarif : 8 soles/adulte

L’Aqueduc de Cantalloc

Quand on regarde autour de soi, à Nazca, on a du mal à imaginer que la civilisation de l’époque avait tout misé sur l’agriculture. Comment faire pousser quoique ce soit, à part des cailloux, dans ce milieu stérile et écrasé de chaleur où il ne pleut que deux jours par an ? Sans aucun tuto YouTube à l’époque, les ingénieurs avaient pourtant trouvé la solution : l’irrigation. L’objectif ? Optimiser le ruissellement de l’eau descendue, en souterrain, des montagnes alentours. À l’inventaire, on trouve donc des galeries – les puquios – et des aqueducs, en forme de colimaçon, qui s’enfoncent dans le sol. Ce sont eux qui s’observent à Cantalloc et vous savez quoi ? Ils sont encore en parfait état de marche ! Un site étonnant qui témoigne d’un savoir-faire et d’une capacité d’adaptation incroyables.

Tarif : 10 soles/adulte

HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

L’offre à Nazca ne manque pas. Les rabatteurs non plus. C’est un sport national que de cueillir le touriste déboussolé au saut du bus pour le convaincre de poser ses valises dans un hôtel défini en échange d’une commission. Marrant au début, souvent pénible au bout d’un moment. Nazca n’échappe pas à la règle. À l’époque on n’avait pas dormi à l’hôtel. On voyageait pas mal avec CouchSurfing et, pour le coup, c’était franchement un bon plan. Comme beaucoup de couchsurfers, on avait atterri au domicile d’Edgardo, dans une petite rue tranquille de la ville. Edgardo c’est vraiment l’hospitalité incarnée. Grâce à lui, on a pu passer en VIP à l’aérodrome avec un tarif arrangé. C’est lui qui parlait souvent aux taxis pour leur dire où nous amener et à quel prix. Il travaillait au planétarium Maria Reiche lors de notre passage : c’est lui qui faisait les conférences. Autant dire qu’il en connaissait un rayon sur les lignes. Mais pas que. C’est une personne hautement cultivée, qui a pas mal voyagé. C’était un plaisir de converser le soir avec lui autour d’un mate. Je vous parle de ça il y a maintenant 14 ans… J’ai néanmoins retrouvé sa trace sur CouchSurfing sous le nom d’Edgarstar. A priori, avec 342 avis confirmés et positifs, l’homme a poursuivi dans la tradition de l’accueil et de la générosité désintéressée.

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10 Idées de Randonnées en France pour se déconfiner la tête et les pieds

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Tout ce qui a un début a aussi une fin. Le 11 mai prochain, la France sera à nouveau autorisée à prudemment sortir de chez elle. Officiellement, surtout, pour relancer l’économie en berne. Officieusement, un sérieux besoin de nature, de courir et de randonner devrait occuper l’esprit de chacun(e). Et surtout à plus d’un kilomètre du domicile. J’ai donc eu l’idée de cette sélection de dix randonnées en France, plutôt faciles, pour retrouver le plaisir du grand air. Une liste non exhaustive qui tente de couvrir le plus largement possible la France, tant à la campagne, qu’à la montagne ou sur le littoral. C’est une sélection tirée de ma propre expérience. Je n’y fais mention que d’itinéraires que je connais et que j’ai parcourus. Je vous laisse le soin de la compléter en commentaires pour multiplier les suggestions à destination d’autres randonneur/ses. Cet article est aussi le vôtre et peut, bien évidemment, être utilisé au-delà du déconfinement.

RAPPEL COVID-19

Au 11 mai, l’évolution de la situation sanitaire en France a convaincu le gouvernement de mettre fin au confinement démarré le 18 mars dernier. Nous serons donc à nouveau autorisés à quitter nos domiciles sans autorisation et sans limitation de temps mais sans dépasser un périmètre de 100 kilomètres autour de ceux-ci. Au-delà, il faudra justifier de motifs impérieux, familiaux ou professionnels.

Attention toutefois car la question subsiste, selon le domicile de chacun(e), de pouvoir (ou non) inclure le ou les département(s) voisin(s) quand ceux-ci sont dans le périmètre de ces fameux cent kilomètres. La position du gouvernement n’est pas encore exactement claire à ce sujet (voir cet article du Monde) et la classification différenciée par couleur (rouge, orange ou vert) pourrait, à l’appréciation des préfets, déterminer si, oui ou non, il sera possible de quitter son propre département pour couvrir ces 100 km autorisés.

La constitution de groupe sera à éviter au maximum. Le co-voiturage est interdit. Le gouvernement évoque, pour les rassemblements, une limitation à 10 personnes dans un premier temps. Les gestes barrière et la distanciation devront être maintenus en extérieur dans la mesure du possible. Les hébergements resteront, pour l’heure, fermés. La reprise de l’itinérance sera donc restreinte à l’éventualité du bivouac, dans le respect de la règlementation habituelle.

Ces nouvelles mesures concernant les randonnées en France prendront donc effet, a priori, dès le 11 mai et pour une durée de trois semaines. Un nouveau point sera fait début juin pour décider d’ouvrir davantage ou, a contrario, de restreindre à nouveau le plan de déconfinement.

1. LES CASCADES DU SAUTADET – GARD

Difficulté : facile | Distance : 7 km| Durée : 3h | Dénivelé : 150 m

Descendue des Cévennes depuis Saint-André-Capcèze, la Cèze achève sa course de 128 kilomètres dans le Rhône, peu après la commune gardoise de Bagnols-sur-Cèze. Mais, avant cela, la petite rivière va s’octroyer une dernière folie, juste en-dessous du très beau village de La Roque-sur-Cèze. Ici le lit se rompt soudainement, précipitant le cours d’eau dans un remarquable maelström de cascades. L’eau, calme à son arrivée sur le site, s’affole et gronde en emplissant d’une fureur insoupçonnée de remarquables marmites de géants.

Les cascades du Sautadet, c’est un passage tumultueux de calcaires entremêlés en canaux et cavités où la Cèze se paie un dénivelé brutal et mugissant de quinze mètres.

L’endroit est bien connu dans le coin. On peut y trouver beaucoup de monde. La prudence y reste de mise : les accidents y sont fréquents. À l’époque médiévale, on mettait ça sur le dos du diable. En 2020, on sait que Satan n’a rien à voir là-dedans. L’inconscience est seule coupable des tristes noyades qui ont endeuillé l’endroit. Pour agrémenter la visite, une petite boucle balisée du jaune des PR s’enroule autour du village de La Roque – qu’on n’oubliera pas de visiter – avant de longer la Cèze, en hauteur, peu après le Serre du Gavot. Retour tranquille par la petite route desservant le parking.

Carte : IGN TOP25 1/25000è 2940OT Bagnols-sur-Cèze, Pont-Saint-Esprit, Gorges de la Cèze
Accès : depuis l’A7, prendre la sortie 19, Bollène/Pierrelatte. Après le péage, au rond-point suivre à droite la D994 et suivre la direction Alès – panneau vert – jusqu’à Bagnols-sur-Cèze. À l’entrée de Bagnols, au rond-point indiquant l’Intermarché à droite, tourner à droite sur la D980 direction Barjac, Saint-Gervais. Après environ 8 km, tourner à gauche par la D166 direction La-Roque-sur-Cèze. Franchir le pont avant le village et, à sa sortie, prendre à droite pour rejoindre le parking (payant en saison).
Notes : le parking du Sautadet pourra sembler cher mais le stationnement peut être compliqué – et interdit – en-dehors de celui-ci. On en était à 4 euros par voiture lors de ma dernière visite. Depuis le parking, il faut marcher environ 1,5 km pour rejoindre le site des cascades. Il peut se pratiquer autant en rive gauche qu’en rive droite mais pas de boucle possible quand on va en direction de l’aval. Les deux côtés sont sympas.
À voir également : pas loin de là il y a la Chartreuse de Valbonne que j’avais visité lors d’un reportage sur le GR®42. Un bel endroit, paisible et entouré d’une forêt dans laquelle il est également possible de réaliser une boucle de randonnée de quelques heures. Ça se couple bien avec le Sautadet.

2. LA PASSERELLE D’HOLZARTÉ – PYRÉNÉES-ATLANTIQUES

Difficulté : moyen | Distance : 13 km| Durée : 5h | Dénivelé : 550 m

C’est l’un des hauts lieux de la randonnée à grand spectacle du Pays Basque. Quand on la découvre – en photo ou en réalité – on pense immédiatement à Indiana Jones et le Temple Maudit. C’est un ouvrage exceptionnel, restauré et entièrement sécurisé après avoir été endommagée par Xinthia en 2010, jeté sur 70 mètres de long en travers des Gorges d’Holzarté, à quelques 150 mètres au-dessus du torrent bouillonnant de l’Olhadubi. On y accède depuis Logibar, son pont et son gîte, en bordure de la route menant à Larrau.

Holzarté ! C’est un peu LA passerelle suspendue qu’on rêve de traverser au moins une fois pour flirter avec la sensation exquise du vide

Ne soyez pas surpris d’y trouver les balises rouge et blanc des GR® car c’est également l’itinéraire emprunté par la traversée des Pyrénées, alias GR®10. La suite de la randonnée permet une agréable découverte de la Soule, en remontant à travers la forêt jusqu’au pont de l’Olhadubi et le cayolar éponyme. Les cayolars sont du bâti typique, équivalent local des burons d’Auvergne ou des capitelles provençales. Le GR®10 s’enroule ensuite au-dessus des gorges naissantes en révélant un alignement de sommets posés à la frontière de l’Espagne. On le quitte plus tard pour un PR qui refait perdre rapidement de l’altitude pour revenir à Logibar.

Carte : IGN TOP25 1/25000è 1446ET Tardets-Sorholus / Arette / La-Pierre-Saint-Martin / Canyons de la Haute Soule
Accès : depuis l’A64, rejoindre Pau et suivre la direction Saragosse – panneau vert et rejoindre Oloron par la N134. À l’entrée d’Oloron, au rond-point, suivre la D6 et continuer en direction de Saragosse et Huesca. Au 8ème rond-point, suivre à droite la D24 puis D919 direction Féats, Aramits, Arette et Tardets. Après Aramits, la D919 devient D918. La suivre. Après Montory, rouler encore 5 km et tourner à gauche, par la D26, direction Larrau et Sainte-Engrâce. Suivre la D26 jusqu’à Logibar et se garer sur le parking de l’auberge. https://auberge-logibar.com/
À voir également : pour des images en vidéo de la passerelle d’Holzarté, je vous invite à regarder l’épisode de l’Instant Passion Rando consacré au Pays Basque que j’avais réalisé en 2016. Vous y retrouverez également des images de randonnées vers les crêtes d’Iparla et vers le sommet de La Rhune.

3. LE CIRQUE DE SAINT-MÊME – ISÈRE

Difficulté : assez facile | Distance : 4 km| Durée : 1h45 | Dénivelé : 200 m

S’il y a bien une constante qui contribue à donner un cachet supplémentaire aux randonnées en France et ailleurs, c’est bien l’eau. Torrent, lac, étang ou cascade : quelle que soit sa forme, l’eau est un catalyseur d’émotions. Et puis, au-delà encore, il y a ces endroits où la conjugaison d’éléments naturels forts fait passer le spectacle de l’eau un ou plusieurs crans au-dessus. Le Cirque de Saint-Même appartient à cette catégorie, incroyable féerie aquatique dont la mise en scène séduira même le public le plus récalcitrant. Saint-Même, ce sont d’abord des prairies clairsemées, délicatement ombragées et couvées par les falaises de la Chartreuse.

Le Cirque de Saint-Même est peut-être le seul endroit qui m’ait jamais donné l’impression d’arriver au royaume des Elfes de Fondcombe.

Un endroit où le temps est invité à ralentir. Le sentier des cascades y prend son élan, boucle gentiment sportive pour le grand public qui dessert les principales chutes. Évidemment, la vedette c’est la Grande Cascade, impressionnant rideau d’eau claire dévalant avec grâce des pans entiers de strates urgoniennes sombres. Son petit pont de bois, tout en arrondi, devrait être le décor de toute photo-souvenir. Ce star-system ne devra pas pour autant en faire oublier les trois autres chutes du cirque : la Cascade des Sources, la Cascade Isolée et la Pisse du Guiers, toutes visibles depuis l’itinéraire. Une très belle sortie pour s’initier aux décors de rêve du massif de la Chartreuse.

Carte : IGN TOP25 1/25000è 3333OT Massif de la Chartreuse nord
Accès : depuis l’A48 ou l’A49 et la barrière de péage de Veurey-Voroize, prendre la sortie 12, Voreppe (en venant de Lyon ou Valence) ou la sortie 13, Voreppe (en venant de Grenoble). Poursuivre jusqu’à Voreppe par la D3. Au rond-point, suivre la 1ère à droite, direction Le Chevalon de Voreppe – D1075 – puis, un peu avant le feu, prendre à gauche la rue Xavier Jouvin. Au stop, continuer de monter tout droit. Au stop suivant, prendre à gauche vers le centre de Voreppe. Idem au stop d’après. Au rond-point, suivre la D520a en direction de Saint-Laurent-du-Pont. À l’intersection avec la D520, tourner à droite direction Chambéry et Saint-Laurent-du-Pont. Au rond-point, à la sortie de Saint-Laurent-du-Pont, tourner à droite, par la D102, direction Saint-Pierre-d’Entremont. Dans le centre de Saint-Pierre, face à l’office de tourisme, prendre à gauche, direction Entremont-le-Vieux et Chambéry, par D512. Traverser le bourg et, juste après le pont sur le Guiers-Vif, tourner à droite, par D45c, direction Cirque de Saint-Même.
Notes : le parking du cirque est payant entre le mai et septembre. Comptez 3,5 euros par voiture. Un bar, un restaurant et une auberge sont également présents.
À voir également : avec le temps que j’ai passé en Isère (j’y ai habité de 1998 à 2011) je suis juste abasourdi de ne pas avoir pu sauver davantage de contenus pour le blog avec tout ce que j’ai pu crapahuter dans le secteur en 13 ans. La Chartreuse, par exemple, fait partie de ces massifs que j’ai particulièrement poncé avant la naissance du blog. De cette époque où je n’écrivais pas ni ne prenais de photos il ne reste que les souvenirs dans ma tête. Le seul contenu estival « récent » qui parle de la Chartreuse, c’est cet épisode spécial (très) ancien que j’y avais tourné avec mon ami développeur Franck Merloz pour évoquer et tester une application appelée RandoLive. Mes seules images estivales de Chartreuse pour Carnets de Rando.

4. LA SUISSE NORMANDE – CALVADOS

Difficulté : moyen | Distance : 13,5 km| Durée : 4h15 | Dénivelé : 400 m

Avant d’y mettre les pieds, le concept d’évoquer la Suisse en Normandie prêtait à sourire le montagnard que je suis. La – bonne – surprise n’en fut que plus grande. Là, dans ce petit bout de territoire serré entre le sud de Caen et l’Orne, le Calvados se plisse et bombe le torse. Certes pas au moins de rivaliser avec les sommets du Valais. Mais une certaine idée de la Suisse se reflète dans le vert lumineux des lieux et dans l’harmonie paysagère. Au printemps, et jusqu’au début de l’été, la palette de couleurs donne l’impression de naviguer dans un tableau impressionniste.

Randonner sur les bucoliques sentiers fleuris de la Suisse Normande, c’est être aspiré au cœur d’une nature généreuse et authentique.

Du haut des Rochers des Parcs, c’est une image d’Épinal de la campagne à la française qui se dévoile : champs et cultures joliment ordonnés au cœur d’un bocage sauvegardé, ondulations boisées de reliefs aux courbes douces, murs blancs et toits ardoisés des maisons des hommes intégrés au tableau… Et au milieu coule une rivière : l’Orne, qui s’arrondit en larges lacets entre deux rangées de feuillus. Il y a du plaisir, pour la tête et les jambes, à randonner ici. La présence du rocher achève de conférer un cachet particulier à cette Suisse façon Normande qui devrait venir à bout de toute idée reçue que vous pourriez avoir sur ce territoire.

Carte : IGN TOP25 1/25000è 1514SB Condé-sur-Noireau / Clécy / Suisse Normande
Accès : depuis Caen et le périphérique, prendre la sortie 11, Suisse Normande, et suivre, aux ronds-points suivants, la direction Flers, Laval (panneaux verts) par D562. Traverser Thury-Harcourt, puis Caumont-sur-Orne, puis Saint-Rémy. Après le pont sur l’Orne, repérer à gauche la D168 pour Clécy.
À voir également : si la vision du bocage normand vous a séduit(e.s), je vous redirige vers une autre randonnée à faire dans ce secteur, au départ du Bény-Bocage, à une demie-heure en voiture, à l’ouest de Clécy. Il s’agit d’un itinéraire qui vous fera découvrir la Vallée de la Souleuvre. Je ne vous en dis pas plus, allez voir par vous-mêmes !

5. LE CIRQUE DE MOURÈZE – HÉRAULT

Difficulté : facile | Distance : 2,5 km| Durée : 1h | Dénivelé : 75 m

La première fois que je suis venu à Mourèze, c’était en 2015 pour Carnets de Rando. Depuis, pas une année ne se passe sans qu’un projet professionnel avec l’Hérault ne m’y reconduise. Autant dire que je commence à le connaître aussi bien que la Sainte-Victoire ! Le Cirque de Mourèze trouve sa place sans effort dans cette sélection de randonnées : le site est visuellement bluffant et insolite, il n’y a pas besoin de marcher des heures pour en profiter et il est posé tout contre un charmant petit village où il fait bon flâner avant ou après la balade.

À Mourèze, la géologie lance un défilé digne de la haute couture, mais version caillou

On pense à un Arches National Park, modèle réduit et aux accents d’Hérault. Le randonneur déambule dans cette collection minérale comme le visiteur dans un musée. Pour le voir de haut, pas besoin de monter jusqu’au sommet de la Montagne de Liausson – bien que je vous invite grandement à le faire pour un face-à-face avec un autre site majeur du département : le lac du Salagou – car un point de vue a été aménagé au sommet d’un des plus gros piliers, près de l’entrée du site, pour dominer le monde de Mourèze. Peut-être croiserez-vous sur votre chemin l’un des hôtes du lieu, le scorpion du Languedoc

Carte : IGN TOP25 1/25000è 2643OT Lodève, Bédarieux, Lac de Salagou
Accès : depuis Montpellier nord, suivre l’A750 direction Béziers/Millau/Clermont. A la jonction avec l’A75, suivre au sud la direction Béziers et prendre la sortie Clermont-l’Hérault. Au rond-point à la sortie de l’autoroute, aller tout droit. Au rond-point suivant, continuer également tout droit, par D908, direction Bédarieux. Après Villeneuvette, suivre à droite la direction de Mourèze et du cirque dolomitique par D8. Se garer à l’entrée de Mourèze : stationnement règlementé et payant (3 euros/véhicule)
À voir également : la randonnée complète – celle qui va jusqu’au sommet de la Montagne de Liausson (7,5 km/3h) – a fait l’objet d’un reportage détaillé assorti d’un épisode de Carnets de Rando : Planète Salagou. Vous pourrez ainsi poursuivre votre exploration de ce secteur autour du Salagou, notamment du côté des ruffes des Sources de Lagarel.

6. LE PLATEAU DE MILLEVACHES – CORRÈZE

Difficulté : moyen | Distance : 14 km| Durée : 4h15 | Dénivelé : 400 m

Je me sentirais coupable de ne pas inviter la Corrèze dans cette sélection de randonnées en France. Je l’ai dit à l’époque et je le répète aujourd’hui : les marcheur/ses à la recherche de nouveaux horizons pour leurs sorties doivent se donner rendez-vous en Corrèze. Le territoire en a à revendre en terme de paysages et d’identités. Parmi eux, un plateau dont le nom a une consonnance familière : le Plateau de Millevaches. Au même titre que l’Aubrac ou le Larzac, le nom de Millevaches évoque l’image d’une nature vaste et isolée, comme un peu sortie d’un conte imaginaire.

Surprise, là où on s’attendait à trouver mille vaches de trouver en réalité mille sources. Perché à près de 1000 mètres d’altitude, le plateau est le château d’eau de la Corrèze.

Le fameux plateau ne ressemble pourtant ni à l’un, ni à l’autre. Et même les mille vaches ne s’y retrouvent pas entièrement ! La découverte tient alors de l’inattendu. À celles et ceux qui se feraient une fausse idée de ce haut lieu, venez donc vous promener sur les sentiers d’une nature épanouie. L’eau joue un rôle central sur ce toit de la Corrèze – on flirte avec les 1000 mètres d’altitude – aujourd’hui classé en Parc Naturel Régional. Étangs et tourbières s’y dévoilent entre deux tranches de forêt. La faune et la flore régaleront les naturalistes curieux. Un vrai bol d’oxygène.

Carte : IGN TOP25 1/25000è 2232SB Bugeat, Peyrelavade
Accès : depuis Paris, A10 jusqu’à Orléans, puis A71 direction Clermont-Ferrand. Après la sortie 12.1 « Combronde », suivre par l’échangeur l’A89 direction Bordeaux. Prendre la sortie 23 « Meymac ». Autre possibilité depuis Paris : A10 puis A71 jusqu’à Vierzon : de là prendre la direction Limoges, par A20 et rejoindre l’A89 après la sortie 46 « Perpezac ». De là rejoindre la sortie 23 « Meymac ». Depuis Bordeaux, suivre l’A89 direction Clermont-Ferrand. Depuis Toulouse et le sud, suivre l’A20 et attraper l’A89 après la sortie 47 « Donzenac ». Dans tous les cas, prendre la sortie 23 « Meymac », sur l’A89. Rejoindre le centre-ville de Meymac par la D979 puis, tourner à droite par la D36 direction Millevaches. Stationnement sur les espaces parking de la Maison du Parc.
Notes : il peut faire chaud en Corrèze, je l’ai vérifié ! Même si Millevaches est synonyme de sources, n’oubliez pas votre eau ! Et faites attention aux tiques.
À voir également : cette randonnée avait fait l’objet d’un reportage complet et d’un épisode de Carnets de Rando, tourné avec Florian Guinot, du Burau des Accompagnateurs de la Montagne Limousine, que vous pouvez découvrir en cliquant ici.

7. CAP FRÉHEL – CÔTES-D’ARMOR

Difficulté : moyen | Distance : 12 km| Durée : 3h30 | Dénivelé : 135 m

Cet article me donne enfin l’occasion de partager mon expérience de ce petit coin de Bretagne où j’ai eu la chance – avec certain(e)s d’entre vous mêmes ! – d’aller réaliser un petit reportage pour la FFRandonnée. Sauf que la FFRandonnée ne l’a malheureusement jamais diffusé. Des problèmes d’agenda qui, à force de reporter encore et encore une possible sortie, ont fini par évincer totalement le film. Dommage. Il ne m’en reste pas moins quelques photos et la profonde conviction que le Cap Fréhel est un spot bercé par les embruns et les piaillements des mouettes où la randonnée prend des allures de grand large.

Le Cap Fréhel préfigure l’imagerie à venir du Finistère avec ses roches découpées, ses criques secrètes et ses couleurs bretonnes uniques

Le départ se fait par l’intérieur des terres, permettant ainsi de ménager l’effet de surprise à venir. Passé le Doigt de Gargantua, menhir caractéristique, on débouche sur la Pointe de la Latte et son incontournable fort. Premier temps « fort ». De là on amorce une traversée littorale en direction du Cap Fréhel, de son phare, de ses falaises rouges et de ses tapis denses de bruyère qui inondent le lieu de rose et de violet. L’endroit est beau assurément et construit une ambiance propre à lui. C’est l’esprit de la Bretagne qui souffle sur ses sentiers. Le retour se fait dans l’immense Lande de Fréhel, jardin maritime coloré avec vue sur mer. Inoubliable.

Carte : IGN TOP25 1/25000è 1016ET Saint-Cast-Le-Guildo / Cap Fréhel
Accès : depuis Paris, rejoindre Rennes et prendre le périphérique Est, direction Saint-Malo., Brest et Lorient. Prendre dessus la sortie 13b, Porte de Saint-Malo, direction Saint-Malo, Dinan et Dinard, par la D137. Rouler jusqu’à la sortie indiquant la N176, Saint-Brieuc et Dinard, qu’on prend à droite. Suivre la N176 jusqu’à la sortie pour Dinard par D766. Au rond-point, après la sortie, aller tout droit, direction Pleslin-Trigavou, par D366. Au rond-point de la mairie, dans Pleslin, prendre à gauche, direction Trigavou, Languenan, par D28. Au rond-point, à la sortie de Trigavou, prendre à droite, direction Ploubalay, par D2. Au rond-point de Beaussais-sur-Mer, prendre à gauche, direction Saint-Brieuc, par D768. Au 4ème rond-point, suivre à droite la D786 direction Matignon, Saint-Brieuc (par la côte), Cap Fréhel. Rouler presque jusqu’à Fréhel. Peu avant d’y arriver, prendre à droite la D34, direction Plévenon, Cap Fréhel, Fort la Latte. Se stationner avant le fort.
Notes : quand le pays n’est pas la proie d’un virus, le Fort La Latte se visite. Il s’y tient même des fêtes médiévales. C’est un bel endroit, à ne pas manquer avant d’entamer sa randonnée. Le phare de Fréhel se visite également. L’entrée est payante : 3 euros/adulte et 1,5 euros/enfant de 7 à 14 ans. Prévoyez de quoi vous protéger du froid et de la pluie : j’avais pris un sérieux orage le jour du tournage. On s’était abrité dans les galeries entre le phare et le cap ! J’informe aussi de la présence d’une réserve ornithologique : la Fauconnière. Avis aux amateur/rices !

8. LE CIRQUE DE GENS – ARDÈCHE

Difficulté : facile | Distance : 5 km| Durée : 2h | Dénivelé : 70 m

Relégué en amont du cours de l’Ardèche, au-delà de Vallon et de son Pont-d’Arc, de l’entrée de la – longue – vallée du Chassezac et même des Gorges de La Baume, le cirque de Gens, sur la commune de Chauzon, fait un peu office d’oublié. Prisé d’une poignée de grimpeur/ses fuyant la frénésie touristique des Gorges de l’Ardèche pour la quiétude de lieux moins connus du public, ce petit cirque s’arrondit en toute confidentialité au-dessus d’un joli lacet de la rivière. Une jolie vire à l’ombre s’enroule autour d’un isthme rocheux et permet de profiter de jolis coups d’œil sur le cours d’eau, au-dessus des kayaks colorés de la base nautique toute proche.

Le cirque de Gens c’est un extrait des Gorges de l’Ardèche. Une petite vitrine de ses célèbres voisines, sans l’inconvénient du tourisme de masse.

On fait ainsi face aux quelques 320 voies taillées dans la falaise opposée, l’un des spots les plus importants d’Ardèche.On repasse au soleil côté ouest après que le sentier soit redescendu sur les galets arrondis de la berge. Si la chaleur se fait trop forte, on trouvera, plus loin, le porche de la Baume Grenas, une cavité de 135m, facile à explorer et capable de dispenser l’ombre et la fraîcheur nécessaires contre la canicule. Le retour, sans difficulté, s’effectue d’abord dans une végétation clairsemée avant d’emprunter la voie verte entre Ruoms et Pradons. Un agréable petit bain de nature, accessible au plus grand nombre. (à l’époque je l’avais fait avec Ambre qui n’avait pas un an !)

Carte : IGN TOP25 1/25000è 2939OT Gorges de l’Ardeche/Bourg-Saint-Andeol/Vallon-Pont-D’Arc
Accès : depuis l’A7, prendre la sortie 19, Bollène/Pierrelatte. Après le péage, au rond-point suivre à droite la D994 et suivre la direction Alès. Au rond-point, après le pont sur le canal, prendre à droite, la D8, direction Lapalud. Au rond-point desservant Lapalud, suivre à droite la direction Montélimar et rejoindre Pierrelatte par la N7. Au niveau de Pierrelatte, sortir à droite, direction Bourg-Saint-Andéol par la D59. Au rond-point à l’entrée de Bourg, après le pont sur le Rhône, continuer tout droit et suivre Vallon-Pont-d’Arc. Traverser Bourg et monter vers le Laoul jusqu’à Saint-Remèze, par la D4. Continuer sur la D4 jusqu’à Vallon. Traverser Vallon en suivant la direction Ruoms. Compter trois ronds-points à partir de celui du Super U de Ruoms, sur la D579. Après le troisième, rouler un kilomètre puis, au niveau d’un magasin Samse, tourner à gauche par une petite route indiquant le Grazel, l’Espède. Au bout, tourner à droite et rejoindre le Mas du Grazel.
Notes : le cirque de Gens est intégré à une descente en canoé de 14km qui relie Balazuc à Ruoms . Un parcours à la journée bien sympa à faire en famille ou entre amis et qui permet de faire la pause sur les plages du cirque de Gens. Les-dites plages sont également accessibles à pied sur le parcours de l’itinéraire de randonnée. N’oubliez donc pas le maillot ! Ni la crème solaire, l’eau et le chapeau !
À voir également : l’Ardèche a marqué le début de la phase « pro » de Carnets de Rando. J’y suis particulièrement attaché et je suis loin d’en avoir tout montré. Parmi ce que j’ai fait – et proche de cet itinéraire – vous pouvez également découvrir un autre cirque, plus à l’intérieur des gorges de l’Ardèche : le cirque de Gaud, objet d’un ancien épisode de Carnets de Rando.

9. LE SIGNAL DE MAILHEBIAU – LOZÈRE

Difficulté : moyen | Distance : 20 km| Durée : 5h45| Dénivelé : 450 m

Parmi les grands favoris des territoires pour des randonnées en France seyant parfaitement au déconfinement, la Lozère est régulièrement citée. Et l’engouement n’est pas volé. Jamais la faible densité de population qui la caractérise n’aura été à ce point un atout. Mais ce n’est pas le seul. À l’heure où le retour à la nature fait un retour en force, où la rupture avec le rouleau-compresseur du système est plébiscitée, la Lozère fait figure de refuge. Et pour bien saisir le sens de ces paroles et l’essence du territoire, il faut au moins une fois être venu jouer les naufragés dans les espaces infinis de l’Aubrac. Sur lui plane toujours l’esprit d’une France rurale et sauvage d’antan.

L’Aubrac lozérien semble avoir été épargné par les ravages du temps.Ici ce n’est plus la Nature qui se plie aux hommes : c’est l’inverse.

Un lieu de légendes et de résistance, parfois hostile, toujours fascinant, où le visiteur, renvoyé à des proportions négligeables, n’est que toléré par la nature. Gravir le point culminant des lieux, jusqu’à la table d’orientation, permet d’embrasser d’un seul coup d’œil l’étendue du royaume. On est à 1469 mètres d’altitude : dans les Alpes, celle des stations de ski. On en profitera pour dormir, si c’est possible, au refuge des Rajas, havre de paix en plein cœur de l’océan de l’Aubrac. Nul ne pourra rester de marbre en parcourant, pas après pas, ces terres ondoyantes habitées par l’esprit du vent.

Carte : IGN TOP25 1/25000è 2538 OT Sainte-Eulalie-d’Olt
Accès : depuis l’A75 -Montpellier/Clermont-Ferrand – prendre la sortie 38, Nasbinals, et rejoindre Nasbinals par la D900. Traverser Nasbinals, en passant derrière l’église romane, et poursuivre tout droit, par la D987, direction Aubrac et Espalion. Rouler sur le D987 jusqu’à voir, à gauche, l’intersection avec la D219, direction Prades d’Aubrac, Station de Brameloup. Parcourir environ 3,5 km et prendre à gauche, puis la première à droite. On est sur le même itinéraire que le GR®6. Atteindre au bout la Croix de Rodes et se garer.
Notes : L’Aubrac peut se révèler traître ! Méfiance ! L’accès au Signal de Mailhebiau, s’il est assez clair par temps dégagé, l’est nettement moins quand la visibilité se gate. On y navigue à vue ou au GPS ! L’aide de la carte peut être également précieuse. Autre chose : l’Aubrac est une terre d’estive. On attend donc du/de la randonneur/se qu’il respecte les clôtures et qu’il/elle ne les laisse pas ouvertes ! Pour celles et ceux qui veulent passer la nuit aux Rajas, quand il sera rouvert, voici le site.
À voir également : je suis passé sur l’Aubrac pour Carnets de Rando à l’occasion d’un reportage sur le Chemin Urbain V. Nasbinals, tout proche, est en effet le point de départ de ce bel itinéraire qui s’élance vers le sud et le Gard. La partie lozérienne permet notamment de profiter de la cascade du Déroc. Un crochet à faire quand on est sur l’Aubrac.

10. LES GORGES DU DOUBS – DOUBS

Difficulté : moyen | Distance : 9 km| Durée : 3h30| Dénivelé : 350 m

Un petit tour dans l’Est pour finir cette sélection de randonnées en France avec un endroit carrément fabuleux : les Gorges du Doubs. Ici plus de bornes-frontières : la rivière sert de séparateur naturel avec la Suisse. Bien avant que la rivière ne soit domptée par les ingénieurs en hydro-électricité, les Gorges du Doubs restaient un endroit à l’accès incommode et à l’atmosphère gentiment hostile. Le genre d’endroit qu’affectionnaient naturellement les contrebandiers qui jouaient alors à cache-cache avec la maréchaussée. Les plus malins – ou les plus fous – d’entre eux ont emprunté avant le randonneur ce passage connu aujourd’hui sous le nom effrayant d’Échelles de la Mort.

Étonnantes Gorges du Doubs qui ont su conserver leur aspect sauvage et brut malgré la domestication de la rivière par l’homme.

En 2020, vous trouverez de solides et rassurantes échelles métalliques pour franchir la trentaine de mètres permettant d’atteindre le fond des gorges. Rien de vraiment mortel. Il en était tout autrement au 19ème siècle quand, en lieu et place des armatures modernes, se tenaient de simples troncs d’arbres dans lesquels avaient été taillées des marches grossières. Il est bon de garder cette image à l’esprit quand on franchit ce passage aujourd’hui très ludique. Le reste de l’itinéraire permet de profiter de l’atmosphère agréable des gorges mais aussi de relier deux autres spots remarquables : la Grotte des Moines et le Belvédère de la Cendrée.

Carte : IGN TOP25 1/25000è 3623OT Maîche, Gorges du Doubs
Accès : rejoindre Dôle, puis Besançon par l’A36. Sur l’A36, prendre la sortie 3, Lausanne, Pontarlier, Besançon et suivre ces trois directions, d’abord sur D67 puis sur D673 jusqu’à l’entrée dans l’agglomération de Besançon. Là, suivre dès qu’indiqué à droite, la direction Lausanne et Pontarlier, par N57. Suivre la N57 jusqu’au rond-point avant Étalans. Là, prendre tout à gauche, par D461, direction Neuchâtel. La suivre en permanence jusqu’à ce que Neuchâtel parte à droite, quelques kilomètres après Fuans : continuer tout droit, direction Maîche, par D41. Arrivé à Bonnétage, au stop de l’hôtel Les Perce-Neige (à gauche), tourner à gauche par D437, puis peu de temps après à droite, par D457, direction Fournet-Blancheroche. Plus loin, à la sortie du lieu-dit Les Cerneux-Monnots, à l’intersection tourner à gauche par D414. Rouler en direction de Charquemont et, une fois passé le panneau de la commune, tourner à droite et rejoindre l’intersection avec la D10E1 : tourner à droite et suivre cette route en direction de l’hôtel-restaurant du Bois de la Biche. Se stationner 1 km avant celui-ci sur un petit parking desservant le Belvédère de la Cendrée.
Notes : les Gorges du Doubs, et plus particulièrement les Échelles de la Mort, seront à éviter les jours de pluie et d’orage. Les rochers mouillés rendront l’itinéraire glissant et, potentiellement, exposé.
À voir également : cet itinéraire emprunte partiellement le tracé du GR®5, ce long chemin de grande randonnée qui, venu des Vosges, traverse ensuite le Jura et les Alpes pour s’achever à Nice. J’avais réalisé un épisode de Mon GR® Préféré sur la partie des Gorges du Doubs que vous pouvez visionner ici pour voir un peu à quoi ressemble le décor. J’étais également venu dans le Doubs pour Carnets de Rando, à proximité de cet itinéraire également. J’avais fait deux reportages sur les Chemins de la Contrebande, notamment un qui, plus en aval, passait par le Saut du Doubs.

Cet article 10 Idées de Randonnées en France pour se déconfiner la tête et les pieds est apparu en premier sur Carnets de Rando.

Gorges de Colombières : l’incontournable du Caroux

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C’est l’un des plus beaux trophées en vitrine du Caroux. Les Gorges de Colombières sont au massif languedocien ce que le Cirque de Gavarnie est aux Pyrénées : un petit concentré de merveilles à découvrir au fil d’un sentier enchanteur. Dans le vert généreux du printemps ou le roux flamboyant de l’automne, ce cadre de nature exceptionnel fait partie des grandes classiques du Caroux. Pour rétablir l’équilibre entre le grand public et le plus confidentiel, j’ai choisi de les rejoindre par le très sportif sentier de l’Esquino d’Aze enchaîné avec le sauvage Ravin de Cadiol. Un itinéraire brut de décoffrage marqué du sceau très caractéristique du Caroux.

Distance : 10 km | Dénivelé : 975m | Durée : 4h30 | Difficulté : difficile | Carte : IGN 1/25000è TOP25 2543OT – Lamalou-les-Bains, L’Espinouse, le Caroux, PNR du Haut-Languedoc

RANDONNÉE DANS LA FRANCE D’AVANT LE CONFINEMENT

Dimanche 15 mars 2020. Au moment où on s’élance sur cet itinéraire avec Michaël, ce qu’on garde seulement en tête est que le soleil qui irradie la vallée de l’Orb avec force contrastes ce matin-là n’est pas fait pour durer. À notre grand regret. Après l’épisode radieux de la veille dans le Ravin des Charbonniers, le pronostic météo du moment semble moins engageant. Il va falloir se résigner au fait, inéluctable, que les images vont prendre du gris dans l’aile à la mi-journée. Ou même avant. La chape de plomb nuageuse qui menace derrière les crêtes boisées des reliefs barrant l’Orb au sud devrait pourtant être le cadet de nos soucis. Tandis qu’on s’élève au-dessus de Colombières-sur-Orb, on ignore en effet que, dans deux jours, va démarrer le confinement qui va clouer les français(es) à domicile pendant près de deux mois.

Encore inconscients de la manière dont notre quotidien – et le monde – s’apprêtent à être transformés, nous sommes à cent pour cent dans le plaisir de la rando. 

Je me sens dépassé par la vertigineuse offre d’itinéraires de ce massif. Envie de tout faire et de tout montrer. Mais, comme souvent, le temps manque et des choix s’imposent. Pour sa première fois ici, je voulais que Michaël puisse à la fois être témoin du visage alpin et aventureux de cette authentique montagne, mais aussi lui faire découvrir ses aspects les plus classiques. Les Gorges de Colombières étaient une évidence, naturellement. Ce devrait être la première randonnée à venir à l’esprit de tout(e) marcheur/se désireux/se d’explorer le Caroux. C’est, en mon sens, sa carte d’identité, l’expression de son ADN. Le tout était ensuite de définir le sens de la marche.

LE CHOIX DES ARMES

Pour l’effet de surprise et la construction d’un suspense, j’ai finalement opté pour descendre par les Gorges plutôt que d’y monter. Dans les deux cas, pour le/la randonneur/se, on part sur une journée à, au moins, 800 mètres de dénivelé à gratter. Le Caroux, au risque de me répéter, ne dévoilera ses charmes qu’aux mollets bien endurcis ! Pour Michaël, j’ai choisi une ascension par l’Esquino d’Aze, qui démarre par un tronçon commun avec le GR® de Pays Haut-Languedoc et Vignobles.

L’Esquino d’Aze, c’est une sorte de Stairway to Heaven pour cardios en titane, une trajectoire directe et sans ménagement qui affole les mollets.

Sur le départ, on bénéficie de belles ouvertures sur la Tour Carrée, ce vestige du château des anciens vicomtes de Carcassonne, aujourd’hui effacé du paysage. Un petit bout de patrimoine choyé par une association qui est parvenue à lever 60000 euros à la Région en vue de l’aménagement futur d’un circuit de visite. Bien joué et hâte de voir le résultat.

esquino d'aze

Le passage, par endroit, est étroit. On a parfois même l’impression de le forcer. En se retournant, le grand couloir de la vallée de l’Orb se déploie. Je devine l’endroit où le Jaur la rejoint, venant grossir le courant juste derrière Tarassac et son pont suspendu. C’est une des dernières fois où la vue se libère aussi généreusement. Par la suite, le chêne vert lance une invasion en règle et enfouit le/la marcheur/se à l’ombre de ses doigts courbes. C’est aussi le moment où le chemin de l’Esquino d’Aze met son hôte sur orbite. La notion de virage s’évanouit comme la lumière au-dessus de nos têtes. Le sentier se fait ici escalier, traçant une voie brutale à grand renfort de marches grossières. Le souffle s’affole, la sueur s’immisce dans la partie. On dépasse une imposante cabane en pierres, la tête baissée pour traquer les marques rouges servant de balisage.

Dans la grisaille d’un soleil vaincu, c’est un décor fantasque et admirablement lugubre qui jaillit de terre.

La pente est sévère. Le Caroux n’est pas enclin à la plaisanterie. Lorsqu’un replat s’atteint finalement, dans une zone de gneiss aux formes erratiques et à l’ambiance étrange, la respiration se fait courte et hachée. La nature métamorphique du Caroux a façonné un univers de sculptures rocheuses figées, aux allures étrangement humaines parfois.  Des marches taillées dans la roche dévoilent un passage inattendu et confirment cette sensation exaltante d’évoluer dans un univers de magie noire. Un vent froid et soudain inonde le monde de frissons alors que nous traversons ce pays de trolls invisibles. Un peu après, la pente se couche et le terrain s’élargit. Des sous-bois de chênes disputent à nouveau l’espace au rocher lorsque nous atteignons le col de la Baume de Roucayrol.

LE RAVIN DE CADIOL

En allant à gauche, on partirait vers l’un des hauts-lieux du massif : la vire de Roque Rouge, tracé de prestige à l’engagement modéré mais où se cristallise l’âme du Caroux. Elle n’est pourtant pas mon objectif du jour : le printemps est trop jeune et la lumière trop grise pour lui faire honneur cette fois-là. Je reviendrai pour un reportage à sa mesure. Pour l’heure, c’est l’inconnu qui me stimule.

J’entraîne donc Michaël à ma suite vers la droite, en direction du Ravin de Cadiol, une branche de sentier peu fréquentée et tracée dans les escarpements occidentaux du ravin de Colombières. Ici le bleu a succédé au rouge et les blocs rocheux imposent leur énorme présence. C’est une trace de brigands, un peu clandestine, où le pas accroche les branches et fait voler des tapis de feuilles mortes. En équilibre entre deux tranches de raides, on rejoint ainsi le pied du colossal Bastion.

Il faut affûter son regard ici pour ne pas manquer les traits jaunes qui envoient le visiteur droit dans le ravin encaissé qui fend le Caroux, entre le Bastion et la Tour Verte. Pour le/la randonneur/se, c’est l’assaut final avant le plateau. Un effort sérieux dans un terrain chaotique où s’épanouissent cinquante nuances de gris : celui des murailles rocheuses qui encadrent le ravin, celui des débris de rocs fracassés et semés dans la pente, celui des troncs glabres de hêtres nus à cette époque de l’année.

Le secteur du Ravin de Cadiol est un repaire de grimpeurs avec sa douzaine de voies dont – presque – aucune n’est en-dessous du TD.

Au-dessus de nous, un couvercle nuageux menaçant de pluie va en s’épaississant. Le Ravin de Cadiol nous offre un tableau de désolation où nos silhouettes dérisoires progressent à l’ombre de piliers et de socles robustes. Un terrain en chantier, drainé par un maigre ruisseau et où pourrissent les troncs déracinés de hêtres malheureux. La sortie, raide et noyée dans un épais tapis de feuilles mortes, transforme la randonnée en natation.

AU SOMMET DU CAROUX

Là-haut, c’est un autre monde. Après ces heures de conquête patiente, mètre par mètre, le sommet se découvre. C’est d’abord une ouverture, une ponctuation d’intervalles mieux marquées d’un arbre à l’autre. C’est aussi un pas moins combatif et libéré de l’effort. Un horizon plus ambitieux, débarrassé des remparts rocheux qui en limitait jusqu’alors la profondeur.

Ici, à 1000 mètres d’altitude, on a beau être dans l’Hérault, avec vue sur la mer, on a froid comme en montagne.

Un étrange silence étreint l’endroit. Le mauvais temps, en approche, semble avoir vidé le Caroux du moindre souffle de vie. C’est une perturbation solide qui est annoncée et qui est un peu en avance. Avec Mike, on en rajoute une couche pour ne pas se refroidir après la suée survenue dans le ravin, précédemment. Un mycélium de cairns nous met ensuite sur la bonne voie pour nous extraire de la hêtraie.

En quelques secondes le décor, comme au théâtre, a fait peau neuve.  L’arbre finit par abdiquer sur la calotte sommitale, vaincu par le vent qui balaye régulièrement les quelques 4 km² de cette lande à l’aspect dénudé. Sous le soleil et au printemps, le rose délicat de la bruyère callune s’y marie à l’or du genêt purgatif. En mars, quand l’hiver s’accroche à la terre et que des nuages bas de plafond le douche d’une bruine froide, le sommet du géant languedocien rejoue plutôt le Chien des Baskerville.

Canis Lupus y a d’ailleurs établi une Zone de Présence Permanente depuis 2017. Mais nous ne l’entendrons pas hurler ce jour-là. Exposé aux bourrasques et à la pluie, je ne m’attarde pas en ces lieux. J’entraîne Michaël sur une trace rejoignant plus loin le GR®7. Le sommet officiel et la tourbière sont à gauche mais notre échappatoire, lui, est à droite. Au pas de course, on courbe l’échine pour passer sous le vent et rejoindre la protection de La Fage, tout en haut des Gorges de Colombières.

Colombières

LES GORGES DE COLOMBIÈRES

Formé par la convergence de plusieurs ruisseaux descendus promptement de la Montagne d’Aret, le ruisseau d’Arles se taille un joli passage au niveau de La Fage et se prépare à sa longue cavalcade à travers les Gorges de Colombières. L’endroit est séduisant avec son hameau au corps de pierres et de lauzes grises parfaitement intégré au site.

À La Fage, la mélodie de la rivière, qui chute en petites cascades, est jouée sur des berges au vert printanier accueillant.

Longtemps demeuré fermé, faute de repreneur, le gîte de La Fage a finalement rouvert à l’initiative de Georgy et de Sylvie. Même dans la grisaille du moment, le spot est une invitation à la pause. Des pêcheurs, les pieds dans l’eau, jouent de la mouche dans l’étroit défilé rocheux qui jouxte le sentier. Le début des gorges est l’un de ces instants enchanteurs dont le Caroux a le secret.

Colombières

Colombières

La suite du chemin semble extraite du script d’un film d’aventure. Extérieur jour. Ciel menaçant. Atmosphère lourde. Le héros, épaules rentrées, dévale sur un sentier de dalles agencées en escalier. À sa gauche, le torrent d’Arles saute de vasques en cascades en creusant des gorges de plus en plus profondes. Des blocs écroulés, tapissés de mousse, parsèment des forêts silencieuses de châtaigniers nus. Les versants du Caroux s’envolent au-dessus du cours d’eau pour toucher des nuages chargés de pluie.

Sur le chemin des gorges, le randonneur est propulsé dans un décor de film d’aventure où chaque pas semble inscrit au scénario

Le héros presse le pas sous la menace de l’averse. Des escaliers de roc forment une trace improbable à flanc de montagne en le guidant vers la sortie des gorges. D’un geste il ajuste sa capuche pour empêcher la pluie, désormais battante, de s’immiscer entre ses vêtements. Le final des gorges baigne d’une aura de magie supérieure à la partie amont. À la faveur d’un ultime escalier, il pose le pied à Colombières-sur-Orb et achève sa quête sous le feu d’une averse nourrie. Le Caroux a refermé ses portes derrière lui. Fondu au noir.

Colombières

Colombières

ACCÈS AUX GORGES DE COLOMBIÈRES

À part habiter à proximité immédiate – arrivée par la vallée de l’Orb depuis le Tarn par exemple – le meilleur moyen de venir au Caroux est de passer par Béziers. En général, vous arriverez par l’A9, dans un sens ou dans l’autre, et il faudra suivre la bifurcation vers l’A75 direction Béziers-centre, Valras-Plage et Sérignan.

L’A75 ne sera pas suivi bien longtemps : on le quitte dès la première sortie, la n°64, direction Béziers-centre, Valras-Plage et Sérignan, tout pareil. Tout cela nous mène à un rond-point dont on prend la première sortie, via la D612, direction Béziers-centre et Bédarieux. On est là sur le « périphérique » de Béziers. Il faut le suivre jusqu’à la sortie indiquant Bédarieux, Roussan.

Au rond-point qui lui succède immédiatement, suivre la première sortie à droite, via D909, direction Bédarieux. La suivre longtemps jusqu’à dépasser Faugères et continuer dessus en direction d’Hérépian. On atteint finalement un rond-point. Poursuivre tout droit, franchir l’Orb et traverser Hérépian.

Dans le centre du village, tourner à gauche à un rond-point, via la D908, direction Lamalou-les-Bains. Passer le Poujol-sur-Orb et atteindre Colombières-sur-Orb. 200 mètres après le pont sur l’Arles, quitter la D908 à droite en montant vers l’église. Plus haut, suivre encore à droite la route de l’église et se stationner sur le petit parking, juste en-dessous.

GORGES DE COLOMBIÈRES : LE TOPO

Depuis le parking de l’église, continuer à monter par la route en suivant les balises rouge et jaune du GR® de Pays Haut-Languedoc et Vignobles. Rejoindre ainsi les maisons du petit hameau du Théron et s’engager alors à droite, par le petit escalier étroit, en suivant les ronds rouges indiquant l’Esquino d’Aze.

Plus haut on débouche sur un large chemin (1) : le balisage continue en face mais, si vous le souhaitez, vous pouvez aller admirer la Tour Carrée, en aller-retour, en suivant ce chemin à gauche. Ça ne prend que quelques secondes.

Plus haut encore, vers 345m, le balisage « ronds rouges » quitte le chemin à droite (2) : le suivre. Dépasser une première cabane en pierre, puis une seconde. Le chemin tire assez droit dans la pente et pendant un moment. On atteint finalement une sorte de replat assez large, avec un pan rocheux à travers lequel la trace va se frayer un passage naturel. En continuant on rejoint finalement le col de la Baume de Roucayrol (3).

À partir de ce point, laisser les ronds rouges et repérer, à droite, un nouveau balisage de ronds bleus indiquant la direction du Ravin de Cadiol. L’itinéraire oscille alors à flanc jusqu’à s’affaisser au pied du ravin de Cadiol, à main gauche, et de la tour du Bastion (4).

Repérer alors à gauche des marques jaunes montant dans ce ravin envahi de blocs et de hêtres. La trace, pas toujours évidente à suivre exactement, tire d’abord au centre avant d’aller se coller à gauche du ravin pour franchir des petits ressauts rocheux. Ensuite, à l’inverse, elle recoupe le ravin pour aller s’appuyer à main droite sur la base des parois. En se tenant de ce côté, remonter assez directement jusqu’à la sortie.

La sortie sur le plateau est mal balisée et des sentes indistinctes partent au p’tit bonheur à travers les bruyères. Trouver une trace qui vous conduise plutôt nord pour retrouver le large chemin balisé qui parcourt le flanc oriental du plateau et croise, plus haut, le GR®7 (5).

Prendre alors le GR® à droite et amorcer la descente vers La Fage (6). Une fois la route retrouvée, la suivre à droite et traverser le hameau de La Fage. Au bas d’un escalier on retrouve le balisage jaune des Gorges de Colombières. Le suivre intégralement jusqu’à Colombières-sur-Orb.

Aux alentours de 310 mètres, au niveau d’un poteau de signalétique (7), suivre le chemin de droite qui permet de retomber à l’église de Colombières sans passer par la route.

Colombières : la partie aval

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

Comme souvent dans le Caroux, ça grimpe ! La randonnée ne s’y fait pas vraiment balade de santé. Et emprunter l’Esquino d’Aze vous fera probablement chauffer les mollets. On parle d’un dénivelé positif de plus de 900 mètres globalement sévère. Monter par les Gorges de Colombières est plus doux, quoique non exempt d’efforts. Le ravin de Cadiol vaut également son pesant de cacahouètes. C’est un vrai terrain d’aventure. Rien de dangereux mais une belle ambiance et une rampe finale assez délirante lorsqu’elle baigne dans la feuille morte. Tout ça c’est le côté sportif à prendre en compte sur cet itinéraire.

Autre difficulté éventuelle : la recherche du balisage. Celui-ci, bien que régulier, n’est pas toujours lisible. Il y aura des fois où avoir l’œil – et le bon – sera essentiel. Restez vigilant(e)s et, en cas de doute, appliquez la règle du retour à la dernière balise vue. En général cela suffit à se remettre sur la bonne voie. Le passage de relais du balisage bleu au jaune, dans le ravin de Cadiol, n’est par exemple pas du tout visible. Idem après la sortie de celui-ci : la navigation sur le plateau se fera pour beaucoup à l’instinct afin de se mettre dans le bon axe et retrouver les sentiers principaux qui le quadrillent.

Colombières

La météo peut enfin jouer en votre défaveur. Globalement n’y allez pas les jours de pluie ou les jours suivant de grosses averses : le terrain est pas mal rocheux et devient vite assez glissant. Attention également au brouillard sur le plateau si vous n’avez jamais été là-haut auparavant. C’est vraiment une lande où prendre des repères n’est pas simple quand on ne voit rien. Sans un minimum de connaissance du terrain – et donc de capacité à se localiser dans l’espace pour s’orienter – ça peut vite être la galère.

Au niveau saisonnalité, préférez un printemps bien mûr pour profiter du vert des hêtraies et des châtaigneraies, ou encore l’automne pour les couleurs. C’est un peu plus tristounet en hiver, sans les feuilles, et vraiment très chaud en plein été.

GORGES DE COLOMBIÈRES : MON AVIS PERSO

Les Gorges de Colombières, ça doit être l’itinéraire le plus vendu du Caroux (avec les Gorges d’Héric). C’est une des grosses vitrines du massif et les manquer serait absurde. Ce n’était pas la première fois que j’y venais mais je tenais absolument à les faire découvrir à Michaël qui, visiblement, n’a pas été déçu, malgré une météo et une saison peu favorables.

C’est difficile d’être déçu par Colombières tant c’est un concentré de temps forts de randonnée. Il y a à peu près dedans tout ce qui compte parmi les essentiels : de l’eau, des perspectives rocheuses massives, une nature généreuse, des ambiances de sentier mémorables. J’ai plaisir à y repasser même si j’aimerais beaucoup, aussi, avoir l’opportunité de parcourir une fois la rive gauche du ruisseau d’Arles.

Même si la qualité de l’itinéraire est assez constante, c’est vraiment l’aval des gorges qui vaut le détour avec son cheminement dallé à flanc de rochers et ses petits passages étroits entre des murets. Colombières a, en ces endroits, des petits côtés conte de fée. La partie amont, juste après La Fage, est également un très très bel endroit.

J’en reviens maintenant à l’Esquino d’Aze, section athlétique de cette boucle. Elle intéressera principalement celles et ceux qui aiment aller vite et droit dans le pentu. La sente, en elle-même, n’est pas particulièrement esthétique, exceptée le replat atmosphérique cité dans l’article, peu avant le col de la Baume de Roucayrol. Le Ravin de Cadiol, pour sa part, est à faire une fois pour l’originalité et la confidentialité. C’est un chemin alternatif intéressant mais non essentiel.

Colombières

HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

La Maison d’Hôtes (testé & approuvé)

C’est ma référence dans le Caroux et je ne peux décemment pas écrire un article sur le massif sans citer l’hébergement de Delphine et Richard. Je vous l’avais déjà largement présenté dans l’article sur le Ravin des Charbonniers. Je ne ferai donc pas un copier-coller ici. C’est juste que cela doit être votre choix premier quand vous venez dans le massif, c’est tout. À partir de 62 euros la chambre double pour 2 personnes, petit-déjeûner inclus. Contact : 04.67.95.71.80

La Fage (non testé)

Même si je ne l’ai pas personnellement essayé (et ce n’est pas l’envie qui m’en manque) c’était impossible de publier sur les Gorges de Colombières sans faire état de ce gîte, stratégiquement bien placé sur notre parcours qui a, de surcroît, rouvert ses portes. Vous l’avez vu et lu dans l’article, esthétiquement parlant, c’est juste somptueux. Je ne reviendrais pas là-dessus. Au niveau tarifs, vous avez le choix entre des chambres de 4 à 6 lits (22 euros en gestion libre ou 43 euros par personne en demi-pension) et des chambres doubles (54 euros en gestion libre ou 100 euros en demi-pension pour deux personnes). Renseignements : hameaudelafage@yahoo.fr ou par téléphone 06.89.35.40.86 / 07.71.79.41.48

BIBLIOGRAPHIE

On ne part pas dans le Caroux sans la Bible dédiée au massif : Caroux – Randonnées réalisée et éditée par le besogneux Club Alpin Français. Le bouquin est épais et incroyablement dense en itinéraires. Tout, absolument tout, y est référencé et décrit sur 239 pages. Accompagné de sa carte, c’est le compagnon indispensable de vos balades dans le Caroux. Le CAF de Béziers-Caroux le propose en pack, à la vente sur leur site, au prix de 25 euros ou, seul, à 19,50 euros.

AUTRES ITINÉRAIRES AU DÉPART DE COLOMBIÈRES-SUR-ORB

Le Caroux par la Vire de Roque Rouge
Les Gorges de Colombières par la Paroi d’Arles et le Chemin des Fleisses

AUTRES ITINÉRAIRES À PROXIMITÉ

Sommet du Caroux, par le Col de Pomarède
Chapelle Saint-Eutrope et Serre de Majous
Le Ravin des Charbonniers

Cet article Gorges de Colombières : l’incontournable du Caroux est apparu en premier sur Carnets de Rando.

Chaîne des Côtes : les Pépites du Plateau de Manivert

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Il serait dommageable de méjuger du potentiel de la chaîne des Côtes. De loin, ce petit massif à l’altitude dérisoire pourrait avoir l’air quelconque. En s’approchant d’un peu plus près, il révèle pourtant quelques intéressantes possibilités de randonnée. Et notamment en famille. Véritable petit concentré de points d’intérêt, le Plateau de Manivert peut ainsi se targuer d’être un objectif à la viabilité certaine pour les enfants : effort court et modéré, rochers à grimper, maisons troglodytes, chapelle, petites cavités et mémorial. Tout ça en seulement 4 km aller-retour, adaptables, et dans un agréable écrin boisé. Qui dit mieux ?

Difficulté : facile | Distance : 4 km | Dénivelé : 130 m | Durée : 1h20 (3h avec Ambre, 4 ans et demi) | Carte : IGN TOP25 1/25000è 3143ET Aix-en-Provence, Vitrolles, Lambesc

NE PAS SE FIER AUX APPARENCES

La D67a, qui traverse la Chaîne des Côtes en reliant Lambesc à La Roque-d’Anthéron se prend pour une route de montagne. Lacets, pourcentage de pente, croisements compliqués, un soupçon de ravin défendu d’un parapet métallique. Ce petit massif a tout des grands, sauf l’altitude. On rappelle qu’on est en Provence, avec la vallée de la Durance d’un côté et celle de la Touloubre de l’autre. Pourtant cette enclave inaperçue de 35 km², qui peine à atteindre les 480 mètres d’altitude, est, avec ses près de 200 km de sentiers, un terrain de jeu inattendu aux portes d’Aix-en-Provence. J’abandonne la voiture sur le semblant de parking ouvert à droite d’un col sans le moindre nom et où se repère le socle circulaire d’une citerne d’eau. Une autre route permet pourtant d’aller en voiture jusqu’au pied du Plateau de Manivert. Mais rien à faire, on ira à pied malgré l’invitation fléchée.

Un balisage bleu s’associe à un jaune pour nous mettre sur la voie d’un petit sentier caillouteux qui s’élève au-dessus de la route, entre deux rangées de cistes cotonneux et de chênes kermès. Une pente douce d’abord, puis un peu plus sèche, pour s’élever de 70 mètres jusqu’au pylône d’une ligne électrique. Le creux de garrigue du vallon de la Vabre de la Jacourelle s’écoule tranquillement à droite en portant le ruban ondulant de la route. Si La Roque-d’Anthéron reste invisible, Lauris en revanche se repère nettement de l’autre côté de la Durance et au pied du Luberon. Je m’arrête à hauteur d’une Dorycnie à Cinq Feuilles pour faire observer à Ambre une abeille en plein travail de pollinisation. C’est dans le détail que l’éveil à la Nature se construit.

Plus loin ce sont les cotillons rosacés d’un Chèvrefeuille des Bois qui attirent notre attention. Les pauses botaniques offrent à Ambre des parenthèses de circonstance pour gérer son effort. On rejoint ainsi facilement la route qu’on traverse pour se diriger vers la tour de guet. Là-haut, un petit espace invite à une courte pause. La structure, fermée, ne permet pas d’aller plus loin que ses trois premières marches.

Après une gorgée d’eau, on repère le petit sentier qui s’ouvre un passage entre les chênes verts, plein nord, à la perpendiculaire de la ligne électrique. L’occasion de perfectionner la technique de la descente raide pour notre petite. Et, aussi, une alternative plus sympa au balisage bleu qui se contente de suivre une piste forestière sans la moindre imagination. À l’horizon, le Plateau de Manivert nous attend.

Plateau de Manivert

Ambre y suit une trace plus intime entre cistes et pins d’Alep. Parmi ce vert généralisé se débusque parfois le mauve tendre d’un Lin de Narbonne isolé. La route est à nouveau rejointe qu’il faut maintenant suivre quelques temps. On y échappe en courant se réfugier sous les beaux espaces ouverts parmi les chênes, plus loin à gauche. Un brin d’escalade, version bambin, et nous voici coupant sous les frondaisons accueillantes de ce représentant immémorial de la Provence.

On s’offre ainsi un raccourci hors goudron vers l’ancien puits jouxtant le panneau d’information du Domaine Départemental de Tresquemoure. En poursuivant au-dessus, toujours à travers les taillis – plus fun – on reprend pied sur la route. Un chemin mal dégrossi semble vouloir la quitter à gauche pour passer par le haut du plateau de Manivert. Je n’y prête pas attention : il y a bien assez à faire avec les enfants le long de la route.

Plateau de Manivert

UN DÉFILÉ D’ATTRACTIVITÉ

Une grande tour au bord de la route, bien conservée en façade, donne le ton. Nous voici toquant à la porte d’anciennes demeures troglodytiques, aujourd’hui closes par des grilles et des portes de bois massives. Le lieu se nomme les Baumes, faisant écho aux deux cavités communicantes aménagées sous le rocher. En dehors du cadastre napoléonien, l’Histoire n’a laissé que peu de témoignages écrits sur cet endroit.

On suppose que des générations bien différentes d’hommes s’y sont établies, de manière provisoire ou plus sédentaire, entre l’Antiquité et la Seconde Guerre Mondiale. Avec la végétation qui redevient propriétaire des lieux et ces étranges figures gravées dans la pierre, l’ensemble offre un décor fantasque où déballer son imaginaire s’opère naturellement. Ambre s’y livre à un travail d’investigation méthodique.

Plateau de Manivert

À la suite de ce site classé aux Monuments Historiques, de jolies falaises d’une douzaine de mètres, au calcaire gris appelant à l’adhérence, attirent le regard. Si le site a jadis accueilli les grimpeurs/ses locaux, il est désormais impossible d’y accrocher le moindre mousqueton. Le délitement en cours a conduit au déséquipement de toutes ses voies et à l’interdiction formelle d’y pratiquer l’escalade sportive.

On laisse néanmoins la petite faire ses armes sur les premiers gradins en forme d’escalier. C’est de cette manière qu’on déniche une étrange canalisation, taillée dans la pierre, qui finit par nous conduire à un ancien bassin de collecte d’eau désormais clos par une grille en fer. L’épisode du jeter de caillou dans l’eau semble inévitable. L’aménagement du site du Plateau de Manivert est intriguant et force l’admiration.

Plateau de Manivert

Si votre petit/e a des affinités naturelles avec les rochers, il/elle devrait passer un bon – long – moment sur cette petite route menant vers la chapelle. Les occasions sont nombreuses d’aller tâter le caillou et de partir explorer quelques petites cavités où s’imaginent des histoires fabuleuses de bivouac sous les étoiles.

Côté droit de la route, c’est pas mal non plus lorsqu’une petite proue rocheuse, en contrebas du bitume, offre une belle avancée sur la calme mer ondulante et boisée de Tresquemoure. Le spot est ludique, agréable et désert. Il échoue sur un parking à deux niveaux, en forme de tête d’épingle, desservant d’une part la chapelle et, de l’autre, le mémorial. À l’initiative de Ambre, on commence notre visite par le petit édifice religieux.

Plateau de Manivert

LA CHAPELLE SAINTE-ANNE-DE-GOIRON

Une agréable rampe donne accès à ce petit site silencieux et confidentiel. L’ombre d’une histoire où le tragique côtoie la béatitude y plane discrètement. Le bâtiment aujourd’hui désert contemple le visiteur du haut de ses vantaux ouverts aux quatre vents âgés de mille ans. Elle est l’œuvre de ces ermites en mal de solitude divine qui, les premiers, ont su débusquer les bons spots pour dresser des chapelles comme nous, aujourd’hui, on déniche des bivouacs. La rumeur voudrait même que ceux de Saint-Anne soit les futurs bâtisseurs de Silvacane, un peu plus bas à La Roque-d’Anthéron. Reste que les paysans locaux y montaient en procession pour y appeler la pluie. On y descend avec Ambre comme deux archéologues fébriles à la recherche de trésors.

Une grille condamnant l’accès à l’unique nef met un terme à notre exaltation. À l’intérieur, la poussière et le dénuement ne sont pas venus à bout de couleurs d’époque encore bien discernables. Le porche d’entrée, percé de deux accès en voûte, ainsi que les murets écroulés communiquant avec l’un deux, semblent avoir été ajoutés a posteriori. Peut-être lors de la restauration effectuée au 14è siècle ?

En explorant les alentours, on découvre plusieurs tombes et stèles dont beaucoup font référence à des exécutions lors de la Seconde Guerre Mondiale. Triste de réaliser à quel point les lieux de culte ont souvent, en France, servi de décors à de sinistres exactions. La nature même des lieux s’en trouve souillée. Seul le temps et le patient travail de reconquête de la nature semblent en mesure de donner une nouvelle vie à ces lieux originellement choisis à des fins mystiques.

Plateau de Manivert

LE MAQUIS DES CÔTES

Le Plateau de Manivert fut, en effet, un haut lieu de la Résistance en Provence. Le maquis des Côtes fit l’objet d’une lourde offensive allemande le 12 juin 1944. Les noms des 272 résistants de la région (dont 62 en ce lieu), tombés sous les armes nazies, figurent sur le monumental mémorial dressé du haut de ses 15 mètres dans la clairière surplombant la chapelle. Un endroit solennel pour cultiver le souvenir de ces jours sombres et honorer ces héros d’hier qui ont rendu possible notre aujourd’hui.

Ambre, minuscule, est avalée par l’envergure du mémorial. « Pourquoi elle pleure la dame ?« , me demande-t-elle en désignant l’une des statues centrales. « Parce qu’elle est triste« , lui réponds-je simplement. Une phrase, inscrite sous les noms des victimes, retient mon attention : « Ils sont morts pour nos libertés, sachons nous souvenir et soyons dignes de leur sacrifice. » Une exhortation plus que jamais d’actualité.

Plateau de Manivert

ACCÈS À LA CHAÎNE DES CÔTES

Les deux accès principaux à ce petit massif des Bouches-du-Rhône se font soit depuis Lambesc au sud et La Roque-d’Anthéron au nord par la D67a, soit depuis Lambesc et Charleval, au nord-ouest, par la D67. Depuis l’autoroute A7, il faut prendre la sortie 26 « Sénas » puis suivre la D7n, direction Aix-en-Provence jusqu’à Lambesc. Pour notre itinéraire et Sainte-Anne-de-Goiron, c’est la D67a qu’il faudra suivre, également appelée Route de La Roque-d’Anthéron et qui relie La Roque à Lambesc. Dès que la route s’arrête de grimper, au passage d’un petit col, ne pas redescendre ni suivre à gauche l’indication « Mémorial Résistance ». S’échapper par une piste grossière à droite pour se garer sur un replat, juste au-dessus de la route.

LE PLATEAU DE MANIVERT : LE TOPO

Depuis l’aire de stationnement, retraverser la route et repérer un sentier qui s’élève au-dessus d’elle (balisage bleu et jaune). Ignorer plus haut le balisage bleu qui s’échappe, à flanc à droite, et continuer de monter. Dépasser le pylône et redescendre vers la route. La traverser et monter en face jusqu’à la tour de guet (1).

Repérer, au nord du pylône et perpendiculaire à la ligne électrique, un petit sentier qui s’engouffre par une ouverture entre les chênes : y descendre. Le suivre intégralement jusqu’à recroiser la route.

Suivre celle-ci au nord, ignorer deux pistes (2) – l’une venant de droite et l’autre partant à gauche, au-delà d’une barrière – et continuer par la route.

Plus haut, ignorer une nouvelle piste s’échappant à droite de la route (3). Possibilité de grimper par les chênes, à gauche, pour couper les lacets de la route. Ou bien suivre celle-ci, au choix.

Après le dernier lacet, la route – et un balisage jaune retrouvé – s’oriente nord-est en passant devant un site d’habitat troglodytique (4).

En continuant par la route, on rejoint son terminus et un parking. En montant au bout à gauche, on rejoint d’abord la clairière du mémorial (5). En poursuivant plutôt par son extrémité droite, on rejoint ensuite la chapelle Sainte-Anne (6).

Retour par le même itinéraire jusqu’au point (2). Là, suivre le balisage bleu et la large piste qui monte à gauche. On rejoint la route plus haut. La suivre à gauche jusqu’à l’aire de stationnement du départ.

Plateau de Manivert

RECOMMANDATIONS & INFOS PARTICULIÈRES

Pour raccourcir cette balade vers le Plateau de Manivert, sachez qu’il est possible de se stationner juste avant les habitats troglodytiques (premier parking) ou au bout de la route, à quelques secondes seulement du mémorial et de la chapelle (second parking).

On est en Provence donc on évite les périodes de fortes chaleurs pour profiter au mieux de la randonnée. Le massif des Côtes est soumis, comme tous les autres massifs provençaux, à la réglementation incendie entre le 1er juin et le 30 septembre. Pensez à vous informer du niveau de vigilance avant votre randonnée en consultant le site de la Préfecture.

Plateau de Manivert

AVIS PERSONNEL

Ce Plateau de Manivert est décidément un joli petit concentré de découvertes qui ne nécessite pas de gros efforts pour en profiter. C’est ce que je retiens de cette randonnée qui se prête bien aux petites jambes. On dispose d’un alignement régulier d’objectifs à même de stimuler l’intérêt et la curiosité des enfants. Entre le site troglodytique, les courtes sections rocheuses, les cavités pour jouer, l’exploration de la chapelle et le site du mémorial, il y a de quoi s’occuper pendant un moment. Un peu de rando au milieu pour la continuité et les observations nature et on tient un cocktail bien dense pour tenir en éveil nos petiot(e)s.

HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

Mas de Camejean (non testé)

Un établissement au nord de Lambesc, à deux pas de la route de La Roque-d’Anthéron qui dessert notre itinéraire vers le Plateau de Manivert. Une formule en chambre d’hôtes (3 chambres disponibles) ou en roulotte, en bénéficiant d’un bel extérieur avec piscine et jardin reposant. La première chambre est à partir de 70 euros. Renseignements : 06.98.56.97.37.

AUTRES ITINÉRAIRES DE LA CHAÎNE DES CÔTES

Le Mont Trésor, depuis Charleval
La Plaine de Sèze
Tour des Côtes, depuis La Roque-d’Anthéron

AUTRES ITINÉRAIRES À PROXIMITÉ

L’Oppidum de La Quille
Les Gorges de Régalon

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La Véroncle : Randonnée à Gorges Déployées

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La Véroncle. À mes yeux, une promesse. Le voeu secret d’une gorge parmi les plus belles du Vaucluse. S’il existait un podium des gorges, celles de la Véroncle seraient probablement sur la première place. Elles ne sont pas simplement belles : elles ont une histoire à nous raconter. Une histoire géologique d’abord, dans les premiers chapitres. Une histoire humaine, ensuite, dans une seconde partie. On voyage à Véroncle comme dans un livre à plusieurs étages. Et, de part et d’autre de ce condensé d’intérêts, on s’immerge dans la garrigue du Luberon et de ses petits villages provençaux. Point de départ et d’arrivée de cette randonnée, Joucas mérite, à lui seul, davantage qu’une traversée furtive. Je fais le point sur cette randonnée classique et prestigieuse du Vaucluse.

Difficulté : moyen | Distance : 15 km | Dénivelé : 515 m | Durée : 4h30 | Carte : IGN TOP25 1/25000è 3142OT Cavaillon/Fontaine-de-Vaucluse

Joucas n’a peut-être pas la dimension prestigieuse de Gordes, dont il n’est distant que de quelques kilomètres, mais il n’en demeure pas moins un très plaisant petit village du Luberon et une base de départ idéale pour une randonnée vers les Gorges de la Véroncle. En cette fin mai 2020, il est en revanche anormalement silencieux. Le parking de la commune est désert. La circulation réduite à néant. L’hôtel des Commandeurs, à l’entrée de Joucas, affiche porte close. Seule la Joucassienne, la petite épicerie du village, accueille une poignée de clients masqués et prudemment espacés dans une file d’attente extérieure. Nous sommes le 21 mai et la France de l’après-Covid semble encore avoir du mal à sortir de chez elle.

Les ruelles de Joucas baignent dans le soleil et un calme suspect. Pour un peu, en cette fin de première semaine de déconfinement, on s’y sentirait comme des intrus.

Le village se traverse par des venelles caladées aux petits oignons. Il y a de l’amour derrière ces façades restaurées aux couleurs chaudes de la Provence. Et une inondation florale qui donne l’impression d’avoir trébuché dans le cadre d’une carte postale. Joucas déborde de douceur de vivre et on y déambule avec oisiveté. Le soin minutieux porté à la pierre de ses habitations et la part belle faite à sa végétalisation évoquent un tableau paisible et des soirées agréables sous les tonnelles, face au Luberon. Derrière un muret de pierre sèche, le toit et le clocher-mur de la petit église Saint-Jean-Baptiste apparaissent, dominant un horizon de vignes. Il se raconte qu’à l’intérieur s’y dissimule un « véritable musée de l’art italien de la peinture en trompe-l’œil ». Avis aux amateur/rices !

À TRAVERS LA GARRIGUE

Le haut de Joucas abandonne le cliché provençal. Les propriétés, plus récentes, se claquemurent derrière des haies opaques ou se dispersent, sans charme, dans un bain de chênes verts. Le goudron se fond bientôt dans le chemin : la garrigue ouvre grandes ses portes aux randonneur/ses. Le musée des fleurs et des senteurs n’a, heureusement pour nous, pas fini d’exposer. Je craignais que le confinement nous prive du bonheur du printemps. La punition n’a été que partielle.

Y a-t-il meilleure période que le printemps pour un bain de garrigue ? C’est à cette époque de l’année, dans une explosions de couleurs et de parfums, que ce qui caractérise la Provence dévoile sa pleine identité

Partout sur les bords du sentier, chatouillant les haies de chênes, fleurissent encore des parterres d’Aphyllantes de Montpellier, montées sur leurs tiges grêles, et de Saponaires Faux-Basilic qui tendent de petits bras roses au bout de longues corolles. Des Hélianthèmes Hérissées ponctuent de jaune ce dialogue floral ininterrompu qui voit parfois un bourdon ou une abeille noire y mettre leur grain de sel – ou de pollen. Le petit chef-d’œuvre de la Nature renouvelé à chaque saison.

Nouveau poteau, nouvel aiguillage. La trace s’échappe en basculant à gauche en faisant face à la grande plaine viticole étirée jusqu’aux collines de Roussillon. Entre deux tranches de buis, la silhouette de Gordes se distingue à l’ouest, souverainement juchée sur sa butte. J’ai fait l’impasse sur cette halte de prestige du Luberon. J’y reviendrai lors d’une prochaine tournée pour coupler la découverte passionnante de ce haut lieu touristique à celle de l’Abbaye de Sénanque, l’un des trois joyaux cisterciens du secteur. Le tout en mode rando, évidemment ! Un étage en-dessous la végétation est déjà passée de mode. Ici tout est plus dense et fourni. Les chèvrefeuilles s’incrustent. Les fruitiers sont au garde-à-vous. On joue du coude dans des herbes devenues folles jusqu’à jaillir sur une rocade encadrée de pins d’Alep.

Un chemin, si large et princier, qu’on en manquerait la balise qui le quitte discrètement à droite pour rejoindre l’intersection de Bois d’Audibert. Un joli mas de pierre apparaît bientôt. Mosaïque de pierres ocres et volets bleus, dans le plus pur style du Luberon. Ici on ne rigole pas avec le PLU et c’est tant mieux pour les yeux. Quelques pas de plus et voici le croisement des Grailles, départ souvent considéré comme officiel pour les Gorges de la Véroncle.

À partir de là, ce sont six kilomètres sauvages à point qui attendent le randonneur jusqu’à Murs. Fini l’échauffement. Au-delà de ce poteau, c’est le plat de résistance, celui pour lequel on est venu manger à cette adresse : les Gorges de la Véroncle sont là. On y est en attente d’immersion, de passages insolites, de vues mémorables et de souvenirs de randonnée à partager. En vérité, on y trouvera même un petit peu plus que ça…

À LA RENCONTRE DES MOULINS

Surprise : le balisage ne nous envoie pas dans les gorges mais au-dessus ! C’est par une allée de cailloux pétrie au soleil du midi que démarre l’aventure de la Véroncle. Un faux-départ heureusement de courte durée. La balise du GR® de Pays Tour des Monts de Vaucluse, surmontée d’une croix de Lorraine – rappel historique au Maquis de Gordes –  corrige plus loin cette digression et ré-aiguille le/la marcheur/se là où il ne tient plus en place de se trouver, à savoir dans le fond ombragé des gorges.

Ils étaient dix moulins à tourner jadis dans les gorges. Avant d’être une randonnée, la Véroncle était surtout une industrie.

Trois petits lacets et une courte échelle plus tard et le décor a fait peau neuve. Sous le plafond de la canopée, on a perdu une poignée de degrés. La transition printemps-été est en cours d’exécution. Les Monts du Vaucluse, à l’instar du reste de la Provence et d’une partie de l’Occitanie, n’ont rien d’accueillant sous la canicule estivale. Les inter-saisons restent les époques les plus favorables pour les honorer d’une visite.

Véroncle

Véroncle

À l’ombre des feuillus-parasols, la silhouette éventrée d’une ruine prend forme. Voici, surgi du passé, le moulin Cabrier, l’un des derniers témoins de la riche histoire préindustrielle et rurale de la Véroncle. Si, au 21ème siècle, ce qui est identifié sur l’IGN comme un cours d’eau affluent du Carlet n’exhibe souvent qu’un débit poussif entre deux vasques asséchées, il n’en a pas toujours été ainsi. Entre le 16ème et le 19ème siècles, le Luberon est façonné par des hommes besogneux qui brillent à en exploiter les ressources.

L’eau, ce trésor aussi rare que précieux, est aussi source d’énergie. EDF n’a rien inventé. La force motrice de l’élément liquide servait ici à animer les massives meules de molasses qui broyaient le grain de froment et le transformait en farine. Un dispositif ingénieux, particulièrement adapté aux cours d’eau non permanents, et qui misait sur la collecte de l’eau dans une écluse. Des panneaux clairs et pédagogiques détaillent ce brillant modus operandi.

Le moulin Cabrier est la tête d’un long corps d’ingéniérie composé de dix moulins disposés entre Murs et Les Grailles. Il porte le nom du dernier meunier en ayant porté la responsabilité : Bénito Cabrier. Dans ce petit carré de souvenirs, on aperçoit encore le bassègue, cet axe vertical qui entrainait la meule courante. L’une d’elle demeure également visible, rongée par le temps et l’oubli, à l’extérieur du moulin. En passant derrière les murs fatigués du bâtiment, on grimpe au-dessus du puits.

Le sentier se faufile ensuite à contre-courant du béal, cette canalisation futée qui acheminait l’eau jusqu’au réservoir du puits. C’est un voyage dans le temps surprenant qui est ici entrepris tandis que se remonte l’astucieuse mécanique du moulin. Une solide échelle de fer conduit à sa partie terminale : le barrage, ou resclause, édifé par Cabrier en 1874 et où démarrait le procédé de stockage des eaux. Rien à redire : ce prologue a de la gueule.

Véroncle

Véroncle

LA TRAVERSÉE DES GORGES

La suite ferme le chapitre industriel et ouvre celui de la luxuriance. La Véroncle est à sec mais les hautes falaises ouvrent ici un passage étroit et baignée d’une ombre bienfaitrice. Dans cette jungle vauclusienne, des ormes jouent les planqués de service au rez-de-chaussée tandis que figuiers et arbousiers dressent des cous de girafe inattendus pour chercher de la lumière à l’étage. De temps à autre, une cavité sortie de la Guerre du Feu ouvre une gueule béante sur le canyon. L’ambiance est (d)étonnante.

Après la leçon d’Histoire, les gorges ouvrent leurs portes au randonneur. Il est temps de démarrer cette traversée tant attendue.

Puis vient la lumière. Les murs des ravins se tassent en laissant entrer un peu d’azur au tableau. La Véroncle sort de l’ombre et octroie à quelques spécimens végétaux saturant de chlorophylle de faire trempette dans une eau saumâtre qui peine à se donner du courant. Le sentier s’amuse à passer du lit à la berge, invitant parfois à quelques (dés)escalades ludiques. L’itinéraire, ici, n’a rien d’ennuyeux.

Véroncle

Véroncle

« Ça me rappelle le Rieussec en Ardèche« , lance Raphaèle devant moi. Oui c’est vrai qu’il y a un air de famille quand on se retrouve à tailler sa voie entre vasques et parois étrangement sculptées par l’action érosive de l’eau. L’identité intrinsèque de tous ces canyons qui s’explorent désormais les pieds au sec. Pendant ce temps, à l’insu de notre attention, les falaises ont repris du poil de la bête.

C’est l’une des grandes forces de ces gorges de la Véroncle : la capacité à se réinventer tout au long du parcours

La lassitude n’a pas sa place dans le cortège d’émotions qu’on trimballe avec nous. À mi-chemin, l’envergure du décor saute aux yeux. Face à d’autres combes confinées du Vaucluse, Véroncle sort le grand jeu. Ce n’est certes pas le Grand Canyon mais ça reste un cadre majeur qui absorbe tout cru le visiteur dans le creux de ses méandres.

Véroncle

Véroncle

La trace prend de la hauteur, cherchant son passage sur les flancs des gorges plutôt que dans le fond. On se fait promener de bas en haut comme un skater dans son park. La perspective se renouvelle en même temps que le dessin des gorges. Le végétal semble lancé dans une guerre de position avec le minéral, tantôt battant en retraite, tantôt grignotant du terrain. À l’approche du Ravin de Vézaule, le vert semble vouloir le remporter sur le gris.

Le regard se perd dans cette lutte d’influence puis revient subitement au sentier : une échancrure plus profonde s’ouvre au-delà d’une balise. Un câble et des aides métalliques se portent au secours des moins agiles pour faciliter une descente raide et express vers le thalweg retrouvé. Ici s’ouvre un pas de deux plus confus. Roches et végétaux en lutte s’embouteillent et se contractent. Il faut forcer le passage et renoncer aux balises. La voie se libère un peu plus loin à l’approche du Grand Méandre.

Véroncle

Véroncle

Le Grand Méandre, c’est la pièce maîtresse du tableau de Véroncle. D’autant plus que le tracé offre la possibilité de la découvrir vue d’en bas, d’abord, puis d’en haut, plus tard. Pour l’heure nous errons au fond de ce grand amphithéâtre biscornu stratifié de toits et de surplombs boursouflés. Le passage est large et comme dallé. L’eau s’y infiltre en larges flaques animées par un courant apathique.

On sinue pour garder les pieds au sec en suivant la direction imposée par la géologie, jusqu’à venir cogner dans ce qui reste d’un autre moulin. Ils étaient jusqu’à dix encore en activité ici au siècle dernier. Celui-ci, avec ses quatre niveaux et sa dépendance agricole, comptait parmi les plus imposants. Aujourd’hui la nature a repris ses droits, érodant, écroulant et reconquérant la pierre abandonnée. Comme celui de Cabrier, le moulin Jean de Marre s’est désormais tu.

INVERSION DE PERSPECTIVE

Depuis cette ruine et le poteau signalétique qui lui succède plus haut, il est possible de poursuivre son chemin par les gorges pour rejoindre Murs. À cette trajectoire directe, nous préférons un crochet par le sentier-balcon dominant le Grand Méandre. Une pure question de point de vue que chacun(e) est libre d’esquiver – ou pas. Il ne faut guère de temps pour, en effet, rejoindre ce beau single, tracé au-dessus des lauriers-thyms et des chênes verts, qui ouvre sur le dégradé des falaises de la Véroncle. Mieux encore, il autorise quelques échappées vers des belvédères naturels sur le prestigieux Grand Méandre en personne. Un panorama en forme d’aboutissement pour qui s’est acquitté de la traversée des gorges. Un mobilier d’information aide le/la randonneur/se à une lecture de paysage qu’il est difficile d’entreprendre seul afin de décrypter la chronologie géologique qui a conduit à cette merveille.

Véroncle

Si la tectonique et les forces de la nature ont largement œuvré à ce résultat, il est bon de rappeler que le paysage actuel a également largement été façonné par l’homme. Fermez les yeux un instant et imaginez vous au même endroit deux cents ans plus tôt. Le chêne vert, cet envahisseur naturel, est quasiment radié du décor. Les coupes de bois sont d’usage. Pour le chauffage et le tannage. La moindre parcelle est optimisée et cultivée. Le surpâturage mâche le travail de l’érosion.

L’humain est à tous les étages et l’écho de son activité est plus fort que le son de la rivière. Ouvrez maintenant les yeux. Tout cela n’est plus qu’un souvenir consigné sur un panneau. La garrigue victorieuse a presque achevé d’effacer les traces des droits de lignerage et de glandage. Il n’y a plus que la randonnée pour rappeler aujourd’hui aux hommes que d’autres qu’eux ont, hier, vécu et travaillé dur en ces lieux que le loisir dispute désormais au souvenir.

LE CHEMIN DE MURS

La suite, agréable, s’enroule au-dessus de l’amont du Ravin de Vézaule jusqu’à la prochaine intersection. Gordes n’est qu’à 2,5 kilomètres par la gauche, dont une grosse partie sur route. Rien de bien palpitant de ce côté. C’est donc vers Murs qu’on bifurque, avec la candide intention de revenir à Joucas par les Gorges de Vaumale. Un objectif gourmand, à près de déjà 14h au compteur. La virée est plaisante et ombragée, longeant parfois de jolis murets de pierre. Le pas déroule avec fluidité après les contorsions des gorges. Le rythme s’en ressent, léger et rapide.

L’idée maîtresse est de rejoindre la partie amont de la Véroncle, un peu avant le Moulin des Étangs. C’est ici que, à la fin du 16ème siècle, le ruisseau fut clos par un barrage de 132 m² servant à alimenter la série de moulins de l’aval. De cette immersion subsiste aujourd’hui un sentier flottant dans le vert de grandes prairies lumineuses et fleuries. Un jardin coloré où bourdonne la circulation d’insectes pressés. Un ultime bain de nature avant le glas de la piste.

Véroncle

Je pensais l’émerveillement derrière nous : je me trompais. Une fois la route retrouvée, quelques belles surprises nous attendent encore au tournant. Certes plus de la même envergure que les gorges mais cependant bienvenues. On parle pourtant bien de d’abord frapper du goudron du plat de nos chaussures. Mais la petite voie discrète qu’on suit – celle qui entre à Joucas par la petite porte – invite à une parenthèse champêtre. Ici les Monts du Vaucluse se sont assagis, transformés en champs fourragers parsemés de coquelicots. Bucolique au possible je vous dis.

Habituellement je presse le pas sur la route. Ici je me surprends à le retenir. D’autant plus lorsque notre route croise celle de chênes plusieurs fois centenaires dont l’ombre gigantesque se propage de la route aux champs voisins. Branches solides comme un bœuf, écorce ridée et tannée de vieux sage végétal. Quand on lève les yeux vers ces ancêtres colossaux, c’est toute une histoire qu’on lit dans leurs feuillages frémissants.

LE CHOIX DU RETOUR

On entre à Murs par la rue de Font de Ribeau. 425 âmes composent en permanence ce petit bastion compact du Luberon dont les noms de rues évoquent un autre temps : rue du Brave Crillon, place des Sarrazins, rue des Remparts, rue du Château… À bientôt 15h, Murs est à peine plus animé que Joucas ce matin. On savoure une pause à l’ombre du Monument aux Morts. Un rapide calcul mental nous fait estimer à plus de 3h30 la boucle par Vaumale. Un timing serré pour honorer nos responsabilités parentales. Il nous manque une heure pour cette extension un peu dingue. Presqu’une deuxième rando dans la journée. L’hésitation joue avec nos envies mais c’est la raison qui l’emporte. On reviendra pour une boucle spéciale Vaumale-Lioux à couronner, pourquoi pas, par une petite virée sur la Falaise de la Madeleine. L’idée est suffisamment réjouissante pour faire abdiquer séance tenante toute déception. On met donc le cap sur Joucas, par le chemin le plus rapide mais sûrement pas le plus beau.

On quitte Murs dans l’odeur du fourrage coupé. Une fois la Vierge dépassée, c’est la route qui nous tient compagnie. Rien d’extraordinaire. Je suis déjà nostalgique de mes chênes sacrés et demeure impassible devant des légions de cerisiers. La magie du début de journée s’est évanouie. Ce retour est une formalité. On retrouve un chemin après l’intersection de Notre-Dame-du-Salut mais rien n’y fait. Le déséquilibre entre l’avant et le maintenant est trop marqué.

Après l’enchantement des gorges, le retour manque cruellement de panache. Dommage.

Un chemin caillouteux, mais au demeurant tranquille, longe le Grand Fossé de la Rourette et atterrit dans une ligne électrique du temps d’Edison. La section n’a rien d’esthétique mais offre un raccourci utile à la piste chaude qui a les honneurs du balisage. Un dernier bout de départementale inévitable précipite l’envie d’en finir. Fort heureusement, les derniers mètres, par les chemins secrets de Joucas, redonnent un peu de couleurs à ce retour décidément loin d’être essentiel. La Véroncle reste et restera la star absolue de ce tracé justifiant quelques négligeables sacrifices.

ACCÈS À JOUCAS ET AUX GORGES DE LA VÉRONCLE

En voiture, l’accès se fait par l’A8. En venant du nord, sortie 24 « Avignon-centre » puis D900 direction Apt jusqu’au Coustellet. En venant du sud, sortie 25 « Cavaillon »,puis direction Cavaillon et Apt, jusqu’au Coustellet. Au feu du centre du Coustellet, suivre la direction de Gordes par la D2. Après avoir dépassé Gordes continuer sur la D2 quelques kilomètres puis, à l’indication, suivre la D102 direction Joucas, à gauche. Deux aires de stationnement disponible à chaque entrée de Joucas.

GORGES DE LA VÉRONCLE : LE TOPO

Depuis le parking, rejoindre le centre de Joucas et la rue de l’église. Suivre la belle rue caladée qui s’élève en passant au-dessus de l’église. À sa sortie, poursuivre la montée par la voie la plus à gauche. À l’intersection, prendre à gauche. Après la dernière maison, la route devient chemin et conduit à la bifurcation de Basse Auvières (1).

Prendre à gauche et rejoindre le prochain poteau signalétique (2). Prendre encore à gauche, direction Gordes et Bois d’Audibert. Rejoindre et suivre une large piste plus bas. Dans la courbe à gauche suivante, bien repérer les balises rouge et jaune du GR® de Pays qui partent à travers le bois, à droite, par un petit sentier (3). On rejoint d’abord l’intersection de Bois d’Audibert et, en continuant par le GR® de Pays, on atteint les Grailles (4).

S’engager à droite en suivant la direction Murs et Moulin Jean de Mare. On commence par s’élever au-dessus des gorges, jusqu’à une balise du GR® de Pays surmontée d’une croix de Lorraine (5). La suivre à droite et descendre dans les gorges pour rejoindre le Moulin Cabrier.

Passer à gauche, puis derrière la ruine pour atteindre le réservoir. Le longer, passer sous une baume puis s’engager dans le béal. Au bout, gravir une échelle et, après avoir dépasser la retenue, s’engager dans le canyon.

Parcourir le fond des gorges. Le début, quand elles sont encore assez étroite, se fait dans le creux du thalweg. Par la suite, quand elles s’élargissent, bien prêter attention aux balises du GR® de Pays qui versent parfois d’un côté ou de l’autre pour cheminer. Entre le point coté 268 et celui coté 311 sur l’IGN, on évolue plutôt en hauteur à gauche. C’est dans cette section qu’on franchit le décrochage avec main courante évoqué dans l’article. Après le point coté 311, on est de nouveau à l’air libre dans une section élargie des gorges. Traverser ainsi le Grand Méandre, rejoindre le Moulin Jean de Mare puis, après une courte grimpette, atteindre l’intersection (6).

Monter à gauche, direction Gordes, toujours par le GR® de Pays. Profiter de belles vues sur le Grand Méandre puis monter au-dessus du Ravin de Vézaule jusqu’à l’intersection (7).

Prendre à droite la direction Murs. Le balisage jaune passe en sous-bois puis en émerge pour amorcer sa descente vers la Véroncle. Après une brève dégringolade, il part à flanc et en pente douce jusqu’à rejoindre le cours d’eau en amont des gorges (8).

Poursuivre tout droit en traversant d’abord des sous-bois, puis de belles prairies. Dépasser le Moulin de l’Étang et suivre le sentier qui remonte à droite pour atteindre finalement une large piste. Continuer par cette piste et rejoindre une route après le petit centre de traitement des eaux (9).

Continuer par cette route et atteindre ainsi Murs (10). Dépasser la mairie et continuer en longeant la D4 en suivant la direction Joucas et Prés Longs. Après la vierge, la route fait un coude marqué à droite et rejoint l’intersection de Prés Longs (11).

Continuer de suivre la D4 à gauche. Dans le virage serré à droite, la quitter pour descendre à gauche par une petite route et atteindre le croisement de Notre-Dame-du-Salut (12). Poursuivre en face.

On rejoint plus bas un nouveau croisement : traverser la route et continuer en face par un chemin taillé sous les arbres (balisage orange) (13). Au bout, dépasser une maison par la gauche et suivre le chemin qui arrondit en-dessous et qui longe ensuite le Grand Fossé de la Rourette. Atteindre la bifurcation de la Rourette (14).

Suivre la direction Joucas. Après une courte montée, le large chemin redescend et croise une piste (15). Continuer en face en suivant la ligne de poteaux électriques et rejoindre la suite de cette piste plus rapidement ainsi.

La piste devient voie et rejoint la départementale 102a. Suivre celle-ci prudemment à gauche et rejoindre plus bas l’intersection du Mourre Blanc (16).

La suivre à droite direction Joucas et Aires du Château. Après avoir dépassé le groupe de maisons, suivre à gauche (balisage orange) et, après une centaine de mètres, quitter la route pour un chemin s’ouvrant à gauche. Descendre et être attentif, environ 150 mètres plus bas, à la balise qui part à droite, via un sentier étroit qui s’engage entre les habitations. À son pied, on atteint le bas de Joucas.

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

On commence par une question de saisonnalité. Une habitude quand on lance une proposition de randonnée en Provence. Il peut faire très chaud dans ce secteur entre juin et août. Ça frôle l’invivable. Pour le confort de l’expérience, je vous recommande de réserver votre visite de la Véroncle à septembre ou octobre. Mieux encore et si vous êtes encore plus patient(e)s, je vous pousse même à la caler au printemps, de fin avril à fin mai, pour être les spectateur/trices privilégié(e)s du printemps. La garrigue n’est jamais aussi belle que dans ses poussées de genêts, de cistes, d’aphyllantes, de centranthes, j’en passe et des meilleures. Ce n’est, vous le voyez, pas simplement qu’un question de température.

On continue par la question de l’eau. La Véroncle, toute gorge qu’elle soit, coule peu – ou pas. Et son eau, à moins de la filtrer, n’est guère propre à la consommation. Il sera donc prudent de partir avec suffisamment d’eau (1,5 l par personne me paraît donner de la marge), sachant que vous trouverez de l’eau à Murs, au niveau des toilettes publiques situées en-dessous du Monument aux Morts. Bon à savoir.

Véroncle

Pas de grosses difficultés à prévoir sur cet itinéraire. Le terrain, dans les gorges, reste en grande partie joueur et agréable, malgré sa nature « hors-piste ». Seul le passage équipé, évoqué plus haut dans l’article, demande un peu plus d’attention que le reste.

Le balisage reste globalement bon tout au long du tracé. Des flèches signalétiques sont installées aux endroits-clés. On peut parfois un peu hésiter dans de courtes sections du fond des gorges. En cas de doute, sachez que la trace suit toujours le tracé de l’eau. On finit ainsi toujours par récupérer une balise plus loin.

Véroncle

LES GORGES DE LA VÉRONCLE : AVIS PERSO

Ça faisait une tirée que j’avais ces gorges dans le collimateur. Grand fanatique de la lecture des cartes IGN, j’avais vite remarqué cette strie flagrante dans le terrain des Monts du Vaucluse. De toutes les combes du secteur, c’est la plus marquée sur un strict plan topographique. Ensuite il y a eu des photos et des reportages qui ont continué de la faire remonter dans ma To Do List. Pourtant, c’est par celle de Maraval puis celle de Curnier, au Ventoux, que je démarre mes explorations des combes vauclusiennes. Il aura fallu l’après-confinement de 2020 et le coup du rayon des 100 kilomètres pour déclencher la réalisation de ce tracé. Autant dire que cela faisait partie de ces coins pour lesquels, en amont, j’avais d’assez hautes exigeances.

Alors déçu ou pas déçu ?

Pas du tout déçu. Mais alors pas du tout. Il y a de l’ampleur, il y a de l’envergure dans ces gorges. Et puis on en a pour son argent, même si c’est gratuit. Avec un peu plus de deux kilomètres inside, ce ne sont pas les plus longues du coin mais on y passe du temps. Peur de la redondance ? Certainement pas. La Véroncle offre des passages variés en terme de profondeur, de terrain et d’espace. Deux petits passages équipés feront plaisir à celles et ceux qui aiment mettre un peu les mains. Et puis le départ, au moulin Cabrier, est vraiment superbe. Si j’ajoute le bonus du point de vue sur le Grand Méandre, ça fait monter la note d’intérêt très fort.

Mais déçu un peu même…

Le passage des gorges est trop intense par rapport au reste de la boucle. Si le tronçon Vézaule – Murs conserve un certain cachet, le retour vers Joucas n’a rien d’exceptionnel. C’est juste un protocole de retour pour dire qu’on fait un circuit. Routes omniprésentes, décor quelconque… Peut-être y a-t-il mieux à imaginer pour rentrer ? Heureusement que le point de chute est Joucas, petit village du Luberon qui mérite qu’on s’y attarde. On aurait aimé que le bar à l’entrée soit ouvert pour savourer le terminus et débriefer cette randonnée. Le Covid en avait décidé autrement.

Véroncle

HÉBERGEMENTS ASSOCIÉS

Logis Hôtel des Commandeurs (non testé)

On ne peut pas le rater quand on arrive à Joucas : il est à l’entrée est du village. Il était, bien sûr, fermé quand nous sommes passés, crise sanitaire oblige. Mais on a pris le temps de s’arrêter devant les menus, pour se donner envie, et de rigoler aux mots amusants laissés par la direction pour expliquer la situation. C’était vraiment bon esprit malgré la gravité et ça nous a fait dire que, si on revient à Joucas, on se posera sûrement aux Commandeurs. Ça me paraissait donc normal d’en parler ici, d’autant que l’établissement fait hôtel et restaurant et propose une formule étape à 95 euros comprenant une nuit, un repas et un petit-déjeuner pour une personne. Infos : hostellerie@lescommandeurs.com et/ou tel : 04.90.05.78.01

Les Jardins d’Éleusis (non testé)

On est passé devant en descendant depuis Murs et j’avais relevé l’adresse. Ici, on joue la carte du calme et du chic. Quatre chambres d’hôtes à l’atmosphère contemporaine et à la décoration provençale chic qui, chacune, abrite l’oeuvre d’un artiste provençal de renom. Le décor est planté ! Piscine, jardin et sauna complètent cette belle offre. L’adresse fait également table d’hôte au prix super compétitif de 25 euros par personne. Pour la partie chambre, c’est à partir de 80 euros, petit-déjeûner compris. Infos : contact@lesjardinsdeleusis-gordes.com et/ou tel : 06.78.58.02.26 ou 04.32.50.28.25

AUTRES ITINÉRAIRES À PROXIMITÉ

Les Gorges de Vaumale
La Combe de Lioux
La Falaise de la Madeleine
L’Abbaye de Sénanque

Véroncle

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Lac de la Vogealle & Fer-à-Cheval : quel cirque !

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De tous les cirques français, le Fer-à-Cheval compte parmi les plus imposants à mes yeux. Bien davantage que son rival pyrénéen de Gavarnie. Moins écrasant, moins sombre, plus étiré et, également, pas radin en matière de cascades. Un grand jardin où les visiteurs les moins montagnards peuvent s’esbaudir à moindre effort devant la beauté brute d’un lieu hors du commun. Celles et ceux qui lèveront les yeux en rêvant à davantage en auront aussi pour leur argent. Les possibilités de vivre le Fer-à-Cheval de l’intérieur sont nombreuses et quelques itinéraires ont même des relents de challenge. À la croisée des mondes, juste avant les choses (très) sérieuses, voici une boucle sportive vers le lac de la Vogealle pour profiter en une fois de l’essentiel du cirque.

Difficulté : difficile | Distance : 16,5 km | Dénivelé : 1050m | Durée : 7h | Carte : IGN TOP25 1/25000è 3530ET – Samoëns/Haut-Giffre

ENTRÉE EN MATIÈRE

La première impression est déroutante. La vision d’une file de voitures, filtrées à l’entrée de la zone le temps de s’acquitter d’une redevance, a de quoi provoquer une envie de demi-tour et de laisser ce « cirque » à la grande kermesse du tourisme. C’est toutefois sans compter sur deux choses essentielles. La première, c’est l’espace immense où répartir cet afflux de visiteurs. La seconde, c’est le peu d’expérience de la montagne de la grande majorité d’entre eux.

Pour les amateurs de grands espaces un poil taciturnes ou un soupçon sauvages, arriver le matin sur le Grand Site du Fer à Cheval peut avoir quelque chose d’intimidant, voire de rebutant. Ne vous y fiez pas !

Un état qui les borne à demeurer, rassurés, sur le circuit principal tracé autour du Giffre. Ces deux points conjugués ont un effet immédiat dont un résumé pourrait être : plus où monte, moins y’a de monde. Bonne nouvelle pour les quêteurs de liberté. À cette constatation, j’en ajouterais une seconde, tout aussi pertinente et utile : les gens vont toujours dans le même sens. Au Fer-à-Cheval comme dans la vie, mon conseil : fuyez la norme !

la vogealle

C’est ainsi que, poussé par l’instinct du contre-courant, on bascule immédiatement en rive droite du Giffre, sur la partie du sentier de découverte plutôt généralement suivie au retour par les marcheur/ses. Résultat du pronostic : on y est quasiment seuls avec, en toile de fond, la perspective massive et écrasante de l’immense paroi de la Tour Saint-Hubert (ci-dessus). Première claque, bim ! Une passerelle, plus loin, permet à mi-chemin de changer de rive. Ce qu’on se garde bien de faire.

Marcher, dès le matin, face au mur où s’accole la paroi de la Tour Saint-Hubert donne le la d’une journée à passer dans un lieu où se cultivent les superlatifs

Mon idée – il faut toujours une idée quand on part en randonnée – c’est de mettre le cap vers le Chalet de Prazon – première guinguette des familles assoiffées – pour me carabiner fissa, et au-delà, par le sentier escarpé qui rejoint le chalet du Boret – seconde guinguette – via le raide Pas du Boret. Un plan concis et redoutable d’efficacité. Après avoir filé au pas de course sur les deux kilomètres séparant le Chalet de la Réserve de la buvette de Prazon, on se catapulte séance tenante dans les sous-bois, prêts à laisser définitivement derrière nous les wagons de tête de la locomotive de visiteurs qui se déversent peu à peu dans le Fer à Cheval.

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L’ASCENSEUR DU PAS DU BORET

À ma grande surprise, on ne sera pourtant pas les seuls sur ce sentier qui, je le pensais, aller un peu écrémer. De loin, pourtant, le Pas du Boret a de quoi impressionner. Une trace fragile et dérisoire qui sinue, presque hésitante, dans des pans végétalisés à la raideur surprenante. Le tout au-dessus de barres rocheuses inamicales, dans un décor vertical qui gonfle ses biceps pour tenter de dissuader le/la marcheur/se de s’y élancer. Un effet dissuasif visiblement peu efficace au regard du peuple qui se balade là-dedans, nonobstant des avertissements intimidants placardés au tout début de la voie. Ça monte même par le Pas du Boret en famille !

Précédé d’une réputation un peu redoutable, le Pas du Boret ne décourage visiblement pas les randonneurs/ses curieux/ses de savoir ce qui se trame aux étages supérieurs du Fer-à-Cheval !

Et ça monte même bien ! On y croise des pères, des mères et des enfants en cadence, pas affolés pour deux sous et qui s’avalent le dénivelé à un rythme d’ongulés. Après une première rampe taillée dans une coulée rocheuse figée, la trace s’envole, parfois complétée par un câble pour limiter les dérapages accidentels. Un enchaînement de lacets étroits monte à la verticale en libérant des perspectives plus étendues sur le Fer-à-Cheval. À la fin c’est presque un escalier, avec l’effort qui va avec. Le Pas du Boret est beau et sportif. On ne pouvait guère rêver mieux comme entrée en matière avant l’ascension vers la Vogealle.

La Vogealle

La sortie se fait sur des pelouses accueillantes. Toujours sous la vigie de la Tour Saint-Hubert, élément central du cirque depuis notre position. Des parasols coiffent la crête toute proche, enveloppée d’odeurs de frites et d’entrecôtes saignantes. L’oasis promise à celles et ceux qui ont trempé le maillot pour se hisser jusque là est proche. Un coup d’œil à la montre : midi. L’horloge logée dans mon estomac me fait lancer un signe à Raphaèle. À l’unanimité, on vote pour le pique-nique avant la suite des hostilités.

Le Chalet du Boret, c’est le petit camp de base sympa qui précède la deuxième ration de dénivelé pour celles et ceux qui décident de poursuivre leur effort jusqu’à la Vogealle.

Je boycotte le gras et le trop sucré pour un déjeuner plus frugal. Avec encore 600 mètres de dénivelé en attente, ce n’est pas le moment de rester scotché au sentier. La zone du chalet du Boret reste cependant un petit coin de verdure apaisant, trônant au-dessus de la fourmilière du cirque, face aux à-pics vertigineux du Pic de Tennerverge. On s’y sent en apesanteur, flottant à un étage intermédiaire de ce gratte-ciel rocheux dont le toit, invisible, est retenu captif par des garnements nuageux.

La Vogealle

CAP SUR LA VOGEALLE

La marche reprend une fois la dernière datte avalée. C’est maintenant que commence, non pas la raréfaction de l’oxygène mais bien celles des promeneurs/ses qui n’iront pas plus loin que la tarte aux myrtilles du chalet. L’effort reprend  sans trop de ménagement avec une trace peu encline à la courbe. Un souci d’efficacité qui permet d’inventer, plus haut, un passage en écharpe dans des thalwegs peu fréquentables.

Prochain arrêt : le refuge de Vogealle, quelque part dans les strates supérieures du massif.

La configuration parfaite pour exciter les afficionados du déclencheur. Ils pourront prendre de l’avance et guetter leur sujet afin de le cadrer, plein axe, avec le paysage dantesque du cirque en toile de fond, dans un effet de profondeur globalement pas vilain. Mince, je crois que ce Fer-à-Cheval commence à m’impressionner et à me faire douter de ses homologues. Tout est trop grand ici, j’en perds mon latin.

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Au passage de la Pierre du Dard de la douceur s’invite dans le paysage. Un vert plus lumineux colorie des pentes assagies, permettant aux sommets les plus occidentaux du cirque de se présenter : Tête de Pérua, col de Sageroux, Tête des Ottans… S’ensuit une longue chevauchée en crête pour atteindre les contreforts du ponte local, le seul à dépasser les 3000 mètres, le Grand Mont Ruan, frontalier avec la Suisse. Le sentier slalome maintenant vers l’imposante barre rocheuse du Dardet sur laquelle il entreprend de s’appuyer.

En prenant de l’altitude, le Fer-à-Cheval dessine un autre visage. La profondeur prend de l’ampleur. L’échelle de mesure se fait fébrile.

À sa sortie, un tertre évident semble avoir été laissé là pour la gloire des réseaux sociaux et des hashtags. C’est la pause photo qui fait du bien au cardio (ci-dessous). Au-dessus, c’est la suite patiente de l’ascension qui attend son heure. À l’ombre des falaises, blocs et rocailles s’agglomèrent dans les pentes en encombrant le passage. Le chemin vers la Vogealle se réinvente une trajectoire à travers ces géants fatigués et en direction de barres grisâtres qui dessinent des estampes sur les flancs de la montagne.

la vogealle

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LE PETIT PARADIS DE LA VOGEALLE

Un dernier ressaut, un défilé plus étroit, le son retrouvé d’un torrent : les alpages accueillants de Vogealle sont là. Posé à l’abri, derrière le bras protecteur d’une crête, le refuge de Vogealle est un havre de paix, loin, très loin de l’agitation du fond du cirque. Une étape incontournable sur le GR® de Pays qui opère le Tour des Dents Blanches et un point de passage obligé pour les candidats au Grand Mont Ruan. Le baume apaisant de la montagne est à l’œuvre en ces lieux.

Loin de l’agitation du fond du cirque, le refuge de la Vogealle accueille le visiteur dans un espace vert de tranquillité et face aux hallucinantes murailles du site.

À bientôt 2000 mètres d’altitude, on est à la frontière des mondes. L’âme solennelle des sommets se tapit encore au-delà, dans les recoins sauvages de ces grandes parois qui écrasent la perspective et où le randonneur n’a plus aucune accréditation. On dispose encore d’un peu de temps pour aller déposer notre révérence face à ces géantes. Depuis le refuge, une rapide grimpette dessert ainsi l’hypnotique vallon où repose le lac de la Vogealle, ultime but de notre escapade.

la vogealle

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En milieu d’après-midi, ce jour-là, son œil masqué par les nuages n’exhibe plus qu’un regard terne. Un maigre éclat de soleil dessine un triangle lumineux sur les pelouses du déversoir, au nord. L’endroit est froid mais pas inhospitalier. De nouveaux itinéraires s’y dévoilent, de nouvelles routes à suivre. Le Pas au Taureau ou le Pas à l’Ours apparaissent, à mes yeux, comme les plus prometteurs en aventure au départ de la Vogealle.

Fermant le vallon au nord, la face sud des Dents Blanches remplit le paysage. Il est possible d’en faire le tour en trois jours et 44 kilomètres. Une belle aventure alpine à laquelle on se verrait bien souscrire.

« Tu es sûr qu’on n’essaie pas de monter plus haut ?« , demande Raphaèle, insatiable et amnésique de notre petiote qui nous attend, en bas, gentiment gardée par les amis aujourd’hui. Oui moi aussi je me verrais bien monter, pourquoi pas, au sommet de la Tête de Barme ou boucler par la Combe aux Puaires. Oui le demi-tour traîne avec lui un parfum amer d’inachevé. Mais c’est ainsi.

La Vogealle

On tourne le dos au lac de la Vogealle et aux Dents Blanches pour maintenant faire face au corps massif du Tenneverge. J’éprouve comme un lien hypnotique avec ce sommet dont la présence colossale envahit tout le champ de vision.  Il me faudra quelques recherches pour connaître le fin mot de l’histoire et découvrir qu’il s’agit d’une ascension rarement réalisée.

Le Pic de Tenneverge… Peut-on seulement aller là-haut ? Oui l’apprendrai-je. Mais comment ? Par où ? Je ne distingue aucune zone de faiblesse dans cet empilement de strates qui me rappellent les Dolomites.

On tient là une sorte de Graal qui se mérite, offert en récompense aux plus impétueux amateurs de ces courses où l’on ne sait pas très bien où s’arrête l’aventure et où commence le danger. Mon sang ne fait qu’un tour. Le nom de Tenneverge s’inscrit au fer chaud dans mon calepin cérébral. Je me connais, ça pourrait vite devenir obsessionnel et je pressens qu’un jour viendra où on en reparlera ici, dans Carnets de Rando.

Pour l’heure, c’est le crush photo. Je remplis ma carte mémoire de ces tours, de ces minarets, de ces bastions en forme d’avant-postes. C’est haut, c’est beau, on dirait un château. Sur la carte, la toponymie met au défi mon imagination : Passage de la Rigole, Cornes du Chamois, Pas Noir, Grain de Sarrasin… Au-dessus de ce défilé d’inspiration médiévale, des glaciers usés font valoir leurs derniers droits à l’existence.

Les glaciers du Fer-à-Cheval luttent contre leur propre disparition. Celui du Ruan reste le plus combatif, mais les géants sont fatigués.

Il faudra néanmoins davantage qu’une reddition glaciaire pour faire tomber la place-forte. L’armature rocheuse, éminemment verticale, du socle supportant les éléments orientaux du cirque n’a pas dit son dernier mot face au défi du temps. Dans cette ode à la verticalité, il n’y a aucun accès facile, aucun passage détourné. Celui qui part conquérir le Tenneverge se heurte ainsi à un mur de deux mille mètres de haut, ni plus, ni moins.

LE BOUT DU MONDE

On repart par le même itinéraire en direction du Chalet du Boret. Quelques heures ont passé, le soleil a tourné. Couleurs et lumières se réinventent sur le mur du Fer-à-Cheval. Je fais poser Raphaèle une dernière fois face à cet ensemble épique. On n’en a cependant pas complètement fini avec lui. Pas question de quitter l’endroit sans être passé par son fameux Bout du Monde, lieu de pèlerinage dévotique pour l’essentiel des marcheurs/ses en provenance du parking.

Venir au Fer-à-Cheval sans aller au Bout du Monde, c’est comme visiter le Macchu Picchu sans monter au Wayna Picchu : c’est sombrer dans l’inachevé.

Une fois de retour au chalet, on s’éclipse cette fois à gauche par une assez longue traversée forestière qui s’emploie à rejoindre le bout du Bout. Une section roulante malgré la fatigue de la journée et on dégringole à terme assez vite à l’aplomb de ces grandes barres dans le pli desquels coulent les cascades. J’en compte jusqu’à sept qui prennent parfois leur élan depuis des sources invisibles. Du raide, du vert, de l’eau. Ou quand la Haute-Savoie se prend pour La Réunion. Côté pile.

Côté face le cirque devient paradis perdu. Un jardin d’Eden dissimulé dans l’ombre immense des montagnes et au milieu duquel le Giffre coule sans entrave. En fin d’après-midi, les lumières entre chien et loup libèrent l’énergie du lieu. Ce Fer-à-Cheval est une chance et je comprends sa labelisation en tant que Grand Site de France. C’est une offrande alpine, un cadeau de roche et d’eau fait aux visiteur/ses ne pouvant prétendre à des compétences alpines.

Le Fer-à-Cheval c’est l’opportunité de goûter à la quintessence de la montagne pour le prix d’une balade à la portée du plus grand monde.

Je n’ai aucun doute sur l’impact que cette rencontre peut avoir dans le regard d’un(e) néophyte à ce milieu. Le Fer-à-Cheval peut intercéder comme révélateur de passion. Des histoires d’amour avec la montagne pourraient jaillir de ces cascades d’émotion. Aussi l’accessibilité au lieu – n’en déplaise, j’en reviens à eux, aux plus asociaux d’entre nous – est-elle essentielle. Découvrir et commencer à aimer un milieu est un pas de fait vers le respect et la protection qui lui sont dûs.

Le temps passe. Je m’arrache à cette contemplation à contrecœur. Une part de moi est enracinée dans la montagne. Le temps que j’y passe n’est jamais assez long à mes yeux. Il reste pourtant encore quatre bons kilomètres à avaler pour retourner vers le parking. Une convergence globale à laquelle, contrairement à ce matin, il est difficile d’échapper. Une fois les amusantes passerelles de Fond de la Combe passées, je commence à presser le pas.

Des cascades dévalent de partout. Il y en a plus de trente dans l’ensemble du site. L’eau coule ici abondamment, richesse liquide qui fait le succès du site.

Il faut le reconnaître : même le sentier de découverte qui, sans excès, fait le tour du vallon par les deux rives du Giffre est agréable. En ouvrant l’œil, on peut aussi y apercevoir parfois des bouquetins jouant les funambules pour une poignée de graminées dans les barres rocheuses faisant suite au Chalet de Prazon. Le spectacle de la Nature met la barre haute dans ce Fer-à-Cheval. Qu’importe le niveau de la balade que vous y aurez réalisée, le souvenir de ce lieu unique devrait rester durablement imprégné dans votre esprit. Avec même, peut-être, comme une envie de déjà y retourner ? Non ?

La Vogealle

ACCÈS AU CIRQUE DU FER-À-CHEVAL

En voiture, la première étape, c’est de rejoindre Cluses. Cluses s’atteint par la sortie 19 de l’A40, dite Autouroute Blanche qui relie Mâcon (l’entrée idéale pour tout ce qui vient depuis Paris) à Chamonix. L’A40 dispose de deux autres entrées : l’A42 depuis Lyon, et l’A410 depuis Annecy. Une fois à Cluses, il faut suivre la direction Taninges par la D902. Une fois à Taninges, on prend à droite direction Samoëns par la D907. Il faut alors traverser Samoëns et continuer par cette D907 direction Sixt-Fer-à-Cheval. Traverser également le petit village de Sixt et continuer par cette même D907 jusqu’à son terminus, à l’entrée du Fer-à-Cheval. Après le péage (5 euros/véhicule), suivre le sens de circulation et, éventuellement, les indications des agent(e)s pour accéder aux aires de stationnement.

Info : le parking du Fer-à-Cheval est payant du 4 mai au 16 septembre. Il est ouvert de 10h30 à 15h30 du 4 au 29 mai et du 2 au 22 septembre. Entre le 30 mai et le 1er septembre, les horaires sont élargis de 8h30 à 17h. Un parking gratuit est présent 2km en aval du site.

En train, on peut rejoindre Cluses depuis Annemasse : une douzaine de départs quotidiens (environ 50mn de trajet, environ 10 euros). Et Annemasse par une ligne du Léman Express depuis Genève-Eaux Vives. Il suffit ensuite de rejoindre Genève en TGV. Depuis Cluses, la ligne 94 dessert Samoëns et Sixt-Fer-à-Cheval du lundi au vendredi (départ à 18h15) avec un départ supplémentaire le mercredi (12h40). Tarif indicatif : 6 euros.

LAC DE LA VOGEALLE : LE TOPO

Sortir du parking et converger vers la zone du Chalet de la Réserve. Suivre le chemin qui passe à gauche de la fontaine et rejoindre un parking. Monter à droite par celui-ci et repérer, dans sa zone d’élargissement quelques mètres plus haut, un chemin qui part, sur la gauche, dans les bois. Le suivre, descendre et franchir le Giffre par une passerelle. Remonter de l’autre côté et croiser un chemin au niveau des fermes de Giffrenant (1).

Prendre ce chemin à droite et remonter à contre-courant du Giffre. Laisser plus loin une passerelle à main droite et continuer tout droit jusqu’au Chalet de Prazon (2).

Rentrer dans le bois, derrière le chalet, par un sentier s’échappant à gauche du chemin principal et indiquant le Chalet du Boret par le Pas du Boret. Au terme d’une raide montée, parfois légèrement aérienne, atteindre le chalet (3).

Au chalet, monter à gauche en suivant la direction du Refuge de la Vogealle. Grimper puis traverser des thalwegs ravinés. Le chemin suit après une trace ascendante à travers des versants de pelouses. La pente s’infléchit en passant sous le Dardet. On franchit des zones plus rocheuses avant de sortir sur le replat du refuge (4).

Laisser le refuge à droite et continuer tout droit en direction du Lac de la Vogealle. Monter une courte pente et ignorer les appels à partir à gauche (vers le Pas de l’Ours) ou à droite (vers la Tête des Ottans ou de Pérua) et continuer tout droit jusqu’au lac de la Vogealle (5).

Revenir par le même chemin jusqu’à (4). Là, deux possibilités pour rejoindre (3) : la route de l’aller ou un sentier balisé qui part derrière le refuge pour rejoindre, 600 mètres plus bas, la trace partie du Boret et conduisant au Bout du Monde. Dans les deux cas, arrivé soit au Boret, soit à cette jonction, suivre à gauche le sentier à travers la forêt pour gagner le Bout du Monde (6).

Le chemin ne va pas plus loin. Arrondir à droite sous les falaises et les cascades pour attraper la suite du sentier qui se ré-axe sud-ouest pour descendre, par une pente caillouteuse, vers Fond de la Combe et sa passerelle (7).
Traverser la passerelle et suivre ensuite le sentier en rive gauche du Giffre qui ramène en 4 km au Chalet de la Réserve.

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

Cette randonnée a lieu au sein de la Réserve Naturelle de Sixt-Fer-à-Cheval/Passy. Une règlementation spécifique s’y applique donc : les chiens sont interdits, la cueillette des fleurs et l’abandon des déchets aussi. Le camping n’est pas non plus autorisé. La circulation ne peut s’y effectuer qu’à pied : vélos, motos et autres joyeusetés roulantes n’y sont pas les bienvenues.

Ce parcours emprunte le Pas du Boret. Même si c’est loin d’être le pas le plus redoutable de France – ceux du Vercors sont bien plus délicats – il demeure par endroit exposé et tracé dans une pente sévère où rattraper une chute semble impossible. Une main courante permet néanmoins de se rassurer. Et le sentier est bon. Pas très large mais sain. Un bon point donc, mais qui ne dispense pas d’une grande vigilance.

Cette randonnée doit, évidemment, n’être réalisée qu’aux beaux jours et par temps sec. On n’y meurt pas de soif avec deux chalets-buvettes sur la route et un refuge au sommet.

LE LAC DE VOGEALLE : AVIS PERSO

C’est franchement une randonnée exceptionnelle dans un décor démesuré. J’avais été impressionné par Navacelles ou par Gavarnie mais le Fer-à-Cheval, c’est encore un niveau supérieur. Deux mille mètres de hauteur, rien que ça, qui font de lui le plus grand cirque montagneux alpin. C’est un vrai fer à cheval, par sa forme, qui s’arrondit sur près de cinq kilomètres ! Des dimensions qui donnent le tournis mais aussi une géologie spécifique qui lui confère une allure de forteresse. Cette impression, on peut la ressentir dès qu’on arrive, en levant les yeux vers le Tenneverge depuis le Chalet de la Réserve. C’est l’un de ses atouts de taille : sa capacité à rendre immédiatement compte de sa majesté sans avoir besoin de monter très haut ou d’aller très loin.

N’ayons pas peur des mots : le Fer-à-Cheval est un must à visiter absolument quand on est en Haute-Savoie.

Toutefois s’échapper en altitude permet de s’offrir de très belles perspectives renouvelées. Les panoramas sur la muraille du Fer-à-Cheval demeure un spectacle exceptionnel. Le Lac de la Vogealle, au bout de ce parcours, est plus intimiste, installé dans un cadre alpin plus standard mais cependant apaisant et rempli de la promesse d’aventures pédestres plus longues et plus engagées. L’histoire pourrait s’arrêter là ; sauf que le Cirque du Fer-à-Cheval a encore davantage à offrir. Crocheter au retour par les cascades du Bout du Monde était vraiment la meilleure idée que je pouvais avoir pour clore cette rando en beauté. L’endroit est bluffant, réellement. Et ma crainte de me retrouver noyé dans une foule bruyante n’avait pas lieu d’être. Le Fer-à-Cheval est tellement grand qu’il absorbe le volume de ses visiteurs dans le creux de ses gigantesques falaises. C’est dantesque ! On en redemande !

HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

Camping Municipal Lac et Montagne (testé et approuvé)

On se l’est joué campeurs pour cette semaine passée autour de Samoëns. Par envie d’abord. Et aussi pour caresser notre budget dans le sens du poil. On était à la recherche d’un petit camping tranquille, assez familial mais sans les animations et le folklore habituel. On voulait se caler le soir avec les copains qui étaient en vacances avec nous sans un concours de tee-shirt mouillé ou un karaoké spécial années 80. C’était donc parfait et, de mémoire, je crois que ça aura été les vacances les moins chères du monde. Les prestations sont au minimum mais très correctes, les emplacements bien verts et arborés. Bref, c’était bien ! Attention, juste, le responsable n’est pas facile à joindre car souvent en train de bosser/se balader dans le camping ! Et aussi : le camping est à Verchaix, à 20 mn du Fer-à-Cheval.

Cet article Lac de la Vogealle & Fer-à-Cheval : quel cirque ! est apparu en premier sur Carnets de Rando.

Dévoluy : En Route Pour l’Avant Bure

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Le sommet du Pic de Bure, cette icône du Dévoluy, reste pour beaucoup un objectif difficile. Il existe pourtant un moyen simple d’en profiter et ce à moindre effort. Creusés dans la partie nord-ouest de son socle, les vallons de Bure invitent le/la randonneur/se à pousser la porte d’un univers qu’on aurait juré réservé aux experts. Et pourtant… Accessibles, immenses et accueillants, les trois vallons font office de préambu(r)e et délivrent des vues sensationnelles sur le massif et, surtout, sur son fier symbole. Et si je vous disais que la plus belle vue sur Bure vous y attend ? N’attendez pas une seconde de plus et venez vous immiscer sans crainte dans ce que Bure a de plus beau à offrir en marge de son sommet !

Difficulté : moyen | Distance : 6 à 11 km| Dénivelé : 500 à 850m | Durée : 3h à 4h45 | Carte : IGN TOP 25 1/25000è 3337OT Dévoluy, Obiou, Pic de Bure

Les roues de l’Opel patinent sur les cailloux du chemin. Au-delà de la gare de téléphérique de Bure, la voiture sort de sa zone de confort. Il n’y a de toute façon pas long à faire en mode 4*4. Bien à l’abri dans la pessière du Bois Rond, le petit parking de la Cabane de l’Avalanche accueille tout autant celles et ceux qui se destinent à Rabou qu’aux abords du Pic de Bure.

Sur la carte, ceux que j’appelle « les vallons du Bure » me paraissent incarner l’esprit de ce sommet mythique tout en offrant la possibilité d’une confrontation avec le géant sans besoin de prétendre à son sommet.

Rabou sera pour un autre jour : c’est bien au pied du symbole du Dévoluy que je suis aujourd’hui entraîné par Luc Bernard, accompagnateur en montagne, enfant du pays et paysan herboriste comme il se qualifie. À sa suite vient Lætitia, actuellement en stage à l’office de tourisme du Dévoluy et en mode découverte de son massif d’adoption, elle qui a plutôt grandi plus à l’est, du côté de Chorges. Pour moi aussi ce sera de l’inédit.

Luc nous entraîne à sa suite sur un PR immédiatement tonique. « Regarde toutes ces fleurs, ici c’est le printemps« , me dit-il en désignant des dizaines de points colorés poussant à travers des myrtilliers encore jeunes. « Ça c’est une anthyllide des montagnes, ça sent bon le fruit rouge et on en fait du thé.« , ajoute-t-il en me tendant une grappe de ce que je reconnais comme une fabacée, pour moi un trèfle alpin.

Se promener en montagne avec Luc, c’est comme se balader avec un guide Delachaux & Niestlé doué de parole. À cela près que le livre est nettement moins sympa et ne sait pas préparer de thé !

Quelques pas plus haut et l’identification continue : des séries de folioles basales lancéolées, au liseré argenté, tirent des feux d’artifice de chlorophylle. Celles-ci je les connais. « De l’alchémille« , dis-je. « Les alchimistes recueillaient sa rosée pour fabriquer la pierre philosophale. » Je suis loin du niveau de Luc mais je suis content d’avoir quelques restes de ces connaissances emmagasinées il y a fort longtemps. Les plantes nous offrent des occasions de pauses fréquentes. Un luxe pour couper court à l’effort de cette envolée vers les alpages.

Imperceptiblement, l’épicéa se ratatine, s’espace, s’isole puis s’évanouit. Interdit de séjour à plus de 1700 mètres d’altitude, le résineux s’incline face à l’altitude, laissant apparaître un concentré de Dévoluy. Premier de la liste, sur l’autre coin du ring qui l’oppose à Bure : l’Obiou, sentinelle nord du massif. Plus proche, la silhouette de la Corne qui cloisonne deux des vallons de Bure.

Bure. Impossible de l’ignorer. Impossible de ne pas y succomber. Il est hypnotisant et impose sa colossale présence au visiteur

Au second plan, la coulée grisonnante du Pied Gros de Saint-Étienne, frontière imposante derrière laquelle démarre le domaine skiable de Superdévoluy. Mais derrière ce moutonnement de prairies d’altitude, c’est un tout autre client qui attire les regards comme les nuages. Muette et massive, la muraille de Bure se dresse de toute sa hauteur au-dessus des douces rondeurs du vallon.

Bure

La barrière de Barges, formidable obstacle fermant le vallon d’Âne, rivalise de présence avec le baron du Dévoluy. Le mariage du vert et de la pierre crée une alchimie particulière. Je ne soupçonnais ni la part de verdure du lieu, ni son impressionnante envergure.

J’espérais trouver ici un peu de l’identité de Bure : c’est finalement son âme au complet qui fait vibrer chacun de ces vallons.

À moins de venir jusqu’à son pied, au Pas du Follet – comme le font ces intrépides qui défient son Pilier Est en s’attaquant aux 21 longueurs de sa voie Desmaison – j’ose la question : n’est-ce pas ici, dans le vallon d’Âne, qu’on peut admirer la plus belle vue du patron du massif ? En approchant de la petite cabane du Vallon d’Âne, j’arrive à en être convaincu. J’aurais signé sans réfléchir pour un confinement ici.

Bure

Au-delà de la petite terrasse verte sur laquelle repose le chalet, le vallon d’Âne s’effondre, révélant une profondeur insoupçonnée. Je me laisse avaler par l’endroit, moi qui m’étais attendu à un désert de caillasse comme Bure sait en offrir à celles/ceux qui courtisent son sommet. La (bonne) surprise n’en est que plus grande. C’est de l’alpage en bonne et due forme, bien dissimulé à l’abri de remparts dignes d’un château-fort.

Le Vallon d’Âne offre le visage d’une montagne épanouie qui protège son petit secret sous le couvercle de ses grandes mains de pierre

Après une cascade de bachats, un sentier discret s’engage dans le vallon, droit sur la Montagne de Barges. L’équilibre des tons et des formes incite au lâcher-prise. C’est le coup de foudre immédiat pour cet endroit. Et Bure, encore Bure, toujours Bure qui remplit le paysage. Le K.O. visuel en un seul et unique round. Quelle beauté !

Bure

C’est là que Luc en profite pour dégainer son thé. « Fabrication maison. Parfait pour la détoxification !« , ajoute-t-il en souriant et en nous servant sa potion magique. Dans le coin, Luc fait un peu office de chamane. Moi qui ne suis pas un grand amateur de thé, je ne peux décemment pas résister à la curiosité de goûter à celui d’un authentique herboriste. L’explosion des saveurs est instantanée. Au point d’avoir l’impression d’en boire pour la première fois. Dans le creux paisible et verdoyant de la montagne, l’effet détox est immédiat. Je me sens comme Astérix dopé par Abraracourcix. Le druide du Dévoluy, bandana colore et petit bouc blanc au menton, en profite pour me conter son histoire.

Héritier d’une lignée d’agriculteurs dévoluards, Luc est parvenu, par ses connaissances et sa résilience, à se faire un nom ici, dans le Dévoluy.

Cinq générations de vie ici, en plein Dévoluy, une transmission orale par une grand-mère savante de ce qui va vite devenir une passion, une formation d’herboriste – seulement cinq écoles en France – la reprise de la ferme familiale… Et une lutte pour continuer à faire exister une activité éliminée en 1941 par le gouvernement de Vichy. « C’est dur d’exister face aux grands laboratoires pharmaceutiques« , m’explique-t-il. « Mais les temps changent. Les gens ont à nouveau besoin de nature. Cette connaissance est précieuse et passionne le public. »  En complément de son diplôme d’Accompagnateur en Moyenne Montagne, il propose des stages aux personnes intéressées par les plantes et les fleurs. Et ça marche. Avant-hier soir, au gîte de l’Yvraie, l’une de ses clientes en parlait avec des étoiles dans les yeux.

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La marche reprend sur l’une des très belles sections du vallon : le long trait en balcon qui tire, à flanc, sous les pentes de Coste Belle. Derrière, Bure domine son monde en offrant son meilleur profil. Une lectrice pointait du doigt sa ressemblance, en cet instant, avec le Mont Aiguille. Une comparaison qui a du sens. « Quel tour tu voulais faire exactement ? » Luc coupe court à ma rêverie. « Tu veux passer par le vallon de Corne ou le vallon Froid. Parce que par le Froid, il y a de super plans à faire avec ta caméra.« 

Trois vallons dans la journée ? C’est le pari imprévu que notre trio va tenter de relever.

Me voilà bien embarrassé. Le vallon Froid n’était pas au programme et déjà je regrette de devoir lui tourner le dos. Sans trop réfléchir, je demande : « Tu crois qu’on peut faire les deux ?« . Luc arbore un sourire amusé. « À moins que tu aies des impératifs horaires spécifiques, les deux rentrent dans une grosse journée. » J’interroge Lætitia qui n’a pas de contre-indication. L’affaire est donc réglée : nous passerons par tous les vallons !

Notre trio se ré-aiguille. Luc nous oriente selon un nouvel axe ouest qui arrondit dans le fond du vallon, pile en-dessous de l’imposant sommet de La Plane. Les mollets vont maintenant chauffer. L’étage supérieur du vallon d’Âne ne s’atteint qu’au prix d’un effort consenti. Je saisis la progression de Luc et Lætitia, minuscules dans cet environnement qui annonce l’ampleur de Bure. Je suis presque à niveau avec le Pic. Ses détails se font plus riches, plus précis. Ses couleurs aussi : un jaune crémeux qui vire subtilement au gris passé.

Si on accole parfois au Dévoluy le surnom de « Petites Dolomites », ce n’est pas usurpé. La similarité avec les fameuses montagnes italiennes saute régulièrement aux yeux.

Le Pas du Follet semble à portée de main. Je pourrais presque toucher le géant. Je me recentre sur mes marcheurs, silhouettes en ombres chinoises découpées sur le blanc du ciel tandis qu’elles approchent des aiguilles de la Crête d’Âne. Le parallèle avec les Dolomites s’impose. Si le Lavaredo a ses Tre Cime, le Dévoluy a résolument ses Due Cime. Il n’y a pourtant pas de dolomie dans le massif mais la ressemblance avec l’Italie vient néanmoins facilement à l’esprit.

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Une ombre s’est déposée sur la montagne. La lumière s’est dérobée de mes plans. Un col sans nom est atteint, en équilibre entre Âne et Froid. L’axe de l’Aiguille de la crête d’Âne est central, échine frontière entre les deux vallons. Je cherche l’angle utilisé par le photographe Mickaël Arzur pour l’affiche du 1er Festival de l’Image du Dévoluy. En vain. Il a probablement dû aller le chercher en grimpant au-dessus de notre position actuelle.

Le Vallon Froid, c’est le frigidaire local. On y mesure quelques petits degrés de moins par rapport au reste du massif.

Plus étroit, plus confidentiel et privé de lumière, le Vallon Froid porte bien son nom. Un nom dont il a hérité du fait d’une caractéristique singulière : c’est le dernier endroit du massif où s’attarde la neige avant de s’évanouir au printemps. En cause un sous-sol formé d’un permafrost qui officie comme congélateur. Dans ce vallon, comme son nom l’indique, il fait plus froid – ou frais – qu’ailleurs. Un avantage en été comme en hiver.

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De ce côté les Aiguilles ressemble à une proue de navire échouée. Un monolithe érodé et ancré dans le caillou, modèle réduit des titans locaux au pied duquel les marcheurs restent néanmoins anecdotiques. Je lance la question du « est-ce que ça se grimpe ?« . « Tout se grimpe ici« , me répond Luc en me désignant une rampe d’herbe décollant sur le flanc de l’ensemble. Un appel à mes yeux. Mais je réfrène mes pulsions d’ongulé à deux pattes. L’objectif, bien que séduisant, est hors-sujet aujourd’hui.

Le Dévoluy, c’est un concentré de grands et petits objectifs avec un goût prononcé pour l’aventure. Les gros spots rassemblent mais les moins connus savent faire de l’œil à qui sait lire les montagnes.

Bien que moins spectaculaire que celle du vallon d’Âne voisin, la vue du vallon Froid ne manque certainement pas d’air. Sinuant au pied des éboulis, très largement au-dessus du fond du vallon, la trace plonge par paliers successifs sur Saint-Étienne-en-Dévoluy, face à Faraud et sa crête bosselée. Autant dire que la descente est expédiée manu militari.

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Pour revenir vers le vallon d’Âne et sa cabane, on peut compter sur Luc pour filouter. « Pas besoin de redescendre jusqu’à la piste« , prévient-il en quittant subitement le sentier. L’enfant du pays s’y connaît en raccourcis. Il nous entraîne à sa suite selon une trace invisible qui part se coller au rocher. Là, un passage étroit semble s’ouvrir entre minéral et végétal, autorisant le contournement accéléré de la Crête d’Âne.

Première boucle effectuée. Retour à la cabane. Le temps d’une pause et d’un pique-nique et l’exploration reprend, côté Corne cette fois.

Les muscles sont sollicités une dernière fois pour atteindre à nouveau le replat où est posé le petit chalet et boucler la boucle de la première partie de notre virée au pays de Bure. Reste le vallon de Corne au menu. Pour le rejoindre, Luc poursuit sur sa lancée de l’itinéraire à vue. Il faut dire que le lieu se prête bien à l’exercice. À condition de ne pas avoir peur de grimper, on peut se risquer à improviser sa ligne dans ces creux et versants bien ouverts.

L’idée de Luc est de couper un peu plus court sur les côtés et d’éviter de redescendre pour remonter en suivant le balisage traditionnel. Nous voici donc en ascension en terre de marmottes avec l’immense espace ceinturant Super Dévoluy à main droite. C’est l’un de ces traits de caractère qui font l’identité du Dévoluy : l’espace ouvert.

D’où qu’on soit, ce n’est pas rare d’être en mesure d’embrasser dans sa quasi-totalité le massif. Un atout séduisant pour celles/ceux qui reprochent parfois à la montagne son côté oppressant.

La déviation s’achève aux abords de 1850 mètres. Notre trajectoire vient se raccorder au sentier balisé au moment où il s’envole vers un large col. Une trace régulière et sensiblement courte, montée à la patience jusqu’à venir se cogner contre l’ouverture spectaculaire de la Combe Ratin. Nouveau choc.

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Pour l’occasion, un éclat de soleil tente une timide percée. Le lieu reprend de l’éclat et les images aussi. Cette Combe Ratin, j’en ai souvent entendu parler par les amis riders qui se l’offraient en hiver. De ces histoires racontées le soir au bar après le boulot, je gardais en mémoire l’existence d’un court passage tendu. Le genre où il ne faut pas se rater.

Deuxième star de la journée : l’ouverture béante de la Combe Ratin. Hiver comme été, c’est l’un des points de passage les plus empruntés pour monter au sommet du Pic de Bure. Ou en revenir.

« C’est cet endroit là, dans les barres« , me dit Luc en désignant un point. « En général pas mal sautent la barre. Mais il y a tellement de neige qu’ils s’en aperçoivent à peine. Il faut quand même bien négocier ce passage, qui est un peu délicat. » L’été, sans neige, la Ratin est un immense couloir de cailloux qui s’achève à l’arrivée du téléphérique de Bure. Une bavante pour les candidat(e)s au sommet. En toute saison, l’emprunter a quelque chose d’héroïque.

Ça tombe plutôt bien car, dans le secteur, des choses qualifiées d’héroïques il y en d’autres. Ce qu’on nomme ici La Traversée Héroïque est bien connu des aficionados de montagne abonnés au Dévoluy. L’un de ses chourums les plus célèbres, traversable intégralement hiver comme été moyennant un goût prononcé pour l’escalade. Depuis le vallon de Corne, c’est un trou dans la montagne comme il y en a tant d’autres. Il passerait presque inaperçu.

Les chourums, c’est l’Upside Down du Dévoluy. La version souterraine d’un massif qu’on tenait déjà comme inépuisable en surface. Parmi ces spots undergroud, la Traversée Héroïque fait office de classique.

Quand on s’en approche, le trou devient cavité et boyau et révèle deux autres ouvertures en forme d’orbites béantes. Le genre de lieu qui fait battre le cœur un peu plus vite. On ne le montrera pas non plus dans ce reportage, délibérément destiné au grand public. Mais l’idée de monter un article synthèse collectionnant les spots marginaux du Dévoluy de ce type a déjà fait son chemin dans mon esprit.

Je fais passer et repasser encore mes deux figurants dans ce paysage de Bure renouvelé. La masse de Baume Noire, au premier plan, est un élément de choix pour jouer avec la profondeur et les dimensions. Ici l’humain est petit, qu’on se le dise. L’endroit me ravit plus que je n’aurais imaginé.  J’en suis d’autant plus gré à Luc de m’avoir donné les clés de toutes les pièces de ce lieu magique.

En m’offrant les trois vallons dans la même journée, j’ai trouvé davantage encore que ce que j’étais venu chercher à l’origine pour ce reportage

Puis vient la descente, inévitable. À l’instar des Aiguilles du Vallon Froid, ce qu’on appelle ici la Corne est un autre géant échoué qui déploie des falaises fatiguées. N’en demeurent pas moins des perspectives saisissantes sur la partie occidentale du socle d’Aurouze où le jeu de cache-cache du soleil et des nuages transcende l’atmosphère du lieu.

Dans le bas de la descente, la chaleur prisonnière transforme le vallon en four. Derrière nous, l’arrondi de Coste Belle et la muraille de Baume Noire se superposent à mon souvenir d’un Gavarnie matiné de Troumouse. La géologie de Bure ne lui a pas donné droit à son cirque, ni l’UNESCO à un titre de Patrimoine Mondial de l’Humanité. Il ne le volerait pourtant pas.

Je croyais connaître le Dévoluy : je me trompais. Les vallons ont ouvert de nouveaux chapitres d’une exploration commencée il y a près de sept ans.

En marchant à l’envers sur le chemin je cherche à être une dernière fois témoin de cette envergure inespérée. J’éprouve presque un peu de honte à être passé si longtemps à côté de ça. Lætitia, pour qui la découverte est également pleine et entière, est ravie. Non, décidément, pour toute personne désireuse d’être introduite à l’esprit de Bure, cette randonnée est un must.

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ACCÈS À SAINT-ÉTIENNE-EN-DÉVOLUY ET AUX VALLONS DE BURE

Depuis Gap

Depuis Gap, au sud, il faut suivre la direction verte Orange/Valence par la DD94. Peu avant Veynes, la D937 tourne à droite vers le Dévoluy via le Col du Festre. Possibilité, depuis la vallée du Rhône, de rejoindre Nyons (Vaucluse) puis, via les Gorges de Saint-May et Serres, de rallier Veynes – qu’on traverse direction Gap – pour prendre à gauche la fameuse D937 direction col du Festre. Poursuivre par la D17 et suivre la direction Superdévoluy jusqu’à Saint-Étienne-en-Dévoluy.

Depuis Grenoble

Depuis Grenoble, au nord, l’entrée principale sont les Gorges de la Souloise : après avoir quitté la N85 à l’entrée de Corps, la route D537 contourne le lac du Sautet au nord puis bascule plein sud par une route magnifique jusqu’à Saint-Disdier. Poursuivre jusqu’aux Étroits par la D537. À l’intersection du pont de la Souloise, monter à gauche, par la D17, direction Superdévoluy jusqu’à Saint-Étienne-en-Dévoluy.

Par le col du Noyer

Un col franchit la barrière orientale du Dévoluy : le col du Noyer. Beaucoup de GPS envoient les gens par-là. Sachez, avant de vous engager, que le col du Noyer est une route de montagne assez étroite sur la fin et, surtout, qu’il est fermé en hiver. Autrement, il s’attrape depuis la N85 – la Route Napoléon entre Gap et Grenoble – après avoir dépassé Saint-Bonnet-en-Champsaur, en tournant à gauche par la D17 direction Poligny, Villeneuve puis Le Noyer. De l’autre côté, on descend vers Saint-Étienne-en-Dévoluy.

À partir de Saint-Étienne-en-Dévoluy

Si vous arrivez de Gap ou Grenoble, traverser Saint-Étienne. Après avoir dépassé l’Office de Tourisme, laissez à droite la route de Superdévoluy et continuer tout droit, par la D17, direction Col du Noyer. Rejoindre l’intersection mentionnant à gauche « le Champsaur, par le col du Noyer » et, en face, « L’Enclus » et « IRAM » par la D417 : continuer en face. Pour celles/ceux qui arrivent depuis le col du Noyer, c’est également à cette intersection qu’il faudra suivre « l’Enclus » et « IRAM ». Après un large lacet à droite et un pont, à une intersection, suivre à droite « Téléphérique de Bure » et « IRAM ». Monter 200m et prendre à gauche en suivant toujours la direction « Téléphérique de Bure ». Rejoindre les installations du téléphérique, les dépasser par la droite et continuer par la petite route qui grimpe fort au-delà. La suivre tout droit, passer sous la ligne de téléphérique et, après, continuer par la piste qui poursuit en forêt, à gauche. La suivre environ 300m et se stationner à gauche, sur le petit parking de la Cabane de l’Avalanche.

VALLONS DE BURE : LE TOPO

Boucle #1 : Tour de la Crête d’Âne (6,5 km, 500m D+, 3h)

Depuis le parking de la Cabane de l’Avalanche, suivre le sentier balisé jaune qui grimpe de suite plein sud à travers la forêt. Ne pas rejoindre la bergerie à 1698m (5) : la laisser à distance et continuer sud avant de s’élever ESE jusqu’à une série d’abreuvoirs, à 1767m. La cabane est sur le mamelon, juste au-dessus à gauche (1).

Dépasser les abreuvoirs en suivant le petit sentier qui s’engage dans le vallon. Il le contourne par la droite pour en atteindre l’extrémité. De là arrondir vers la gauche en suivant le chemin qui commence à s’élever vers un col bien visible entre la Crête d’Âne (à gauche) et le sommet de La Plane (à droite). Rejoindre le col (2).

Descendre en se tenant à gauche du vallon, en visant la base de l’Aiguille, au niveau des éboulis. On retrouve rapidement un sentier qui conduit vers le fond du vallon Froid. Le suivre jusqu’au bout, retrouver la forêt et, plus tard, une large piste (3). Remonter cette piste à gauche.

À son extrémité, vers 1730m, suivre le chemin de droite qui part à flanc (4) et rejoint la bergerie (5). Dépasser celle-ci et descendre ensuite à droite par le chemin de l’aller jusqu’au parking.

Boucle #2 : Tour de la Corne (6 km, 520m D+, 3h15)

Depuis le parking de la Cabane de l’Avalanche, suivre le sentier balisé jaune qui grimpe de suite plein sud à travers la forêt. Ne pas rejoindre la bergerie à 1698m : la laisser à distance et s’en éloigner en suivant un sentier orienté ONO qui rejoint rapidement un autre chemin (6).

Suivre celui-ci à gauche en montant vers Têtes Rondes. La trace s’infléchit plus tard sud et atteint l’entrée d’un large vallon entre la Corne et Coste Belle. Le chemin s’y élève pour atteindre un col bien marqué. Y monter (7).

Au col on rejoint le tracé rouge/jaune du GR® de Pays. Laisser la trace qui part à gauche vers la Combe Ratin et descendre, à droite, dans le vallon de Corne.

À la sortie du vallon on atteint une très large piste (8). Possibilité de la suivre jusqu’en bas et l’intersection avec celle rejoignant, à droite, le parking de la Cabane de l’Avalanche (9) ou bien de couper les lacets par un chemin peu marqué qui traverse les pelouses.

Boucle complète (11 km, 850m D+, 4h45)

Pour effectuer le tour complet, suivre d’abord l’itinéraire de la boucle #1 et, vers la fin, au niveau de la bergerie, au lieu de redescendre, poursuivre par le sentier orienté ONO et enchaîner avec l’itinéraire décrit dans la boucle #2.

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RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

Si le tour du vallon de Corne est intégralement balisé depuis le parking de la cabane de l’Avalanche, celui de la Crête d’Âne s’effectue majoritairement sur des sentiers non balisés. Il est donc conseillé d’avoir une petite expérience du cheminement sans balise. Je précise « petite » car le tour se fait néanmoins sur un sentier bien marqué et dans un milieu suffisamment ouvert pour dissiper tout doute éventuel quant à l’itinéraire. Les repères visuels sont évidents et la probabilité de se tromper de chemin très réduite.

Vous trouverez de l’eau au niveau de la cabane de l’Avalanche.

Le dénivelé global est réalisable pour la plupart. Les rampes desservant les cols sont courtes mais pourront sembler un poil raides aux moins sportifs d’entre vous. Que cela ne vous dissuade cependant pas de venir profiter des vues merveilleuses offertes par ces vallons ! C’est un très petit effort à fournir en comparaison des énormes récompenses visuelles à venir y chercher.

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VALLONS DE BURE : AVIS PERSONNEL

J’ai été totalement emballé par ces boucles dans les vallons de Bure. Je crois que ma surprise a été d’autant plus grande que je ne m’attendais pas à ce type de paysage. Je me faisais une idée très minérale de ces avant-monts du Pic. J’imaginais un coin sauvage, très à l’ombre, presque sinistre mais résolument excitant. J’avais tout faux. Les vallons, pour commencer, sont grands. On ne s’y sent absolument pas oppressé. Première surprise. Ensuite ils sont verts, très luxuriants, d’une grande richesse florale. Deuxième surprise. J’associais facilement le Dévoluy au caillou. Ce n’est pas exactement ça. Le mariage des tons et des univers est beaucoup plus subtil et apaisé que la représentation que j’en avais.

Et puis, troisième surprise, il y a ces vues assénées et extraordinaires. Celle du Pic de Bure pour commencer, flamboyant au lever du soleil. Je l’ai dit dans l’article et je le valide à nouveau ici : la vue depuis le vallon d’Âne est la plus belle vue que vous ne pourrez jamais avoir sur ce sommet iconique du Dévoluy. Si vous voulez ramener de belles photos de Bure, ne cherchez plus, c’est là qu’il faut venir. La parenté visuelle avec les Dolomites est remarquable. Certes plus modestement mais cependant nettement. Chaque vallon a sa propre identité et ses propres vues à partager avec le visiteur. L’apparition de la Combe Ratin rentre définitivement parmi les très forts souvenirs de cette semaine passé dans le massif. Les vallons sont un espace d’envergure idéal pour s’introduire à l’esprit de Bure et, plus généralement, du Dévoluy tout entier.

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HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

Gîte du Lieraver (testé et approuvé)

C’est le dernier hébergement collectif de Saint-Étienne-en-Dévoluy. Contre vents et marées, Philippe et Joëlle accueillent les randonneurs et les skieurs dans ce grand bâtiment qui ressemble à un refuge. Simplicité et convivialité sont de mise. Ici on ne se prend pas la tête et on a le sourire aux lèvres et le rire facile. Une cuisine familiale est servie le soir venu. Un espace détente attend les hôtes à l’étage, tout en haut du gîte. Le Lieraver offre 39 couchages répartis essentiellement en petites chambres de 2 à 6 personnes. Le genre d’endroit où on se sent vite à l’aise. La demi-pension est proposée pour 40 euros. Infos et réservation : 04.92.58.91.87 / 06.32.30.12.63 ou par mail : lieraver@wanadoo.fr

EN MARGE DE LA RANDO

L’Herbier du Dévoluy

Après la randonnée, on file vite à L’Enclus, pour une visite de la ferme de Luc ! Il pourra vous montrer ses cultures d’altitude personnelles et son jardin des simples. Vous repartirez probablement le sac rempli de crèmes, tisanes ou huiles essentielles car on se sent vite en confiance avec ce phytologue-herboriste qui vit les plantes avec une passion communicative. Peut-être l’occasion d’ailleurs de s’inscrire à l’un de ses stages pour partir concrètement à la découverte des plantes alpines et de leur usage ? Des ateliers sur le terrain, abordés sous l’angle d’une marche contemplative, mais aussi des stages de fabrication de cosmétiques naturelles. Hiver comme été, Luc vous amènera à la découverte de ce Dévoluy où il a grandi et où sa famille vit depuis cinq générations.

AUTRES ITINÉRAIRES AU DÉPART DE LA CABANE DE L’AVALANCHE

Le Col de Rabou
Le Pic de Bure par la Combe Ratin

AUTRES ITINÉRAIRES À PROXIMITÉ

La Crête des Baumes
Le Puit des Bancs & La Souloise

Cet article Dévoluy : En Route Pour l’Avant Bure est apparu en premier sur Carnets de Rando.


Dévoluy Inside : le Circuit du Puits des Bans

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L’usage courant, dans le Dévoluy, est souvent de n’avoir d’yeux que pour ses sommets. Une mauvaise habitude qui conduit, généralement, à passer à côté de ce que le massif a à offrir à l’intérieur. Dans le creux paisible de ses terres, le Dévoluy n’abrite pas que des fermes et des stations de ski. J’y ai recensé trois spots – que je tiens pour incontournables – qu’il est possible de relier en une seule et assez longue randonnée afin de rentrer dans le club de ces privilégié(e)s en quête d’une expérience plus intime du massif : le panorama de la Crête des Baumes, les étonnantes Gorges du Rif et, enfin et surtout, l’univers frais et aquatique du Puits des Bans. Un tiercé de points d’intérêts marquants, rassemblés autour d’un sentier étonnamment varié. Entre forêt, prairie et rocher, partez à la découverte du Dévoluy de l’intérieur.

Difficulté : moyen (un passage technique) | Distance : | Dénivelé : | Durée : | Carte :  IGN TOP 25 1/25000è 3337OT Dévoluy, Obiou, Pic de Bure

Matin calme dans le Dévoluy. L’une de ces journées où la Nature s’éveille en douceur, bercée par le vol des geais et la mélodie entraînante des pinsons. Les notes de la cloche de Saint-Étienne-en-Dévoluy sonnent neuf heures. Sur le petit sentier qui s’élève en douceur au-dessus des Étroits (photo ci-dessous), Jimmy, le berger australien, galope avec l’énergie de qui veut dévorer le monde. Aujourd’hui, mon reportage s’ouvre aux canidés. Aurélie, la maîtresse de Jimmy, randonneuse des Bouches-du-Rhône et lectrice de Carnets de Rando, a répondu à l’invitation de m’accompagner sur cette tournée dévoluarde vers le Puits des Bans. Elle fait la paire avec Lætitia, stagiaire à l’Office de Tourisme du Dévoluy et déjà candidate à la marche lors du reportage dans les Vallons de Bure, qui a re-signé pour être des nôtres sur cette nouvelle journée de randonnée.

Trop habitué à regarder vers les sommets plutôt que vers l’intérieur des terres, le marcheur se prive potentiellement de découvertes qu’il pourrait bien regretter amèrement de ne pas avoir faites !

Je suis en terrain connu aujourd’hui. Ce qu’on a choisi de montrer, c’est le cœur battant du Dévoluy, son for intérieur. Trois spots, parmi les plus essentiels, qui ne soient ni des sommets ni des cols mais qui témoignent de l’identité du massif. Des endroits près desquels il est possible de passer sans les voir, sans même douter de leur importance ou de leur potentiel. Car ici, comme souvent en montagne, le regard des visiteur/ses se porte souvent vers le haut. C’est donc à une inversion de points de vue que j’invite le public avec cette randonnée totalement modulable. Ni Aurélie, ni Lætitia ne connaissent un seul des trois principaux jalons que j’ai l’intention de rallier en une seule et longue boucle. Dans la fraîcheur et l’ombre matinale du Bois de Boucherac, j’entraîne donc mon duo de marcheuses en direction du premier objectif de la journée : la Crête des Baumes.

SPOT #1 : LA CRÊTE DES BAUMES

Ce relief à l’altitude modeste – un petit 1720 mètres d’altitude – est l’expression d’un massif à deux visages : doux, boisé et vert en face Est, mais rocheux, vertigineux et abrupt en face ouest. Le Collet du Tat, posé au pied de sa raide face sud, est le point de passage névralgique entre les deux plus importantes entités touristiques locales : la Joue du Loup, d’un côté, et Superdévoluy de l’autre.

Si le Dévoluy avait un centre, pas de doute, ce serait probablement la Crête des Baumes

Autant dire que c’est un objectif fédérateur où faire converger, plutôt facilement, les nombreux/ses marcheur/ses débutant(e)s à la recherche d’une randonnée familiale et accessible pour découvrir le Dévoluy. Rappelez-vous, l’hiver 2013, je vous avais déjà amené en raquettes au sommet de la Crête des Baumes pour Carnets de Rando. Sept ans après, me revoici en chemin pour son sommet, cette fois en été.

L’ascension est homogène mais pas facile pour autant. Bien à l’ombre sous les rangées gentiment ordonnées d’épicéas, le chemin suit la ligne du thalweg tracé entre le sommet dit « le Puy » et la Crête des Baumes proprement dite. La régularité quasi-militaire de la pessière semble ici être l’oeuvre d’un paysagiste maniaque. Dans le creux aplani de cette poitrine boisée, le/la promeneur/se se sent comme dans un cocon.

La partie méridionale du Collet du Tat est l’image d’Épinal de la montagne qui se vit en famille

L’espace s’invite entre les troncs des résineux, révélant des clairières où les tables de pique-nique fleurissent comme les boutons d’or. Les sous-bois lumineux ont des allures de jardins fleuris pour les promeneurs en transit entre les deux stations du Dévoluy.  La pente guette pourtant dans l’ombre, prompte à surgir dès qu’on tourne le dos à ces aires de détente. Dans sa partie septentrionale, le relief renoue un instant avec la rudesse de la montagne.

Un épisode transitoire. Pelouses et prairies succèdent rapidement à la forêt, rouvrant l’horizon jusqu’alors limité aux pointes en flèche des épicéas et à leurs cônes huileux de résine. À l’approche de la Crête des Baumes, la bordure occidentale du Dévoluy pointe le bout de ses sommets. Un alignement impeccable de pointures locales – Obiou, Aupet, Grand Ferrand – qui alternent avec des vallons tout aussi fameux : Mas, Narrites, Truchière, Charnier…

À la recherche de l’endroit parfait pour un coup d’oeil à 360° sur l’intégralité du massif ? Ne cherchez plus : c’est au sommet de la Crête des Baumes que ça se passe !

Si la Crête des Baumes a autant de succès, ce n’est pas seulement du fait de ses espaces de pelouses d’altitude apaisées. C’est aussi – et beaucoup – de celui de sa fantastique position centrale qui permet, en un seul coup d’oeil, de parcourir du regard l’intégralité du massif. Une vision panoramique unique de laquelle n’échappe aucun des sommets du Dévoluy. Quel autre massif français peut se targuer d’offrir cette possibilité à ses visiteurs au prix d’un effort aussi anecdotique ?

Perché au-dessus de la Joue du Loup et de Superdévoluy, on prend conscience de ce qu’est le Dévoluy : un fer-à-cheval géologique dont l’intérieur, tout en pentes douces et en espaces lumineux, a été travaillé par l’homme. Un jardin d’altitude naturellement barricadé derrière de  massifs remparts naturels : la ligne Obiou-Garnesier à l’ouest, celle Faraud-Lieraver à l’est et le massif socle Aurouze-Bure au sud.

Ainsi est le Dévoluy : une enclave qui a longtemps su se faire oublier entre Vercors et Écrins, protégée par des sommets qui l’abritait du monde extérieur

Au nord, la Souloise, encadrée par le Gicon, le Pierroux et la Tête de Lapras, ouvre un étroit chemin de garde protégeant de toute invasion de masse.  Un petit paradis de montagne, aux accès limités, dont le secret de l’existence a longtemps, et farouchement, été conservé. Le tourisme a changé la donne. Aujourd’hui le Dévoluy a le désir d’être connu tout en veillant à conserver cette identité historique qui fait encore aujourd’hui tout son charme.

La descente de la Crête des Baumes est expéditive. Au long et prudent cheminement forestier de l’aller succède une dégringolade en règle par un sentier raide taillé dans la face sud. On arrive ainsi avec élan sur la petite plate-forme du Collet du Tat où des tables d’orientation et des mobiliers ludiques sont là pour occuper les pauses des passants. On est ici sur une variante du GR® de Pays qui fait le Tour du Dévoluy, une belle boucle de 4 à 6 jours pour découvrir l’essentiel du massif.

Le Collet du Tat, c’est le point de passage obligé pour les marcheur/ses qui se rendent de Superdévoluy à La Joue-du-Loup. Un chemin de transit taillé pour les familles.

Ce n’est pourtant pas elle que nous suivrons, lui préférant les sentiers ouverts dans le secret des sous-bois déroulant sous les barres rocheuses escarpées de la face ouest de la Crête des Baumes. Un moment intime et ombragé qui rompt provisoirement avec les vues ouvertes. L’ambiance du sous-bois est douce et propice à la flânerie et c’est un agréable single qui nous dépose, sans effort, sur les hauteurs du hameau du Courtil. Le deuxième chapitre de la journée s’ouvre.

SPOT #2 : LE PUITS DES BANS

Un visage plus rural du Dévoluy se découvre une fois la route départementale 17 laissée derrière nous. Champs ordonnés, toits des fermes et aboiement des chiens, chemins nettoyés et bouquets de coquelicots… L’empreinte de l’homme, invisible peu de temps auparavant dans les chaos raides de la Crête des Baumes, se révèle. L’itinéraire s’y taille un chemin discret et étonnant.

Le Dévoluy ce n’est pas que de la montagne : ce sont aussi des générations d’hommes et de femmes qui ont aménagé le massif pour produire le nécessaire à leur subsistance. C’est aussi ce visage qui se dévoile au cours de cet itinéraire.

Le sentier se dissimule le long d’une avancée en crête sinueuse qui s’étrécit dangereusement au-dessus du hameau de Malimort. Des panneaux « Danger » rappellent à l’ordre le/la marcheur/se dont l’attention aurait provisoirement été détournée par le charme certain de ce tracé à l’allure clandestine. Brutalement, le passage s’effondre, soutenu par des cordes et des aides et visiblement dégagé par des coups de pelle et de pioche. Celui-là, c’est certain, il a fallu aller le chercher pour que ça passe !

Je souris en repensant à René, l’ouvreur et le gardien de tous ces chemins, qui m’avait accompagné sur la Pierre Baudinard deux jours plus tôt. « Tu verras j’ai mis des cordes pour aider à la descente« . Je l’imagine, seul et heureux dans sa montagne, en train de tailler, couper et pelleter pour équiper ce passage de son invention. Un dévouement désintéressé qui nous permet aujourd’hui de franchir ce pas scabreux en toute sécurité.

Un tracé malin mais requérant un minimum de vigilance va se chercher un passage un poil aventureux là où on ne l’attend pas. Une nouvelle bonne surprise sur ce circuit !

Une sécurisation qui, par extension,  permet également de créer une liaison vers le Puits des Bans tout proche. À bientôt plus de midi, la chaleur de cette fin de mois de juin est déjà étouffante. Je fais retenir les estomacs du groupe, leur intimant encore quelques minutes de patience jusqu’au Puits des Bans. La présence d’eau, de fraîcheur et la promesse d’un spot agréable aide à convaincre.

Puits des Bancs

Le grondement de l’eau, amplifié par les gorges toute proches, annonce l’arrivée imminente. Un panneau amusant avise le/la visiteur/se de l’aspect plus aventureux du terrain à venir. Une manière de rappeler que, derrière la beauté du lieu, un accident peut très vite arriver. On descend prestement le sentier qui amène à la rivière. Le chaos du Puits des Bans surgit entre deux rangées de falaises.

La Souloise, c’est LA rivière du Dévoluy. Ici, les degrés en trop sont évacués par une série de petits rapides qui ponctuent la rivière. L’endroit a cette allure de spot secret qu’on a la sensation d’être le seul à connaître.

Née sur les hauteurs du col de Rabou, la Souloise se taille des gorges spectaculaires à trois reprises et sur seulement 25 kilomètres, avant le Drac dans l’immense Lac du Sautet. C’est un repère de pêcheurs à la mouche et de quêteurs de fraîcheur. C’est le seul point d’eau véritable du massif. Si vous devez vous tremper les pieds dans le Dévoluy, ce sera nécessairement ici dans la Souloise !

Puits des Bancs

C’est en tout cas ce qu’on fait instinctivement après avoir déballé le pique-nique. Jimmy, lui, y pique carrément une tête, le regard rempli de joie et la truffe luisante. Dans le secret de gorges à la végétation dense, on cède à la méditation ou à la baignade. C’est la seconde fois, après les Étroits, que la Souloise force le passage, créant un assez large couloir encadré par des versants raides de près de 200 mètres de haut.

Loin de la sécheresse minérale de ses strates ultimes, le Dévoluy délivre ici le visage d’un jardin d’Eden

Jimmy patauge dans l’eau avec l’insouciance béate des chiens heureux de vivre. Bercés par le flux de l’eau, on échappe littéralement au temps qui passe. Je dois pourtant battre le rappel au bout d’un moment. Parce qu’il reste du chemin à parcourir d’abord ; poussé par une crainte muette d’un possible orage ensuite. Les pieds à nouveau arrimés aux chaussures, on se remet en ordre de marche.

Puits des Bancs

L’itinéraire qui s’échappe/plonge du/vers le Puits des Bans est étonnamment sportif. Traverser la Souloise sur de gros pois rocheux écroulés et pourvus de barreaux solides en constitue une première étape ludique. J’aime ce genre de passage, immédiatement joueur. Le Dévoluy en comptabilise une belle brochette. La via ferrata des Étroits en est le parfait esprit de synthèse  encore une fois tracée avec la complicité de la Souloise.

Le Puits des Bans c’est le passage joueur, sportif et technique de cette randonnée. Une formalité pour les spécialistes, possiblement une petite épreuve pour les autres

Plus haut, une main courante dans le rocher annonce la fin des mains dans les poches. Pour se hisser jusqu’à l’entrée du Puits des Bans – puis ensuite vers Le Collet – il va s’agir de ne pas avoir peur de grimper. Une première rampe courte et sans difficulté dessert ainsi la plate-forme cavernicole où les amateurs de spéléologie pourront s’introduire dans l’intimité de la montagne.

Puits des Bancs

En l’absence de Martinho, le monsieur spéléo du Dévoluy, qui n’a pas pu participer à ce reportage, nous n’entrerons pas dans le Puits des Bans. Les curieux/ses, sans équipement mais avec une frontale, devraient pouvoir s’aventurer sur les premiers mètres de la caverne, jusqu’au petit lac souterrain qui se traverse ensuite en canot pneumatique.

L’endroit se prête particulièrement bien à l’initiation à la spéléo et permet, pour les débutants, d’atteindre la profondeur de 70 mètres sous terre

Comme nous ne sommes ni l’un, ni l’autre, j’entraîne Aurélie et Lætitia sur la suite de l’itinéraire. Les amateurs d’échelles et de pas un peu plus escarpés que les autres – et que la traversée de la Souloise sur les blocs, précédents, n’auraient pas rassasiés – devraient être aux anges.

Puits des Bancs

Un ressaut plus raide que le précédent s’envole brusquement alors que le sentier vient cogner contre le rocher. Une volée de barreaux permet de franchir l’obstacle. Pour des bipèdes dégourdis, le passage ajoute une pincée supplémentaire de fun à la journée. Pour un quadrupède poilu peu familier des accrobranches, une logistique supplémentaire sera en revanche requise !

Jimmy est-il le premier chien à franchir avec succès les échelles du Puits des Bans ? Le canidé foufou ne cache pas sa fierté d’en être sorti avec brio !

L’effort n’est cependant pas terminé. Pour rejoindre le Collet depuis le Puits des Bans, plus haut, il va falloir monter. Et monter fort. La trace tire sans ménagement sur le dessus des falaises bordant ces gorges de la Souloise. Elle flirte même parfois avec le vide. Le coup d’œil sur cette virgule rocheuse, abondamment boisée, vaut le détour. On souffle et on s’extasie à la fois. Derrière nous, la masse d’à-pics de l’Obiou fronce les sourcils, cernée de nuages noirs corbeaux.

Puits des Bancs

SPOT #3 : LES GORGES DU RIF

Notre trio déboule sur les hauteurs du Collet trempé d’effort. « Pas évident ce passage et cette montée pour les familles, non ?« , m’interroge Aurélie. Non, elle a raison, pas si évident. Et aussi un peu technique, parfois glissant et sensiblement exposé par endroit. Des éléments à prendre en compte avant de suggérer le Puits des Bans en tant qu’objectif grand public.

Un aller-retour depuis la route ou bien depuis le sentier balisé qui mène au Puits des Bancs depuis Saint-Disdier, pourra être préférable pour celles/ceux que des passages un peu trop athlétiques et/ou moyennement aériens peuvent effrayer

Le Collet s’est agrandi depuis mon dernier passage. Il fait bon vivre ici sous le soleil du Dévoluy, au terminus de cette petite route qui vient buter contre les pentes du Gicon, au pied de l’énorme brèche de Faraud. Je lève la tête vers celle-ci, ouverte au terme d’une pente soutenue. C’est la première étape d’un itinéraire alpin menant encore au-dessus sur des sommets sans nom mais diablement alléchants. Là-haut on est sur le fil entre Champsaur et Dévoluy.  Un autre monde, de roc et de gaz.

Puits des Bans

Moins alléchant est le goudron baigné d’une chaleur morne qui attend à la sortie du hameau. Une étape transitoire obligatoire pour aller chercher le sentier qui traverse les terrasses de Faraud. Je préfère la considérer comme une parenthèse reposante entre deux tranches d’effort. Car il faudra encore monter pour rejoindre le point de départ. Qu’on se rassure : rien d’aussi intense que le Puits des Bancs !

Le sentier du GR® de Pays du Tour du Dévoluy propose, par la suite , une ascension douce et régulière, tout en lacets équilibrés, sous le couvert ombragé de grands résineux

Le retour fugace des rochers ravive quelques secondes le souvenir du Puits des Bancs avant de s’évanouir dans le creux d’un thalweg protecteur qui, plus haut, fait jaillir le sentier au cœur des grandes prairies de Faraud et du Noyer. Changement d’étage, changement de décor. Le Dévoluy apprivoisé par les hommes est de retour, couronné par la silhouette du Lieraver, entre menace et fascination. Encore un candidat à l’aventure sauvage sauce Dévoluy !

Cette dernière partie renoue avec l’espace dévoluard. La barrière familière et occidentale du massif nous fait face. Le col de l’Aup, à main droite, celui de Rabou à main gauche. Et, au centre, une drôle de bosse rocheuse qui oscille entre terre et ciel comme un gros lombric à demi-enterré. Le bruit de l’eau émerge à nouveau à travers la végétation. Jimmy, plus à l’aise que nous, file à sa rencontre à travers les grandes herbes.

Comme les chemins, les cours d’eau tracent leurs propres routes à l’intérieur du massif. Ici c’est le Rif, qui a donné rendez-vous à la Souloise pour façonner l’un des plus remarquables canyons du massif

On s’engage dans les gorges du Rif comme dans un couloir où le sol se dérobe brusquement à la vue. Le torrent, encore à portée de main quelques mètres plus tôt, a maintenant disparu plusieurs mètres en-dessous, dans le creux obscur et étroit d’une profonde faille. Seules restes les falaises, modestes mais remarquables, où luisent les spits des nombreuses voies d’escalade qui y ont été ouvertes.

Une solide barrière de bois permet d’oser un regard dans les abîmes des Étroits. Le cliquetis des mousquetons et l’écho des voix des ferratistes à l’œuvre sur le parcours de funambule qui y a été inventé pourra probablement parvenir à vos oreilles. C’est en se penchant au-dessus du pont jeté entre ses deux versants qu’on prend réellement conscience de sa profondeur. Évidemment ce n’est pas le Verdon, mais les Étroits ne laissent pas indifférents. Tout comme cette randonnée dont on peut sortir fourbu mais forcément réjoui.

Terminer sa randonnée par les Gorges du Rif a de l’allure. Le lieu est une source d’étonnement car très fréquemment insoupçonné

Cet itinéraire permet de faire la démonstration que le Dévoluy n’existe pas uniquement par ses sommets ou ses parcours techniques. Comme souvent, l’envie d’altitude et de challenge fait passer trop vite à côté de petits trésors qui se plaisent à rester invisibles. Leur donner un peu de lumière pour rappeler qu’ils ne sont pas seulement que des options c’est aussi leur offrir une part de la légitimité qu’ils ont le droit de revendiquer ici, dans le Dévoluy. Et j’espère que vous saurez les apprécier à votre tour en allant à leur rencontre !

ACCÈS AU DÉVOLUY ET AUX ÉTROITS

Spécial Mobilité Douce

Pour celles et ceux qui veulent se passer de voiture, on peut arriver déjà à Gap par une combinaison de train et de bus. Les accès se font soit depuis Marseille avec un train jusqu’à Manosque puis un autre qui assure la ligne jusqu’à Briançon (on peut ainsi venir en train depuis Briançon) ; soit depuis Aix-en-Provence TGV suivi d’un bus ; soit directement en bus depuis Marseille. On peut aussi venir depuis Grenoble en train et s’arrêter à Veynes. Horaires et tarifs sur le site des TER Sud PACA. Depuis Gap ou Veynes, il est alors possible d’utiliser une navette Zou, après l’avoir réservée, pour rejoindre le Dévoluy.

En voiture, depuis Gap

Depuis Gap, au sud, il faut suivre la direction verte Orange/Valence par la DD94. Peu avant Veynes, la D937 tourne à droite vers le Dévoluy via le Col du Festre. Possibilité, depuis la vallée du Rhône, de rejoindre Nyons (Vaucluse) puis, via les Gorges de Saint-May et Serres, de rallier Veynes – qu’on traverse direction Gap – pour prendre à gauche la fameuse D937 direction col du Festre. Poursuivre par la D17 et suivre la direction Superdévoluy jusqu’à Saint-Étienne-en-Dévoluy. Le parking des Étroits se trouve moins d’un kilomètre sur la gauche avant d’arriver à Saint-Étienne (attention, c’est bien celui du haut du canyon, pas celui du bas de la via ferrata !).

En voiture, depuis Grenoble

Depuis Grenoble, au nord, l’entrée principale sont les Gorges de la Souloise : après avoir quitté la N85 à l’entrée de Corps, la route D537 contourne le lac du Sautet au nord puis bascule plein sud par une route magnifique jusqu’à Saint-Disdier. Poursuivre jusqu’aux Étroits par la D537. À l’intersection du pont de la Souloise, monter à gauche, par la D17, direction Superdévoluy jusqu’à Saint-Étienne-en-Dévoluy. Le parking des Étroits se trouve moins d’un kilomètre sur la gauche avant d’arriver à Saint-Étienne (attention, c’est bien celui du haut du canyon, pas celui du bas de la via ferrata !).

Par le col du Noyer

Un col franchit la barrière orientale du Dévoluy : le col du Noyer. Beaucoup de GPS envoient les gens par-là. Sachez, avant de vous engager, que le col du Noyer est une route de montagne assez étroite sur la fin et, surtout, qu’il est fermé en hiver. Autrement, il s’attrape depuis la N85 – la Route Napoléon entre Gap et Grenoble – après avoir dépassé Saint-Bonnet-en-Champsaur, en tournant à gauche par la D17 direction Poligny, Villeneuve puis Le Noyer. De l’autre côté, on descend vers Saint-Étienne-en-Dévoluy. Traverser tout le village et trouver, à droite, le parking des Étroits peu après la sortie, après la chicane du pont.

Puits des Bancs

CIRCUIT DU PUITS DES BANS : LE TOPO

Depuis le parking, traverser la route et monter en face par une route goudronnée. Plus haut, s’engager à droite par un chemin balisé jaune qui part à contresens, à droite, à flanc dans une pente d’herbe (1).

Rejoindre l’intersection des Étroits (2) et monter à gauche en suivant la direction Bois de Boucherac et Crêtes des Baumes. D’abord tranquille, le chemin monte ensuite plus franchement jusqu’à déboucher sur un beau replat (table de pique-nique) (3). Continuer par le large chemin qui s’ensuit en tenant la droite et rejoindre un gros carrefour de pistes qui fait face, en contrebas, à Superdévoluy (4).

Suivre la piste qui repart complètement à droite en montant. Dans une épingle à gauche, quitter la piste et poursuivre par un chemin orienté nord. Plus haut, laisser ce chemin pour un sentier qui le quitte en ascendance dans la forêt à gauche (5). Vers 1600m ce sentier se réoriente sud-ouest en longeant la Crête des Baumes. Rejoindre l’extrémité de celle-ci au niveau de l’antenne (6).

Après les antennes, se diriger un peu à gauche en tenant le bord de la crête et repérer le sentier balisé jaune qui descend, doucement d’abord puis plus sèchement, pour rejoindre le Collet du Tat (7).

Descendre ensuite nord en suivant la piste direction l’Auche. Bien rester sur celle-ci et laisser le GR® de Pays partir plus loin à gauche vers la Joue-du-Loup. Plus bas, la piste fait un lacet à gauche puis en rejoint une autre (8) : suivre alors NNE le chemin qui part plutôt dans la forêt, balisé jaune, direction l’Auche.

Toujours bien rester sur ce chemin balisé qui va peu à peu descendre en suivant le pied de la Crête des Baumes. On croise une petite source sur la droite, en léger contrebas du sentier, aux alentours de 1450/1400m (signalée par un triangle bleu sur ma carte ci-dessus). Rejoindre l’intersection de l’Auche (9).

Partir à droite et atteindre la route. La suivre à gauche en remontant. Plus haut, repérer côté droit la suite de l’itinéraire balisé (flèche signalétique, point coté 1313 sur IGN) (10) et s’y engager. Suivre intégralement ce tracé jaune qui va chercher plus loin le fil d’une crête boisée. Au niveau d’une ruine qu’on passe à gauche, on atteint une zone équipée. Prudence requise. Se laisser glisser en suivant les équipements, rejoindre à nouveau un bon sentier et atteindre la route (11).

La traverser et continuer à descendre. Au niveau d’un panneau signalant une zone requérant de l’attention, basculer par le sentier à droite et, très vite, rejoindre le cours de la Souloise (12).

Rester à gauche du cours d’eau en suivant le sentier qui s’engage à flanc de rocher. De l’autre côté descendre en s’aidant des équipements en place et piquer de suite à droite pour s’approcher du premier gros bloc écroulé qui permet de franchir la Souloise. Le traverser et s’aider des barreaux pour passer le suivant. Atteindre l’autre rive.
Continuer par le sentier en montant à gauche. Franchir, plus haut, une première rampe rocheuse (main courante) et arrondir dans la cavité où se trouve l’entrée du Puits des Bans. Continuer par le sentier et venir plus loin buter, à main droite, contre un ressaut rocheux équipé de barreaux. L’escalader et poursuivre ensuite l’ascension par un chemin sportif.

La pente se couche un peu mais reste forte tandis que le sentier flirte avec le bord des ravins. Il remonte ainsi longtemps, parfois signalé par des cairns sur les parties les plus minérales, avant de déboucher, après un ou deux rapides lacets, sur un large chemin herbeux. Suivre celui-ci à droite et atteindre Le Collet (13).

Suivre toujours tout droit la route D517 qui traverse, puis quitte, Le Collet. Un kilomètre après la sortie du hameau, repérer le balisage rouge et blanc du GR®93 mais également le rouge et jaune du GR® de Pays du Tour du Dévoluy qui quitte la route à gauche pour s’élever en forêt (poteau signalétique)(14).

Après quelques lacets agréables en forêt, le sentier s’élève à flanc de manière plus rectiligne avant de rejoindre un thalweg qu’il s’emploie à remonter jusqu’aux prairies sous Faraud. Il débouche sur une large piste (15).

La suivre en descente à droite et, plus bas, avant qu’elle ne remonte, suivre le chemin à gauche, direction Gorges du Rif et Saint-Étienne-en-Dévoluy (16). Plus bas, à proximité du torrent du Rif, à une patte d’oie, s’engager à droite direction Gorges du Rif (17). Le sentier poursuit sa descente et fait son entrée dans les gorges. Les suivre jusqu’au pont. Remonter dessus et atteindre immédiatement le parking du départ.

Puits des Bancs

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

Ce circuit, qui permet d’enchaîner trois spots remarquables de l’intérieur du Dévoluy, peut se révéler un peu long pour des marcheur/ses peu entraîné(e)s. À leur usage, il est néanmoins tout à fait possible de le moduler afin de profiter séparément des trois lieux présentés dans cet article. Les Gorges du Rif peuvent ainsi être explorées en aller-retour depuis le parking des Étroits. Le Puits des Bancs peut être atteint en aller-retour depuis la D117 (11) ou depuis le sentier balisé au départ de Saint-Disdier sans avoir à emprunter la partie difficile du sentier depuis Le Collet. Enfin, le tour de la Crête des Baumes peut également s’effectuer seul. Il suffit, à l’intersection de l’Auche (9) de prendre à droite direction Les Étroits (2).

Sur l’itinéraire, vous retrouverez deux passages particuliers qui demandent davantage d’attention que les autres. Le premier, au bout de la crête qui domine Malimort, peu avant le Puits des Bancs, dessert un à-pic plongeant près duquel s’aventure le sentier au fil d’un passage étroit et brièvement accidenté. Le passage, signalé par des panneaux « danger », est cependant équipé sur toute sa longueur pour sécuriser la progression. Néanmoins courir, glisser ou y faire un faux-pas n’est pas recommandé. Le second concerne le Puits des Bancs. Équipé lui aussi – une première fois pour traverser la Souloise et une seconde pour passer au-dessus du rocher de la caverne – il nécessite malgré tout le minimum syndical d’engagement. L’avertissement pourra faire sourire les habitué(e)s de ce style de passage mais devra être pris au sérieux par celles/ceux qui le sont moins ou pas du tout.

L’intégralité du parcours comporte trois sections distinctes de dénivelé : la première, pour monter à la Crête des Baumes, et la troisième, pour atteindre les terrasses de Faraud, sont de difficulté moyenne et réalisables pour une grande majorité de marcheur/ses. La deuxième, qui relie le Puits des Bans au Collet, est raide et assez sportive. Le terrain, avec la proximité relative des falaises, pourra impressionner et/ou fatiguer des personnes peu familières de ce style de terrain. Un élément à prendre en compte si vous décidiez de faire cette boucle dans sa totalité. À signaler qu’une petite source se découvre à la descente de la Crête des Baumes – triangle bleu entre (8) et (9) – mais nulle part ailleurs. La chaleur pouvant rendre cette randonnée difficile, on veillera à en prendre le départ avec suffisamment d’eau et à l’éviter les jours d’orage ou de pluie.

CIRCUIT DU PUITS DES BANS : AVIS PERSONNEL

Je suis de ceux qui pensent que la connaissance d’un territoire passe par la curiosité d’en découvrir le moindre recoin, quand bien même le-dit recoin ne paraît pas, de prime abord, avoir l’envergure souhaité pour une randonnée. S’autoriser à se laisser surprendre peut parfois pourtant donner lieu à de très belles surprises. C’est assurément le cas pour ce circuit du Puits des Bans. Aurélie me le confiait en conclusion, autour d’un rafraîchissement pris à la Joue-du-Loup : « Il n’y a pas grand-chose à jeter sur cet itinéraire, à part peut-être la route ? Encore que ça permet de se reposer un peu. » Je ne peux que lui donner raison tant cette boucle invite à des lectures variées.

Vous pensez que ce circuit n’est pas majeur dans le Dévoluy car moins spectaculaire que ne peuvent l’être les sommets ? Fatale erreur d’appréciation ! Reconsidérer l’intérieur du Dévoluy ne pourra qu’être source de tout aussi excellentes découvertes

Je connaissais déjà, je l’ai dit, la Crête des Baumes. Mais l’hiver, recouverte de neige. En été c’est une redécouverte. Ce n’est plus la même. Et ça reste un oppidum naturel doté d’une vue panoramique étonnante. Je connaissais aussi les Gorges du Rif – une double entorse à la cheville en chutant dans une voie d’escalade ça ne s’oublie pas – et le Puits des Bans – un sauvetage de drone crashé dans un sous-bois suspendu au-dessus du vide, ça ne s’oublie pas non plus ! Mais le fait de pouvoir enchaîner les trois était inédit. Et la qualité des sections de sentiers entre chaque spot m’a sincèrement bluffé. J’en profite donc pour féliciter René, auteur de ces ouvertures intelligentes qui donnent un aperçu réel de l’étage humain du Dévoluy. C’est une boucle que je recommande vivement à qui souhaite une exploration plus intime de celui-ci.

Puits des Bancs

HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

Le Lieraver (testé et approuvé)

C’est le dernier hébergement collectif de Saint-Étienne-en-Dévoluy. Contre vents et marées, Philippe et Joëlle accueillent les randonneurs et les skieurs dans ce grand bâtiment qui ressemble à un refuge. Simplicité et convivialité sont de mise. Ici on ne se prend pas la tête et on a le sourire aux lèvres et le rire facile. Une cuisine familiale est servie le soir venu. Un espace détente attend les hôtes à l’étage, tout en haut du gîte. Le Lieraver offre 39 couchages répartis essentiellement en petites chambres de 2 à 6 personnes. Le genre d’endroit où on se sent vite à l’aise. La demi-pension est proposée pour 40 euros. Infos et réservation : 04.92.58.91.87 / 06.32.30.12.63 ou par mail : lieraver@wanadoo.fr

EN MARGE DE LA RANDO

Spéléologie au Puits des Bans

Vous avez aimé le Dévoluy sur terre ? Vous allez l’adorer sous terre ! Le massif est un énorme gruyère de près de 600 cavités, soit les 3/4 de celles des Hautes-Alpes. Avec ses chourums, il expédie le visiteur jusqu’à 210 mètres sous la surface du sol. Rien que le siphon terminal du Puits des Bans totalise une bascule de 123 mètres. Le Dévoluy a également mis en place sa rando souterraine, baptisée Via Souterrata. Une ligne de vie y accompagne le randonneur cavernicole pendant une heure dans un milieu karstique étonnant équipés d’échelons, de passerelles et de ponts de singe. Marc Casali et Martinho Rodrigues sont les deux spécialistes locaux de ces univers sans lumière. Plus d’infos sur le site du Dévoluy.

Via Ferrata des Étroits

Il y a deux parcours tracés dans les Étroits. Le premier, la traversée des Baumes est évalué « Assez Difficile ». Sans doute du fait de son échelle inversée dès le départ car, ensuite, elle se fait bien et les accompagnants peuvent même suivre la progression des ferratistes depuis la route. Avant d’arriver sous le pont, un échappatoire. Au-delà, c’est l’enchaînement avec la voie dite Vertigo qui s’enfonce dans les Gorges du Rif. Ambiance immédiatement plus étroite, sombre, quasi-spéléologique. Également montée en grade de la cotation qui passe à « Difficile ». Il est possible de louer son matos dans les magasins de sport de Superfévoluy et de La Joue-du-Loup en juillet/août. Un parking au départ et pas de marche d’approche rentrent également parmi les atouts de ces itinéraires très sympas.

Escalade aux Gorges du Rif

Comme je vous le disais dans l’article, il est possible de grimper dans les Gorges du Rif. Réparties sur deux secteurs, le site totalise une trentaine de voies allant du 4c au 7b. Tout y est très bien équipé pour la pose de moulinettes, l’initiation ou l’escalade sportive. L’exposition et l’accessibilité du site – parking et proximité de Saint-Étienne-en-Dévoluy – complètent sa nature incontournable pour tous les amoureux de rocher.

AUTRES ITINÉRAIRES À PROXIMITÉ

Les Vallons de Bure
La Brèche de Faraud
Le Col de l’Aup
Le Lieraver

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Randoshow Helloways : mes 10 bonnes raisons d’y participer

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Depuis la Provence, Paris et la région parisienne ne sont pas des destinations nativement privilégiées pour aller randonner. La pratique de la marche à pied y est pourtant active, y compris chez les plus jeunes, notamment sous l’impulsion de communautés comme Helloways. Un nom qui sonnait familier à mes oreilles depuis sa création en 2018. Ma vie professionnelle m’a conduit à faire la connaissance de Clément, cofondateur du projet, deux ans après. Une belle rencontre qui me donne envie d’en savoir un peu plus sur ces acolytes randonneur/ses de région parisienne. En août dernier, une invitation à un RandoShow, un événement rando original made in Helloways, paraissait être la bonne occasion de satisfaire cette curiosité. Les festivités ont duré deux jours. J’en sors enthousiasmé et je vous explique pourquoi. Show la rando, show !

Comment je me suis retrouvé un matin à Paris pour faire un RandoShow

Sur le web, le microcosme de celles et ceux qui ont fait de la rando leur credo est petit. Même si de nouveaux apparaissent ponctuellement dans le paysage – un blog ici, une chaîne YouTube par là – la plupart d’entre nous se connaissent plus ou moins, au mieux physiquement, a minima de nom. Aussi rien d’étonnant à ce que Helloways, un matin, me propose bien gentiment de monter participer à l’un de leurs RandoShow parisien. C’était en 2019 et j’étais noyé dans les tournages à l’époque. J’avais poliment, et à regrets, décliné. Un an plus tard, Clément remet le couvert et retente sa chance. Cette fois, c’est la bonne.

Malgré le contexte sanitaire qui fera de 2020 une année qu’on n’est pas prêt d’oublier, il y a une fenêtre de tir pour organiser l’événement. Ce sera début août ou ce ne sera pas. Les astres me sont favorables puisque c’est pile entre la fin des tournages de Carnets de Rando et le début de mes vacances. C’est maintenant ou jamais. Je valide d’autant plus qu’une drôle de synchronicité m’a permis d’accueillir Clément sur l’un de mes tournages, en Seine-Maritime, un mois avant. Une rencontre IRL – comme on dit chez nous – après des mois d’échanges ponctuels par réseaux interposés. Le courant passe facilement et me donne donc d’autant plus envie de participer à l’événement. Le 31 juillet je quitte la Provence pour Paris : il est temps d’honorer cette invitation.

L’événement RandoShow, en résumé

Le rendez-vous est fixé Gare Montparnasse tôt le matin pour rejoindre, en transilien, la gare du Perray-en-Yvelines. Se passer de la voiture pour pratiquer la randonnée, c’est la base du concept Helloways. Et rien de tel qu’une bonne heure de train pour faire connaissance avec ses futurs compagnes/ons de marche. À l’arrivée, un topo-briefing est animé pour dessiner les grands traits du week-end. Hochements de têtes, oreilles attentives et piétinements. L’impatience de démarrer l’aventure ronge la petite trentaine de marcheur(se)s. Je repère furtivement les tee-shirts En Nature Simone des membres Helloways, stratégiquement placés pour encadrer le peloton. Au signal, je me glisse dans le courant de la marche naissante. Let’s go !

Pour ce RandoShow c’est la Forêt de Rambouillet l’héroïne. Pour situer, on est au sud-ouest et à une quarantaine de kilomètres de Paris, dans le département des Yvelines. Dans cet ancien domaine de chasse des Rois de France de près de 14.000 hectares, les possibilités de randonner sont nombreuses. On est ici également dans le Parc Naturel Régional de la Haute Vallée de Chevreuse, un des grands écrins de nature de la périphérie de Paris. Et l’un des seuls que je n’ai jamais pratiqué. L’occasion fait donc le larron. Première surprise : la longue zone d’étangs étirés en chapelets. Deuxième surprise : l’aspect peu à peu immersif de Rambouillet qui, en cœur de massif, plonge le randonneur dans une forêt à la fois dense et aérée que sillonne un réseau de sentiers plutôt labyrinthique. Un décor pénétrant et habité de mille et un sons dans lequel Valentine, spécialiste des plantes, débusque derrière chaque tronc de quoi inventer la cuisine de ce soir. On oublie de compter les heures. Seuls comptent les kilomètres.

Le bivouac, c’est le moment très attendu du week-end. La rumeur, propagée par quelques habitué(e)s, parle d’un lieu magique et d’instants forts. On se prend à tourner le dos à l’instant présent pour se réfugier dans la projection de ce moment murmuré d’une personne à l’autre. Le résultat, dans une clairière lumineuse et apaisée, n’a rien de décevant. Les joyeux drilles de la bande de Nature Hiking by Decathlon, à l’énergie et à la bonne humeur communicatives, ont fait les choses en grand histoire de démontrer qu’ils n’ont pas usurpé leur titre de partenaire de l’événement : tentes familiales dernier cri, avalanche d’accessoires de campings, cadeaux en tous genres…

Les gars sont rodés et lancent un concours de montage de tente façon Intervilles, par équipes. Séquence fou rire. Pendant ce temps Clément et sa bande ne chôment pas pour préparer les sandwichs du lendemain. Un atelier cuisine se monte au milieu de tout ça. La lumière se couvre d’or sur le camp. Des conférences démarrent, une guitare s’accorde. C’est le temps du concert. La voix sibylline de Katrin-Merili s’envole dans la nuit, vers ces mêmes étoiles que nous essaierons d’observer ensuite au télescope pour conclure, bien tard, cette première journée bien dense.

Randoshow

Le lendemain, réveil en yoga pour tout le monde. Les sacs se chargent des cadeaux amassés la veille. On est au mois d’août et c’est un peu Noël. La colonie s’ébranle au signal de Clément. La forêt cède peu à peu la place à un paysage où les sous-bois jouent l’alternance avec les cultures qui inondent l’ouest de la forêt de Rambouillet. Notre procession de sacs brinquebalants ne passe pas inaperçue. Encore moins lorsqu’elle ramasse les déchets pour épauler Deux Pas vers l’Autre dans leur projet 1 kg for the Planet. La rando se double alors d’une mission d’utilité publique et d’une sensibilité environnementale.

On fait des pauses, assis en tailleur et en cercle comme des écoliers, pour écouter ici les aventures de Tortuga ou là les chansons de Hoyt qui, avec sa guitare, m’évoque un troubadour des temps modernes. Un drôle de groupe qui marche et qui rit en progressant à travers champs en direction d’Houdan, le terminus de cette (micro) aventure. Il fait chaud sous le soleil des Yvelines et, après un dernier verre amical, la dispersion s’amorce. Je me retrouve à nouveau dans le train pour la Provence. Je n’ai rien vu passer et repars des souvenirs plein la tête, avec la conviction que la randonnée de demain est là. Merci Helloways !

Bon ok. Sympa ton résumé David. Mais si tu devais retenir 10 choses d’un RandoShow, ce serait lesquelles ?

Une question pertinente. Je pensais déjà avoir un peu brossé les contours de ce week-end avec cette synthèse mais je vois que je dois aller plus loin. Alors pari tenu. Voici donc, sous le jour de ma propre expérience et sans aucune hiérarchie, ce que j’identifie comme des éléments-clés d’un RandoShow.

1 – C’est un endroit pour se faire des ami(e)s

À moins d’être un sauvage fuyant les foules et adepte du buschcraft ermitique, on apprécie généralement de croiser la route d’autres personnes partageant nos goûts, nos envies et nos hobbies. Et même si je défends de savoir, de temps en temps, pratiquer en solitaire la randonnée, il est bien agréable – et au demeurant très utile – de cultiver sa sociabilité et de souhaiter la rencontre de randonneur/ses venu/es d’autres horizons. D’abord parce que c’est bon pour le moral. Deuxièmement parce que c’est bon pour l’échange d’expérience. Troisièmement parce que c’est moteur. On tisse des liens. On tricote des amitiés. Et l’appartenance communautaire de devenir source d’énergie et de projets. Mais trouver les bonnes personnes ou intégrer un groupe existant n’est pas toujours aussi facile qu’on le souhaiterait. Et c’est là où le Randoshow m’a carrément bluffé.

Le petit nouveau – ou la petite nouvelle – pourrait se faire par avance le mauvais film où il/elle se voit passer la journée en retrait parce que personne ne lui parle vraiment ou ne cherche à l’intégrer. Ou encore qu’il ne va y avoir que des baratineur/ses, des podiums d’ego ou des m’as-tu-vu(e)s qui vont te faire remarquer que ta tenue est vilaine. Mauvais scénario. La réalité n’a rien, mais alors rien, à voir. J’ai rarement vu une concentration d’autant de bons gens. Tous/toutes accessibles, humbles et motivé(e)s à partager une expérience collective en pleine nature. Que de la bonne vibe et des personnes avec qui je repartirais les yeux fermés en rando. Au-delà de l’aspect marche, c’est l’élément humain qui fait, à mes yeux, de ces Randoshows des événements rando à vivre. Avec, à la clé et quand tu habites l’Île-de-France, la création d’un carnet de contacts pour des projets de sorties à venir.

2 – C’est l’occasion de se laisser porter

Dans la vie, il y a celles/ceux qui aiment organiser et il y a les autres. Et parfois les premiers aiment passer dans la peau des seconds. L’inverse n’étant pas forcément vrai. Pour toutes celles et ceux qui veulent se glisser dans le courant et se laisser tranquillement emporter par lui, déposer son cerveau et ne pas avoir à se soucier ni du chemin à suivre, ni du montage du bivouac, ni de la quantité de provisions à emporter, ni de… Bref pour les adeptes de la méthode « je suis le mouvement », les Randoshows se positionnent plutôt bien. C’était mon cas figurez-vous. Moi qui d’habitude prend en charge l’organisation et le déroulé des tournages, la gestion de l’itinéraire et trois milliards de détails censés aider à ce que la journée de sentier se passe dans les meilleures circonstances, là, nada ! Je me suis contenté de suivre et, bon sang, qu’est-ce que ça fait du bien !

Alors en revanche, les plus prudent(e)s d’entre vous, avanceront avec sagesse qu’il ne faut pas forcément suivre des inconnu(e)s. On se souvient du message sécuritaire parental, répété en mantra durant notre enfance. S’engager exige de la confiance, c’est vrai. Mais là vous pouvez y aller les yeux fermés. La bande à Clément, c’est du solide, toujours aux petits oignons avec les participant(e)s, avec toujours plusieurs coups d’avance pour la fluidité de l’expérience. Et des surprises, toujours emballées dans des sourires. La contrepartie est minime : une participation peu astreignante à quelques maigres efforts collectifs. Le reste, l’équipe s’en charge ou s’en est déjà chargée à votre insu. Les Randoshows, c’est un peu le all inclusive de la rando, avec plus de nature que de karaoké. Je vous le dis encore : ici on baisse la garde et on se laisse porter.

3 – C’est l’opportunité de découvrir son propre lieu de vie

C’était intéressant de poser la question « tu randonnes où quand tu habites sur Paris » à des francilien(ne)s. Car les Randoshows s’adressent en priorité à eux. Et quand, comme moi, on débarque de Provence et qu’on se retrouve en Île-de-France, c’est forcément la question qu’on se pose pour chercher une issue derrière tout ce béton. Elle est où la sortie ? Comment vous faites ? En lançant les Randoshows – et plus généralement en lançant Helloways tout court – Clément et sa tribu avaient cet objectif bien en tête : servir de guides et/ou d’inspirateurs pour les marcheur/ses francilien(ne)s en puissance qui avaient la volonté mais pas les idées. Avec une petite touche de Rendez-Vous en Terre Inconnue en supplément car, élément amusant et apprécié, vous ne savez pas où se déroulera le Randoshow au moment de l’inscription !

Oui, je vous l’ai déjà dit plus haut, l’élément de surprise joue un rôle prépondérant dans l’identité de cet événement singulier de l’univers randonnée. Or Paris et sa proche périphérie ont des atouts dans la manche. On pense à Fontainebleau évidemment. Mais ce serait négliger également le Parc Naturel Régional de Chevreuse, la Forêt de Rambouillet, de Saint-Germain-en-Laye ou encore le Vexin Français, pour ne citer que les plus connus. Ne vous attendez pas à un itinéraire sans surprise ni à une trace GPX rapidement récupérée sur le web. L’équipe d’Helloways vaut plus que ça et l’identification d’un parcours est toujours le fruit d’un minutieux et soigneux travail de repérage. Vous aurez peut-être même la surprise d’embarquer au-delà de la ceinture d’Île-de-France. Comme le dit un certain Forrest, le Randoshow c’est comme une boîte de chocolats : la suite vous la connaissez !

4 – C’est un concept qui ose faire bouger les lignes

Ce n’est pas parce que je me suis laissé porter que je n’ai pas observé les petites abeilles ouvrières d’Helloways ne ménageant pas leurs efforts pour assurer la prestation. La somme d’idées et de travail nécessaires au bon déroulement de ces deux jours est, à mes yeux, assez bluffante. Le Randoshow aurait pu se contenter du minimum syndical. Autrement dit traîner des randonneur/ses derrière un guide au fil d’un itinéraire lambda et puis merci, au revoir. Mais ça aurait été mal connaître les loulous. Le défi est beau et sort du lot précisément parce qu’il a mis la barre haute. N’oublions pas que dans Randoshow, il y a « show » et ce n’est pas pour rien. La volonté derrière le projet c’est d’aller au-delà de la randonnée, que marcher ne soit plus simplement une fin mais un moyen. Celui de vivre une expérience différente, en pleine nature. Et, disons-le, c’est carrément réussi.

Lors d’un Randoshow, on marche intelligent. Parfois même en musique. On apprend des choses. La culture et la curiosité emboîtent le pas à la marche. Parce que marcher pour marcher, aujourd’hui, n’a plus de sens. Les addicts de la statistique seront malheureux : ici le meilleur rythme est celui de prendre le temps. Pas de record à battre, pas de gloire à finir premier en ayant divisé le temps de marche par douze. On n’est pas là pour ça. Le concept est dans l’échange et l’éveil des sens. On vient mixer dans la nature des portions d’émotions et réinventer la notion même de randonnée, qui en avait diablement besoin. Ateliers, jeux, initiation au yoga, concert, session astronomie, cueillette et cuisine naturelle guidées par une professionnelle… Dans un Randoshow on écoute et on ressent, on rit et on échange. Et bien sûr, en toile de fond, la randonnée pour faire le lien.

5 – C’est une invitation pour rencontrer des gens qui font la randonnée

Non content d’afficher un planning royal pendant deux jours qui devrait tenir l’ennui à distance respectable de l’événement, le Randoshow brasse les randonneurs/ses avec quelques visages connus du petit monde de la randonnée. Après tout, quoi de mieux que des personnes qui ont fait de la marche à pied un art de vivre – et parfois même une activité professionnelle – pour échanger avec des participants qui ont rempli leurs sac à dos de questions sur l’activité. Lors de mon passage, j’ai ainsi eu le plaisir de faire la connaissance de Nil et de Marie, du formidable projet Deux Pas vers l’Autre. Une belle rencontre avec, pour moi, deux incarnants modernes de ce qu’est l’essence du voyage. Discrets dans la foule des marcheurs, des noms familiers sur lesquels je peux enfin mettre des visages : les Géonautrices – Enora & Candie – Mathis alias La Tortuga, Audrey & Mickaël de Refuse to Hibernate ou encore Éloïse de l’Oeil d’Eos.

Alors, vous allez me dire, toi aussi David tu fais partie de tous ces gens qu’on voit sur les réseaux ? Ce qui est vrai et c’est aussi pour cela que j’ai dit oui à Clément. Ma présence avait plusieurs fonctions parmi lesquelles aucune ne prévoyait que je sois un simple témoin passif. Le retour d’expérience vaut mieux que dix publicités désincarnées. Être un maillon de la chaîne, vivre l’événement de l’intérieur ne peut que conférer davantage de crédibilité au récit. Et c’est l’essence même du concept que d’accueillir des « guests » de l’univers rando afin qu’ils rejoignent les groupes constitués pour, d’une part, leur permettre d’échanger sur leur lien avec l’activité, leur passion, d’interroger leur expérience, leur parcours… et, d’autre part, faire bénéficier de leur communauté et de leurs compétences créatives pour en faire de parfaits messagers. Un échange gagnant-gagnant.

6 – C’est la démonstration d’une logistique solide

La réussite d’un événement tient à de multiples facteurs. Le backup, la logistique en est un élément clé. Et celle du RandoShow est exemplaire. À plus d’un titre. Driver un groupe de trente personnes (parfois plus, hors contexte Covid) en extérieur c’est déjà, en soi, une mission énergivore. Je vous l’ai dit, nous, on se laisse porter. Mais l’équipe elle, engage sa responsabilité sur la sécurité et le bon déroulement du week-end. Et, mine de rien, c’est déjà endosser un poids énorme. Ils auraient pu s’arrêter là. Mais non. Clément aime marquer le coup et chouchouter sa communauté. Alors il ne cède rien à l’effort et s’est entouré de partenaires sérieux et engagés.

Parmi eux, la team Nature Hiking by Decathlon, le pôle développement « rando » de la célèbre enseigne. Elle a mis les moyens pour le bivouac. Le camp est monté à notre arrivée et je vous garantis qu’il y avait du boulot. Des cartons de cadeaux attendent d’être ouverts et offerts aux gagnants des différents jeux et concours proposés pendant le week-end. Il y a du fun derrière le déploiement matériel et des gars crédibles, sérieusement rodés à l’animation, et qui savent, avec ça, éviter de sombrer dans l’auto-promotion. Respect. Et puis on ne meurt pas de soif ni de faim sur un RandoShow, soyez rassuré(e)s ! Boissons et provisions sont là, en abondance, pour rassasier le/la marcheur/se éreinté(e). Plaisir d’offrir, joie de recevoir !

7 – C’est la possibilité de s’initier à la mobilité douce

C’est l’un des credos de Helloways. Ce qui le différencie de pas mal d’autres. Ou comment randonner sans utiliser la voiture. Un souci pour limiter son empreinte environnementale qui pose en retour des contraintes : rejoindre le départ d’une randonnée peut, dans certains cas, s’avérer de difficile à formellement impossible sans voiture. La volonté du portail est donc d’identifier et de présenter des itinéraires au départ de Paris – et de plusieurs autres villes de France – qui soient 100% accessibles sans voiture. La mission est noble et ne choisit pas la facilité. Principalement lorsque l’ambition se porte au-delà de Paris et périphérie.

L’une des grandes forces de la région parisienne est son maillage exhaustif en lignes de métro, de RER, de tramways et de transiliens. Où que l’on habite, il est – quasiment – possible de se déplacer sans voiture dans un périmètre de 50 kilomètres autour de la capitale. Le RandoShow permet de faire l’expérience de cette autre façon de voyager. C’est quelque chose d’assez nouveau pour moi et j’y suis sensible. Là où j’habite on ne peut pas adopter cette méthode pour tous les itinéraires. L’accessibilité est plus complexe selon les lieux et le développement des transports publics limité en-dehors des grands axes et peu flexible quoiqu’il en soit. La thématique permet en tout cas d’ouvrir la réflexion et c’est déjà beaucoup.

8 – C’est porter un regard plus profond sur la nature

Alors c’est marrant parce que, vu de province, l’image de parisien(ne)s randonneur/ses est complètement bardée de clichés. Beaucoup ont du mal à imaginer les hyper-urbains en amoureux transis de la nature. Ils/Elles peuvent l’être pourtant tout autant que n’importe qui. Le lien à la Nature est le même, qu’on soit à Paris ou dans les Alpes, tant que la corde sensible vibre. Et le fait est d’autant plus vérifiable actuellement avec une situation sanitaire contraignante qui révèle le potentiel oppressant de l’urbanisme. À celles/ceux qui ressentent le besoin d’un appel d’air mais qui peinent à lui trouver un mode d’emploi, des rendez-vous comme le RandoShow offrent le ticket d’entrée rêvé.

L’événement n’est pas qu’une promenade accompagnée dans la nature. C’est aussi un éveil aux signaux qu’elle nous envoie et qu’on ne sait pas nécessairement capter ou comprendre. À titre d’exemple, lors du week-end auquel j’ai participé, on avait avec nous Valentine, alias @cookanous sur les réseaux, celle qui murmure à l’oreille des plantes. Pas un brin d’herbe dont elle ne puisse remonter la généalogie et nous en présenter les qualités ou les défauts. Un puits de science naturaliste qui nous a fait prendre conscience de la richesse de cet univers chlorophyllien qui nous entoure au quotidien et dont on ne sait presque rien. On ne peut sortir d’une session aussi immersive qu’avec un regard renouvelé et affûté sur la nature.

9 – C’est un passeport pour intégrer une équipe de passionné(e)s

Actuellement, sur le web, il y a deux types de sites & blogs. Ceux qui ont été créés selon une logique de business par des personnes considérant la randonnée et le voyage comme des opportunités commerciales et lucratives. Et ceux qui sont nés d’une idée forte et forgés dans la passion de l’activité. Une origine autrement plus légitime que  savoir-faire, énergie et goût du défi ont permis d’associer à un développement commercial pour en décupler la portée. Helloways est de cette trempe. Dans l’équipe, qu’on se le dise, on mouille maillot. Et quand on est témoin des efforts prodigués pour satelliser le projet, on se prend à avoir envie de rejoindre l’équipe.

Initialement je pensais qu’Helloways, c’était Clément et Nicolas, les cocréateurs de la communauté et que la portée de celle-ci s’arrêtait aux frontières de Paris. Mais j’étais loin du compte. Sensible aux objectifs et aux engagements de site, des randonneurs/ses d’autres grandes villes de France ont rejoint la team pour développer le réseau et le message d’Helloways dans toute la métropole avec des groupes Rando & Co. Et ces ambassadeur/ses, que j’ai pu rencontrer lors du RandoShow, sont tout aussi passionnants que les pères fondateurs. J’ai été sensible à la vibe que les responsables dégageaient et transmettaient aux participant(e)s. Nul doute que le RandoShow sera décisif pour certain(e)s qui voudraient franchir le pas et s’engager en faveur d’un développement alternatif de la randonnée en France.

10 – C’est un tremplin pour gagner de l’expérience et ses galons de randonneur/se 2.0

Quand tu baignes dans l’univers rando depuis des décennies – mine de rien je fête cette année ma 37ème année de pratiquant – il y a tout un tas de choses que tu fais instinctivement en matière de préparation, organisation et réalisation. Et c’est précisément la richesse de cette expérience qui devient ressource pour les débutant(e)s. Or, un nouveau public de randonneur/ses, il y en a un qui émerge actuellement. La demande est très forte et c’est avec plaisir que je vois rajeunir les sentiers. On a souvent associé la randonnée à une activité de « vieux » – une comparaison à mon goût excessive et, de surcroît, à la connotation péjorative. Parmi ce sang neuf, beaucoup sont autodidactes et apprennent de leurs erreurs. Mais d’autres ont besoin d’un cadre, de conseils et d’un apprentissage.

C’est précisément là que les RandoShow se positionnent en tremplin. Rassemblement effervescent de randonneur/ses 2.0, il est l’occasion d’échanger et d’apprendre aux contact des autres. Il y a une valeur pédagogique réelle à ces événements. Et si j’y ajoute le terme 2.0 c’est aussi car, si le principe mécanique de la randonnée demeure inchangé, son fondement même et les outils qui l’accompagnent évoluent. Que ce soit pour la vivre ou la partager, une batterie d’applications très générationnelles à usage du/de la randonneur/se moderne se déploie. Et même moi, qui bosse avec certaines d’entre elles, je peux commencer à me sentir dépassé par d’autres. Le RandoShow est aussi un moyen de se mettre à la page avec des féru(e)s de nouvelles technologies, pour celles et ceux qui aiment marcher et geeker.

ALLER PLUS LOIN

Vous êtes à la recherche d’une randonnée accessible sans voiture ? Vous voulez être tenu au courant des prochains RandoShow ou de l’actualité de la communauté ? Ou vous voulez tout simplement adhérer et rejoindre Helloways ? Ni une, ni deux, rendez-vous sur le site officiel à l’adresse https://www.helloways.com/ . Vous pouvez également vous abonner à leur page Facebook : https://www.facebook.com/HellowaysFrance

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La Sente aux Moines : comment j’ai plongé dans Brotonne

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Brotonne. L’une des forêts les plus emblématiques de Seine-Maritime, lovée contre l’avant-dernier méandre de la Seine. Un terreau fertile de légendes, chargé d’Histoire et indissociablement lié à  l’Abbaye de Jumièges qui la contemple, de l’autre côté du fleuve. Parmi elles, celle de la Sente aux Moines, évocatrice d’un passé médiéval dont le temps qui passe et la frénésie du monde moderne ne parvient pas à effacer le souvenir. Un itinéraire de randonnée lui rend honneur et en profite, au passage, pour plonger dans l’intimité de la forêt, à la découverte de quelques arbres remarquables qui en font la gloire. En bonus, une échappée en bac sur la Seine et la visite, riche en émotions, de la plus belle ruine de France. Ascètes de la marche du 21ème siècle et amoureux/ses des promenades en forêt, ce reportage est pour vous !

Difficulté : assez difficile | Distance : 19 km| Dénivelé : 170 m| Durée : 4h45 | Carte : IGN TOP 25 1/25000è 1911OT Brotonne

De la Seine, j’ai en mémoire les boucles langoureuses qui baignent le pied des falaises crayeuses de l’Eure et, plus particulièrement, aux Andelys. C’est un fleuve majeur de notre belle France, que je connais finalement bien peu. J’en ai, certes, vu les premiers émois en Côte-d’Or, à Châtillon-sur-Seine, et contemplé également l’assurance tranquille en plein Paris. Au final juste une poignée de kilomètres sur les presque huit cent qu’elle totalise.

Randonner au fil de la Seine. Une aventure en soi pour découvrir des territoires méconnus. Je mesure l’étendue de mon ignorance à son sujet alors que je boucle mes affaires pour la Seine-Maritime

Qu’advient-il d’elle au-delà de Giverny et jusqu’au Havre, où elle rejoint l’océan Atlantique, je n’en savais rien. Aussi, l’occasion d’ajouter une pièce en Seine-Maritime à ce puzzle incomplet m’a-t-elle réjoui. Et d’autant plus lorsque l’itinéraire visé, baptisé la Sente aux Moines, s’enorgueillit de compter parmi les plus belles randonnées de la Vallée de la Seine. Le ton était donné.

J’ai donné rendez-vous à Clément et Hortense au bac d’Heurteauville. Dans le secteur, figurez-vous qu’il n’y a ni pont, ni route pour traverser la Seine. Près de 65 kilomètres de fleuve sans le moindre équipement routier s’écoulent entre Rouen et le Pont de Brotonne, en aval de Caudebec-en-Caux. Pour passer d’une rive à l’autre, piétons et automobilistes empruntent de petits ferrys. Un moyen insolite et très local qui n’est pas dénué de charme. On l’emploiera d’ailleurs en fin d’après-midi pour rallier Jumièges, ses commerces et hébergements et, évidemment, sa superbe abbaye dont la visite, après la randonnée, ne saurait être évitée.

Première surprise : la traversée en bac de la Seine pour rejoindre le départ de la randonnée. Ce n’est pas tous les jours qu’on vit ça !

On fait connaissance avec le mobilier signalétique du territoire : des bornes en bois larges et aisément identifiables, coiffées d’un chapeau vert, qui reprennent le nom de la randonnée, son numéro, sa durée, sa longueur, sa couleur et son tracé. La chasse aux ronds roses est ouverte ! Leur piste nous fait rapidement quitter les quelques maisons regroupées en bord de Seine et autour du quai pour pénétrer un couloir végétal qui nous conduit, par un raidillon vite expédié,  aux portes de la forêt.

Sente aux Moines

Sur un replat, un large panneau d’information dédié à la Sente aux Moines invite à la lecture et à reprendre son souffle. Petit flashback : nous sommes en 1202 et Robert, deuxième du nom, ignore qu’il va bientôt perdre son comté de Meulan – actuellement dans les Yvelines – pour avoir pris le parti du Roi d’Angleterre. Deux ans avant l’évanouissement de ce petit comté de 200 ans d’âge, Robert II de Meulan cède donc, en grand prince, tous ses biens à l’Abbaye de Jumièges. Pourquoi Jumièges vous demanderez-vous  ? Car Robert possédait le Manoir du Torp, en cœur de forêt de Brotonne et avait une petite idée en tête. Il pose une exigence pour sceller cette donation : que deux moines s’établissent de façon permanente dans la chapelle du Torp afin de prier pour lui et sa famille.

800 ans : c’est l’âge de cette Sente aux Moines qui a vu des générations de moines et de fidèles s’y succéder pour honorer le vœu d’un comte.

Le geste en dit long sur l’état d’esprit de l’époque. Le désir de miséricorde et le devoir d’être dans les bonnes grâces du Seigneur prévalent sur la charité. Et, au final, voilà toujours un bien qui ne tombera pas dans l’escarcelle de Philippe Auguste plus tard ! Savant calcul ! Afin de respecter le vœu de Robert, les moines se relaient ainsi chaque semaine entre Jumièges et Le Torp et développent le site. Une voie de communication finit ainsi par être créée, par commodité, pour faciliter cette relève hebdomadaire : la Sente aux Moines était née.  La pratique va perdurer jusqu’en 1727, soit près d’un demi-siècle plus tard. Un beau témoignage d’abnégation. La lassitude des fidèles – et des curés – à traverser la Seine pour assister aux offices aura mis un terme au contrat de Robert, depuis longtemps mort et enterré.

Sente aux Moines

Sur une distance d’environ 2 kilomètres, la Sente aux Moines tire une droite approximative depuis le flanc oriental de Brotonne jusqu’à une large fenêtre ouverte dans la forêt. En chemin, elle est brutalement coupée en deux par la bruyante départementale 913, route à la circulation dense qu’il faudra traverser avec mille précautions avant de laisser à l’opacité forestière le soin de la faire s’évanouir : la brutale irruption de la civilisation moderne dans notre pèlerinage médiéval et végétal.

C’est à nous, randonneur/ses,  qu’il revient de perpétrer aujourd’hui la mémoire de ce chemin séculaire desservant le manoir et le prieuré du Torp

Emmanuel Chanclou, agent forestier à l’Office National des Forêts, a rejoint notre trio pour lui apporter l’éclairage nécessaire à la compréhension et à la lecture de cet univers particulier. Emmanuel, c’est quasiment un enfant de la forêt. Brotonne c’est un peu sa maison. À son sujet, il est intarissable et, dans sa voix, l’accent de la passion se mêle au flot d’un savoir infini.

Au son de son récit, je plonge autant dans les profondeurs du temps que dans celles de la forêt. L’histoire du Prieuré du Torp, notre prochaine étape, est aussi dense que la futaie qui nous entoure. À l’image de la forêt, elle est enracinée dans une longue histoire démarrée au 9ème siècle quand les pirates normands écumaient encore la Seine. Torp est d’ailleurs une importation nordique, des siècles avant Ikea ; une adaptation du danois torpum, qui signifie ferme. Depuis, le site a vu passer les moines, a connu l’abandon, la Révolution et son bois a été vendu, coupé puis replanté.

Derrière le masque de quiétude aujourd’hui tombé sur le Torp, on a du mal à imaginer les origines et le passé tumultueux de ce lieu chargé de croyances et jadis foisonnant d’activité

Il faudra attendre le 19ème siècle et la curiosité des archéologues pour exhumer un passé où les faits historiques s’entrelacent aux légendes. Il y est question de pierre druidique, de souterrain secrets, de trésor caché et d’apparitions spectrales. De quoi nourrir l’imaginaire collectif jusqu’à l’année 1975 et la proposition de classement du site par la Commission des Antiquités. Trois ans plus tard, le site est restauré, vendu aux biens nationaux, transformé en propriété privée et est aujourd’hui assimilé à des fermes plus récentes dans le silence de vastes prairies agricoles. La magie et le folklore s’y sont désormais tus.

Il faut ensuite revenir sur nos pas pour pénétrer à nouveau sous le couvert des arbres et y suivre la route forestière de la Falque du Torps en direction du sud. J’interroge Emmanuel sur Brotonne car j’ai besoin de m’en faire une idée plus précise. « La superficie totale de la forêt approche les 7200 hectares« , nous dit notre guide qui ajoute, face à notre expression insatisfaite : « ça représente environ 70000 terrains de foot !« . Rien que ça ! Plus habitué aux forêts et aux essences de Provence et de montagne, j’essaie de recenser les espèces majoritaires : des chênes sessiles, bien sûr, aux proportions plus impressionnantes que par chez moi, mais aussi des pins sylvestres et, à ma grande surprise, des hêtres !

La forêt de Brotonne est reconnue pour sa production de bois de qualité. Sa gestion, réalisée dans le respect de la protection des milieux et des paysages, est assurée par des agents comme Emmanuel.

« Brotonne participe de façon importante à l’alimentation de la filière bois en Haute-Normandie« , continue Emmanuel. « Sa gestion équilibrée et respectueuse est une part importante de notre métier. Identifier les arbres à fort potentiel, favoriser leur croissance, savoir où et quand couper, renouveler sciemment les peuplements, protéger la biodiveristé tout en restant à l’écoute des besoins de la filière bois sont autant de facettes de l’action de l’ONF et de ses agents à Brotonne. » Ne confondez donc surtout pas Emmanuel avec un garde forestier ! Ça n’a rien à voir et ça pourrait même le contrarier férocement !

Peu avant le croisement avec la Route au Chien, les balises nous envoient à gauche, en direction de la Route de Hauville. Comme toute forêt digne de ce nom, Brotonne est un labyrinthe. Un entrelacs de sentes et de longs chemins aux noms évocateurs : Route du Gros Houx, de la Mare aux Bœufs, Route au Faon… Propriété des ducs de Normandie jusqu’au 12ème siècle, la forêt de Brotonne devient propriété royale lorsque la Normandie est rattachée à la France. Elle acquiert le titre de « bien national » à la Révolution. Elle est aujourd’hui domaniale et gérée par l’ONF.

De Brotonne j’apprécie le potentiel immersif qui sait éviter les allées interminables et fait profiter de ses sous-bois au marcheur.

L’une de ses richesses, en strict terme de randonnée, c’est qu’elle évite aussi souvent que possible les longues allées rectilignes caractéristiques de la marche en forêt. Les balises empruntent fréquemment des sentiers taillés au format du marcheur, en sous-bois et immersifs. Un atout véritable pour celles et ceux que l’infinie rectitude des couloirs forestiers décourage à juste titre. Ces voies existent, bien sûr,  à Brotonne mais le parcours de la Sente aux Moines s’emploie à les éviter la plupart du temps.

Sente aux Moines

On quitte l’Allée au Chevreuil pour une traverse anonyme qui nous rapproche du secteur des Arbres Remarquables. Le premier à se présenter, un peu à l’écart du sentier et indiqué par une signalétique spécifique, est le Hêtre Voûte. Une insolite formation végétale à deux troncs et en forme d’arche sous laquelle il est aisément facile de passer. Une mise en bouche avant d’arriver, un peu plus loin, à la véritable star de Brotonne : le fameux Chêne Cuve. Classé parmi les Arbres Remarquables de France, ce respectable chêne de près de 350 ans lançait, à l’origine, cinq énormes troncs soudés en un seul vers la lumière du ciel.

On vient aussi à Brotonne pour ses arbres remarquables. Sur le parcours de la Sente aux Moines, deux sont au programme et, parmi eux, le Chêne Cuve, roi incontesté de la forêt.

Mutilé en 1826 – probablement sur la base d’une animosité entre braconniers et gardes forestiers – il ne lui en reste aujourd’hui plus que quatre. Mais cependant quel spécimen encore ! Quant à la cuve en question, elle fait référence à la base creuse de son tronc qui recueillait l’eau que les légendes humaines ont, forcément, qualifiée de miraculeuse. Elle a depuis été bouchée pour empêcher le chêne de pourrir et le site a été très agréablement aménagé pour mettre en valeur cet honorable et historique spécimen.

Sente aux Moines

Sur le chemin qui nous mène vers la sortie de la forêt, je reconnais, dans le chatoiement lumineux qui disperse les ombres des sous-bois, les balises rouges et blanches du GR®23 qui, communes avec la Sente aux Moines, nous accompagneront désormais jusqu’au bac. De La Bouille à Tancarville, ce GR® de 74 kilomètres longe la vallée de la Seine en traversant, notamment, la Forêt de Brotonne. 

L’itinérance en Seine-Maritime ne se limite pas au GR®21, quand bien même celui-ci occupe le devant de la vitrine depuis son élection au titre de GR® Préféré des Randonneurs en 2020 !

Un bruit de klaxon me tire de ma rêverie forestière : la départementale 913 est proche, qu’il va falloir prudemment traverser à nouveau. À l’issue, le balisage nous entraîne vers un espace dégagé où une généreuse trouée dans les arbres nous gratifie d’un panorama inattendu et assez exceptionnel sur la Seine et Jumièges. Nous voici parvenus à l’aire de La Mailleraye-sur-Seine.

Sente aux Moines

La Seine y occupe forcément tout le devant de… la scène ! Elle déroule sous nos yeux son avant-dernier méandre avant d’amorcer son long contournement de Brotonne par le nord qui la mènera ensuite jusqu’à son embouchure, au Havre. Une péniche y progresse au ralenti, cernée d’un côté par la pente boisée des Côtes, sous Brotonne, et de l’autre par le patchwork de prairies agricoles entourant Jumièges. Frappée par un rayon de soleil, l’Abbaye révèle son prestige au-dessus de la ligne des toits de la commune.

La Mailleraye-sur-Seine offre un paysage de carte postale où se révèle l’identité du Parc Naturel Régional des Boucles de la Seine Normande dont Brotonne est partie intégrante.

Plus au sud, l’éclat de la surface de l’étang de Jumièges fait de l’œil au regard du visiteur. Un contraste marqué où l’horizon se libère enfin après avoir été longtemps retenu captif par la forêt. Une table d’orientation vient répondre aux questions que peut se poser le promeneur sur le paysage. Ce jour-là, notre contemplation s’accompagne de la musique d’Ennio Morricone dont on a appris la regrettable disparition. La symphonie du maestro se marie à la perfection à l’émotion du moment.

Le GR® nous fait ensuite dégringoler de près de 120 mètres jusqu’à la Seine. On embarque à bord du bac, petite embarcation rouge et blanche pouvant emporter 4 à 5 véhicules au maximum. La traversée est rapide. Après tout il n’y que 200 mètres d’une rive à l’autre. Mais elle offre une parenthèse insolite dans la randonnée. Arrimé au bastingage, on se laisse fouetter doucement le visage par l’air normand en regardant s’éloigner Brotonne et ses secrets. Un instant fugace mais enivrant, qui révèle le plaisir du déplacement à pied. Bye bye la Sente aux Moines.

Passage du bac. Un moment bref qui me laisse de bien meilleurs souvenirs que celui du lycée, 25 ans plus tôt !

On débarque sur la rive opposée, laissant notre petit bac poursuivre sa navette incessante. Il faudra, pour notre part, nous acquitter encore d’un kilomètre et demi de marche pour atteindre Jumièges et l’entrée de l’abbaye. J’y entre avec curiosité. J’en ressortirai plus tard sincèrement ému. Jumièges est à part de tout ce que j’ai pu découvrir par le passé. Le site est en effet… en ruine ! En ruine, oui, mais, comme il se murmure ici, la plus belle ruine de France !

De l’abbaye d’origine, plus ancien et plus important des centres bénédictins de Normandie fondé en 654 par Saint Philibert, il ne demeure plus aujourd’hui que les tours et murs extérieurs. Une gloire démembrée pierre par pierre par la Révolution mais qui conserve cependant une âme et un prestige auquel les romantiques du siècle passé ont été hautement sensibles. Alors ne nous méprenons pas sur ce que sont les romantiques : moi j’imaginais des amoureux un peu fleur bleue cultivant leur amour dans les souvenirs éteints de ces hauts piliers majestueux. Je n’y étais pas du tout !

Jumièges, c’est le nec plus ultra du romantisme. Version siècle dernier. Les romantiques d’hier pourraient être un peu les gothiques d’aujourd’hui. Une forme de sublimation dans le dépouillement que le site excelle à dégager. Majeur.

Le romantisme en question lorgne plutôt vers la dépression et les turpitudes de l’âme. La gloire déchue de l’endroit, qui nimbe chaque façade, chaque colonne, chaque vitrail disparu, a transcendé ces esthètes qui ont fait des déceptions de l’existence une source d’inspiration pour leurs œuvres. Ce qu’on venait chercher ici, c’était la beauté dans l’amertume, l’exaltation dans la tristesse. Et quand on navigue par soi-même dans ce squelette encore lumineux, on ressent à son tour ce sentiment confus, à la fois poignant et merveilleux.

brotonne

On ne peut demeurer insensible en levant la tête vers le sommet de ces tours au blanc lumineux de près de 50 mètres de haut. On y imagine Guillaume le Conquérant inaugurant le site – reconstruit après les raids vikings des siècles précédents – en 1067 ou encore Agnès Sorel, la première maîtresse royale de l’Histoire de France, retrouvant son roi-amant Charles VII. Puis le déclin, passée la Révolution, et la transformation en carrière de pierre jusqu’en 1824.

Jumièges est le décor d’un film démarré en des époques reculées et y dérouler la bobine de l’Histoire vous aidera à mieux vous imprégner de la magie du lieu.

Il faut prendre le temps d’imaginer ces événements et ces personnages qui nous ont précédés, pris dans les fils de leurs vies et nourrissant les lieux de leurs souvenirs des centaines d’années avant nous. Restaurer intégralement le site serait synonyme de lui ôter ce passé et cette âme. Il a donc été décidé de le laisser en l’état afin d’en conserver la profonde et unique identité.  Je le quitte impressionné par la performance architecturale autant que par son atmosphère, vivante derrière ces ruines. Dans  notre dos, le soleil bascule au-delà de Brotonne, baissant le rideau sur cette longue et dense journée de randonnée sur la Sente aux Moines.

VENIR EN SEINE-MARITIME

Quand, comme moi, vous habitez la Provence, la Normandie ça fait loin. On n’y vient forcément pas pour la journée . Il faut prévoir un séjour plus long, histoire d’amortir la longueur du trajet. Mais celui-ci ne devrait pas décourager les sudistes d’oser l’aventure. Le point de passage obligé sera Rouen, à 2h de Paris mais à près de 9h de Marseille ! Moi  je suis venu en train, en transitant par Paris et j’ai loué une voiture sur place. La solution la plus confort à mes yeux et plutôt étonnamment économique.

ACCÈS À JUMIÈGES

Même s’il est possible d’accéder à Brotonne et à la Sente aux Moines depuis le sud ou depuis Tancarville, je vous recommande un départ depuis Jumièges, agréable village adossé contre la Seine et confortablement pourvu en hébergements et en commerces. Vous serez ainsi à pied-d’oeuvre pour visiter l’abbaye et pourrez également profiter du plaisir d’emprunter le bac, à l’aller et au retour.

Pour venir à Jumièges, il faudra, depuis Rouen, suivre d’abord la direction générale du Havre et de Dieppe. Juste avant l’entrée de l’autoroute, il faudra toutefois s’échapper à droite, par le D982, direction Duclair, Canteleu-centre et Maromme. Continuer jusqu’à Duclair et, environ 4 km après la sortie du village, quitter la D982 en tournant à gauche, par la D143, direction Jumièges. Dans Jumièges, longer l’enceinte de l’abbaye et se stationner sur un parking, à droite, là où la direction d’Heurteauville par voie marine est indiquée.

SPÉCIAL MOBILITÉ DOUCE

Pour celles et ceux qui veulent privilégier la mobilité douce, une solution existe. Ce n’est pas la plus simple mais elle a le mérite d’exister, à condition de s’adapter aux horaires. La première étape c’est d’attraper la ligne de bus 30 qui fait Rouen-Gare Routière à Caudebec-en-Caux et de descendre à Yainville-centre. De là, deux possibilités : soit vous avez réservé un transport à la demande Fil’Or (sur réservation) soit vous enchaînez avec le bus 206 – qui est un scolaire à la base – qui quitte Yainville du lundi au vendredi à 16h20 et 17h20. Il faudra alors descendre à l’arrêt Guillaume Le Conquérant, à Jumièges, qui est le plus proche de l’abbaye.

Sente aux Moines

LA SENTE AUX MOINES : LE TOPO

Généralement, je rédige moi-même le topo lorsqu’il n’existe pas. Ce qui n’est pas le cas ici. La fiche-topo de la Sente aux Moines, éditée grâce à la collaboration de tout un tas de gens admirables, se trouve très facilement auprès de l’Office de Tourisme Caux Vallée de Seine, mais aussi sur le web, en PDF. Je vous mets copie du lien d’ailleurs ici. Vous y retrouverez la carto, l’itinéraire pas-à-pas et des informations contextuelles sur trois des lieux visités.

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

Vous avez remarqué ? J’ai qualifié cette randonnée sur la Sente aux Moines d’assez difficile dans le chapeau de l’article. Cela pourra en surprendre certain(e)s d’entre vous, habitué(e)s à la montagne et qui doivent se demander comment diantre une marche en forêt peut être qualifiée de « difficile » ?! Voici quelques éléments de réponses pour contextualiser ce choix.

– D’abord je me suis calé sur le degré de difficulté indiqué sur la fiche topo qui lui est de 3/3, donc le maximum de cette collection normande. Question d’harmonisation.

– Ensuite je précise que l’échelle de difficulté se rapporte au territoire concerné et non à la France entière. Il faut comparer ce qui est comparable. L’un des critères de difficulté dans des régions où le dénivelé est peu marqué est donc la distance. Avec pas loin de 20 kilomètres au compteur, cet itinéraire compte donc parmi les « très longs » proposés par le département.

Ensuite j’ai tendance à dire « méfiez-vous de l’eau qui dort » ! L’habitude de la montagne a tendance à nous faire arriver dans des régions comme la Normandie en terrain un peu conquis. Erreur grossière ! Marcher à plat et en forêt peu se révéler extrêmement usant en fin de journée. Vous pourriez être surpris de sentir la fatigue là où vous ne l’attendiez pas. Comme partout ailleurs, restez humble !

Deux autres précautions à prendre avant de vous lancer tête baissée dans Brotonne :

– En plein été, méfiez-vous du soleil. Vous avez peut-être l’image de la Normandie sous la pluie mais c’est un cliché. Le soleil brille également généreusement et, en plein été, il peut même faire très chaud, notamment sous la végétation. On ne le sent pas vraiment venir mais le coup de soleil, le coup de chaud ou, pire encore, l’insolation peuvent vous attendre au détour d’un chêne. N’oubliez donc ni le chapeau, ni la crème solaire !

– Et puisqu’on en est à parler de protection, n’oubliez pas non plus dans votre sac la pince à tique. On est en forêt et c’est le pays des tiques, c’est ainsi. On prend donc ses précautions en la matière : on évite les jambes nues, si possible (pas comme moi donc), on prévoit un spray répulsif (toujours pas comme moi) et on s’inspecte minutieusement dès la fin de la rando pour se débarrasser des éventuelles intruses qui seraient passées entre les mailles du filet. Ici elles sont assez petites donc soyez vigilant(e)s pour ne pas en manquer une. Pour ma part, faute de précautions et parce que, vous le savez, je marche en sandales, j’en ai récupéré 7 en fin de journée… Prenez donc l’avertissement au sérieux.

Sente aux Moines

QUELQUES LIENS UTILES

Ce court article ne saurait faire honneur à l’immense réservoir d’anecdotes historiques liées à Jumièges, à Brotonne et à leurs environs. En quelques mots, j’ai tenté d’esquisser quelques images dans l’esprit du lecteur. Ce sera toujours insuffisant. Si cette introduction vous a rendu plus curieux/ses encore sur ce petit bout de Seine-Maritime et que vous êtes un(e) féru(e) d’Histoire, je vous invite à visiter ce site consacré à Jumièges qui m’a énormément servi pour construire ce reportage, en complément de la randonnée effectuée sur place. Merci à Laurent Quevilly pour ses recherches et ses comptes-rendus si riches qui ont su ressusciter le passé oublié et passionnant des lieux.

Si, également, cette proposition d’itinéraire en Pays de Caux en appelle d’autres et que vous avez besoin d’inspiration, voici le lien vers la base de données des randonnées en Seine-Maritime avec pas moins de 204 suggestions à travers le département. Ça laisse de quoi voir, non ?

Si une visite à l’Abbaye de Jumièges peut s’improviser sur place, elle peut aussi être préparée à l’avance. Je vous joins donc le lien vers le site officiel de l’Abbaye qui, au-delà de la présentation du monument, explore les possibilités de visites guidées, évoque les expositions et les ateliers qui s’y déroulent et propose une découverte en 3D de l’endroit virtuellement reconstitué. [Au moment de la rédaction de cet article, l’Abbaye est fermée au public pour les raisons sanitaires liées au Covid-19, snif]

Sente aux Moines

LA SENTE AUX MOINES : AVIS PERSO

La Sente aux Moines marquait le début de notre séjour en Seine-Maritime. Autant dire que j’y ai débarqué avec un insatiable appétit de découverte et d’envie de marcher. En dix ans de blog, et quand bien même la montagne demeure incontestablement mon terrain de jeu favori, j’ai appris à développer une enthousiasmante curiosité envers l’ensemble des territoires français. Chaque occasion de connaître un peu mieux mon propre pays, sa nature, ses gens, son patrimoine, me motive au plus haut point. Cartographier la France sous l’angle de la randonnée m’offre cette fabuleuse opportunité. Voici donc mes temps forts/faibles sur cette randonnée.

Une forêt taillée pour le randonneur

Brotonne était, à mes yeux, un élément-clé de la connaissance à avoir de la Seine-Maritime. La boucle de la Sente aux Moines, en soi, n’est qu’un tout petit extrait de cette immense forêt. Mais elle m’en a donné les bases et m’en a dévoilé la nature. J’aborde toujours un reportage en forêt avec une pointe de réticence car je crains – j’en ai parlé dans l’article – les allées forestières interminables. De ce côté-là, Brotonne est une bonne surprise. En tant que marcheur, j’ai envie que les sentiers s’adaptent à ma hauteur et non l’inverse. Et c’est très souvent le cas. Quitte à être à pied, autant plonger au cœur du site, là où ni véhicule ou cheval ne pourrait aller. En forêt, la notion d’immersion m’importe énormément. Et, pour ça, la forêt de Brotonne a largement marqué des points.

Marcher seul, c’est bien. Marcher accompagné, c’est mieux.

Alors on a eu aussi la chance d’avoir Emmanuel avec nous. Il était nos yeux et nos oreilles pour nous donner les clés de Brotonne. Cela m’a inspiré la conclusion qu’une randonnée en forêt sans connaissance du milieu, sans explication, sans aide à la lecture et à la captation des repères n’est, au final, qu’une agréable promenade en aveugle sous les arbres. J’ai demandé à Emmanuel s’il encadrait des sorties ou si l’ONF en proposait. La réponse est malheureusement négative. En revanche, il arrive à l’Office de Tourisme de Caux Vallée de Seine de le faire. N’hésitez pas à bénéficier d’un encadrement sur ce genre de sortie : cela ouvre réellement une autre dimension de perception du territoire. La forêt a ses secrets que seul les spécialistes savent percer !

Sentes aux Moines

Des spots à fort potentiel… et d’autres un peu moins

En ces temps de reconnexion à la Nature, la forêt a les faveurs du public. Elle reste un milieu apaisant. Et si vous êtes sensible aux énergies, celles de la forêt de Brotonne devraient vous faire de l’effet. Je ne suis pas un fan des câlins aux arbres mais j’apprécie de simplement y apposer une ou deux mains, de fermer les yeux et d’établir une connexion humble avec le vivant. Le Chêne Cuve aura ainsi été un partenaire de choix. L’aménagement du lieu et l’arbre en lui-même dégagent quelque chose de fort. Davantage que le Prieuré du Torp, par exemple, dont la privatisation a, à mon sens, rompu le lien émotionnel possible avec le visiteur. Une petite déception, au regard de l’incroyable histoire du lieu. Bon point, en revanche, au belvédère sur la Seine qui permet d’embrasser d’un seul coup d’œil le pays de Jumièges. Un temps fort de cet itinéraire pour céder à une pause contemplative.

Ne surtout pas passer à côté de la visite de l’Abbaye

Temps fort aussi sur le bac qui traverse la Seine. Un vrai kif ! Et le final à l’Abbaye de Jumièges qui m’a définitivement fait forte impression. Comment pareil dénuement peut encore dégager autant de force est assez dingue. Et définitivement inattendu. L’aménagement, l’harmonie et la propreté du lieu n’y sont sans doute pas étrangers. Tous ces éléments mis bout à bout pour dire que l’appréciation de cet itinéraire ne peut se borner à une attitude passive consistant simplement à marcher. Il faut s’impliquer et considérer la Sente aux Moines comme l’épicentre d’une histoire globale dont chaque page se lit avec curiosité. Superposer le passé au présent, affûter son regard, se mettre à l’écoute de la forêt ou encore prendre le temps sont autant de facteurs qui contribueront à la réussite pleine et entière de votre randonnée à Brotonne.

HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

Camping La Forêt

Sur les recommandations de Seine-Maritime Attractivité, l’équipe a dormi à ce camping situé à Jumièges, à quelques minutes à pied du centre et de l’abbaye. On y a testé les derniers aménagements prévus pour les randonneurs : mobil-home confortables pour les uns, tentes Canada Trek pour les autres. Selon votre budget et/ou votre profil (baroudeur ou tout confort), l’une ou l’autre option est parfaitement adaptée. Le camping est du genre familial et on sent la présence des habitués quand on y débarque ! Le bâtiment d’accueil fait également dépôt de pain et on peut y commander du petit snack à emporter (hors période Covid…) ou des viennoiseries. L’accueil normand y est chaleureux et convivial. C’était parfait pour démarrer notre séjour !

Nota : et si vous voulez manger sur Jumièges – le jour où les restos pourront rouvrir et on leur souhaite de tout notre coeur – on vous recommande les burgers de la Taverne des Moines, face à l’Abbaye. On y a pris notre premier dîner, en mode affamés, et c’était grave bon !

AUTRES ITINÉRAIRES DANS LES ENVIRONS DE JUMIÈGES

Les Terres de l’Abbaye
De Yainville à Jumièges
La Forêt de Jumièges

Cet article La Sente aux Moines : comment j’ai plongé dans Brotonne est apparu en premier sur Carnets de Rando.

Secrets de Nièvre : Escapade à pied au Pays du Pouilly

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En général, on vient dans la Nièvre pour le Morvan. Mais limiter le département à son fameux massif serait négliger le reste d’un territoire bougrement accueillant, délicieusement intime et riche de multiples saveurs. Au rang des plus célèbres se hisse le Pouilly Fumé, un vin blanc identitaire à base de Sauvignon Blanc dont la réputation n’est aujourd’hui plus à faire. Les amateurs de vin et de randonnée sauront donc être attentifs à ne surtout pas manquer le crochet par le petit hameau de Pouilly. On y déguste non seulement le charme d’une balade à travers les douces rondeurs de la vigne mais aussi des millésimes minéraux aux suaves parfums d’agrumes. Une agréable promenade dans le fief de cette AOC historique, à la rencontre des hommes et des femmes qui la font. Une belle histoire d’amour et de terroir à découvrir semelles au vent.

Difficulté : moyen| Distance : 13 km| Dénivelé : 185 m| Durée : 3h30 | Carte : IGN TOP 25 1/25000è 2523SB La Charité-sur-Loire/Suilly-la-Tour

C’est une petite route qui quitte Pouilly discrètement, au débouché de sa rue principale. Un dénivelé s’y immisce sous la semelle des chaussures, mais rien d’insurmontable. C’est un relief peu accentué qui imprime les versants prenant leur élan depuis les berges de la Loire. J’étais resté sur mon image de coteaux aux lignes cassantes des abords de Tours, découverts lors d’un tournage sur le GR®3 et gravis à la force du mollet. Des efforts courts mais réels, dignes des fractionnés réalisés par les sportifs. Dans ce Val-de-Loire nivernais, les rives du grand fleuve ne sont qu’encore aimablement bosselées.

Je m’attendais, en arrivant, à littéralement plonger sur Pouilly. En réalité on y glisse plutôt qu’on y bascule. La douceur du relief local est la première surprise.

L’altitude s’y gagne donc pour chacun(e) sans souffrance et, très vite, l’horizon se recouvre de vignes. Des rangées parfaitement ordonnées font une haie d’honneur aux randonneurs tandis que se dessine, sous le pied, les contours pavés d’une ancienne route caladée. Elle porte ici le nom de Voie Royale, trace à la rectitude parfaite qui s’aplanit en laissant apparaître derrière elle les toits noirs et luisants de Pouilly. De l’autre côté de la Loire, la Nièvre cède le terrain au Cher et à une alternance pacifique entre lignes boisées et monocultures.

Pouilly

La vigne frétille sous l’effet d’une brise légère, dégringolant en vagues vertes figées qui creusent le terrain comme la houle l’océan. Le sentier s’y taille un corridor que le visiteur remonte à pas lents. Une sorte de montée des marches d’un Cannes bourguignon où l’on récompenserait non des films mais des vins. Et, partout autour, des plants impeccables de vigne, plantés là et immobiles comme des légions romaines prêtes à déferler sur Pouilly. Pierre et Marlène remontent les rangs de cette armée de raisins en rythme. La randonnée frôle l’inspection : bienvenue en terre de Pouilly Fumé.

Le Pouilly, ici, ce n’est pas que du vin, c’est une tradition et un art de vivre ensemble.

Cette randonnée au cœur du vignoble ne saurait se contenter d’être une simple promenade. Elle doit nécessairement s’accompagner d’une authentique curiosité pour comprendre comment le vin rythme ici la vie des hommes et renforce leur lien social. Source de vie et poumon économique, la vigne est aussi un élément de décor majeur. Harmonie des lignes, régularité métronomique, effets de profondeur : l’équilibre visuel et le jeu de la symétrie séduisent l’œil. Ne parlons surtout pas de monotonie : c’est un milieu vivant dont l’agencement précis relève de l’art. Du pain béni pour l’image qui se délecte de ces axes naturels qui traversent son cadre.

Pouilly

Un soin certain a été apporté au balisage sur cet itinéraire. La signalétique respire le neuf et des mobiliers explicatifs de qualité attendent le promeneur au détour d’un carré de vignes. Les vignerons d’aujourd’hui perpétuent une œuvre démarrée dès le 5ème siècle mais dont le rayonnement fut le fruit du labeur et du savoir-faire des moines de La Charité à partir du 12ème siècle. Je m’amuse d’ailleurs à remarquer que, dans l’Histoire, les ecclésiastiques ne sont jamais très loin lorsqu’on traite de généalogie du (di)vin. L’ouverture progressive de la Loire à la navigation puis, bien plus tard, le chemin de fer, concurrença la place de choix occupée par le Pouilly Fumé aux meilleures tables parisiennes. En vain cependant.

L’histoire du Pouilly Fumé et des hommes qui le font ne date pas d’hier. Le terroir s’est façonné à force de sueur, d’amour et de fraternité

Dans ce petit carré de Nièvre, des générations successives d’artisans du Pouilly continuent de défier le temps pour entériner leur création comme un incontournable de la production viticole du Val de Loire. Un dévouement sans faille qui carbure à la transmission. Le moteur, ici, c’est la famille. La cause est noble et s’appuie sur la communauté. La cohésion qui cimente le collectif contribue à la légende du Pouilly. L’engagement qui anime les hommes et les femmes autour de ce vin local est source de respect comme nous avons pu le vérifier en rencontrant Jérôme Pabiot, cinquième génération d’une des grandes familles de récoltants ici, autour de Pouilly.

On est arrivé chez eux en se laissant glisser sur les Loges, village vigneron qui prolonge le sentier, calé en rive droite de la Loire. Le Domaine des Fines Caillottes est au pied de la pente de la rue Saint-Vincent, l’axe principal des Loges, véritable défilé d’exploitants. Ici on fait du vin ou on ne fait rien ! Dans la fraîcheur salvatrice du caveau – on est alors en juillet et la chaleur de l’été est palpable dans la Nièvre – Jérôme nous brosse un portrait de famille. « L’aventure des Pabiot démarre en 1900 avec notre aïeul Louis, sans aucune machine ou animal. À l’époque, le domaine ne fait que 1,2 hectares. Le cheval, puis les ânes, n’entreront que plus tardivement. C’est Jean, le petit-fils de Louis, qui acquiert le premier tracteur en 1958. »

Le Pouilly, chez les Pabiot, c’est une belle histoire de famille démarrée il y a maintenant près de 120 ans.

« Puis mon père Alain, à partir de 1978, va planter de nouvelles vignes pour progressivement passer de 7 à 30 hectares aujourd’hui. Moi je l’ai rejoint après mes études en viticulture, en 2004, pour surtout beaucoup travailler sur la partie commerciale, même si j’aime aller à la vigne et que je participe aussi largement à l’exploitation. » Lancés dans une démarche d’engagement en faveur du développement durable, les Fines Caillottes sont certifiées Terra Vitis et Haute Valeur Environnementale de niveau 3, autrement dit le plus élevé. Cela signifie moins de traitement pour une production la plus naturelle possible. Des contraintes assumées par ces esthètes du vin qui produisent un Pouilly Fumé régulièrement récompensé.

Pouilly

« Mais tous ces autres exploitants, à commencer par d’autres Pabiot, ce n’est pas un peu la concurrence ?« , demande-je. « Pas vraiment« , me répond Jérôme en souriant. « On se connaît tous aux Loges. On a grandi ensemble. C’est très soudé. On a chacun nos domaines mais ça ne se tire pas dans les pattes. Au contraire même, le collectif répond présent quand l’un de nous a des problèmes avec sa vigne ou a besoin d’un coup de main. C’est très solidaire. » Non sans nostalgie, Jérôme nous gratifie de quelques anecdotes de son enfance dans les vignes, nous désigne ses cachettes de gosse dans les coteaux, évoque les fêtes de village…

La recette d’un bon Pouilly semble décidément puiser son équilibre entre le savoir-faire, l’amour de la vigne et la joie de vivre. On jurerait presque celle du bonheur !

Le Pouilly c’est une vocation, une philosophie, un appel auquel on répond. C’est une vie placée sous le signe de la vigne et rythmée par les saisons. À son évocation, les images d’une ruralité heureuse et profondément humaine dansent dans mon esprit. « Et pourquoi les Fines Caillottes ? » interroge Marlène. Jérome désigne alors des échantillons de cailloux sous verre. « Ce sont elles les caillottes« , dit-il. « C’est ce qu’on trouve sur notre terroir argilo-calcaire. On les appelle des caillottes. On trouve également des marnes , dites à petites huîtres, et des silex. C’est cette géologie qui permet de donner au vin du domaine sa complexité aromatique. »

Quand on est du sud et qu’on aime le vin, c’est toujours un réel plaisir de découvrir de nouvelles histoires viticoles sur sa route. Parce que les vins de la Loire – et en particulier les Pouilly – ne sont pas légion en Provence. Avant de quitter et de remercier Jérôme, je me fais la promesse d’en commander pour ma cave. Un peu difficile d’en traîner dans le sac à dos, en pleine chaleur, quand il reste, en plus, quinze jours de reportage avant de rentrer à la maison ! Avant de poursuivre l’itinéraire, j’entraîne Pierre, Marlène et Foulkan sur les berges de la Loire toute proche. Une petite table à l’ombre de grands arbres, à proximité d’un vieux pressoir fleuri, siéra parfaitement à notre pique-nique.

Il y a décidément de la douceur de vivre dans cette agréable campagne nivernaise. Elle se savoure tout autant dans la marche que dans la contemplation de ses calmes reliefs.

Un vallon boisé, en forme de virgule, entaille à l’est le vignoble des Loges. C’est dans cette direction que nous entraînent les balises. Foulkan y avance le museau à ras de terre, en veillant à sagement rester dans l’ombre protectrice des arbres. La vigne, omniprésente, finit par remplir à nouveau l’horizon lorsqu’on atteint la route, à un peu plus de 200 mètres d’altitude. Notre prochaine étape, c’est Les Berthiers, un autre petit bourg dédié au vin et placé sous la coupole de Saint-Andelain, un peu plus haut. Rues désertes, dernière cigarette, plus rien ne bouge, comme dirait une célèbre chanson. Le soleil semble être venu à bout de toute activité humaine, à l’exception de la randonnée !

Pouilly

Un bout de balisage invite à prendre la clé des champs par la petite rue des Bois, sur notre droite. Un raccourci pour les marcheur/ses qui raccorde Les Berthiers directement au Belvédère, un ancien château d’eau reconverti en tour panoramique. Pour seulement deux petits euros, c’est l’occasion de prendre de la hauteur sur un panorama s’ouvrant, de La Charité jusqu’au sud du Loiret, sur tout le vignoble de Pouilly et avec, en toile de fond, le moutonnement des premiers vallons du Sancerrois. La boucle du retour s’engage à partir de ce point. Après avoir laissé le ruban goudronné de la départementale 503, on refait notre entrée dans l’immensité de la vigne.

La sérénité qui se dégage de ces immenses nappes de vigne me rappelle, d’une certaine manière, la sensation ressentie face aux paysages de l’Auvergne. L’espace est décidément un dénominateur commun au bien-être.

Une traversée s’amorce, en mode grands espaces. Le regard porte loin, flottant avec légèreté sur un vert tendre tiré en couverture sur la douce ondulation du coteau. Impossible d’être plus au cœur de ce qui fait l’identité de ce territoire. La souveraineté absolue du Sauvignon Blanc s’affiche dans toutes les directions. Tout autour de nous se déploient les hectares du Domaine De Ladoucette, propriété des Comtes Lafond depuis 1798 et qui compte parmi les plus importants et les plus réputés du vignoble de Pouilly Fumé. Un prestige qui s’incarne, entre autre, dans le superbe château du Nozet, de style Renaissance, daté du 19ème siècle, autour duquel s’élance le domaine.

Pouilly

Si la bâtisse et les jardins adjacents sont privés, il demeure néanmoins possible d’y jeter un œil furtif par quelques ouvertures bien placées. C’est là résolument une belle pièce qui évoque déjà, quoique bien plus en aval, les futurs et célèbres châteaux qui jalonnent le cours de la Loire, au-delà d’Orléans. Une oasis inattendue avant de retrouver, à la sortie, le dénuement plus triste de parcelles de monocultures. Un passage obligé, dans les coulisses des vignes voisines, avant de retrouver le creux accueillant d’un petit sentier s’affaissant en douceur vers Pouilly. Passés sous la voie de chemin de fer, on s’engage le long de l’avenue Laubespin pour finalement regagner le centre de la commune.

Pas question de partir d’ici sans avoir fait la visite de la Tour du Pouilly Fumé !

Fin de la rando ? Pas tout à fait, car il nous reste un lieu à visiter, histoire de mettre un point final à cette marche au pays du Pouilly Fumé. J’aime l’exhaustivité et c’est la raison pour laquelle un crochet par la Tour du Pouilly Fumé était essentiel. Dans ce beau bâtiment aux lignes épurées, le département a mis les moyens de la restauration pour offrir au public un espace de compréhension du vignoble et de son histoire. En marge d’une jolie boutique de laquelle il sera difficile de renoncer à repartir les mains vides a été bâti un parcours scénographique immersif pour ressentir l’univers du Pouilly Fumé.

On laisse les portes retomber derrière nous et nous revêtir d’obscurité. Puis, à l’invitation d’une voix surgie de nulle part, on démarre cette visite par une leçon d’histoire. Animations, lumières et écrans se passent le relais pour conter, en musique et en explications, ce qui a conduit Pouilly à ce qu’il est aujourd’hui. L’histoire racontée plus tôt dans la journée par Jérôme prend une autre envergure, complétée par force détails et images d’archives. Les visages du Pouilly se dévoilent au fil des saisons. La camaraderie et la passion du terroir s’y expriment à l’identique que dans le récit du petit dernier des Pabiot.

En quelques heures passées ici, on se sent déjà presque attaché à ce petit bout de terre nivernaise

On poursuit la visite dans des salles où manipulation d’objets et interactivité invitent le visiteur à s’impliquer. Une sorte de mini-Cité des Sciences dédiée au Pouilly ! Instructif et ludique à la fois. Cerise sur le gâteau, la superbe Cave aux Arômes, à la mise en scène élaborée, qui permet de découvrir les dix familles aromatiques des vins blancs de Pouilly. Le plaisir des yeux et des sens pour lever le voile sur quelques secrets liés au fameux nez du vin. Un très très bel endroit pour achever cette randonnée dans les vignobles de Pouilly-sur-Loire.

Pouilly

VENIR DANS LA NIÈVRE

En voiture

Si vous regardez bien votre carte de France, vous noterez que la Nièvre est un département assez central, posé tout au-dessus du Massif Central, à quasi équidistance de Paris et de Clermont-Ferrand. Pour les sudistes – dont je fais partie – ça ne fait généralement pas partie des choix premiers de destination. Et c’est bien dommage et j’espère que les différents reportages du blog vous convaincront qu’il pourrait être judicieux de revoir cette copie erronée !

Pour celles et ceux qui remontent donc depuis le sud et la vallée du Rhône, il faudra suivre l’autoroute jusqu’à Châlons-sur-Saône et, de là, tirer par la D978 vers Nevers via Autun et Château-Chinon. Depuis le Languedoc et le sud-ouest, le mieux est de viser Clermont-Ferrand puis de rejoindre Nevers via Moulins. Le grand ouest, quant à lui, préférera converger par autoroute vers Bourges pour rallier ensuite Nevers par la D976. Enfin, le nord et la région parisienne, pourront eux emprunter l’A77 directement jusqu’à Nevers.

À titre personnel, j’arrivais de mon tournage en Seine-Maritime et j’ai d’abord transité par Paris. Comme, à l’issue de ma semaine dans la Nièvre, j’avais besoin d’aller en Côte-d’Or, j’ai pris un train Paris-Auxerre et j’ai loué une voiture à Auxerre pour être autonome dans la Nièvre.

En train

La longue histoire qui lie l’Île-de-France à la Nièvre lui permet une desserte encore excellente en train depuis Paris. Des Paris-Nevers en seulement deux heures et pour moins de trente euros, vous en trouverez sans peine. Depuis Marseille, Montpellier, Rennes ou Bordeaux, c’est plutôt en 5h à 6h et pour, en moyenne, deux à trois fois plus cher. Mais la ligne existe et la fréquence quotidienne est correcte.

ACCÈS À POUILLY-SUR-LOIRE

En voiture et en montant depuis Nevers, on accède à Pouilly depuis le sud en quittant l’A77 à la sortie 26. On accède rapidement au centre de la commune par la D28a. Parking à disposition sur la droite de la route, juste après l’agence postale, Impasse des Écoles. En train, il y a environ 10 trajets quotidiens pour relier Nevers à Pouilly en une heure de temps et une dizaine d’euros.

DE LOIRE EN VIGNES : LE TOPO

Départ du parking. Remonter la rue principale vers le nord, direction Cosne-sur-Loire. Après être passé sous la voie ferrée (1), suivre à gauche la route indiquée comme Voie Romaine. L’itinéraire est commun avec le GR®3.

Au terme de ce large chemin partiellement pavé (2), partir à gauche à travers vignes, en suivant un chemin à flanc de coteau. Si vous hésitez parfois sur le bon itinéraire, gardez à l’esprit qu’il ne faut jamais descendre. On finit ainsi par venir buter perpendiculaire à un large chemin (3), arrivant de la droite et poursuivant à flanc, lui aussi, vers la gauche. Le suivre à gauche.

En bout de coteau, il arrondit à droite, en dégageant de belles vues sur la Loire (4), et rejoint un chemin identique qui lui, arrive par en-dessous. Ne pas descendre et poursuivre dans le même axe en passant devant une croix. On rejoint plus loin une habitation à main droite (5) – c’est le Domaine Jonathan Didier Pabiot, de la même famille que Jérôme – puis une route qui descend à travers les Loges.

Au bas de la descente (6), suivre la rue des Pressoirs à droite et amorcer une remontée. Après la dernière habitation, la route se fait chemin et monte à travers bois. On retrouve les vignes plus haut jusqu’à surgir sur la départementale D553. (7)

La suivre à droite. Elle s’aligne bientôt parallèle à l’autoroute, passe devant le Domaine Michel Redde – un autre grand nom du secteur – puis, au terme d’une petite descente, les balises virent à gauche en passant sous l’autoroute (8) et en remontant à l’entrée des Berthiers.

Traverser tout le hameau à droite, par la rue principale. Peu avant la sortie des Berthiers, suivre à droite le balisage par la route dite des Bois (9). Au niveau d’une dernière maison, le chemin quitte la route et part à gauche. On rejoint ainsi le bas de Saint-Andelain et le Belvédère. (10)

À l’intersection de routes, suivre la D503 à gauche. Juste avant qu’elle rentre en sous-bois, à la faveur d’un virage à gauche, prendre à droite par les vignes (11) et, en empruntant la grande traverse bien visible, rejoindre le château du Nozet tout au bout. (12)

Au niveau du portail, prendre à gauche le chemin du Nozet et contourner tout le site du château en passant également devant le Domaine de LaDoucette. En quittant la propriété, on poursuit à travers champs et en arrondissant jusqu’à recroiser la D503. (13)

La suivre à droite. Juste après un virage large à droite, repérer un chemin qui la quitte, à droite, au niveau d’un mobilier d’explication sur les cépages (14). Suivre ce chemin, dit des Côtes en Verse, qui rejoint l’orée d’un bois et amorce une descente jusqu’au niveau de l’autoroute. Longer celle-ci jusqu’à déboucher sur la D28. (15)

Tourner à droite et passer sous l’autoroute. Plus loin, passer sous la voie ferrée et, juste après, emprunter à droite l’avenue Laubespin (16) qui ramène sur le centre de Pouilly-sur-Loire.

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

Bon soyons clair : ce n’est pas vraiment le genre de randonnée où vous allez prendre de gros risques ! Excepté, peut-être, celui de vous faire coincer dans une cave pour y déguster du Pouilly Fumé ! Et, avec ses moins de 200 mètres de dénivelé au compteur, autant dire que ce sera, pour beaucoup d’entre vous, apparenté à une promenade de santé. Pas de gros challenge physique ou technique à prévoir, donc.

Toutefois, le choix de la saison aura son importance. On a fait ce reportage en juillet 2020 et il faisait clairement bien chaud dans la Nièvre. Ce n’est pas parce qu’on est au-dessus de Lyon que, ça y est, c’est le nord ! On a donc joué de la crème solaire et on n’était pas mécontent d’avoir, pour les uns, quelque chose sur la tête. Partez avec suffisamment d’eau. Vous pourrez refaire le plein aux Loges, un peu avant la mi-parcours, mais c’est tout.

DE LOIRE EN VIGNES : AVIS PERSO

Vous le savez peut-être – ou pas – mais je suis devenu, au fil des ans, un passionné de vin. Je ne vais pas dire que je m’y connais car ce n’est pas le cas : c’est encore bien trop complexe pour moi et la multitude d’appellations m’égare encore largement. Mais j’adore le vin. Et c’est pour moi un des éléments constitutifs forts d’un territoire. J’ai toujours un réel plaisir à découvrir quels vins sont produits là où je me trouve. Alors, forcément, démarrer ce séjour nivernais à Pouilly-sur-Loire, fief du Pouilly Fumé, était réjouissant.

Ce n’est pas la première oenorando que je fais dans Carnets de Rando. Rappelez-vous on en avait déjà fait une en Ardèche, à Rochevine, mais aussi dans l’Aisne, sur le thème du champagne. Alors après, il faut quand même le reconnaître, en matière de paysages, il n’y a pas vraiment de surprise. Une vigne reste une vigne, même si le terrain change d’un terroir à l’autre. Et si, contrairement à moi, la thématique du vin vous laisse indifférent(e)s, vous ne profiterez pas autant du voyage. Un simple aller-retour depuis Pouilly jusqu’au panorama sur la Loire devrait vous suffire pour profiter du lieu et ressentir les bienfaits paysagers des grands espaces viticoles.

En revanche, si le mariage de l’oeno et de la rando a du sens à vos yeux, cet itinéraire sera doublement gratifiant et devra, sans hésitation, intégrer la visite d’un domaine. Celle de la Tour du Pouilly Fumé sera, sans aucun doute, l’ultime temps fort avant de rentrer sur votre hébergement avec, forcément, une bonne bouteille – ou plusieurs – dans le sac à dos ! Bref, ici, le vin et la rando font bon ménage et si les deux vous régalent, cette visite au pays du Pouilly devrait vous combler de bonheur.

HÉBERGEMENTS ASSOCIÉS

Pour celles et ceux qui veulent rester sur Pouilly, vous pouvez séjourner à La Pouillyzotte, une ancienne auberge aujourd’hui reconvertie en une agréable chambre et table d’hôtes et installée dans une jolie maison de 1860. Un cadre et de belles prestations regroupées entre 5 chambres (dont deux suites parentales), un gîte et des roulottes. Tarif à partir de 61 euros. Celles et ceux qui préfèrent l’hôtel se dirigeront vers Le Coq Hardi, un trois étoiles classieux et bien situé face à la Loire. Charme et gastronomie au programme avec 11 chambres dont les tarifs sont compris entre 95 et 115 euros.

Nous, on n’était ni à l’un, ni à l’autre, car tout était plein de chez plein au moment du reportage. On a donc été se chercher un quartier général ailleurs, qui soit assez central par rapport à notre programme de rando et où on puisse poser nos valises tranquillement. Sans compter qu’on avait le chien et qu’il fallait qu’il soit accepté. On a trouvé notre petit paradis à Champlemy, chez Marie-Noëlle, à 30 minutes en voiture de Pouilly. Du bonheur à l’état pur dans cette maison familiale transformée en chambre et table d’hôte et dans laquelle se dégage une incroyable énergie positive. On s’est fait chouchouter, on a parlé à tout le monde, on s’est reposé et tout ça sans se ruiner. Des moments précieux, simples et profondément humains. Ça a été dur d’en partir. Je vous recommande vraiment.

Cet article Secrets de Nièvre : Escapade à pied au Pays du Pouilly est apparu en premier sur Carnets de Rando.

Parc National de Forêts : Vol au-dessus du Val des Choues

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C’est le onzième des Parcs Nationaux de France et il est unique en son genre. Trois mots-clés identifient cette unicité : forêt, feuillus et plaine. Le Parc National de Forêts abrite en son sein un patrimoine paysager et culturel, à cheval entre Haute-Marne et Côte-d’Or, qu’il a été jugé nécessaire de préserver. La forêt y occupe forcément une place de choix et c’est d’abord à sa découverte que je suis parti dans ce triptyque de reportages consacré au seul Pays Châtillonnais. J’y ai été invité à découvrir une petite boucle, dont le périmètre immédiat est inscrit au titre de la protection des milieux naturels, tant pour ses habitats que pour les espèces qui vivent dans ses bois. Point de départ et d’arrivée : le Val des Choues et son abbaye. Un lieu grandiose, reconverti aujourd’hui en Musée de la Vénerie. Une belle occasion pour mettre au placard ses a-priori en y rencontrant le maître des lieux : le passionnant Michel Monot. Une vraie expérience à vivre. Jugez plutôt.

Difficulté : facile| Distance : 8 km| Dénivelé : 135 m| Durée : 2h | Carte : IGN TOP 25 1/25000è Recey-sur-Ource/Leuglay

Dix minutes déjà que la voiture a été avalée par la forêt. La traversée du discret petit village de Vanvey, posé dans la vallée de l’Ource, me semble reléguée à une éternité. Des kilomètres de futaie, arc-boutés au-dessus d’une route étroite, sont en train de me conduire au bout du monde. Derrière la vitre de la voiture de l’Office de Tourisme du Pays Châtillonnais, le soleil de la Côte-d’Or crée des jeux de lumières chatoyants entre les feuillages denses de l’immense forêt de Châtillon.

C’est mon premier contact avec le Parc National de Forêts et, d’entrée de jeu, le rapport de force entre ma taille dérisoire et les 9000 hectares d’une des plus grandes forêts de Bourgogne me saisit

Je me noie littéralement en tentant d’appréhender les 242000 hectares de ce Parc National de Forêts, le second par la taille après celui de Guyane. Vertigineux. Je suis vraiment enthousiaste d’aller à sa découverte. C’est un reportage photo, aperçu dans un numéro de Terre Sauvage, qui m’a fait m’emparer de mon téléphone pour proposer, à mon tour, un reportage sur le petit dernier de la famille des grands parcs nationaux. La magie des photos sur papier glacé aura eu sur moi valeur d’électrochoc. Il fallait que je vois ça par moi-même.

Parc National de Forêts

Un puits de lumière inonde subitement l’habitacle, dissipant le vertige des proportions inégales et des souvenirs de ce qui m’a conduit jusqu’ici. La forêt a reculé, laissant apparaître un bel espace de prairies et d’étangs, clos au loin par les hauts murs de ce qui pourrait être une colossale ferme. L’arrivée au Val des Choues, après un voyage hypnotisant dans cet hyperespace forestier, sera nécessairement un événement marquant. Par quelle volonté des hommes ont-ils érigé pareille monumentale bâtisse dans les entrailles de la forêt ? Celle de Dieu, forcément !

Quelle meilleure destination que le cœur d’une forêt pour un ermite du 12ème siècle qui chercha, dans le silence, à établir une connexion apaisée avec le divin ?

L’histoire a probablement dû démarrer de cette manière et le site, dont la fondation est officiellement approuvée par la papauté en 1203, peut entamer son développement selon une règle originale, baptisée Ordo Valliscaulium, mêlant à la fois les usages en vigueur chez les bénédictins, les cisterciens et les chartreux. Ce sont les seconds qui en hériteront à la fin du 18ème siècle avant que la Révolution mette rapidement un terme à son activité. Fin de l’histoire ? Pas exactement. Car un tout autre destin attendait désormais les murs oubliés du lieu.

« L’endroit est maintenant la propriété de la famille Monot. », m’explique Méryl, chargée de développement à la Communauté de Communes du Pays Châtillonnais et qui m’accompagne pour ce premier jour ici. « Ils y dirigent un équipage de 150 chiens pour la chasse à courre et y ont ouvert un musée consacrée à la vénerie. » Je tressaille dans la seconde, brutalement tiré d’un songe et rappelé à la réalité. J’ai bien entendu le mot chasse à courre ? La chasse et moi, ça fait deux. Alors la chasse à courre vous imaginez ? C’est, à mes yeux, le cran supérieur, ma limite ultime de tolérance. Une pratique que j’associe à toutes ces images barbares éparpillées sur la toile. Je prends un peu peur.

À ma grande surprise, je découvre que le Val des Choues est aujourd’hui la pierre angulaire de la pratique de la chasse à courre. Une sacrée reconversion !

« Mais tu auras le temps de bien la voir et de la visiter car, de toute façon, c’est là que tu dors ce soir.« , ajoute Méryl. Douche froide, crise de panique contenue. Je fouille dans ma collection de masques et choisis celui de l’impassibilité. « Pour de vrai ? Ça alors ! » Et puis je me dis que la vie, qui a le sens de l’humour, m’offre finalement une expérience. Après tout qu’est-ce que je connais à la chasse à courre ? Rien, sinon un avis préconçu. Je décide de replacer ma curiosité naturelle en première ligne et de faire table rase de mes craintes et de mes a-priori. Ce soir, après la rando, armé de toute mon objectivité, je me ferai un authentique avis sur la question.

Parc National de Forêts

Pour l’heure, c’est rando-time ! On a rendez-vous, devant l’entrée de l’Abbaye, avec Sylvain Boulangeot, animateur à la Maison de la Forêt de Leuglay, et Régis Gatteaut, le directeur de l’Office de Tourisme de Châtillon-sur-Seine. C’est bien que Sylvain soit là. Depuis mon incroyable expérience à Brotonne, en Seine-Maritime, avec Emmanuel, je ne pars plus en reportage en forêt sans confier mes cinq sens à un spécialiste de ce milieu dont les clés de lecture et d’interprétation nécessitent une solide expérience naturaliste.

Je le dis et le répète : on ne peut décemment pas s’immerger en forêt sans un accompagnement pour apprendre à poser notre attention sur des détails qui, autrement, passeraient inaperçus

La richesse de la forêt, son univers grouillant de vie et d’histoires à raconter, ne se révéleront qu’à celui, ou celle, dont le regard, l’ouïe et même parfois l’odorat, seront suffisamment affûtés pour en déceler l’invisible présence. Et, dans ce rôle, Sylvain est assurément la bonne personne. Un autre enfant de la forêt, habillé dans un corps d’adulte au visage souriant et à l’œil qui pétille. Le garçon a de la gouaille, de l’énergie et de la bonne humeur à revendre. Pas de doute, on va passer un bon moment !

Un grand panneau d’informations, placé au départ de l’itinéraire, invite à un peu de lecture pour contextualiser la randonnée. C’est une boucle facile de huit kilomètres, donnée en deux heures de temps. Rien d’insurmontable au demeurant. En marchant rapidement, il doit même être gérable de la faire en moins que ça. Mais, si vous commencer à tenir ce genre de raisonnement, je vous le dis tout de suite, vous faites fausse route ! L’âme de la forêt ne s’offre qu’à celles/ceux qui acceptent de laisser filer le temps. Cette courte durée sur le papier lève, précisément, toute pression de la montre sur le/la marcheur/se.

Si on peut se laisser aller à marcher au rythme lent du pouls de la forêt, à ralentir pour en guetter les signes de vie, c’est justement parce qu’on a TOUT le temps pour boucler ce court parcours.

Une invitation à la portée de chacun(e) de faire plus amplement connaissance avec les éléments constitutifs de ce Parc National de Forêts dont on ne peut qu’avoir envie de définir l’identité. Une petite rampe en sous-bois met derrière nous, dès le départ, l’essentiel du dénivelé de la sortie. En à peine cent mètres d’élévation, nous avons rejoint la Tranchée du Val des Choues, une droite parfaite tirée à travers l’énorme masse boisée, dans l’axe de l’abbaye éponyme.

Parc National de Forêts

Sur la carte, l’homme semble avoir tiré des traits à la règle sur toute la surface boisée qui s’étend entre la vallée du Brévon, au sud, celle de l’Ource, au nord et, évidemment, celle de la Seine, qui ondule à l’ouest. Un simple reliquat, pourtant, d’une encore plus ancienne et bien plus importante couverture forestière qui couvrait les plateaux du sud-est du Bassin Parisien. Les forêts d’Arc-en-Barrois et d’Auberive, en sont d’autres témoins qui, elles aussi, ont été placées sous la coupole protectrice du Parc National de Forêts, créé finalement en 2019 après avoir été annoncé après le Grenelle de l’Environnement dix ans plus tôt.

117 communes, près de 25000 habitants, 200 membres constituant un Groupement d’Intérêt Public, 10 ans de concertations et d’études : le Parc National de Forêts est le fruit d’un patient labeur

Un long processus de dix ans aura été nécessaire, qui aura rassemblé près de 300 personnes à différents niveaux, pour passer de l’idée à l’acte. C’est le premier ainsi créé en forêt feuillue de plaine. Un petit exploit en soi qui a, comme chaque fois, ses partisans et ses détracteurs. « Ici on a des forêts qui ont mille ans d’âge.« , m’explique Sylvain. « La présence d’espèces souches très ancienne témoigne du caractère exceptionnel de ce qui est un patrimoine écopaysager à préserver. Le but du jeu ce n’est cependant plus seulement de protéger mais aussi de faire découvrir. »

Parc National de Forêts

La question de la chasse me trotte à nouveau en tête et gêne ma compréhension du discours. J’interpelle Sylvain sur ce sujet. « Sylvain, on parle de protection, de Parc National de Forêts mais on parle aussi de chasse ici. Comment la pratique de celle-ci est-elle compatible avec le statut même de Parc ? Comment, tout simplement peut-elle même y être autorisée ? » Ma confusion est palpable et je reçois une réponse collective à mes interrogations. Régis et Méryl sont, eux aussi, des enfants du pays et interviennent. « La chasse, ici, c’est un élément culturel et historique. Elle ne s’oppose donc pas au credo du Parc : elle en fait partie intégrante. »

Vu de l’extérieur, chasse et parc national paraissent antinomiques. Leur mariage bourguignon trouve pourtant un sens qui m’aurait échappé si on ne me l’avait expliqué.

« La cohabitation avec les chasseurs, chez nous, se fait avec courtoisie. On a l’habitude de les voir. On n’est pas dans le conflit, même si on ne partage pas toujours leurs points de vue. Il y a de la tolérance quand un dialogue s’engage. » Ce discours apaisé me surprend mais m’aide pleinement à comprendre comment ces deux notions, à mon sens contradictoires, que sont la protection de la nature et la chasse réussissent à cohabiter de manière pacifiée ici, dans le Pays Châtillonnais. Un petit miracle en soi.

Parc National de Forêts

Sylvain provoque une pause identification. Hêtres, chênes, érables, charmes… Les essences les plus visuelles s’imposent autour de nous. Notre guide débusque chaque trouée, chaque poussée, chaque chute ou chaque coupe et l’inscrit dans la logique du cycle de vie du végétal et dans sa lente et minutieuse stratégie pour régner sur son espace et capter la lumière. D’un geste précis, il coince une feuille de hêtre entre le pouce et l’index, révélant, à la base de la feuille, une boursouflure écarlate. « La gale du hêtre« , explique-t-il. « Du parasitisme. Dedans se trouve bien à l’abri un petit diptère qui va se développer tout le long de la croissance de la feuille. »

La capacité d’analyse de Sylvain, son savoir et sa capacité à transmettre m’impressionnent. Comme les animaux et les arbres qu’ils racontent, on sent que lui aussi a pris depuis longtemps racine dans cette forêt.

Plus loin encore, Sylvain désigne quelque chose sur le sol. « Ça c’est une litière de chevreuil. » Au début je ne vois que des feuilles parmi d’autres feuilles. Mais, en observant bien, je distingue une forme un peu concentrique, un agencement plus net des éléments, comme si un poids s’était posé à cet endroit. Je peux alors imaginer le chevreuil, endormi. Fascinant ! J’aurais pu passer un millier de fois devant sans le voir. Comme le frottis des jeunes mâles sur l’écorce des arbres. Comme le bruit du pic forant son nid. Comme les jolis baies de la viorne lantane, une plante qu’on utilisait jadis dans la vannerie. Comme… Comme quasiment tout en réalité.

Je réalise à quel point je marche en aveugle en forêt. Je prends conscience de ce cache-cache permanent auquel s’adonnent les espèces animales pour dissimuler leur présence. Tout comme, désormais, je regarde une feuille qui s’agite, un mouvement furtif dans les branches, l’aspect rugueux d’un tronc d’un autre œil. Il n’y a pas quelque chose ici qui n’ait une histoire à raconter au passant. J’en viens presque à regretter d’être en mouvement et l’essence de l’affût acquiert soudain sa réelle  dimension à mes yeux. La forêt est une école de la patience, de l’immobilité et du silence.

Rien d’étonnant à ce que des religieux aient choisi cette forêt comme décor pour leurs prières et leurs méditations. Le fossé est décidément mince entre le moine et le randonneur.

On déambule dans les travées, allées et tranchées de ce Parc National de Forêts comme des cisterciens dans leur cloître. Dans le gazouillis des mésanges, on atteint ainsi la Haute Enclave, secteur le plus méridional du parcours. À ce stade, on est très proche du village d’Essarois, posé au bord de la Digeonne, affluent de de l’Ource qui flanque le côte oriental de la forêt. À l’abri d’un gros chêne, on déballe les pique-nique en continuant de s’imprégner de tous les signaux envoyés par la forêt.

Sous l’éclatant soleil de juillet, la forêt de Châtillon est lumineuse et bienveillante. Par un inattendu effet de contraste, les légendes effrayantes et les contes obscurs ayant pour décor la forêt, en général, me reviennent à l’esprit. Il est donc essentiel d’apprendre, dès le plus jeune âge, à la comprendre, à l’aimer et à la respecter. C’est le métier de Sylvain et sa fonction au sein de la Maison de la Forêt, pionnière, bien avant le lancement du Parc, sur la mission de sensibilisation et d’éducation à l’environnement en Forêt de Châtillon.

Au rang des peurs primaires, la forêt, en particulier la nuit, occupe une place de choix dans l’inconscient collectif humain

« Le déclic remonte à l’enfance.« , se souvient-il. « Avec un papa bûcheron dans les Vosges, ma fratrie a hérité des valeurs du travail et du respect de la nature. Une porte ouverte à la curiosité et à l’envie d’en savoir plus. Pour moi ça a été un BTS Gestion et Protection de la Nature, le passeport qui m’a conduit aujourd’hui à transmettre et animer. » Et essentiellement auprès des plus jeunes, qu’il compare à des livres encore vierges où écrire de belles pages d’avenir sur le sujet du respect de l’environnement et du vivant.

Au-delà du croisement avec la route forestière du Val des Choues, le retour vers l’abbaye s’amorce. Notre joyeux quatuor, peu avare en bons mots et en plaisanteries, ne favorise pas spécialement l’observation de la faune ! Je repartirai donc sans image de cerf, de sanglier ou de chevreuil, les ongulés remarquables du Parc National de Forêts. Pas vue non plus la petite Chouette de Tengmalm dont je suis surpris d’apprendre la présence ici, elle qui, traditionnellement, préfère la montagne. Invisibles tout autant les 5 à 6 couples de cigognes noires, espèce qu’on pensait disparue mais qui a finalement réapparue localement, par ici, dans les années 1990.

Ici se trouve l’une des rares stations de plaine de la Chouette de Tengmalm en France ! À peine croyable !

Il faudra revenir, avec Sylvain bien sûr, pour s’offrir un nouveau bain de forêt, diurne et nocturne. Plonger plus loin encore que ce parcours de ronde dont la vocation est d’offrir un premier aperçu du territoire aux visiteurs. À bientôt 17h, mes compagnons de marche me saluent, me laissant seul devant l’imposante entrée du Val des Choues, une porte cochère gigantesque que mon poing fermé est inefficace à cogner pour annoncer ma présence. J’opte pour la cloche située dans le mur à droite.

Une jeune fille – j’apprends en discutant qu’il s’agit d’une étudiante iséroise en fin de stage – m’ouvre et m’invite à la suivre jusqu’à ma chambre. Un préau ouvre sur une cour immense dont le centre est occupé par un bassin et un îlot de verdure. Je suis bluffé par la taille de l’endroit. Ma guide me conduit à l’autre extrémité, peu avant les jardins, là où les chambres d’hôte ont été aménagées pour les invité(e)s. D’un geste, elle me fait entrer dans une pièce bleutée et coquette, à l’atmosphère un peu ancienne et à la décoration 100% chasse. « Vous êtes attendu pour le dîner avec monsieur et madame Monot à partir de 19h. Bon séjour. »

S’il y a bien une chose que je n’aurais pas imaginé en démarrant ce blog, c’est d’être invité à manger à la table d’un spécialiste de la vénerie !

Me voici  donc au Val des Choues, petit paradis niché dans le Parc National de Forêts, partagé entre amusement et un soupçon d’anxiété, à me demander de quoi pourra bien être fait le dialogue de ce soir. J’opte pour une position neutre et une sincère curiosité envers l’histoire et la vie de mes hôtes. Cela tombe précisément au moment où je souhaite centrer davantage Carnets de Rando sur l’humain. C’est l’occasion rêvée de mettre en pratique l’idée. À 19h, je me suis refais une allure et je sonne à l’entrée du logement de Michel et Inès Monot.

Parc National de Forêts

Partager la table, en tête-à-tête et dans le cachet unique d’une abbaye millénaire, d’un des plus importants représentants territoriaux de la chasse à courre et de sa compagne, est une expérience singulière pour un randonneur. Michel nous y a rejoints en léger différé, occupé à gérer la destruction d’un essaim de frelons dans une aile de la propriété. C’est un personnage à la taille impressionnante, à la voix à la fois bien placée et posée, terriblement charismatique.  Un équilibre habile de bienveillance et d’autorité qui invite au respect. Autour d’un repas succulent, on a parlé de leur vie, ici et avant ici, du Parc, de randonnée et, évidemment, de chasse.

Qu’on ne s’y trompe pas, les Monot ne sont pas des aristocrates entourés de valets. Ils font tout eux-même et s’épuisent à la tâche. La vie à l’Abbaye n’a rien d’une vie de château.

C’est bien sûr la vénerie qui les a réunis aujourd’hui, ici, au Val des Choues, à la tête de Piqu’Avant-Bourgogne, un équipage de 150 chiens créé en 1999 dans la voie du sanglier. Les journées sont longues pour entretenir et faire vivre l’abbaye. Et encore plus quand on concourt à être des acteurs engagés dans la vie culturelle et territoriale de sa région tout en défendant la chasse avec une foi non feinte. Les Monot auraient pu juste décider de s’adonner à leur passion en privé, à fermer la porte de leur domaine et à tourner le dos aux critiques féroces. Mais non. C’est exactement le contraire qu’ils ont fait.

« Ce Parc National de Forêts, pour nous, c’est une chance et non l’inverse. Il va permettre d’accueillir tout un nouveau public.« , m’explique Michel avec conviction. « À nous de nous adapter et à lui ouvrir les portes de notre maison de la chasse pour, j’espère, tenter de la démystifier. La philosophie c’est d’expliquer cette histoire, cette antériorité qui la fait passer de la tradition à la culture. » Le discours est sincère et n’a rien de démagogique. Au-delà de mes croyances, je suis bluffé par la volonté d’ouverture de Michel, par cette invitation au dialogue, par ce souci manifeste de transmettre les valeurs qu’il aime et qu’il incarne.

On aime ou on n’aime pas la chasse à courre mais on ne peut pas enlever aux Monot d’être dans la bonne attitude et d’être cités en exemple comme des pacificateurs dans la guerre ouverte qui oppose parfois les chasseurs aux non-chasseurs.

Le Val des Choues est une zone franche, un geste d’apaisement qui veut prouver que la chasse à courre n’est pas dictée par un instinct criminel ou par le goût du sang. C’est une passion, une culture et, contre toute attente, un haut respect du vivant. Du moins quand c’est bien mené. « On paye malheureusement les écarts et les mauvais comportements d’autres équipages.« , plaide Michel. « Il suffit de quelques imbéciles pour condamner un collectif entier. »

Michel évoque et déplore ces séquences barbares qu’on voit circuler sur le web. « On a pleinement conscience de donner la mort à un animal. », poursuit-il. « Ce n’est pas anodin. Et lorsqu’on le fait, on doit le faire avec le respect nécessaire. » La vénerie, ici, n’est pas un hobby : c’est un art de vivre dans et avec la nature. Pour l’expliquer, Michel et sa femme ont ouvert le Musée-Opéra de la Vénerie. Un parcours pédagogique, visuel et sonore, pour naviguer avec tous ses sens dans cet univers qu’on ne connaît finalement pas. Une suite de pièces à l’agencement maîtrisé et aux décors soigneusement choisis qui ne peut pas laisser le visiteur indifférent.

Les époux ne sont pas en manque d’idées pour faire du site un lieu de partage. Ici on a le sens de l’accueil et de l’hospitalité. Et une envie tenace de faire entrer le visiteur dans l’intimité d’une passion maudite par un public néophyte

C’est le point d’orgue d’une visite au Val des Choues, après avoir flâné dans les immenses jardins à la française qui, longtemps, ont accueilli spectacles, concerts et célébrations équestres dans les années 90. Un succès événementiel que le site doit à Inès Monot. Dernier-né de cette fièvre créatrice, le Musée Opéra bénéficie depuis peu d’une scénographie de qualité qui veut transmettre les codes de la vénerie aux néophytes. « On propose également à ceux qui le désirent d’accompagner une chasse, à pied ou à vélo. Ainsi ils peuvent se faire leur propre idée. » Encore une idée incroyable qui plaide en faveur de la cohabitation. Une mine d’inspiration pour renouer un difficile dialogue entre le public et les chasseurs.

Avant de quitter Michel et Inès le lendemain pour la suite de mes reportages en Pays Châtillonnais, je rends visite au chenil. Les quelques 150 Grands Anglo-Français Tricolores qui constituent la meute sont là, répartis en différentes courettes. Loin des chiens sanguinaires qu’on pourrait (trop) facilement imaginer, je trouve des pépères câlins à l’œil tendre et curieux. Élevés à l’odeur d’un seul gibier – ici le sanglier – ils ne bronchent pas au passage d’autres espèces. « Un épisode de chasse se solde parfois – et même souvent – par une défaite. La meute est mise en échec par le gibier et c’est ainsi. » souhaite rappeler Michel.

Le repas de la meute est assurément un instant fascinant et magique où la communion entre l’animal et l’homme s’expriment avec une solennité étonnante

La meute est nourrie en fin de journée. Un moment incroyable lorsque, d’une seule parole de Michel, les aboiements nourris par l’excitation du repas s’arrêtent net. En quittant le Val des Choues, mon regard sur la chasse a changé. Je suis gré à Michel, Inès et leurs enfants de m’avoir permis d’entrevoir l’humain au-delà de la main qui tient le fusil. On connaît bien la caricature, héritée de La Télé des Inconnus dans les années 90, qui questionne la différence entre un bon et un mauvais chasseur. Si je sais, malheureusement que trop, ce qu’est un mauvais chasseur, je sais aussi, depuis ma visite au Val des Choues, ce qu’est un chasseur armé de bon sens.

VENIR EN PAYS CHÂTILLONNAIS

En voiture

Le point d’ancrage pour cette escapade dans le Parc National de Forêts, c’est la très belle ville de Châtillon-sur-Seine qui, a elle seule, mérite la visite. J’y reviendrai dans un prochain article. Châtillon est un point assez central dans un cercle disposé autour de Dijon, Troyes, Auxerre, Chaumont et Langres. On peut donc le rejoindre facilement depuis la plupart des axes.

Pour les sudistes, comme moi, on arrivera nécessairement par l’autoroute l’A6, on sortira à Dijon et on rejoindra Châtillon par la D971 (6h environ). Dijon sera également le point de passage en arrivant depuis le Jura ou Mulhouse (3h30 environ). Pour le Grand Est, en revanche, on passera plutôt par Chaumont puis par la D65, qui devient ensuite D965 (environ 4h depuis Strasbourg). Le Nord contournera Paris pour passer par Troyes et descendre sur Châtillon par la D671, qui devient ensuite D971 (5h depuis Lille). Les Parisiens, eux, descendront par l’A6 via Auxerre puis, par la sortie 20 et la D965, tireront sur Châtillon via Tonnerre (3h environ). Auxerre sera aussi point de passage pour les Bretons, en passant d’abord par Orléans (8h depuis Brest). Le Grand Ouest et Sud-Ouest, quant à eux, préféreront viser Clermont-Ferrand ou Moulins pour rejoindre d’abord Nevers, puis en diagonale Avallon pour attraper l’A6, la suivre au sud jusqu’à la sortie 23 puis, via Montbard et la D980, rejoindre enfin Châtillon (7h30 environ depuis Bordeaux).

En train/bus

La gare de Châtillon-sur-Seine est accessible depuis Paris Gare de Lyon : deux trajets quotidiens (8h et 15h, durée 2h, prix environ 45 euros). Accessibilité également depuis Dijon avec 5 trains par jours (environ 1h30 de trajet et un tarif allant de 15 à 20 euros). Il peut aussi être pratique de passer par la gare de Montbard (30mn en voiture de Châtillon) puis de prendre la ligne 126 jusqu’à Châtillon. Pour celles et ceux qui arriveraient en train depuis Dijon, c’est la ligne 124 (jusqu’à 7 départs quotidiens) qu’il faudra emprunter.

ACCÈS AU VAL DES CHOUES ET AU PARC NATIONAL DE FORÊTS

Depuis Châtillon-sur-Seine, suivre à l’est la D928, direction Langres et Recey-sur-Ource. Au croisement avec la D13, continuer à droite par la D928 direction A31, Maisey-le-Duc et Vanvey. Traverser Mansey et rejoindre Vanvey. Dans le village, juste après l’église, tourner à droite par la route C3 direction Villiers-le-Duc et Ancienne Abbaye du Val des Choues. Attention, après 100 mètres, ignorer la direction Villiers-le-Duc par la D112a sur votre droite et poursuivre tout droit en suivant les indications Abbaye du Val des Choues. Stationnement devant le mur d’enceinte de l’abbaye. Depuis Châtillon-sur-Seine, comptez 30 minutes (22,5 km).

CIRCUIT DU VAL DES CHOUES : LE TOPO

Note : suivre un topo en forêt n’est pas chose aisée même si j’ai tenté d’être le plus précis possible par rapport au terrain et à la carte. Sur place le balisage est correct mais restez néanmoins attentif : en forêt, on rate vite une balise ! Je vous mets, en plus, un lien vers le fichier GPX du parcours.

Depuis le parking de l’Abbaye, rejoindre le panneau d’information de la randonnée en continuant par la route forestière. Partir à droite de celui-ci par une belle allée de taillis et entrer ensuite dans le sous-bois par la gauche (1).

Grimper une côte et à la patte d’oie suivante, prendre à gauche (2). Rejoindre ainsi rapidement la Tranchée du Val des Choues qu’on suit par la gauche (3).

Après environ 800 mètres, à un croisement de 5 chemins, quitter la tranchée à gauche (4). Le chemin va amorcer une descente progressive jusqu’à rejoindre l’extrémité de la Tranchée de la Haute Enclave (5).

La suivre et la poursuivre lorsqu’elle opère, plus loin, un coude marqué à droite. 300m avant d’atteindre la Route Forestière de la Combe aux Cerfs à Essarois, repérer le balisage qui repart en arrière, à gauche, à la faveur d’une intersection avec le Chemin du Bas de Comet (6). Le suivre jusqu’à son extrémité (7).

Dans l’espace final, partir dans les taillis, à gauche. Un peu plus loin, bien suivre le balisage à droite (8) qui s’étire ensuite tout droit par un chemin en sous-bois. Après environ 600 mètres, il coupe un autre chemin (9) : le suivre à gauche. À la suite d’une courbe à droite, il finit par rejoindre une route goudronnée (10).

La suivre d’abord sur la droite pendant une quinzaine de mètres puis prendre à gauche par un chemin en forêt jusqu’à rejoindre une large piste (11). La suivre à gauche jusqu’à une ligne électrique et tourner à gauche par la Tranchée de la Villie à Essarois (12).

Le balisage décroche légèrement à droite un peu plus tard, via un chemin plus forestier (13). Le suivre jusqu’à croiser une nouvelle piste (14). Tourner dessus à gauche et descendre jusqu’à rejoindre l’abbaye.

Parc National de Forêts

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

Bon on devrait assez vite faire le tour de la question. Cette randonnée dans le Parc National de Forêts, c’est de la balade. À l’exception d’une courte côte, au début, pour réveiller un peu les mollets, aucune difficulté physique n’est à prévoir tout du long. C’est plus de la vigilance qui est recommandée pour bien veiller à rester sur l’itinéraire balisé. Comme je l’ai dit dans le pas-à-pas ci-dessus, le balisage est très correct mais il suffit de quelques secondes d’inattention pour rater une balise et s’engager sur le mauvais chemin. Les forêts, vous le savez, ce sont des labyrinthes. N’hésitez donc pas à vérifier régulièrement votre chemin avec la carto et le topo.

Comme à chaque reportage en forêt, j’insiste sur la nécessaire et fréquente attention qu’il faudra porter aux tiques. Ne nous leurrons pas : il y en a. Ça fait partie du patrimoine forestier, c’est ainsi. Vous aurez donc avec vous tout le nécessaire dans le sac à dos : le répulsif, la pince à tiques et l’antisep…tique bien sûr !

Autre chose, qui a son importance : vous l’avez lu dans l’article, on est ici au pays de la chasse. La période de chasse court de mi-septembre à fin février. Il est donc préférable d’éviter la forêt à cette période et les jours concernés. Pour anticiper, pensez à consulter la carte des jours de chasse en battue pour le grand gibier sur le département de la Côte-d’Or.

LE CIRCUIT DU VAL DES CHOUES : AVIS PERSO & CONSEILS

Pour celles et ceux que ma prose fatigue et/ou qui n’ont pas vingt minutes pour lire un article en entier, je vous fais une synthèse ici.

Courte et facile, cette petite boucle est une vraie opportunité de prendre le pouls de ce Parc National de Forêts. Pour en profiter pleinement, j’ai deux conseils : le premier c’est prenez le temps. Le temps d’observer, de guetter, de comprendre, de ressentir. Si vous ne faites que marcher d’une traite, vous passerez à côté de l’esprit de cet itinéraire. Mon deuxième conseil c’est, si vous ne vous sentez pas capable d’interagir avec le milieu par vous-même, faites vous aider et partez accompagné(e)s par quelqu’un comme Sylvain. Vous trouverez de bons conseils à la Maison de la Forêt de Lenglay.

Bon, moi, comme je suis gourmand, j’en aurais aimé encore plus. Plus de rencontre avec la faune – mais ça, ça ne s’improvise pas comme ça – plus d’exploration en profondeur pour pénétrer le cœur de la forêt, plus de fleurs et de lumières magiques – mais ça c’est merci le Covid-19 car, initialement, ce reportage aurait dû se faire plutôt au printemps qu’en plein été. Alors un troisième conseil, ce serait de bien choisir vos heures et votre saison pour que le décor soit encore plus magique. Et Dieu que, dans ces forêts, il y a de la magie dans l’air derrière chaque arbre.

Enfin, dernier point de vue, sur le sujet sensible de ce reportage : la chasse à courre. Je me suis bien fait allumer sur ce sujet sur les réseaux quand je l’ai évoqué à l’époque du tournage. Ça montre à quel point c’est tendu et que la réflexion est évincée au profit de la colère. Moi je ne vous dis qu’une chose : venez au Val des Choues et voyez par vous-mêmes. Rencontrez et parlez avec Michel et Inès Monot. Partagez leur table et une soirée avec eux. Et faites vous votre propre avis. À défaut d’en changer, vous aurez au moins les arguments pour savoir de quoi on parle réellement. Du moins ici, en Côte-d’Or. Et vous profiterez au passage du cadre prestigieux de l’abbaye. C’est instructif et ça fait réfléchir sur nos jugements faciles et trop souvent portés sans connaissance des sujets.

Parc National de Forêts

HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

Abbaye du Val des Choues (testé et approuvé)

Dormir dans le cadre impressionnant d’une abbaye séculaire, en plein milieu du Parc National de Forêts, ça n’est pas donné tous les jours. Quand, en plus, elle est située juste devant le départ de l’itinéraire, ça ne se refuse pas. Et quand elle offre, de surcroît, la possibilité d’une rencontre riche en enseignements et en leçon de tolérance, on ne réfléchit pas et on y va. Un passage au Val des Choues est le prolongement nécessaire à cette boucle de randonnée. C’est un lieu hors du temps et, de surcroît, on mange plus que très bien à la table de Michel et Inès. Et, contre toute attente quand on n’est pas, à la base, un grand fan de la chasse, on passe un excellent moment avec eux. Pas d’hésitation donc : dormez au Val des Choues ! 2 chambres d’hôtes, 90 à 110 euros la nuit, petit-déjeuner inclus. (Note : présence également sur le site d’un gîte de groupe pour 15 personnes, en location à la semaine ou week-end)

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Pays de Bray : Voyage à Pied dans la Seine-Maritime Confidentielle

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Le Pays de Bray c’est la Normandie intime. Celle qui ouvre grand ses portes au visiteur curieux et désireux de cueillir les moindres trésors du département. Dans cette grande virgule, à l’origine géologique exceptionnelle, se dévoile un paysage caractéristique qu’on nomme ici très poétiquement « la Boutonnière ». Un terroir qui respire le secret bien gardé. Une dynamique touristique y a toutefois démarré depuis plusieurs années pour faire découvrir l’histoire et le patrimoine paysager de ce qui est considéré, ici, comme le château d’eau du département. Et en parlant de château, c’est précisément devant celui de Mesnières-en-Bray, dans la vallée de la Béthune, que j’ai rendez-vous pour explorer cette Boutonnière. Au programme, un belvédère remarquable et une forêt à feuilleter, au fil d’une boucle facile et immersive entre pentes cultivées et sous-bois. Vous cherchiez une autre vision de la Seine-Maritime ? N’allez pas plus loin, c’est ici, en Pays de Bray !

Difficulté : moyen| Distance : 10 km| Dénivelé : 235 m| Durée : 2h30 | Carte : IGN TOP 25 1/25000è 2009OT – Forêt d’Eawy / Neufchâtel-En-Bray


Petit matin d’été en Seine-Maritime. Quelques lambeaux de brume s’attardent encore sur un horizon de cultures. Le soleil, qui a pris son élan derrière la colline Saint-Amador, a déjà déployé un large rideau lumineux sur le Pays de Bray. Un concert enjoué de gazouillis, porté par un orchestre de passereaux virevoltant, se mêle à la rumeur du courant de la Béthune. Le cadre est bucolique et donne envie de sourire béatement.

C’est une Normandie apaisante et apaisée qui nous accueille ce matin-là, Clément, Olivier et moi, pour ce deuxième jour de reportage

Après la Forêt de Brotonne, nous voici à Mesnières-en-Bray, au départ d’un circuit d’une dizaine de kilomètres proposé par la Communauté de Communes de Bray-Eawy : la Forêt du Hellet. À la sortie du village, à l’intersection de l’Avenue Verte et de la route départementale reliant Bully à Lucy, a été érigé un large totem marquant le point de départ de notre itinéraire. Au-dessus d’un parterre de fleurs rose bonbon, Mesnières-en-Bray affiche la couleur : ici, c’est un village de randonnée ! Les marcheurs/ses sont donc les bienvenu(e)s ! Ça peut paraître idiot mais, en terme d’accueil, c’est un petit rien qui fait déjà tout !

Pays de Bray

Je donne le coup d’envoi de la journée. Silence, moteur, action. Clément s’élance devant la caméra d’un pas tranquille, sur le billard de l’Avenue Verte. Comme souvent, c’est une ancienne ligne de chemin de fer – en l’occurrence celle qui reliait Dieppe à Serqueux, à une vingtaine de kilomètres d’ici – qui a été reconvertie en piste cyclable, entre Dieppe et Forges-les-Eaux. Un échauffement parfait pour affiner le rythme tranquille qu’il convient d’adopter sur cette boucle. Un petit rond vert, surmontant une flèche sur un poteau en bois, nous invite à quitter l’Avenue Verte par la gauche pour prendre rapidement la clef des champs.

Le Pays de Bray, cette exception géologique – comme on nous l’expliquera plus tard – s’apprécie définitivement mieux d’un pas lent.

L’agriculture, c’est la deuxième facette identitaire du Pays de Bray. C’est aussi un héritage, qui continue de façonner le paysage. À l’origine, le bocage, dont le randonneur profite parfois à la faveur d’une trouée derrière une haie, était plus marqué. Tout comme l’imbrication entre les parcelles dites en herbe et les monocultures. Les années 50, la mécanisation et les quotas laitiers, ont fini par rompre cet équilibre, laissant les espaces céréaliers gagner petit à petit en surface. Et c’est dans ces pentes cultivées, où frissonnent des hectares de seigle et de blé, que s’engage, dans un second temps, notre itinéraire.

Pays de Bray

Notre objectif, c’est la colline Saint-Amador, dont la couronne boisée émerge comme une île au-dessus d’une mer de céréales. C’est l’effort du jour. Et le mot est déjà fort. Avec à peine 100 mètres d’élévation entre les berges de la Béthune et la table d’orientation installée à flanc de colline, il n’y a guère le temps de mouiller le maillot ! Les cultures s’arrêtent net aux abords des 150 mètres d’altitude. Un agréable couloir en herbe, ouvert dans la végétation dense de la colline, se fraye alors un passage sur le fil de cette démarcation. Plus loin, un panneau nous invite à gravir quelques marches pour accéder au belvédère.

Le belvédère de Saint-Amador, c’est un beau petit espace qui a été dégagé pour faire les présentations avec le Pays de Bray. Un immanquable ici.

Là-haut, on retrouve Serge, agent et technicien de l’Office National des Forêts, dont c’est ici le terrain de jeu et à qui on a donné rendez-vous. Grâce à lui, on va pouvoir lire le paysage avec davantage de précision. « Ce que vous avez sous les yeux« , commence-t-il, « s’appelle la Boutonnière du Pays de Bray. C’est une formation géologique assez unique qu’on doit au plissement des Alpes, il y a des millions d’années. C’est une sorte d’échancrure qui s’étire entre Beauvais et Dieppe sur une soixantaine de kilomètres. Ici c’est la partie haute, qu’on nomme habituellement les Cotes de Bray. »

Pays de Bray

Je suis le doigt de Serge qui pointe vers des éléments à l’horizon repris sur la table d’orientation. Comme, par exemple, ces lignes boisées continues qui coiffent les pentes environnantes. On y reconnaît d’ailleurs Eawy, l’une des grandes forêts du département avec près de 6500 hectares, au-dessus du village de Pommeréval. Je passe en revue les caractéristiques de ce Pays de Bray qui ouvre grand ses bras face à nous : des prairies, des fermes entourées de ce qu’on appelle ici des prés-vergers, un habitat assez dispersé… Et de l’eau. En abondance. « La Boutonnière, c’est un peu le château d’eau de la Seine-Maritime. », continue Serge.

En montant vers la colline Saint-Amador, un sentier pédagogique instruit le visiteur sur la nature des plantes et des arbustes vivant sur le coteau

« De nombreuses sources trouvent leur origine ici, qui formeront les vallées de l’Epte et de l’Andelle, affluents de la Seine, celle du Thérain, plus au sud, qui se jette dans l’Oise et, ici, celle de la Béthune qui, en coulant vers le nord, finit sa course dans la Manche.«  Le spot vaut donc largement le – petit – détour pour embrasser d’un regard le territoire. Et les naturalistes n’ont pas été oubliés car la colline calcicole de Saint-Amador, qui porte la double casquette de ZNIEFF et d’ENS, abrite quelques spécimens végétaux qui méritaient bien que le lieu soit classé et protégé. Avis aux amateurs : selon la saison, vous croiserez donc ici orchidées, Parnassie des Marais, Gentiane d’Allemagne ou encore  Phalangère Rameuse.

Pays de Bray

Armés de ces connaissances, on bascule ensuite en contrebas de la colline pour retrouver notre chemin. En embarquant bien sûr Serge avec nous pour quelques heures. Les vaches font leur apparition dans le paysage, sur un reliquat de ces fameuses parcelles en herbe peu à peu grignotées par la monoculture, parfaitement indifférentes à notre passage. Puis une trouée se fait dans le mur opaque du bois qui se dessine au-delà des champs. On y plonge sans hésitation à la suite du balisage : la Forêt du Hellet n’a fait qu’une bouchée de nous.

La Forêt du Hellet se caractérise ici par sa gestion dite en taillis sous futaie, un hybride des deux principaux régimes forestiers couramment en usage dans nos forêts françaises

Un coup d’œil autour de moi me fait vite reconnaître des chênes sessiles de grande taille, mais aussi parfois du hêtre ou encore des frênes. Les érables s’immiscent également dans le sous-bois. C’est le principe du taillis sous futaie : laisser pousser diverses essences, ainsi que le taillis à leur pied, afin de récolter, lors des coupes, un bois varié, tant en nature qu’en diamètre. C’est quelque chose de difficile à voir pour le néophyte. L’organisation de la forêt est pourtant induite par ce plan et un œil averti pourra identifier les zones dites de réserve où l’âge des arbres est invariablement lié à celui du taillis. Un bruit furtif nous fait tourner la tête vers la futaie. Je cherche à accrocher un mouvement, mais rien. Saisir la vie dans la forêt est un exercice de patience.

Pays de Bray

Le sentier ondule dans le sous-bois en alternant entre trace étroites, belles allées sous futaie et combes creusées. On y goûte au plaisir de la promenade en forêt tout en restant attentif aux explications de Serge. « La forêt a une longue histoire. Elle a autrefois été la propriété de l’archevêque de Rouen, d’une part, et du roi de France, de l’autre. Elle se retrouve cependant vendue comme bien national à la Révolution. Plusieurs particuliers en achètent des parcelles, à l’exception de 306 hectares grevés de droits d’usage qui finiront par être acquis par l’État au titre de forêt domaniale. C’est cette partie qui est aujourd’hui la Forêt de Croix Dalle. »

Les grands ongulés français se baladent dans Hellet. Sangliers, chevreuils et même cerfs peuvent être aperçus par les plus opiniâtres. Tout comme les martres, fouines et autres belettes.

Le rythme de la randonnée ralentit dans Hellet. L’itinéraire laisse le temps au marcheur de s’imprégner de son atmosphère forestière réjouissante. On y traverse des clairières, des pessières clairsemées, de petits tunnels arborés. On se laisse glisser jusqu’à la Queue du Hellet avant de reprendre de l’altitude, à travers un bout de la Forêt de Croix Dalle, jusqu’au rebord du plateau dominant le Pays de Bray. Un puits de lumière se dévoile bientôt dans l’épais mur de végétation. Par ici la sortie.

Pays de Bray

On quitte la forêt du Hellet comme on y est entré : en un instant ! Sans transition, c’est alors le retour à l’univers des champs de lin et de blé. Le tracé, provisoirement commun avec celui du GR® de Pays des Forêts de Haute-Normandie, dessine une chicane à travers les immenses parcelles agricoles pour s’en aller rejoindre Mesnerettes, au nord-ouest de Mesnières. Un coup d’œil à la montre : on est sacrément à la bourre sur l’horaire et à notre rendez-vous avec Marie-Amélie, au château de Mesnières. Mais l’appel de l’image est le plus fort !

Le choix de la saison aura son importance pour révéler toute les saveurs de cet itinéraire. La fin du printemps, de Pâques à début juin, apparaît comme le meilleur choix pour profiter des couleurs des champs, des prairies et de la forêt.

Avec Olivier, on ouvre encore les vannes à nos envies créatives de jouer avec les formes et les couleurs de ces immenses vagues de céréales au milieu desquelles Clément paraît minuscule. On regrette presque d’avoir manqué le spectacle du printemps. Covid et confinement oblige, il a fallu reporter notre reportage en Seine-Maritime à juillet. Déjà séduit, en cœur d’été, par le charme de ces espaces façonnés par l’activité humaine, on n’ose imaginer le degré de magie supplémentaire que doivent dégager leurs couleurs en début de saison. Les portes de ce monde agricole se referment finalement au bas de la cote de la Garenne aux Lièvres. Les premières maisons de Mesnières sont là et l’arrivée toute proche.

Pays de Bray

Avec à peine un peu plus de 900 habitants, Mesnières-en-Bray aurait pu se contenter d’être une petite bourgade discrète, anodine et traversante, essentiellement tournée vers l’agriculture. Elle affiche, bien au contraire, une volonté flagrante de rayonner et d’inviter le visiteur à l’étape. Il y a du cachet et de la joie de vivre à Mesnières et un goût certain pour les couleurs, les fleurs et les parfums. La commune fait d’ailleurs partie des 4471 ayant obtenu le label « Village Fleuri » et arbore, non sans fierté, son rang de « 4 fleurs » associé. Une récompense qui n’est pas le fruit du hasard mais, au contraire, le résultat mérité d’une dynamique municipale exemplaire.

Petit par la taille mais pas par les idées, Mesnières sort le grand jeu autant pour le touriste de passage que pour l’habitant

Au détour d’une rue apparaissent potagers et vergers publics, cabane à livre, exposition photographique en plein air sur la nature, toilettes publiques… Un effort collectif pour se démarquer et faire vivre la commune porté par Dany Minel, le maire de Mesnières, avec qui on a eu la chance de passer un moment. Un maire qui est aussi un randonneur et qui est à l’origine du développement des sentiers et des aménagements autour de son lieu de vie. Débarrassé du carcan du protocole, il nous entraîne avec lui à la découverte de tous ces détails qui font aujourd’hui de Mesnières une grande ville parmi les petites. Un résultat bluffant qui a nécessité – et nécessite encore – de la persévérance.

Pays de Bray

« Pour le randonneur, on a fait des aménagements, mis en place des signalétiques, ouvert des hébergements, des points de restauration.« , nous explique Dany Minel avec une passion palpable. « On a ouvert des circuits, et pas uniquement celui que vous avez parcouru aujourd’hui. On a, par exemple, le grand communal, un circuit en balcon sur le Pays de Bray, qui peut vous occuper la journée. Et puis ici, en juillet, se tient la Semaine de la Randonnée dont ce sera la 11ème édition cette année. Chaque jour, on y propose une randonnée différente pour découvrir le territoire. »

« La randonnée c’est vraiment un pivot autour duquel articuler la valorisation du Pays de Bray. C’est aussi la raison pour laquelle l’accueil et les services doivent être de qualité. » (Dany Minel, maire de Mesnières-en-Bray)

En flânant, on tombe plus tard sur le sentier de la zone humide des Sainfoins ou encore, plus loin, sur le circuit « Cérès et le Petit Photographe« , un parcours balisé à l’intérieur du village qui permet de découvrir, à travers trois œuvres en céramique, le petit patrimoine local : le lavoir, l’église et, forcément, le château. Car si cet élan de créativité et cette belle énergie ne vous convainquent toujours pas de poser votre sac, le temps d’une nuit, à Mesnières, peut-être le fleuron architectural de la commune, y parviendra. C’est le point final – et quel point ! – de l’itinéraire : c’est le château de Mesnières et on y a rendez-vous !

Pays de Bray

Franchir les portes du château de Mesnières et remonter sa grande allée centrale jusqu’au grand escalier de sa façade principale me transporte instantanément dans un album de Tintin regagnant Moulinsart. On s’y voit ! Flanqué de ses deux tourelles à la blancheur immaculée, que termine la pointe effilée d’un cône bleu platine rutilant, Mesnières projette son visiteur instantanément de la Normandie à la Loire. Quand on sait que Charles de Boissay, architecte de sa reconstruction au 16ème siècle, fréquentait la famille Amboise, on saisit mieux la source de l’inspiration !

Les châteaux Renaissance ne manquent pas en Seine-Maritime mais aucun ne semble pouvoir soutenir la comparaison avec celui de Mesnières

Le lieu a une histoire mouvementée et passera de mains en mains au fil du temps, abîmé, puis rénové, puis agrandi, brûlé encore et restauré mais à jamais central dans la vie de la commune. Tour à tour demeure princière, prison et même orphelinat, ce décor fantasque, théâtre de mille et un événements, témoin du passage de nombreuses personnalités, classé aux Monuments Historiques en 1862, a vu également grandir Marie-Amélie, la fille de Dany Minel, précédemment rencontré. C’est elle qui nous accueille en haut des marches car le château offre également des chambre pour les randonneurs/ses de passage.

« Il faut imaginer que Mesnières a vu sept familles princières se succéder avant d’être racheté aux enchères par des prêtres qui l’ont adapté pour accueillir des enfants. », nous explique Marie-Amélie.  « C’est pour ça qu’ici nous avons aussi une école maternelle, primaire, un collège, un lycée et une section BTS. Et tout ce petit monde évolue dans le château ou ses annexes aujourd’hui. » On voit, en effet, déambuler dans les allées des petits groupes d’étudiants suivis, peu de temps après, par des bouts de choux, alignés deux par deux, qui se tiennent par la main pour regagner leur salle de classe accompagnés de leur maîtresse.

Au sein de la propriété, l’Institut Saint-Joseph propose des formations de la 4ème à la licence professionnelle dans les domaines de la forêt, de l’horticulture, de l’Hôtellerie-Restauration et des Services aux Personnes.

Reliée par le cœur et les souvenirs à ce domaine incroyable, Marie-Amélie évoque avec nous quelques instantanés de son enfance ici. Son endroit favori ? Probablement la salle des cartes, qu’elle nous ouvre pendant notre visite du château. « Entre 1884 et 1885, les prêtres ont peint dans cette salle des cartes de géographie du monde et de la France et elles sont absolument splendides. » Elles sont aussi révélatrices d’une vision du monde encore restreinte et on ne peut qu’être à la fois ému et amusé devant ces balbutiements de la cartographie moderne. Dormir en ces lieux, après une journée de randonnée, c’est un peu la cerise sur le gâteau. Dans notre cas, on aurait presque plutôt envie de dire… sur le château !

Pays de Bray

VENIR EN SEINE-MARITIME

La Seine-Maritime, vous le savez peut-être, c’est 2h depuis Paris en voiture mais de 6 à 9h depuis Strasbourg, Toulouse ou Marseille ! Mais cela ne doit pas être un frein pour venir séjourner dans ce joli petit bout de France. Autrement, il faut venir à Rouen en train (5h30 à 8h30 pour 7/8 départs quotidiens depuis les trois métropoles précédemment citées à titre indicatif) et y louer une voiture. C’est la solution à laquelle j’avais souscrite lors de cette tournée de reportages d’une semaine.

ACCÈS À MESNIÈRES-EN-BRAY

Il faut compter dans les 45mn de route pour relier Rouen à Mesnières-en-Bray. On ira chercher l’A28, direction Abbeville et Amiens et on sortira à l’échangeur 9, « Le Four Rouge, Neufchâtel-en-Bray« . Emprunter la D928 pour aller ensuite en direction de Neufchâtel puis, au rond-point du centre, prendre à gauche par la D1 et rejoindre Mesnières-en-Bray. Pour les marcheurs/ses venant des Hauts-de-France, il faudra rejoindre l’A28 via Abbeville ou l’A29 depuis Amiens direction Rouen et sortir à l’échangeur 9 également, mais dans l’autre sens. Petit parking devant l’entrée principale du château.

SPÉCIAL MOBILITÉ DOUCE

Pas de gare à Mesnières-en-Bray, ni à Neufchâtel. Pour les adeptes de la mobilité douce, il ne reste que l’option du bus. Un car TER assure quotidiennement la liaison entre Dieppe et Neufchâtel. Depuis Rouen, c’est la ligne 71 qu’il faudra emprunter pour rejoindre Neufchâtel. Puis, depuis Neufchâtel, c’est un autre bus, celui de la ligne 7100 qui réalise 6 trajets quotidiens pour rallier Mesnières-en-Bray.

PAYS DE BRAY / FORÊT DU HELLET : LE TOPO

Je vous décris mon pas-à-pas ici, sur le blog, mais vous pouvez aussi vous procurer le dépliant papier de la randonnée, réalisé et édité par le département et la communauté de communes en cliquant simplement ici.

Depuis le parking (1), tourner le dos au château et se diriger vers la voie verte et le totem qui marque le départ de la randonnée n°13, balisée par des ronds verts. Emprunter l’Avenue Verte à gauche jusqu’à croiser la route d’Autrecourt (2). Tourner alors à gauche jusqu’à rejoindre la route départementale D1 (3).

La traverser prudemment et poursuivre en face par un chemin qui monte à travers champs. S’élever jusqu’à rejoindre l’orée d’un bois (4). Obliquer alors par la gauche par un chemin qui longe la partie supérieure des champs. Plus loin, à droite, le quitter pour suivre, à droite, un fléchage qui conduit à la table d’orientation de la colline Saint-Amador (5).

Revenir sur ses pas pour retrouver le chemin ou emprunter le passage laissé libre dans la petite clôture du site pour descendre tout droit la colline et le retrouver. Le suivre par la droite. Il longe une route, à main gauche, dépasse une aire aménagée de pique-nique puis s’infléchit à gauche et rejoindre la route. La suivre qui s’enroule, en montant, autour d’une petite butte.

Ignorer un chemin partant à travers champ à gauche de la route mais, plus loin, repérer, à gauche, le balisage qui invite à entrer dans le bois (6). Il reste d’abord très proche de l’orée puis s’enfonce plus en profondeur dans la forêt. Après une courte montée, à la sortie d’une pessière, il croise la petite route D56 (7).

La traverser et plonger en face pour amorcer une descente dans le creux évasé d’un thalweg. Plus bas la forêt s’éclaircit et on atteint une nouvelle route (8). La suivre par la gauche jusqu’aux premières maisons précédant La Queue du Hellet. Repérer, après l’une d’elles, les balises qui tournent à gauche par un petit chemin (9).

Le chemin s’élargit plus loin, repasse en forêt et entame une lente remontée par le Val Pâteux. On recroise finalement la D56 (10). La traverser et poursuivre en face. Le chemin progresse en sous-bois sur le rebord du plateau forestier jusqu’à un croisement (11). Suivre le chemin de gauche qui amorce la descente. Au bout de celle-ci, retrouver la petite route dite de La Gate, qui descend depuis la Verrerie du Hellet. La suivre à gauche.

Peu de temps après, suivre les balises qui partent à gauche, en lisière de bois (12). Descendre et passer un coude marqué à droite. Ignorer plus loin un chemin partant à gauche (13) et poursuivre, tout droit, pour rejoindre plus tard les habitations de Mesnerettes et la route D1 (14).

La suivre à gauche puis, assez vite, basculer à droite par la rue de Mesnerettes et rejoindre l’Avenue Verte (15). En la suivant par la gauche, rejoindre le point de départ.

Variante : au passage de la Zone Humide des Sainfoins (16), possibilité de rentrer sur Mesnières en suivant le circuit Cérès et le Petit Photographe qui permet de visiter le village (tracé jaune sur la carte et dépliant papier disponible en téléchargement)

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

Cette randonnée ne présente que peu de difficulté. J’aimerais dire aucune mais ce serait inexact car dix kilomètres restent dix kilomètres – tout comme 200m de D+ sont ce qu’ils sont – et ne se vivent pas de la même manière selon que l’on soit un(e) randonneur/se régulier(e) ou pas. Mais, globalement, cet itinéraire en Forêt de Hellet est tout public. Et les plus frileux/ses (ou les plus pressé(e)s), pourront aussi se contenter d’un aller-retour à la table d’orientation de la Colline Saint-Amador.

Rien de particulier, donc, à signaler si ce ne sont les recommandations habituelles : prenez de l’eau car vous n’en trouverez pas sur le parcours. Ne sous-estimez pas le soleil normand : la crème solaire sera dans le fond du sac. Et attention aux tiques en forêt : pince + répulsif à prévoir en plus de la vigilance.

PAYS DE BRAY / LA FORÊT DU HELLET : AVIS PERSO

Le Pays de Bray c’est, à mes yeux, la petite carte postale de l’intérieur de la Seine-Maritime. C’est vraiment le style de paysage que je voulais découvrir et mettre en balance avec ceux, plus connus, du littoral et des falaises. Une toute autre image du territoire, nettement moins impressionnante et iodée, mais carrément plus intimiste. Ça donne un peu la sensation de creuser plus en profondeur l’identité d’un pays. Un peu comme lorsque vous décidez, en voyage, de sortir des autoroutes à touristes pour céder à la tentation d’aller voir où et comment les gens vivent en-dehors de ces endroits sur-fréquentés et sur-médiatisés. Il y a complètement de ça quand on crochète par le Pays de Bray et il faut être animé par cette curiosité. Les courbes douces du paysage, le rythme des hommes qui vivent de la terre, le bruissement de la Béthune au bord du chemin, une bourrasque qui fait danser les têtes de seigle… Le plaisir et la beauté, ici, sont dans le détail.

Si je dois maintenant parler de temps forts, de choses très visuelles, à l’impact immédiat, davantage que de plaisirs subtils que seuls l’immersion consciente et volontaire est apte à dévoiler, alors il y a deux éléments marquants que je retiens de cette boucle. Le premier c’est le belvédère de la colline Saint-Amador. Un spot agréable d’herbe rase qui ouvre une large fenêtre sur Mesnières et ses environs. Si vous devez n’emporter qu’une seule image du Pays de Bray, ne cherchez pas, elle est ici. Le second, c’est évidemment le château de Mesnières, cette importation inattendue d’un château de la Loire ici, en Seine-Maritime. Extérieurement, c’est une authentique belle pièce qui devrait réveiller en vous une fièvre photographique. Le clou d’une déambulation dans le village et les jardins de Mesnières dont l’usage public et collectif des vergers et potagers ne laissera pas indifférent. Un goût de solidaire qui rompt avec l’idée que le monde de demain sera un monde d’égoïsme et d’inégalités. Bravo Mesnières-en-Bray, vous m’avez vendu du rêve !

HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

Château de Mesnières (testé & approuvé)

Vous l’avez vu et lu, l’historique du château a fait que de nombreuses pièces ont servi, par le passé, de dortoirs et de chambres. C’est toujours dans cet esprit qu’elles sont utilisées de nos jours avec, pour vocation, l’accueil des randonneurs, des groupes, associations ou encore des familles pour des mariages. Rénovées avec soin et simplicité, elles permettent de faire étape dans ce lieu chargé d’histoire(s). Du dortoir à la chambre double avec salle de bain privative, les formats d’hébergement sont variés et nombreux, tout autant que les formules de restauration. Se réveiller au château avant de partir faire sa randonnée, c’est quand même le luxe et tout ça pour une somme parfaitement normale : à partir de 12 euros la nuit en dortoir et 28 euros pour une chambre double standard. Je vous dis : ça défie toute concurrence ! Infos et réservations : Marie-Amélie au 02.35.93.10.04.

AUTRES ITINÉRAIRES À PROXIMITÉ

Le circuit de la Forêt du Hellet est une boucle parmi 15 autres à découvrir en Pays Neufchâtelois. Un dépliant, que vous pouvez consulter en ligne, les recense toutes les quinze. Quinze, c’est également le nombre d’itinéraires dans et autour de la Forêt d’Eawy, toujours en Pays de Bray, visibles dans le même type de dépliant, à consulter et imprimer ici. À noter, enfin, pour les amateurs d’itinérance, un récent parcours de 4 jours, intitulé Au Cœur du Talou, qui permet de découvrir exhaustivement le Pays de Bray. La fiche-topo est consultable en cliquant ici. Et bien sûr, toutes les possibilités de randonnées en Seine-Maritime sur le site de Seine-Maritime Attractivité.

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Cirque de La Coquille : le petit secret (bien) gardé du Pays Châtillonnais

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La Coquille, c’est le nom de ce petit ruisseau qui prend son élan vers une Seine encore jeune. C’est aussi le nom d’un vallon bucolique et intimiste entre Étalante et Aignay-le-Duc, ancien fief des premiers Ducs de Bourgogne. C’est enfin – et surtout ! – le nom donné à un cirque où prend leur source eau et légendes.  Le Cirque de la Coquille, c’est un endroit hors du temps, géologiquement unique ici, en Pays Châtillonnais. L’un de ces petits havres de paix offerts par la Nature aux hommes pour échapper à l’agitation perpétuelle de leur monde. C’est le but de ce voyage à pied qui va me transporter des grands espaces céréaliers contemporains aux strates d’un calcaire oolithique antédiluvien. Un périple naturel et historique au décor inattendu et au patrimoine insolite où les rencontres ont tout autant de valeur que l’histoire des lieux.

Difficulté : assez facile | Distance : 12 km| Dénivelé : 235 m| Durée : 4 à 5h | Carte : IGN TOP 25 1/25000è 3021O Aignay-le-Duc


Avec aujourd’hui moins de 300 habitants au compteur , Aignay-le-Duc pourrait passer, aux yeux d’un visiteur inattentif venu y prendre le départ du circuit de la Coquille, pour l’une de ces bourgades somnolentes qu’on trouve nombreuses dans le paysage rural de la France. Mais qu’on ne s’y trompe pas : si Aignay est assoupie, c’est, sachez-le, sur un lit de trésors oubliés et un épais matelas d’Histoire ! Imaginez donc qu’ici, il y a de ça un peu plus de deux cent ans, donc peu après la Révolution, une batterie de plus cent métiers à tisser produisait près d’un kilomètre et demi de toile par jour !

Inscriptions au-dessus des portes, encorbellements, anciens remparts et anciennes tours, sans oublier fontaine et lavoirs : Aignay livrera ses secrets à qui voudra bien se donner la peine de les chercher.

Les curieux/ses de patrimoine auront donc à cœur, avant ou après leur randonnée vers le Cirque de la Coquille, de dénicher les vestiges de cette époque révolue – et de plus anciennes encore – aux fins de réhabiliter Aignay comme bien davantage qu’une simple ville de départ et d’arrivée. Ne vous fiez pas aux apparences : les premiers Ducs de Bourgogne avaient ici leur château – d’où l’extension « le Duc » au nom de la commune – et si Louis XI n’avait pas décidé de le démanteler, on pourrait probablement encore l’apercevoir aujourd’hui.

La Coquille

Accompagné de Meryl et de Régis, déjà compagnons de marche sur la randonnée au Val des Choues, je croise la Coquille peu de temps après avoir tourné le dos à la belle église du 13ème siècle, à la pierre blonde et aux drôles de têtes qui jaugent le passant depuis l’extrémité des archivoltes où elles ont été sculptées. C’est un affluent du Revinson, lui-même affluent de la Seine dont la source n’est pas si loin du Cirque de la Coquille.

Conjuguée au passé comme au présent, la Coquille occupe à Aignay une place toujours prépondérante. Et c’est ce petit ruisseau, long d’un peu moins de dix kilomètres, qui tient le haut de l’affiche de cette randonnée.

Depuis le petit pont routier qui l’enjambe, je découvre un cours d’eau étroit, vif et peu profond, qui détale et disparaît entre deux rangées de vieilles maisons en pierre. En indécrottable curieux que je suis, je m’aventure de l’autre côté du pont, des fois qu’il y ait quelque chose à voir ou un plan à faire. Bonne pioche ! Planqué en contrebas se dévoile l’un des deux lavoirs d’Aignay. Je vous l’ai dit : la commune ravira les chasseur/ses de patrimoine !

Le départ officiel vers le Cirque de la Coquille, sous la forme d’un mobilier flambant neuf arborant schéma et explications, ferme provisoirement le chapitre de la visite d’Aignay. Nous voici à l’intersection des rues de la Planchotte et du Duesmes mais ce n’est ni l’une, ni l’autre, qu’il faudra suivre : pour nous ce sera à bâbord toute, par la montée de la rue Saint-Michel qui, après avoir longé le cimetière, dit au revoir à la petite ville en se transformant en un beau chemin ombragé et bordé d’un vieux mur de pierre moussue. Un ombrage cependant provisoire qui précède un grand bain de céréales.

L’horizon agricole, élément identitaire fort du Châtillonnais au même titre que le bois ou la pierre, place le/la marcheur/se dans la peau d’un Magellan de la monoculture céréalière.

Le sillon clair du chemin aide à garder le cap dans ce vaste océan mouvant de vagues d’or et de roux. La vigie, quant à elle, gardera un œil rivé sur les balises afin ne pas manquer les changements de cap requis aux intersections. Notre trio progresse ainsi d’un bon pas dans cet immense terrain découvert où chauffe le soleil de la Côte-d’Or, salutairement rafraîchi par une petite brise qui glisse sans entrave le long des ondulations du relief.

Lors de notre passage, à la mi-juillet, les champs ont déjà presque tous été fauchés. Un pessimiste aurait cédé à la facilité d’y contempler un paysage dénudé. Mais pas l’optimiste réjoui que je suis ! Ces grandes étendues labourées me rappellent des passages de Saint-Jacques et du GR®65 dans le Tarn-et-Garonne où l’on peut voir des colonnes de pèlerins avancer lentement. À l’instar de Compostelle, j’aime, grâce à l’image, replacer l’humain-marcheur dans l’infini de son environnement.

Mer, montagne, forêt, plaine ou, comme ici, champs : le paysage change mais la façon de l’admirer à sa juste valeur demeure. Il n’y a pas de mauvais décor : il n’y a que de mauvais regards.

Le mariage des courbes du paysage et des lignes du chemin n’en finissent pas de composer un cadre dans lequel faire évoluer le randonneur. Et je ne cesserai jamais de louer notre chance de vivre dans un pays offrant autant de possibilités d’immersions. Je marche, je cours, je tourne autour de Régis et de Meryl, tantôt sur leurs talons, tantôt loin au milieu de pieds de maïs fauchés. Là où certain(e)s se borneraient à ne rien voir, je crée les pièces d’un puzzle visant à restituer le plaisir qui peut surgir à naviguer dans ces grands espaces nus pour qui creuse plus loin qu’un trop rapide aperçu.

« Tu arrives à filmer ce que tu veux ?« , m’interroge Régis, le directeur, je le rappelle, de l’Office de Tourisme du Châtillonnais. « Mais carrément !« , réponds-je avec enthousiasme. Filmer me fait chaque fois retrouver une âme d’enfant et une excitation à créer sans borne. « Il y a de trop bonnes lignes pour composer des plans et vous replacer dans cette immensité. Regarde ! » Je fais défiler les trois dernières séquences enregistrées sur l’écran de ma caméra. Régis ne cache pas son étonnement. « C’est fou comme un œil extérieur offre une perspective différente sur l’environnement!« , me dit-il en regardant les plans filmés.

« Tu arrives à me faire redécouvrir des paysages, qu’à force de passer devant tous les jours, je ne regardais plus avec le même œil ! »

Je garde en tête qu’un chemin reste un chemin. Qu’il soit à travers champ, forestier ou qu’il franchisse un col d’altitude, l’appel qu’il suscite en nous est identique. Il y a définitivement de la magie à s’interroger sur sa destination finale, sur la surprise qui attend au bout et sur le décor renouvelé qu’il offre à chaque fois. J’ai toujours aimé confronter l’infinie petitesse de l’humain à celle, gigantesque, des éléments. À l’instar des déserts, les étendues agricoles détiennent ce secret qui permet à l’âme de se diluer dans l’immensité et le néant. Et c’est précisément la sensation qui m’enveloppe lors de cette section de marche entre Agnay et la Pothière vers le Cirque de la Coquille.

La Coquille

La Pothière, prochain temps fort de l’itinéraire, s’atteint après une descente qui nous fait passer de l’étage céréales à l’étage des hommes. Nous voici dans la vallée du Revinson, invisible derrière une épaisse rangée de feuillus venus y tremper leurs racines. Coincé entre deux coteaux apparaît un vaste bâtiment, au plan carré, bien abrité derrière de hauts murs qui masquent l’intérieur au regard inquisiteur du visiteur. Vu de l’extérieur, l’ensemble tient plus du château que de la ferme. Une analogie qui a du sens puisque l’endroit est qualifié de ferme-forte et est classé aux Monuments Historiques depuis 1988.

Sur notre route se dresse La Pothière, un bel exemple de ce qu’on a appelé les fermes-fortes dans la France  du 15ème siècle qui s’extirpait, non sans peine, du Moyen-Âge

N’entrait pas qui voulait au 15ème siècle, époque de sa construction. Des gardes veillaient au grain au-dessus de son unique entrée et pouvaient même vous tirer dessus si besoin. L’accueil a heureusement bien changé en 2021 et, sur rendez-vous, il est possible de visiter cet étonnant bâtiment, typique de l’architecture bourguignonne de l’époque et ancien rendez-vous de chasse du Prince de Condé. Si le patrimoine fait partie de vos dadas, voici une aubaine à côté de laquelle il serait regrettable de passer, doublée d’une agréable pause sur le chemin du Cirque de la Coquille qu’il serait tout aussi dommage de manquer.

La Coquille

Derrière l’épaisse porte en bois à deux vantaux se découvre un porche voûté imposant dont le plafond est constitué de lourdes lattes de bois. Au-delà de ce passage, on fait notre entrée dans la grande cour carrée autour de laquelle s’articule l’ensemble de la ferme. À gauche, l’ancienne salle des gardes rappelle la nature hybride des lieux : manoir Renaissance, relais de chasse mais surtout ferme ! Pour situer le contexte, le  16ème siècle mourant voit enfin la sortie de la dépression de la fin du Moyen-Âge. L’économie rebondit et la valeur des ressources agricoles, qui attise les convoitises, est férocement protégée. La ferme-forte était née.

Granges, étables, écurie se succèdent au cours de la visite. Elles semblent avoir été désertées hier tant leur état est quasi intact. Une sacrée surprise.

Le pigeonnier, assez monumental en moellons de pierre plate, arbore une quantité faramineuse de boulins. Rappelons qu’un boulin correspond à une alvéole et qu’il abrite un couple de pigeons. La richesse et la puissance se mesuraient donc, à l’époque, au nombre de boulins et à la taille du pigeonnier. Pas de doute, ici, à la Pothière, il y avait de l’oseille ! La visite s’achève par les pièces de vie de la ferme où on relève un four à pain et un séchoir à fromages. Je demande si le lieu n’est pas à vendre : toutes ces vieilles pierres me rendent nostalgique. J’en quitterais presque montagne et Provence pour venir y passer de belles soirées d’été dans l’intimité de cette grande cour !

Je coupe court à ma rêverie de vie de ferme en Pays Châtillonnais : c’est qu’on n’est pas encore rendu au Cirque de la Coquille ! On remercie notre aimable guide et on entame l’ascension de la petite route qui relie la Pothière à la départementale et qui fend la partie sommitale du coteau. Retour provisoire à la planète céréale. Juste le temps de traverser la route et d’opérer la bascule en versant oriental par le bien taillé Chemin de Comme qui, très rapidement, fait son entrée dans le petit bourg d’Étalante. C’est de là, qu’en un aller-retour indispensable, le/la randonneur/se pourra goûter au charme inattendu d’un des lieux les plus insolites du Châtillonnais.

La Coquille, croisée au début de la randonnée à Agnay-le-Duc, prend ici sa source dans le cadre séduisant d’un site naturel protégé dont on ne soupçonnerait absolument pas l’existence au milieu de cette hégémonie agricole.

Au terme d’une ravissante allée de hauts arbres à l’ambiance apaisante s’ouvre un cirque de 70 mètres de haut, ceinturé de pentes d’éboulis calcaires. À sa base, dans un écrin de verdure luxuriante, l’eau cristalline de la Coquille s’élance en petites cascades depuis l’obscurité d’une résurgence souterraine, appelée localement douix. Le site est, avouons-le, un petit coin de paradis parfaitement propice à tirer le pique-nique du sac. L’irruption soudaine de l’eau et de cet amphithéâtre lumineux sur le parcours comblera, soyez-en assuré(e)s, les amateur/trices de spots nature méconnus et confidentiels.

La Coquille

La Coquille

Alors pourquoi Cirque de la Coquille, me demanderez-vous probablement comme je l’ai demandé à mes accompagnateurs ? Encore un rapport avec Saint-Jacques ? C’est une hypothèse confirmée mais ce n’est pas la seule. Les marnes – strates de roches sédimentaires imperméables composées de calcaire et d’argile – sur lesquelles coule la Coquille, auraient servi de collecteurs pour les nombreux fossiles contenus dans les couches plus fragiles qui se sont déposées par-dessus. Il faut imaginer un temps où la mer recouvrait entièrement l’endroit, Étalante y compris. De nombreux animaux – notamment des mollusques à coquille – ont donc été ensevelis dans ces sols jusqu’à ce que l’érosion, bien plus tard, commence à les dégager. C’est peut-être aussi cette prolifération, en aval de la source, de découvertes de fossiles à coquille, qui a pu donner son nom à l’endroit.

Si l’empreinte de la Nature est bien présente, celle de l’homme peut encore, pour les plus attentifs, s’y entrapercevoir également

C’est aussi à cet endroit que fut mis en œuvre, au 18ème siècle, le premier des moulins à utiliser la force motrice du cours d’eau. D’autres suivront, balayés par le temps et l’oubli aujourd’hui. Le lieu dégage une telle énergie que je ne peux m’empêcher de demander s’il n’y a pas une légende ou des rites païens qui lui ont été associés. « Tu as visé juste !« , me glisse Méryl. « Ici perdure la légende de la fée Greg, une dévoreuse d’enfants. » Incroyable ! Une Baba Yaga châtillonnaise, ici, au Cirque de  La Coquille ! L’histoire complète, qui semble toute droite sortie du film The Witch, fait partie du décor et a été versée aux archives de la Côte-d’Or en 2016.

La Coquille

Quelques lacets et un fil étroit permettent ensuite d’aller profiter de la perspective depuis le rebord de la corniche calcaire. J’ai la surprise d’y croiser une Linaire des Alpes ! Mais que fait-elle ici ? « Ça n’a peut-être pas l’air aujourd’hui, en plein été, mais les conditions peuvent être très froides ici l’hiver.« , m’explique Meryl. « Il n’est pas rare de trouver sur ces pentes raides et peu fertiles des espèces justement adaptées aux conditions difficiles. » Non sans stupéfaction, j’apprends donc qu’en plus de la Linaire des Alpes, on peut également débusquer au Cirque de La Coquille de la Gentiane Jaune, de la Germandrée des Montagnes ou encore de la Carline Acaule.

Il serait dommage de venir jusqu’ici sans emprunter le sentier – escarpé pour la région – qui boucle par le haut du cirque. Le petit bonus alpin qui donne un cachet supplémentaire à l’itinéraire.

De la flore alpine ici ? Ça alors ! Qui l’eut cru, n’est-ce pas ? Un endroit décidément étonnant, le seul de ce type sur le territoire, où les conditions géologiques ont autorisé cette coupe franche, presque chirurgicale, dans le sol. Et de révéler ainsi la nature de ces strates sur lesquelles s’est façonné le décor contemporain. Un petit secret (très) bien gardé, dissimulé derrière Étalante que nous rejoignons à nouveau une fois redescendus de notre perchoir. Bref retour sur nos pas jusqu’au pied du Chemin de Comme avant de nous élancer dans la dernière partie de cette randonnée par le vallon… de la Coquille forcément !

La Coquille

Au-delà du Cirque de la Coquille, on continue de baigner dans le calme de la nature, prolongé en bruit de fond par le discret clapotis du ruisseau. On entraîne dans notre sillage le sifflement des oiseaux qui s’ébattent dans les bosquets denses bordant ici et là le sentier. La trace flirte avec le pied des coteaux, à l’orée des sous-bois et des cultures, dévoilant tour-à-tour deux vals, ces échancrures profondes – comme précédemment le cirque, l’érosion en moins – qui officient comme gouttières pour des cours d’eau anonymes venant  ensuite gonfler la Coquille. Val Profond d’abord, Valencières derrière.

Notre trio se fait petit à l’ombre de bosses géantes qui défendent l’accès, tout là-haut, aux espaces agricoles battus par le vent

Un dernier coude et le sentier surgit dans les faubourgs supérieurs d’Aignay. Une position qui rappelle la nature « en pente » de cet ancien bourg médiéval. Et une perspective de choix pour profiter des vues sur les toits en tuiles de Bourgogne au-delà desquels émerge le clocher de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul. Huit cent ans d’histoire sous nos yeux dont un regard affûté peut encore distinguer les détails dissimulés au détour des rues du village. On regagne le véhicule laissé devant la mairie d’un pas léger avec, glissée dans le sac à dos, la satisfaction d’une randonnée réussie et rondement menée. Fin de l’histoire ? Pas tout à fait…

« David on va t’amener à l’Abbaye d’Oigny.« , me disent en chœur Régis et Meryl. « Ce n’est pas loin d’ici et c’est vraiment un endroit à découvrir quand on vient de La Coquille. » D’une nature peu difficile à convaincre, j’acquiesce à l’idée et me glisse docilement à l’arrière de la voiture de l’Office. L’Abbaye d’Oigny est à deux vallées d’ici. Pour le rejoindre, on doit d’abord sauter le Revinson afin d’atteindre la vallée de la Seine dont la source est à peine plus loin, quelques kilomètres au sud, en-dessous de la commune de Chanceaux. J’aurais aimé pouvoir y aller mais l’emploi du temps du jour ne le permettait pas. Je ne perdrai pas au change, comme vous le constaterez.

La visite de Oigny est une excellente surprise. Et pas tant par le site en lui-même que par l’histoire à laquelle il est associé via l’entremise de ses étonnants copropriétaires : la famille Korobetski.

Je commence depuis le début en résumant Oigny. Personne ne sera surpris d’apprendre que c’est une poignée d’ermites qui défriche le site au 12ème siècle. Toujours dans les bons coups les ermites, on leur doit beaucoup aujourd’hui. L’essor et la prospérité de l’abbaye se jouent dans le demi-siècle qui suit avant que la Guerre de Trente Ans ne sabote tout. Il faut attendre 1680 pour que de grands travaux y soient à nouveau entrepris… avant qu’un sérieux incendie endommage à nouveau le site en 1840… En 2017, les Korobetski, tombés sous le charme des lieux, rachètent un tiers de la propriété et y démarrent un projet assez incroyable. C’est à ce moment de l’histoire que nous arrivons.

Quelques mètres après le portique d’entrée, un concert de marteaux donne le « la » au milieu d’amas de pierres et d’échafaudages. On est en 2020 et les opérations de restauration battent leur plein. Ce sont les deux frères, Sylvain et Sigfrid, qui nous accueillent pour la visite. Classeur rempli d’archives, de documents et de schéma en mains, Sylvain feuillette avec nous le fruit de leurs recherches et de leur projet de réhabilitation. Sa voix posée tout autant qu’assurée nous fait le récit résumé de cette aventure d’une vie. « C’est parti d’un coup de cœur. Notre famille nourrissait l’envie d’acquérir un bien de caractère depuis des années. Notre mère cherchait notamment à créer un jardin paysager. On est tombé sur l’annonce de la vente de Oigny et, en mars 2017, c’était signé. »

L’Abbaye d’Oigny c’est avant tout une histoire de famille. Un vœu commun finalement exaucé et qui se transforme aujourd’hui en un incroyable projet de vie.

Depuis tout ce temps, Oigny livre petit à petit de nouveaux secrets à ses copropriétaires qui doivent s’improviser archéologues. « À la base moi j’ai fait de l’ingénierie mécanique!« , me raconte Sigfrid. « Mais on est curieux et on n’a peur ni d’apprendre, ni de se salir les mains. » « Moi j’ai juste fait une année d’histoire de l’art, en option, mais rien de plus !« , poursuit Sylvain. Je suis littéralement épaté : le discours des deux garçons est solide, riche de connaissances acquises au cours de leurs recherches. S’ils ne m’avaient pas révélé la vérité, je les aurais tous les deux imaginés avec un Master d’Histoire en poche ! Je n’en reviens pas de la façon dont la passion peut animer l’esprit humain au point d’y engager toute son énergie et sa vie.

On déambule dans les jardins à l’italienne, le cœur du projet de la famille. Il y a même un cours d’eau qui le borde, le séparant d’un versant boisé où un ancien escalier à double volée est en pleine rénovation. « C’est la Seine ce cours d’eau !« , m’annonce Sylvain avec une pointe d’amusement face à mon regard stupéfait. « La Seine passe dans votre jardin ?« , lui demande-je sidéré. « Et dans ces bois, là-haut, on va devoir faire appel à des archéologues car on a mis à jour des murs dont on ne parvient pas à connaître l’origine. » Qui n’a jamais rêvé de jouer à Indiana Jones dans son propre jardin ? « Initialement on avait plus dans l’idée des petits sentiers botaniques mais, au regard de ce qu’on est en train d’excaver, le projet final vise maintenant à la reconstitution de tout un jardin historique. On s’adapte ! »

Découvrir l’histoire humaine derrière l’histoire des pierres éclaire le passage à l’Abbaye d’Oigny d’un jour différent et immensément plus profond

L’énergie des deux frères, l’enthousiasme de leur récit, la décontraction derrière la rigueur : tout ça contribue à faire de cette visite à Oigny un moment de rencontre passionnant. On s’éternise volontairement jusqu’à l’intérieur des bâtiments. « On vit une époque où on a l’habitude de vouloir voir les choses terminées.« , ajoute Sylvain. « Du temps des moines, les travaux prenaient parfois plus que le temps d’une vie. Alors on essaie d’être un peu dans cette optique, à faire et à donner ce qu’on peut, selon le temps qui nous est imparti. Et après nous cela continuera. » Dans les tuyaux, en plus des jardins et de la visite du site : des chambres d’hôte dans d’anciennes cellules monastiques et la production de miel. Chapeau les frangins ! Je vous souhaite tout le bonheur du monde dans ce projet pharaonique des temps modernes !

VENIR EN PAYS CHÂTILLONNAIS

En voiture

Le point d’ancrage pour cette escapade au Cirque de la Coquille, c’est la très belle ville de Châtillon-sur-Seine qui, a elle seule, mérite la visite. J’y reviendrai dans un prochain article. Châtillon est un point assez central dans un cercle disposé autour de Dijon, Troyes, Auxerre, Chaumont et Langres. On peut donc le rejoindre facilement depuis la plupart des axes.

Pour les sudistes, comme moi, on arrivera nécessairement par l’autoroute l’A6, on sortira à Dijon et on rejoindra Châtillon par la D971 (6h environ). Dijon sera également le point de passage en arrivant depuis le Jura ou Mulhouse (3h30 environ). Pour le Grand Est, en revanche, on passera plutôt par Chaumont puis par la D65, qui devient ensuite D965 (environ 4h depuis Strasbourg). Le Nord contournera Paris pour passer par Troyes et descendre sur Châtillon par la D671, qui devient ensuite D971 (5h depuis Lille). Les Parisiens, eux, descendront par l’A6 via Auxerre puis, par la sortie 20 et la D965, tireront sur Châtillon via Tonnerre (3h environ). Auxerre sera aussi point de passage pour les Bretons, en passant d’abord par Orléans (8h depuis Brest). Le Grand Ouest et Sud-Ouest, quant à eux, préféreront viser Clermont-Ferrand ou Moulins pour rejoindre d’abord Nevers, puis en diagonale Avallon pour attraper l’A6, la suivre au sud jusqu’à la sortie 23 puis, via Montbard et la D980, rejoindre enfin Châtillon (7h30 environ depuis Bordeaux).

En train/bus

La gare de Châtillon-sur-Seine n’est plus en service. Il faut passer par la gare de Montbard (30mn en voiture de Châtillon) puis prendre la ligne 126 jusqu’à Châtillon. Accessibilité également depuis Dijon avec 5 trains par jours (environ 1h30 de trajet et un tarif allant de 15 à 20 euros). Pour celles et ceux qui arriveraient en train depuis Dijon, c’est la ligne 124 (jusqu’à 7 départs quotidiens) qu’il faudra emprunter.

ACCÈS À AIGNAY-LE-DUC

Depuis Châtillon-sur-Seine, suivre la D971 en direction de Dijon. Traverser et/ou dépasser successivement Buncey, Chamesson, Nod-sur-Seine, Aisey-sur-Seine puis, enfin, Saint-Marc-sur-Seine. Peu après la sortie de Saint-Marc, à une intersection, suivre à gauche la D901 jusqu’à Aignay-le-Duc, via Beaunotte. Stationnement possible devant la mairie, à côté de l’église. (35 minutes en voiture) En bus, possibilité d’emprunter la ligne 124, précédemment citée, entre Châtillon et Aignay (un départ quotidien TLJ à 17h05 + un le mercredi à 12h05). Attention, cependant, car s’il est possible d’aller à Aignay, il peut être plus difficile d’en repartir !

La Coquille

CIRQUE DE LA COQUILLE : LE TOPO

Le descriptif complet de l’itinéraire vers le Cirque de la Coquille – descriptif pas-à-pas + carto – est disponible sur le site Bouger Nature en Bourgogne, site officiel des loisirs nature en Côte-d’Or. Vous pourrez également y télécharger le fichier GPX ou KML afin d’intégrer la trace à votre GPS, si nécessaire. Pas besoin, donc, de faire de double emploi ici quand les choses sont bien faites ailleurs !

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

La rubrique ne fera pas couler beaucoup d’encre cette fois. Ce circuit vers le Cirque de la Coquille ne présente en effet aucune difficulté particulière. Un minimum de vigilance sera juste requis si vous entreprenez la petite boucle qui escalade le cirque. L’espace de quelques minutes, le parcours se fait un peu plus « alpin » et il serait malvenu de glisser de 70 mètres pour avoir manqué d’attention et/ou de prudence aux abords de la corniche. La Coquille est, par ailleurs, un espace naturel protégé. Vous y trouverez de belles aires de pique-nique en pierre de taille. Respectez les lieux et remportez vos déchets. Attention également aux éventuels coups de soleil au milieu des champs !

La Coquille

LE CIRQUE DE LA COQUILLE : AVIS PERSO & CONSEILS

Pour aller à l’essentiel, je vous donne mes réponses aux questions que vous seriez probablement amené(e)s à vous poser suite à la lecture de ce reportage.

Il est vraiment joli ce cirque de la Coquille ?

Alors je préfère mettre les choses au clair tout de suite. Le Cirque de la Coquille, ce n’est ni Gavarnie, ni Navacelles, ni le Fer-à-Cheval. L’UNESCO ne l’a pas encore classé. Donc ne vous mettez pas en tête de débarquer dans un site É-NOR-ME ! C’est même plutôt l’inverse. S’il y a un terme qui qualifie bien La Coquille, c’est celui de confidentiel. En y arrivant, on a l’impression de partager un secret bien gardé par les locaux. La Coquille se camoufle presque jusqu’au dernier moment dans le paysage. C’est précisément l’intimité du lieu qui le rend attachant. C’est l’un de ces endroits où le stress et l’agitation du monde n’ont pas leur entrée. Et géologiquement, rapporté au reste du territoire, c’est un site à la configuration absolument unique. Un lieu frais et verdoyant où plane une aura de mythe. Les âmes sensibles aux énergies s’y ressourceront sans doute encore plus que les autres. Pour celles et ceux qui connaissent, il y a à La Coquille un peu de la sérénité du Val des Nymphes, près de La Garde-Adhémar, dans la Drôme. Alors réponse, oui, il est joli et c’est un spot à découvrir absolument si vous êtes de passage dans le coin.

Faut quand même un peu s’intéresser au patrimoine pour faire cette rando en entier ?

Oui, un peu c’est vrai. Du moins il faut de la curiosité. J’ai en effet du mal à imaginer l’intérêt qu’il y aurait à simplement passer devant la ferme-forte de la Pothière ou encore à traverser Agnay sans pénétrer plus au cœur de ces sites afin d’en percer les secrets d’histoire. Ces haltes et visites donnent du sens au parcours. Elles en donnent d’autant plus si on a sous la main un(e) spécialiste pour guider notre œil et structurer notre travail de visualisation. Réservez donc bien à l’avance vos visites à la Pothière et/ou informez-vous sur les possibilités de visites guidées à Aignay auprès du Bureau d’Information Touristique local : 03 80 91 13 19. Et si le patrimoine ce n’est pas votre truc, contentez-vous d’une simple visite au Cirque en aménageant l’itinéraire à votre convenance.

La Coquille

Traverser des champs, c’est pas pénible à la longue ?

Après les ambiances forestières du Parc National de Forêts, au Val des Choues, ce circuit au Cirque de La Coquille est une véritable rupture. En s’y attaquant, depuis Aignay, on y ouvre un nouveau chapitre de la découverte du Pays Châtillonnais. Alors oui, il y a des champs à traverser dans une première partie. Mais ce n’est quand même pas la Beauce ! Et, dans l’optique de comprendre le territoire dans lequel on évolue, c’est un passage obligé. Et c’est loin d’être un fardeau ! Soyez sensibles à l’espace procuré, aux courbes du terrain, aux couleurs selon la saison. Ressentez l’immersion. Inversez la perspective pour faire l’expérience de l’immensité de ces terres inlassablement cultivées par les hommes. C’est une part importante de l’histoire du Châtillonnais et vous êtes au cœur du sujet ! Vivez-le comme tel !

Et le détour par Oigny, ça vaut donc vraiment le coup ?

Ici c’est Carnets de Rando et pas Stéphane Bern ! Je fais de mon mieux pour synthétiser un moment, un ressenti et partager mon expérience d’un lieu tout en le contextualisant dans l’histoire quand il s’agit d’un monument. Mais, souvent, j’aimerais écrire davantage, raconter plus d’anecdotes, retranscrire tout ce que j’ai enregistré sur place parce que j’y ai passé un super moment. Ça a été le cas à Oigny avec les frères Korobetski. L’histoire derrière l’histoire, le contact facile avec les deux gaillards, leur désir de partage sans regarder à la montre, les mille et une anecdotes à raconter… Visiter Oigny c’est avant tout un désir de rencontre. L’élément humain est tout aussi important que la découverte des lieux proprement dite. C’est un équilibre qui confère à la visite une dimension supplémentaire. La randonnée est un prétexte, un moyen de se faire raconter des histoires en découvrant des sites. Et, assurément, celles que Sylvain et Sigfrid ont à partager, leurs personnalités, leur accès facile, font d’un passage à Oigny un moment inoubliable. Je persiste et signe : allez-y, sans hésitation !

CIRQUE DE LA COQUILLE : HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

Les Clos d’Orret (testé & approuvé)

À quelques minutes d’Oigny, au-dessus de la vallée de la Seine et à la frontière des grands espaces agricoles, se tient le petit hameau d’Orret. C’est là qu’Anne-Lise et Jacques Cavin ont minutieusement et superbement restauré une ferme qui était, précisément, une ancienne possession de… l’abbaye d’Oigny ! La boucle est bouclée ! Le lieu est un havre de paix et de nature. On y prend le repas avec les hôtes sous un grand préau ombragé. Jacques est un fin musicien dont l’instrument favori est… l’orgue ! Peut-être aurez-vous la chance de l’entendre jouer lors de votre passage. Les chambres, calmes et spacieuses, invitent au repos du marcheur et les bons petits plats d’Anne-Lise font mouche. J’ai passé avec eux une excellente soirée, remplie – une fois encore – d’une foule d’histoires et d’anecdotes succulentes. Une belle étape après une journée de randonnée au Cirque de La Coquille. Tarifs : à partir de 74 euros la chambre double et de 24 euros la table d’hôtes. Mail : chambres@clos-orret.com – Tel : 03.80.96.59.21 ou 06.19.30.27.40

Cet article Cirque de La Coquille : le petit secret (bien) gardé du Pays Châtillonnais est apparu en premier sur Carnets de Rando.


GR® de Pays Tour des Baronnies Provençales : le Petit Trek qui deviendra Grand

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Les Baronnies Provençales, c’est le mariage étonnant de la Provence et des Préalpes. Un pur concentré de moyenne montagne et de Méditerranée. Un territoire morcelé qui essaime ses villages isolés dans des vallées oubliées du reste des hommes, à l’ombre du vol des vautours. C’est une terre parfumée par la lavande et les oliviers, défendue par des reliefs dont la présence forte dynamite le paysage. L’eau y est une ressource rare, un or bleu précieux lorsque la chaleur d’un climat parfois aride s’abat, en plein été, sur les reliefs et le fond des vallées. Plus qu’un massif, c’est une entité historique dont le passé a été ressuscité et les atouts valorisés lors de la création, en 2015, du Parc Naturel Régional des Baronnies Provençales. Aujourd’hui, le GR® de Pays Tour des Baronnies Provençales le parcourt intégralement en 226 kilomètres. Je profite d’un tournage pour Mon GR® Préféré pour le présenter sur le blog.

Difficulté : assez difficile | Distance : 226 km | Dénivelé : 10000m | Durée : 12 à 14 jours

PROLOGUE

Je glisse les clés dans le contact de la voiture. Le moteur démarre en même temps que les phares s’allument. Il fait encore largement nuit quand on quitte mon domicile venellois. Deux petites heures de route nous attendent jusqu’à Buis-les-Baronnies où on a rendez-vous avec Philippe pour le tout premier jour de tournage de la quatrième saison de Mon GR® Préféré. Gérard – pilote de drone – et Roxanne – présentatrice – désormais résidents québecois, ont malheureusement quitté le projet. Et c’est à Olivier, assis côté passager, qu’a été confié la lourde mission de les remplacer. Un sacré baptême du feu !

En sélection officielle de la 4ème saison de Mon GR® Préféré, les Baronnies Provençales ouvrent le bal d’un tournage marathon de 40 jours à travers la France

Et puis on est déjà tard en saison : la contrainte sanitaire exceptionnelle nous a poussés dans les cordes, nous contraignant à repousser à fin août le début des tournages. Ce matin-là, on sait, en prenant la route de la Drôme et des Baronnies, qu’on part pour une session de 40 jours de tournage non-stop. Une première depuis que le projet Mon GR® Préféré existe. Un état de fait à la fois excitant mais aussi pas mal stressant car, cette fois, j’ai conscience qu’il n’y aura pas de plan B en cas de pépin. Un coup de marche arrière fait s’évanouir mes réflexions dans un nuage de fumée. J’emboîte la première : on est parti !

À PROPOS DU GR® DE PAYS TOUR DES BARONNIES PROVENÇALES

Peut-être n’en avez-vous entendu parler que récemment. Pourtant, le GR® de Pays Tour des Baronnies Provençales date des années 2000. Il a été créé pour valoriser ce territoire. Mais c’est récemment, avec la création en 2015 du Parc Naturel Régional des Baronnies Provençales, que les choses vont évoluer. Uniquement drômois jusqu’alors, l’itinéraire s’étend désormais sur deux départements – trois si on compte la rapide incursion dans le Vaucluse à Brantes – en absorbant un itinéraire déjà tracé dans le Buëch et les Hautes-Alpes. Une décision qui a du sens et qui permet de déployer le parcours sur les Baronnies historiques : autrement dit ce vaste territoire, émaillé de plusieurs seigneuries entre le 10ème et le 13ème siècle. L’itinéraire passe donc de 110 à 226 kilomètres et peut être réalisé en 14 étapes. Le point de départ et d’arrivée officiel est la ville de Buis-les-Baronnies où démarre précisément notre tournage.

MILMANDRE & MALPERTUIS

Milmandre et Malpertuis sont deux cols franchis par l’itinéraire au nord-ouest de Buis-les-Baronnies. C’est aussi le nom d’une boucle PR® de 16,5 km décrite dans le topo-guide du GR® de Pays. Je n’avais pas exactement prévu d’y faire des images tout de suite mais la tendance météo m’impose des choix cornéliens dès le premier jour. Si le ciel est encore clair à 8h à Buis, la mi-journée s’annonce beaucoup plus nuageuse et incertaine.

Aussi inconcevable cela puisse-t-il être ici, la moitié de notre tournage se passera pourtant sous la pluie ! Un comble !

Le plan initial était de filmer le Saint-Julien pour la séquence d’introduction de l’épisode. Mais pas question d’avoir le fameux rocher dans la grisaille pour débuter le reportage. Le soleil étant pronostiqué à dans deux jours, je fais le pari de décaler l’ordre du tournage. On commencera donc par ces séquences sur Milmandre et Malpertuis, moins risquées à faire passer dans les nuages dans le futur épisode. Mon GR® c’est très souvent de gros coups de poker !

Tour des Baronnies Provençales

En voiture, Philippe, salarié de la FFRandonnée Drôme mais aussi accompagnateur en montagne, traileur et fin connaisseur des Baronnies, nous monte jusqu’en-dessous de Vertégoux pour nous permettre d’atteindre rapidement le col de Malpertuis. Une dépose rapide et on se donne rendez-vous pour la récupération du côté de Malpertuis. Dans notre dos, le Ventoux dépasse d’une tête tous ses voisins.

Le Ventoux, c’est une présence imposante dans le paysage.Une frontière massive contre laquelle viennent s’achever les Baronnies.

Ici, tous les reliefs sont enfouis sous une moquette verte de chênes, de petits pins et de cades. Et, bien évidemment, de buis. À cette saison, les populations de cette plante longévive sont décimées. Pas tant par les ravages de la pyrale que du fait des fortes chaleurs qui ont sévi ici tout l’été. Les Baronnies sont un territoire pétri de soleil où la cuisson du randonneur varie de bleu à bien cuit selon la saison et l’état du mercure. Un état de fait à intégrer lorsqu’on décide de se lancer sur l’itinéraire de ce GR® de Pays.

Tour des Baronnies Provençales

Le passage du col de Malpertuis me donne l’impression d’une fenêtre par laquelle on entre véritablement dans cette nouvelle partie des Baronnies. Disparu le Ventoux, remplacé par la masse du Linceuil qui glisse jusqu’au col du même nom, au-delà duquel repousse, comme une mèche rebelle, la falaise en forme de corne de la Montagne de Baume Noire. Les derniers résineux cèdent du terrain face à des prairies clairsemées de buis roussis.

Dans un décor de vert et de roux progressivement abandonné par la lumière, le sentier entame un flirt avec de modestes barres rocheuses, révélant sous nos pieds la planète Baronnies.

Malgré la présence menaçante de cirrocumulus alignés en rangs serrés, je savoure de pouvoir enfin pousser la découverte de ce territoire à peine amorcée, il y a quelques années, avec le tournage-express d’un épisode de Carnets de Rando au Saint-Julien. Ici, entre Milmandre et Malpertuis, les Baronnies me font déjà une belle et forte impression. Le tournage démarre bien.

Tour des Baronnies Provençales

LES VILLAGES DES BARONNIES

On a bien fait de faire l’impasse sur le Saint-Julien aujourd’hui. De gris poivre, le ciel est maintenant passé au bleu-noir fâché et menaçant. Le vent forcit, agitant violemment les hautes branches des chênes blancs qui bordent le sentier. Le sort de la journée est scellé et je compte bien l’employer à faire la tournée des villages, d’ici jusqu’à Villeperdrix où nous devons passer la nuit.

Étiré le long de son unique rue sur un promontoire boisé, Rochebrune retient son souffle dans l’attente du passage de la tempête.

Pour ce tournage, on a pris l’itinéraire à rebrousse poil. Si on suit le topo à la lettre, on doit passer Sainte-Jalle en venant de Sahune. On fera l’inverse. Sainte-Jalle d’ailleurs, puisqu’on en parle, me surprend agréablement, malgré le fait que je le découvre sous le couvercle grisonnant d’un ban de nuages moroses. L’empreinte de l’histoire s’y dévoile en remontant vers le vieux village par un beau chemin pavé.

Tour des Baronnies Provençales

Le passé des Baronnies évoque le morcellement administratif d’un territoire en de multiples seigneuries qu’on a finalement nommées ici « baronnies ». Un terme qui a traversé les siècles jusqu’à aujourd’hui pour être transféré à l’identification géographique du massif. Dans ces villages des Baronnies, les habitations sont fréquemment regroupées autour d’un château et perchées sur un point haut.

Dans les Baronnies, le temps se remonte généralement comme la pente : l’ancien, en haut et parfois oublié, contemple le récent, en bas et vivant.

À mi-chemin de Sainte-Jalle et de Sahune, Arpavon s’atteint ensuite via le col de Goudon. Moins d’une centaine d’habitants ici : l’isolement de ces villages me frappe mais ce n’est encore rien en comparaison de certains, ailleurs dans le massif. Au nord, par-delà les contreforts de la Montagne d’Angèle qu’on franchira demain, une armada de nuages sombres brandit la menace de la pluie. On se fait cueillir par l’averse en dépassant le Rocher des Fées, peu avant Sahune.

Tour des Baronnies Provençales

« Les Baronnies sous la pluie, c’est quand même pas de bol pour un tournage !« , plaisante Philippe, non sans une pointe d’amertume. C’est vrai qu’entre les buis brûlés, la lavande passée depuis belle lurette et la pluie, on a connu meilleures conditions pour filmer. Je mise néanmoins tout sur le retour annoncé du soleil dès demain tandis qu’on franchit l’Eygues la tête enfouie sous la capuche.

Sur ces hauteurs taillées en restanques, des forêts d’oliviers créent une ambiance agréable malgré la pluie.

Ici je suis en terrain connu : de nombreux aller-retours entre mon ancien domicile drômois et le Dévoluy m’ont très souvent conduit à traverser Sahune et les Gorges de Saint-May, au-delà. Dominé par le Rocher de Bramard, Sahune arbore également son vieux village, délaissé aujourd’hui pour le Sahune moderne que traverse la départementale 94 entre Nyons et Serres. Ici pousse une grosse partie des 125000 spécimens destinés à la récolte de la Tanche, la fameuse Olive de Nyons, bénéficiaire d’une AOP.

Tour des Baronnies Provençales

DE SAHUNE À VILLEPERDRIX

Villeperdrix, jusqu’alors, c’était pour moi un simple nom sur un panneau et un hameau invisible, perché au-dessus des Gorges de Saint-May. Le rejoindre à pied depuis Sahune est enfin l’occasion de mettre un visage dessus et de découvrir ces étages supérieurs de la vallée de l’Eygues, véritable terra incognita pour moi. Une aubaine donc, pluie ou pas pluie. Une trace ascendante constante nous fait rapidement prendre de la hauteur et atteindre la proximité des falaises naissantes.

En-dessous de nous, les dernières contorsions de l’Eygues s’extirpant des gorges de Saint-May apparaissent.

D’un geste, Philippe nous indique de décrocher à droite pour quitter le sentier et rejoindre le lit du Ruisseau du Grand Ubac, en contrebas. « Elle ne coulera pas aujourd’hui mais ici, fonction des conditions, vous avez une superbe cascade qui chute vers les gorges. » nous explique notre guide. Je veux bien le croire. Au débouché d’une étroite plateforme, le rocher se rompt à la verticale en ouvrant sur un large et spectaculaire amphithéâtre circulaire. Chute parfaitement interdite !

Le contournement par le sentier du Serre la Baye – ici les sommets s’appellent des Serres – nous met en vue de Villeperdrix. Partagé entre tourisme et agriculture, c’est une étape incontournable sur ce GR® de Pays du Tour des Baronnies Provençales. Pas uniquement pour le cachet de ses maisons anciennes et de ses venelles étroites, ni pour son emplacement dominant dans le cœur palpitant des Baronnies.

Déposé au pied de la Montagne d’Angèle dans un écrin d’oliviers, de lavandes et d’abricotiers, ce petit bourg accueillant a traversé les âges depuis l’époque romaine jusqu’à aujourd’hui.

L’autre temps fort à Villeperdrix, c’est aussi celui qu’on passe chez Adrien et Florent, au Gîte d’Angèle, où se perpétue la tradition d’accueil qu’on revendique ici. Et aussi de la bonne cuisine. Sur la table, ce sont les produits de la ferme ou issus de circuits courts et locaux. Le duo, chaleureux et pas fainéant, est engagé depuis le début dans l’agriculture biologique. Ici on sait ce qui est bon et on a le sens du partage. De quoi faire oublier une journée passée sous la pluie.

Tour des Baronnies Provençales

LA MONTAGNE D’ANGÈLE

C’est le plat de résistance de ce tournage sur le Tour des Baronnies Provençales. Le gros morceau où je pressens le crux de l’épisode. On n’a pas envie de manquer ce rendez-vous. Pour cette journée, on part en duo avec Olivier. On retrouvera Philippe plus tard, en passant à Léoux. Un coup d’œil par la fenêtre du gîte laisse entrer un courant de déception. Le soleil est en retard et les nuages s’attardent. La lumière espérée ne sera pas pour tout de suite.

Il vaut mieux se lever tôt pour s’attaquer à Angèle. L’étape est longue et il y a déjà plus de  800 mètres de dénivelé à s’avaler pour atteindre le Pas de l’Essartier.

En route pour le sommet. Ou presque. Car le sommet d’Angèle, empêtré dans un imbroglio, est interdit d’accès par son… propriétaire. Le/La marcheur/se est désormais persona non gratis suite à des déboires juridiques qui ont eu raison de la tolérance jusqu’alors accordée par cette personne, éleveur de son état. Le tracé du GR® de Pays oblique donc au Pas de l’Essartier, près de 370 mètres sous le sommet officiel. Rien qui ne gâte le plaisir d’être là-haut, rassurez-vous.

Tour des Baronnies Provençales

Pour y accéder, on s’acquitte d’une patiente remontée du vallon du Pibou, clos par le col de Chaudebonne dans un décor remarquable de strates calcifiées. Un vent réfrigérant y souffle sur des herbes jaunies par l’été mourant. Dans ce paysage d’ombres indécises, des tâches éparses de soleil commencent à éclairer les pentes du Serre de Créma. Angèle, lui, est toujours aux prises avec une bande de nuages retors. Ça bagarre là-haut et le vent s’est mis de la partie. À se demander si on pourra faire décoller le drone…

Angèle c’est le point culminant des Baronnies, aux confins nord-ouest de la boucle du GR® de Pays

Pour l’heure, notre attention se reporte sur le balisage, volatilisé au niveau du col de Chaudebonne. J’ai beau avoir la carte et la trace sous les yeux, rien sur le terrain ne permet d’identifier le départ du sentier. Je parie sur l’hypothèse d’un effacement volontaire en me rappelant la discorde et le conflit qui agitent le lieu de remous. La destruction de signalétique est un acte de vandalisme courant quand un différend oppose les randonneurs à une partie adverse.

L’assaut à Angèle est lancé après avoir retrouvé, non sans peine, le bon chemin. C’est une ascension patiente sur un versant massif tapissé de pois de buis. À cette époque, ce n’est plus qu’un grand pan incliné roussi par l’été sur lequel glisse le vent à bride abattue. Sur le moniteur de la caméra, Olivier est noyé dans l’immensité d’Angèle,  silhouette fragile derrière laquelle des colosses brumeux passent à toute vitesse jusqu’à aller cogner dans le mur de la Montagne de Miélandre, en arrière-plan.

Ici c’est de la vraie moyenne montagne où les accents méditerranéens sont priés de reculer

Angèle n’est peut-être pas une mer à boire mais se pose néanmoins comme une cliente à prendre au sérieux sur ce Tour des Baronnies Provençales. Des rafales tempétueuses nous cueillent au débouché du Pas de l’Essartier. Les buis s’arrêtent nets à l’approche des falaises qui dévalent en face est de la Montagne d’Angèle. C’est là qu’est le vrai spectacle et on le pressent bien en approchant prudemment du rebord.

Tour des Baronnies Provençales

La section entre le Pas de l’Essartier et celui du Roure est majeure en terme d’ambiances. L’énormité d’Angèle s’y dévoile sans fard. Brute de décoffrage. Un mélange décoiffant de lande d’altitude et de précipices à travers lequel se déroule la bobine du sentier. On s’y fait souffler comme de vulgaires fétus de paille à un point tel que même le stabilisateur n’arrive plus à faire le job. On filme cependant tout ce qu’on peut, sentant bien que ce sera l’un des gros temps forts de l’épisode.

La partie finale qui plonge sur le Roure est grandiose. Les falaises y remplissent subitement le paysage à la faveur d’un décroché du chemin.

La dimension de la Montagne d’Angèle explose ici au regard éberlué du marcheur. C’est à cet instant, plus qu’à n’importe quel autre, qu’on prend conscience de son statut de point culminant. Elle s’impose par l’altitude mais aussi par l’attitude. Angèle, ici dans les Baronnies, c’est le boss, le patron. C’est un sommet qui se respecte et qui s’aborde avec l’humilité due à sa stature. On y passe bien plus de temps que prévu pour nos images : difficile de s’arracher à si beau spectacle !

Tour des Baronnies Provençales

LES VAUTOURS

Si le décor naturel vaut déjà largement le détour, le show est complété par le numéro aérien d’hôtes incontournables sur ce Tour des Baronnies Provençales : les vautours. Fauves essentiellement. Impossible de manquer leur ballet et leurs silhouettes imposantes qui défient les courants et les rafales. Un géant des airs qui, à l’instar du Verdon, confère une identité supplémentaire au massif.

Le vautour fauve : un planeur vivant de près de 2,70 mètres d’envergure pour les plus grands d’entre eux.

Christian Tessier, un passionné de la première heure, l’a bien compris dès les années 1990 en rejoignant les pionniers de la réintroduction des vautours ici et en créant l’association Vautours en Baronnies. « Ce sont des oiseaux planeurs. Leurs déplacements et leur activité est inévitablement associée aux conditions aérologiques. », nous explique-t-il. « On sait, grâce aux balises GPS, qu’ils sont capables de faire jusqu’à 500 kilomètres par jour. » Rien d’exceptionnel donc à retrouver nos vautours des Baronnies dans les Alpes !

Tour des Baronnies Provençales

« Les Baronnies, c’est la plus importante colonie de vautours fauves des Alpes. », poursuit-il tout en jumelant la falaise. « On a compté 237 couples cette année, soit environ 160 jeunes à l’envol. Il y a un brassage génétique très fort avec les vautours pyrénéens mais aussi avec l’Italie et même la Croatie. » Christian démystifie également les bruits de couloir sur des vautours soit-disant agressifs envers des randonneurs.

Apprendre à mieux connaître le vautour pour mieux le protéger, c’est ce que propose ce passionné grâce à des observations encadrées

« On n’a jamais vu de vautour s’attaquer à des humains. C’est davantage à l’homme de faire attention et de veiller à ne pas déranger le vautour en s’approchant trop près des falaises. Ça peut conduire à un envol prématuré des jeunes ou déranger un individu pendant l’incubation. » Charognard émérite, le vautour contribue à l’équarrissage naturel d’un milieu. Son appareil digestif remarquable, véritable cul-de-sac épidémiologique, permet également la mise à l’arrêt des chaînes de contamination. Plutôt utile, non ?

RÉMUZAT & LE ROCHER DU CAIRE

Posé à la confluence de l’Oule et de l’Eygues, Rémuzat est une ville-étape obligatoire sur le GR® de Pays Tour des Baronnies. C’est le terme – où le début – d’une longue étape depuis – ou vers – Villeperdrix. Ralentis par la réalisation du film, on ne fera pas à pied la portion entre le col de Pensier et Rémuzat. Philippe, qu’on a retrouvé à Léoux, nous y conduits directement.

À mes yeux, Rémuzat est définitivement associé au Rocher du Caire, cette proue immense qui fend le paysage au-dessus des Gorges de Saint-May.

Ça pourrait être une variante du tracé originel de ce Tour des Baronnies Provençales et c’est en tout cas l’endroit que j’ai choisi comme spot de fin de l’épisode. Pour les randonneurs/ses, il y a un passage génial, câblé, équipé et balisé du jaune des PR®, qui y donne accès. La contrainte de la montre ne nous permet malheureusement pas de l’emprunter. C’est donc en voiture, via le magnifique village perché de Saint-May et la très belle route du ravin des Aumas, que nous l’abordons.

C’est l’itinéraire emprunté par l’écrasante majorité des visiteurs qui veulent apercevoir les vautours à moindre effort. Si vous voulez en voir – et de près – c’est ici. Posés et nichés dans les replis des falaises, les immenses rapaces vont et viennent entre le sommet du Rocher, la Montagne des Gravières, à l’est de Rémuzat, et la Tête du Mouret, au sud-est. Un spectacle qui vaut le détour, tout comme la vue sur le village et la grande plaine de la Motte-Chalançon.

Le Rocher du Caire c’est incontestablement le spot à vautours des Baronnies

De là-haut on peut lire la suite du parcours du GR® de Pays et admirer la fin de la section la plus encaissée des Gorges de Saint-May. Au-delà, l’Eygues se remonte jusqu’à sa source, dans une partie encore moins connue des Baronnies, quelque part entre Tréscléoux et Orpierre. Si notre reportage ne va pas plus loin que Rémuzat, le tournage n’est pas fini pour autant. Il faut maintenant revenir en arrière pour mettre en boîte les premières séquences.

Tour des Baronnies Provençales

BRANTES, LE MONT VENTOUX & LA NIBLE

Au matin du troisième jour, un ciel clair semble vouloir indiquer que le pari qu’on avait fait en arrivant, deux jours plus tôt, était le bon. Philippe nous a donné rendez-vous à 6h du matin pour un peu de route jusque sur les hauteurs de Brantes, joli village lové au pied de la face nord du Ventoux, dans le Vaucluse. Démarrer le reportage avec des images du Ventoux était, pour moi, une évidence. C’est un paysage instantanément fort.

Le Géant de Provence est un repère marquant dans le paysage. Sa présence dans le reportage est, à mes yeux, une évidence

Son nom et sa silhouette font immédiatement naître un sentiment intense dans l’esprit du public. Pour le reportage, on a la chance de voir le soleil se lever sur les raides pentes de son versant nord où sont tracés, invisibles d’ici, les itinéraires des GR®4 et 9. Une aubaine. Depuis Brantes, le GR® de Pays franchit le Trou du Pertus puis, de col en col, amorce une longue ascension vers la Nible, sommet emblématique du paysage buxois.

Tour des Baronnies Provençales

Une ascension qu’on ne fera pas car le timing est trop serré. Philippe la remplace par une montée en rythme depuis la Fontaine des Marins jusqu’à la jonction avec le tracé du GR® de Pays, sous le sommet ouest de la Nible. Du temps de gagné pour tourner la séquence d’introduction entre Philippe et Olivier sur une belle vire ouvrant sur cette partie des Baronnies. « Les Baronnies, c’est un relief accidenté. Un massif pré-alpin de moyenne montagne. », détaille-t-il à la caméra.

Dernière interview avec Philippe sous les contreforts de la Nible avec, déjà en tête, le prochain objectif : le Rocher Saint-Julien

« Les vallées y sont basses et ça crée du dénivelé sur chaque étape. L’aridité et le manque d’eau font que ce GR® de Pays est assez difficile. Il s’adresse à des randonneurs/ses qui ont un peu l’habitude de marcher en région méditerranéenne. » On dit au revoir à Philippe après cette séquence, non sans l’avoir remercié pour sa totale disponibilité et son investissement tout au long de ces trois jours. On plonge ensuite avec Olivier vers les Rochers de Sabouillon et, surtout, un autre temps fort très attendu : le Rocher Saint-Julien.

Tour des Baronnies Provençales

LE ROCHER SAINT-JULIEN

Par sa présence et sa silhouette unique, le Saint-Julien est un élément de décor marquant sur ce GR® de Pays Tour des Baronnies Provençales. Y ayant déjà fait des images pour Carnets de Rando, j’en connais le potentiel et je tiens à l’exploiter dans de bonnes conditions. Raison pour laquelle j’avais remisé le tournage de cette séquence à un jour de soleil.

Le Saint-Julien ? Un symbole et une fierté locale depuis Buis-les-Baronnies qu’il domine

En arrivant depuis la Nible, le Saint-Julien n’est encore qu’un intriguant mur rocheux émergeant au-dessus de la ligne des arbres. Désireux de ménager l’effet de surprise, j’entraîne Olivier vers un passage un peu secret qui permet, grâce à une astucieuse cheminée inclinée et étagée, d’en approcher le sommet. Un moment hors-sentier, un peu plus aventureux, pour aller goûter au plaisir de dominer son monde depuis le haut du Rocher.

À la sortie de la cheminée, un chemin joueur s’entortille autour de la crête pour chercher le passage jusqu’à une plate-forme terminale où le véritable vertige du Saint-Julien attend le randonneur curieux. Impossible d’aller plus loin que ce bout de rocher au-delà duquel l’horizon se rompt en ravins verticaux.  Et si on pouvait provisoirement s’incarner en vautour, la vraie nature du Rocher Saint-Julien s’imposerait à notre regard. C’est le drone d’Olivier qui la révèle à nous autres, bipèdes impuissants.

La randonnée n’a ici plus cours, remplacée par l’univers de la grimpe et d’une des plus longues via ferrata d’Europe

En plongeant vers Buis, la formation s’effile et gagne en proportions. Vers l’ouest c’est carrément une formidable échine de calcaire tithonique qui s’arc-boute dans le paysage, offrant un incroyable spectacle géologique. Étiré en-dessous, Buis-les-Baronnies dévoile le cercle parfait de sa vieille ville. Impressionnant Rocher Saint-Julien qui ravira les amateurs de terrain d’aventure. Et qui nous gratifie, au passage, d’images qu’on devine déjà magnifiques.

Tour des Baronnies Provençales

BUIS-LES-BARONNIES

L’heure de quitter les Baronnies est proche. Il ne nous reste plus que les séquences dans Buis à réaliser. Incontournable. Buis c’est la capitale ici. Le point de départ et d’arrivée. La zone de transit. On y flâne dans des ruelles pleines de charme jusqu’aux arcades ombragées de la très colorée Place du Marché. On y goûte au calme du Cloître des Dominicains ou d’un parcours botanique ouvert sur une place discrète. Buis a toujours occupé une place centrale dans les Baronnies. C’était déjà la capitale des Mévouillon au 13ème siècle, l’une des – si ce n’est la – plus influentes seigneuries du territoire.

Buis-les-Baronnies est une ville rythmée et activement tournée vers les sports de nature

Les grimpeurs/ses seront aux anges ici. Nous qui aimons également tâter le rocher, on a découvert que les Baronnies c’était déjà une Mecque bien connue des aficionados de l’escalade. La falaise, dans le coin, c’est une religion. Ce n’est pas pour rien que le GR® de Pays passe également par Orpierre. Connues internationalement dans le milieu de l’escalade sportive, les Baronnies espèrent aujourd’hui séduire également les randonneurs. Nul doute que ce GR® de Pays Tour des Baronnies Provençales s’inscrira prochainement comme un outsider reconnu dans les rangs des amoureux d’itinérance.

LOCALISATION & ACCÈS

Les Baronnies Provençales – l’adjectif est important – constituent un massif pré-alpin sous influence méditerranéenne et montagneuse. Elles s’appuient, au sud, sur une ligne de reliefs formée, d’ouest en est, par le Mont Ventoux, les Monts du Vaucluse et la Montagne de Lure. Elles s’encadrent, d’un côté, par la vallée du Rhône et, de l’autre, par celles du Buëch et de la Durance. C’est un territoire vallonné, parfois accidenté, extrêmement travaillé par les plissements alpins comme pyrénéens et qui culmine à plus de 1600 mètres à la Montagne d’Angèle. C’est un environnement qui peut se révéler aride, malgré la présence de gorges et d’eau, et où s’affrontent en permanence le climat sec de la Provence et celui, plus froid, des Alpes tout proche.

La base d’entrée entendue des Baronnies, c’est Buis-les-Baronnies, dans la Drôme, mais un accès par le Buëch, via la commune de Serres est également possible. Le portail de Buis sera plus logique pour les personnes arrivant depuis l’ouest des Baronnies. Serres et le Buëch s’adresseront davantage à celles venant depuis l’est et les Hautes-Alpes. Par sa taille et ses infrastructures, Buis demeure cependant le choix le plus logique pour s’engager sur le GR® de Pays Tour des Baronnies Provençales. En voiture, on y accède par l’A7, sortie Orange, puis direction Vaison-la-Romaine et, depuis Vaison, suivre Buis-les-Baronnies. En train il faudra aller jusqu’à Montélimar puis organiser son voyage avec deux bus : un trajet Montélimar-Nyons par la ligne 36 puis un Nyons-Buis-les-Baronnies par la ligne 39.

Tour des Baronnies Provençales

OÙ TROUVER LE TOPO DU TOUR DES BARONNIES PROVENÇALES ?

Easy ! Le Tour des Baronnies Provençales fait l’objet d’un topo-guide édité par la FFRandonnée. Attention ne le cherchez cependant pas dans la collection « rouge » habituelle des GR® : y’a un piège ! La description de son itinéraire est, en fait, incluse dans le topo « Le Parc Naturel Régional des Baronnies Provençales… à pied® » qui est, lui, dans la collection « jaune » dédiée au PR®. Vous le trouverez en ligne sur le site boutique de la FFRandonnée au tarif de 14,90 euros.

SAISONNALITÉ

La question de la saison doit être posée quand on part dans l’idée de boucler ce Tour des Baronnies Provençales. On l’a vu, mais insistons dessus, on est ici dans un climat sec, tendance aride, très méditerranéen. En plein été, c’est vraiment chaud sur les chemins. Pas insurmontable pour celles et ceux qui sont familier(e)s de la chaleur du sud de la France mais pas forcément agréable non plus. C’est loin d’être la meilleure période pour se balader ici. De l’aveu même de Philippe, qui y habite, sa période favorite, c’est l’hiver pour, je le cite, « son ciel d’azur, ses contrastes et sa température. » Là, on parle de confort.

Par ordre de préférence, le printemps arrive en tête de la meilleure saison pour pratiquer les Baronnies, suivi de l’automne, de l’hiver et de l’été

J’habite moi-même en Provence et je confirme que l’hiver peut être une période bénie pour randonner ici. Après, visuellement, c’est moins riche. Et les hébergements ne fonctionnent pas forcément tous. Ça peut vite être un problème. Aussi, coupons la poire en deux et évoquons l’intersaison. Si le printemps et l’automne sont tous les deux favorables quant à la question de la température, c’est le printemps qui remporte mon adhésion du fait des couleurs qui reviennent dans le paysage. Du bonheur à tartiner. Le petit plus, c’est précisons-le, la lavande début juillet. Nous on l’a manquée pour des questions d’agenda liées au covid. Et on le regrette amèrement.

IL EST DUR CE GR® ? EST-CE QUE JE PEUX LE FAIRE ?

Le Tour des Baronnies Provençales c’est un GR® que je qualifierais de niveau intermédiaire. Ça ne devra pas être un premier choix pour découvrir la moyenne montagne. Si vous êtes à la recherche d’un trek pour vous lancer dans l’itinérance, regardez plutôt du côté de ces cinq-là. Pourquoi je ne recommande pas les Baronnies comme premier trek ? Je m’explique.

1 – La difficulté liée à la chaleur

La chaleur. Encore elle. Décidément. Mais c’est une donnée capitale. Elle fait corps avec le territoire. Ce n’est pas non plus le GR®20 mais il y a quand même une gestion du chaud à faire qui peut s’y apparenter ainsi que je l’expliquais, pour la Corse, dans cet article. Être accoutumé(e) à l’effort par temps (très) chaud, savoir organiser ses journées et ses étapes en fonction, savoir s’hydrater et gérer son eau... Autant d’éléments décisifs pour apprécier une expérience dans ce type d’environnement qui pourraient échapper à des débutant(e)s ne les maîtrisant pas encore bien.

2 – La nature du terrain

Ne vous fiez pas à l’altitude maximale – environ 1600 mètres. Dans les Baronnies, les vallées sont basses et on fait vite du dénivelé. Ce serait dommageable de sous-estimer la difficulté que peut opposer le terrain au marcheur. Le Tour des Baronnies Provençales réclame un vrai effort que la chaleur, évoquée au point précédent, pourra rendre d’autant plus exigeant. Savoir gérer un dénivelé réel – et parfois cassant dans sa répétition – est absolument nécessaire pour ne pas finir sec dès les premières étapes.

Tour des Baronnies Provençales

À QUI ÇA S’ADRESSE ALORS CE TOUR DES BARONNIES PROVENÇALES  ?

Ce Tour des Baronnies Provençales, on l’a vu dans la saison écoulée de Mon GR® Préféré, ça a un peu été l’outsider. Celui qui est venu inquiéter des poids-lourds comme le Tour du Queyras ou la machine de guerre de l’Hérault, les deux qui jouaient la gagne. Un signe fort qui, à mes yeux, répond à la question du « à qui ça s’adresse? ».

Les atouts de ce parcours, ses paysages et ses ambiances, n’ont pas échappé au jury de professionnels de Mon GR® Préféré qui lui ont décerné leur Coup de Cœur

Au-delà des arguments, évoqués précédemment, liés à l’expérience physique et technique de la pratique de l’itinérance, il y a aussi celui du regard et de la capacité du randonneur à se détacher du côté purement spectaculaire d’un itinéraire pour parvenir à s’émerveiller d’environnements qu’il aurait pu, à tort, juger mineurs.

Si ce Tour des Baronnies Provençales n’est pas un premier choix évident c’est aussi, probablement, parce que son terrain pourrait prêter à penser, à qui brigue la claque visuelle, que plusieurs jours à l’arpenter induiraient une forme de répétition et, par extension, d’ennui. On l’a vu dans l’article, les spots visuels y existent pourtant bel et bien.

On m’y opposera que les Gorges de Saint-May ne sont néanmoins pas les Gorges du Verdon, que le Saint-Julien n’est pas non plus le Mont Aiguille et que la Montagne d’Angèle n’est absolument pas les Aiguilles Rouges. Certes. Mais pour le/la randonneur/se un peu briscard, qui a déjà pas mal d’aventures à son actif, et qui est à la recherche de nouveaux terrains de jeu, au charme plus confidentiel, les Baronnies sont de très sérieuses candidates.

Les vieux loups de mer seront donc, peut-être, plus à même de savourer ces Baronnies que les louveteaux. Que ce soit au nez ou en bouche, ce territoire expose une subtilité d’arômes dont une déjà bonne expérience de la marche itinérante en moyenne montagne favorisera l’explosion des saveurs. Et, pour la finale, j’ajouterais que ce trek s’adresse également à celles et ceux pour qui le contact humain, la rencontre avec les gens qui font ces Baronnies, est importante.

Les Baronnies, ici, sont un peu comme le vin qu’on n’apprend à déguster et à apprécier que sur le tard

De Buis-les-Baronnies à Rémuzat, on a été surpris et enchantés par l’accueil fait par les locaux au visiteur. Et ne me venez pas dire que c’est un accueil intéressé. Non, ce n’est pas que ça. Les gens des Baronnies portent ce territoire dans leurs cœurs. Ils le vivent passionnément. Et ça se ressent dans le discours et dans l’énergie dépensée à rendre votre expérience la plus agréable possible. Un argument plus que solide dans l’orientation du choix de cet itinéraire.

Tour des Baronnies Provençales

TOUR DES BARONNIES PROVENÇALES : CE QUE J’EN AI PENSÉ, EN RÉSUMÉ

Cette sélection du Tour des Baronnies Provençales dans la saison 4 de Mon GR® Préféré, elle est un peu venue de moi. Pour la deuxième année consécutive, on s’est heurté à un mur pour caler un tournage dans les Calanques et il a fallu leur trouver un remplaçant au pied-levé. J’ai donc suggéré soit le secteur du Ventoux, soit les Baronnies et ce sont ces dernières qui ont été retenues par la FFRandonnée. Il a ensuite fallu décider où situer les 4 jours qui seraient mis en image.

J’ai opté pour la Drôme car, après une première expérience au Saint-Julien et une bonne connaissance du potentiel du secteur des Gorges de Saint-May, mon instinct m’a fait dire que le décor de cet épisode devait être ici, entre Buis-les-Baronnies et Rémuzat. J’ai calé le départ depuis Brantes en bonus, pour ajouter le nom et le sommet du Ventoux à l’ensemble. Bref, j’étais ultra motivé à explorer plus en profondeur ce coin que je connaissais déjà un petit peu.

Le terrain a confirmé mes expectations. C’est vraiment une région à connaître si vous pensez avoir fait le tour des Alpes et des Préalpes. Sa confidentialité, tant géographique que notoire, fait qu’on pourrait passer à côté sans la voir, sans même se douter de son existence. À croire que, depuis tout ce temps, les Baronnies n’ont jamais vraiment cherché à être connues du grand public ! C’est parfois encore l’impression que ça donne.

Comme un coin à champignons qu’on ne révèle qu’à la famille ou à une poignée d’amis triés sur le volet, les Baronnies ont longtemps choisi la discrétion

La communication officielle reste extrêmement discrète. Même le département de la Drôme ne donne pas la sensation de forcer pour en parler, en comparaison de l’énergie et des moyens dépensés pour, a contrario, communiquer sur sa Drôme Provençale couleur lavande. Je constate un certain déséquilibre qui contribue à cantonner les Baronnies dans un certain anonymat chez les marcheur/ses à l’échelle nationale.

Tour des Baronnies Provençales

Je me fais donc l’avocat des Baronnies auprès des randonneurs/ses en espérant, grâce à cet article sur les coulisses du tournage de Mon GR® Préféré, avoir déclenché une étincelle de curiosité à l’égard de ce GR® de Pays et, plus généralement, du massif et du territoire. Ces deux jours et demi m’ont sérieusement motivé à revenir compléter ce tournage avec des reportages distincts consacrés à des PR® plus ciblés pour Carnets de Rando.

J’ai conscience d’avoir seulement soulevé quelques pages alors qu’il reste tout un livre à lire

Les possibilités de randonnée restent encore nombreuses : au-delà de Rémuzat, vers la Montagne de l’Aup, le Buëch, la Montagne de Chabre puis celle de la Clavière. Voir Rosans, Orpierre et la vallée de l’Ouvèze. Les Baronnies Provençales, c’est un pays sans artifice, sincère avec le marcheur. Sa nature, ses hommes, ses sommets m’ont séduit. C’est un petit bout de territoire avec lequel il faudra apprendre à compter quand on cessera de nous rabatre les oreilles avec, sempiternellement, les mêmes GR® chaque année ! Alors faites comme moi, misez sur les Baronnies !

TOUR DES BARONNIES PROVENÇALES : PROPOSITION D’ITINÉRAIRE & D’HÉBERGEMENTS

Les dénivelés sont donnés à titre indicatif et peuvent varier légèrement sur le terrain.

ÉTAPE 1 : Buis-les-Baronnies – Les Girards (10 km|3h15|+780m)

Dans ce tout petit hameau qui dépend de la commune de Plaisians, on dort au Gîte de l’Érable qui propose une formule à 20 euros la nuitée uniquement pour les randonneurs/ses. Une première nuit face au Mont Ventoux, dans une ancienne ferme du 18ème siècle restaurée : y’a décidément pire ! Infos et réservation : 04.75.28.10.40 ou 06.69.61.43.39

ÉTAPE 2 : Les Girards – Vergol (16 km|5h25|+685m)

Dans cette ferme restaurée baptisée Gîte de Vergol, Éric et Marie vous accueillent et vous proposent un hébergement de 18 places (2 chambres de 2 et de 4 lits, 2 dortoirs de 5 et de 7 lits) disposant de 3 blocs sanitaires. Également à disposition : une salle à manger avec cheminée et cuisine équipée, une grande terrasse couverte. Nuitée seule : 20 euros. Petit-déjeuner : 6 euros. Demi-Pension : 39 euros ou 47 euros avec le pique-nique fourni pour le lendemain. Infos et réservation : 04.75.28.83.71 ou mail : gitedevergol@orange.fr

ÉTAPE 3 : Vergol – Saint-Auban-sur-l’Ouvèze (11,5 km|5h30|+650m)

Raphaèle et Cédric tiennent le Gîte de la Fontaine d’En Haut, un hébergement de 12 places avec deux dortoirs (7 et 5 lits). La demi-pension est proposée à 42 euros/personne et comprend le repas du soir, la nuit et le petit-déjeuner. Possibilité de panier pique-nique à 6,50 euros. Infos et réservations : 06.37.51.74.41 ou par mail : gitesaintauban@gmail.com

Autre lieu, autre ambiance, autre tarif : la Clavelière est un hôtel de charme, tout en vieilles pierres (la demeure à près de 200 ans !) et en odeurs de lavande. 5 chambres (à partir de 60 euros sans petit-déjeuner ou de 112 euros en demi-pension) et une suite familiale, uniquement en demi-pension (à partir de 150 euros, base de deux personnes). Infos et réservations : 04.75.28.61.07 ou par mail : la.claveliere@orange.fr

ÉTAPE 4 : Saint-Auban-sur-l’Ouvèze – Laborel (20,5 km|6h45|+750m)

La section problématique de ce Tour des Baronnies Provençales. Aucun hébergement n’a été ouvert entre Saint-Auban-sur-l’Ouvèze et Orpierre. Le topo n’a rien de mieux à proposer qu’un hébergement hors-GR® à 1h10 supplémentaire de marche ! Un comble quand tu viens déjà de marcher 6h45 ! Il évoque aussi un bus ? Mais je n’ai rien trouvé qui confirme l’existence de ce-dit bus. La seule option serait de s’arranger pour que Joanne et/ou Yannick Beauget, de la Ferme-Auberge du Bonheur, à Villebois-les-Pins (4,5 km de Laborel) viennent vous récupérer pour dormir chez eux, dans leur ferme bio où ils ont ouvert un gîte de 8 personnes (50 euros la nuit de 1 à 4 personnes). Contact : 04.92.66.23.89

ÉTAPE 5 : Laborel – Orpierre (19,5 km|6h05|+800m)

À Orpierre, on peut dormir au Gîte des Drailles qui propose la nuitée en gîte d’étape à 15 euros. Deux autres gîtes également disponibles à 18 et 19 euros la nuit ou encore à la chambre d’hôtes pour 20 à 30 euros. Formule possible en demi-pension à partir de 41 euros avec un menu à base de produits locaux. Pique-nique possible (10 euros). Infos et réservations : 04.92.66.31.20 ou 06.79.36.61.23 ou encore par mail : lesdrailles@gmail.com

ÉTAPE 6 : Orpierre – Trescléoux (12,5 km|4h30|+660m)

Il ne faudra pas aller jusqu’à Trescléoux pour faire halte chez Éric et Sylvie, au Gîte du Mont-Garde, au pied du sommet éponyme. Un gîte confortable (jusqu’à 42 places !) et convivial qui a décroché la marque Valeurs Parc Naturel Régional des Baronnies Provençales. On y dort et on y mange pour 22 euros (petit-déjeuner inclus) ou 39 euros en demi-pension. Le pique-nique est à 8,50 euros. Infos et réservations : 04.92.66.25.72 ou par mail : info@gitemontgarde-buech-baronnies.com

Autre possibilité sur Trescléoux : la chambre d’hôtes La Clé de Sol. Nuitée (avec petit-déjeuner inclus) à 70 euros pour 1 personne ou 75 euros pour deux personnes. La table d’hôtes est à 20 euros. Contact : 06.28.74.56.06 ou 04.92.66.39.94

ÉTAPE 7 : Trescléoux – Serres (12,5 km|5h30|+900m)

Sur Serres, pour dormir, il y a l’Hôtel Fifi Moulin, un *** étoiles dans un bâtiment de 1820. C’est l’hôtel le plus ancien du département, aujourd’hui tenu par Gilles et Muriel Galland qui vous accueillent dans l’une de leurs dix chambres, dont deux suites familiales. Nuit à partir de 70 euros pour une personne. Petit-déjeuner : 9 euros. Infos et réservations : 04.92.67.00.01 ou par mail : hotel.fifi.moulin@orange.fr

Sur Serres également, le Soustet des Auches, une chambre d’hôte bâti dans une demeure du 15ème siècle (dont la porte d’entrée est classée aux Monuments Historiques !). On y dort à partir de 65 euros (base 1 personne) et on y mange à partir de 23 euros (sans alcool). Infos et réservation : 06.14.86.18.66 ou au 04.92.51.31.63 ou par mail : saoudibornia@yahoo.fr

Tour des Baronnies Provençales

ÉTAPE 8 : Serres – La Montagne (11 km|4h|+615m)

Bernard, Catherine et Lila vous reçoivent à leur Ferme de la Montagne dans un havre de nature où ils s’adonnent à leur passion : l’élevage de chèvres angoras et cachemire. Le cadre et la bâtisse donnent envie de s’attarder plus qu’une soirée. Ça tombe bien : il y a deux gîtes à louer à la semaine ! Pour la nuit, ce sera en formule chambre et table d’hôtes, avec la nuit à partir de 70 euros (pour 1 personne) et le repas à la table paysanne pour 25 euros (vin & apéritif compris). Infos et réservation : 04.92.67.12.06 ou mail : contact@lafermedelamontagne.com

ÉTAPE 9 : La Montagne – Pra Boyer (11 km|3h10|+550m)

Étape au Gîte de Pra Boyer, une chambre d’hôtes et un gîte de groupe aménagés dans une ancienne bâtisse du 17ème, isolée et en pleine nature. Nuitée avec petit-déjeûner à 26 euros ou demi-pension adulte pour 48 euros. Pique-nique : 10 euros. Infos et réservation : 04.92.66.03.37 ou par mail : claire.girard@gitedepraboyer.com

ÉTAPE 10 : Pra Boyer – Rosans (16,5 km|5h25|+570m)

Le randonneur est attendu soit au Camping des Rosières, avec une formule en chalet et en demi-pension, le tout emballé pour 45 euros (infos et réservation : 04.92.65.35.17) soit un kilomètre au nord, avant le village et sur le GR®, au gîte du Lastic, pourvu de 19 places pour 11 euros la nuitée en dortoir (infos et réservation : Olivier Collomb au 04.92.66.61.43 ou par mail : ocollomp.adsea.cat@tiscali.fr)

ÉTAPE 11 : Rosans – Rémuzat (19 km|5h40|+620m)

Le gîte d’étape de Rémuzat s’appelle Les Curebiasses et se trouve dans une maison de notable de la fin du 17ème siècle. À l’intérieur on trouve 8 chambres pouvant accueillir 15 à 20 personnes. La nuitée est proposée à 20 euros. Infos et réservations : 04.75.27.84.89 ou 06.27.45.54.84.

ÉTAPE 12 : Rémuzat – Villeperdrix (17 km|7h10|+1025m)

Pas d’hésitation ici, c’est au Gîte d’Angèle qu’on fait halte. Testé et approuvé à 200%. Je retourne chez Adrien et Florent les yeux fermés, dans ce charmant village qu’est Villeperdrix. Une adresse incontournable et une cuisine aux petits oignons. Un moment de pause et de partage mémorable. Allez-y de ma part ! 4 chambres et 3 dortoirs sont à dispo. La nuitée est à partir de 23 euros et la demi-pension de 46 euros. Le pique-nique du lendemain est à 7 euros. Infos et réservation : 06.72.81.48.82 ou 06.01.27.28.36

ÉTAPE 13 : Villeperdrix – Sainte-Jalle (21 km|8h|+900m)

Régine et Fabien ont ouvert le Gîte de la Condamine dans leur exploitation agricole biologique où il est possible de faire le plein de bons produits avant de repartir ! Le gîte totalise 22 places réparties dans pas moins de 8 chambres. La nuitée est proposée à 18 euros, cadeau. Pas de restauration cependant : Sainte-Jalle est à 500m pour manger. Infos et réservation : 04.75.27. 30.77 ou 06.07.27.60.21 ou par mail : fabien.begnis@orange.fr

ÉTAPE 14 : Sainte-Jalle – Buis-les-Baronnies (17km|5h|+520m)

Pas mal de possibilités d’hébergements sur Buis-les-Baronnies. Moi je vous recommande de dormir, comme nous, au Gîte Le Soustet, parce que c’est logeable, c’est super bien tenu et c’est pas cher ! 20 euros la nuit par personne et une cuisine à disposition pour celles et ceux qui ne veulent pas se faire un restaurant sur Buis. On réserve en avance par téléphone au 09.81.06.52.43

N’hésitez pas à faire part de vos remarques, de vos expériences et de toute autre information utile à la mise à jour de cet article sur le Tour des Baronnies Provençales !

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En route pour la vallée de la Bresle, à la frontière de la Normandie et des Hauts-de-France, au pays des maîtres verriers. Un territoire, deux ambiances : d’un côté les étangs et la nature du fleuve côtier, de l’autre les frondaisons de hêtres de l’immense Forêt d’Eu. Une découverte à deux niveaux qu’on a choisi de faire depuis la commune de Blangy-sur-Bresle. Le point de départ carrément central d’une longue randonnée forestière de 17 kilomètres. Une météo capricieuse a cependant joué les invités surprises, nous forçant à revoir notre copie à la dernière seconde. Moins de forêt au final, mais tout autant de découvertes comme vous pourrez le voir dans ce nouveau reportage normand qui vous donnera, je l’espère, les clés pour réussir votre passage dans la Bresle et en Forêt d’Eu.

Difficulté : facile à difficile | Distance : 3,5 à 18 km| Dénivelé : 45 à 250m| Durée : 1h à 6h15 | Carte : IGN TOP 25 1/25000è 2108OT – Forêt d’Eu / Blangy-sur-Bresles / Gamaches

Ce matin-là, Blangy s’est réveillé sous la pluie. Un regard entendu avec Olivier acte la décision de laisser le drone à l’abri pour la journée. Si randonner en se mouillant reste toujours envisageable, exposer de manière prolongée le matériel à l’humidité est risqué. C’est bien connu : eau et technologie ne font pas vraiment bon ménage. Les mains en coupe autour d’une tasse de café bien chaude, on cause stratégie dès le petit-déjeuner. Voilà typiquement le genre de journée où il va falloir savoir s’adapter.

Pas de bol avec la météo. L’accueillante vallée de la Bresle ne se dévoilera ce jour-là que sous la pluie.

C’est pas mal frustrant d’être privé du soleil sur cette étape. De tous les fleuves côtiers de Seine-Maritime, c’est celui qui paraît le plus riche d’Histoire de par son statut ancestral de frontière naturelle. De l’autre côté du cours d’eau, face à Blangy, le clocher de Bettencourt a déjà les deux pieds dans la Somme voisine. Ici la Normandie abdique, cédant la place aux Hauts-de-France. Et puis la Bresle, vue du ciel, avec ses quelques 70 kilomètres de long, sa largeur remarquable, sa succession d’étangs piquetés à son cours, porte en elle la promesse d’une belle rencontre avec la Nature. Alors, pour sûr, la contempler sous un rideau de bruine fait s’inviter la déception à l’humeur du jour.

Stessy, agente d’accueil à l’Office de Tourisme Aumale Blangy, dissimule la sienne derrière un beau sourire de bienvenue. On lui a donné rendez-vous au Manoir de Fontaine, point de départ officiel du circuit de Gérente, objectif du jour désigné de notre feuille de route. Un endroit clé, ici, en vallée de la Bresle. Architecturalement, c’est d’entrée de jeu une réussite. Un bel ensemble en briquettes rouges, contenu autour d’une vaste cour intérieure et rehaussé d’une élégante poivrière au toit ardoise, qui se dresse entre deux méandres de la Bresle. Un peu plus de 400 ans plus tôt, le roi de France Henri IV en faisait son quartier général pendant sa campagne contre Rouen.

Incontournable Manoir de Fontaine ici, à Blangy. Un rayonnement culturel local et la vitrine du poumon économique de toute la vallée : l’industrie du verre et du flacon de luxe.

C’est aujourd’hui un pôle culturel de premier ordre avec pas moins de huit musées – parmi lesquels le maquettisme, l’archéologie, la géologie ou encore la musique – dont le plus emblématique demeure celui de la Verrerie, un savoir-faire historique qui porte la renommée de la Bresle jusqu’à l’international. Pas moins de 400m² d’exposition sont dédiés aux maîtres-verriers de Blangy et à la saga du verre pour raconter comment le Made In Blangy est devenu la référence absolue dans l’industrie du flaconnage de luxe. Une épopée digne d’un épisode de Capital, mais en beaucoup mieux !

Forêt d'Eu

On cède facilement aux sirènes de la curiosité. Et puis autant rester à l’abri et laisser passer la pluie. Et aussi comment résister à la belle énergie de Claire, guide au Musée de la Verrerie, dont les mots et les explications font revivre chacun des objets et des mannequins composant la scénographie en clair-obscur du lieu. D’aucun pourraient être surpris de la success-story, ici, de ce petit village normand, dans ce qu’on nomme, dans les milieux autorisés, la Glass Vallée. L’essor de la verrerie y trouve pourtant un sens avec la proximité de la Forêt d’Eu qui, depuis le 15ème siècle, fournit le bois nécessaire aux fours tandis que la fougère, réduite en cendres, donne la potasse, indispensable à la fusion du sable dans le processus de création du verre.

Je m’attendais à une petite exposition sympathique sur un métier d’hier un peu folklorique : je me retrouve dans le Graal parfaitement moderne et économiquement solide de la verrerie de haute volée du 21ème siècle !

Claire enfonce le clou en nous promenant parmi les présentoirs en verre derrière la protection desquels rutilent des flacons estampillés aux plus grands noms de la parfumerie. « C’est plus de 70% de la production mondiale de flacons de luxe qui sort des ateliers de la vallée.« , nous explique-t-elle. « Des entreprises comme Guerlain, Chanel ou Dior sont des clients historiques de ce savoir-faire unique. » Je suis littéralement sidéré ! Ils ne sont plus que six verriers ici, certes, mais restent entourés d’une pépinière de 65 entreprises regroupant plus de 7000 salariés spécialisés. De quoi largement être fier !

Forcément l’intrusion du covid – vous m’excuserez je n’arrive pas à prononcer/écrire ce mot au féminin comme des sages ont manifestement décidé de demander de le faire – dans le quotidien a pas mal bouleversé les habitudes du musée et du manoir qui est resté fermé toute l’année 2020. Le contexte sanitaire n’était pas le seul en cause. Le four d’origine de 1993 avait également fini par s’éteindre, paix à son âme. La construction d’un nouveau, moins énergivore, aura fait partie du vaste plan de modernisation du site lancé entre l’automne 2020 et l’hiver 2021. Une enveloppe de 210 000 euros de travaux dont les résultats pourront être révélés au public à partir du 28 février de cette année.

La vallée de la Bresle, c’est aussi des étangs, beaucoup d’étangs où, fait suffisamment rare pour mériter d’être mentionné, on peut observer… le Saumon Atlantique !

En quittant Claire et le Manoir Fontaine, on ne constate aucun signe d’amélioration du côté de la météo. Des micro-averses continuent de rincer sporadiquement le patchwork de prairies, de bois et de champs de la vallée de la Bresle. On profite d’une brève accalmie pour accompagner Stessy jusque sur les rives de l’étang de la base de loisirs. C’est un chapelet d’une vingtaine d’entre eux qui est dessiné entre Aumale et le Tréport, le long du cours d’eau. Malgré le temps maussade, les pêcheurs y sont au rendez-vous. Truites, carpes, gardons et brochets sont les habitants réguliers des étangs. Mieux encore, la Bresle est l’un des rares cours d’eau où apercevoir le Saumon Atlantique. Un bio-indicateur… de luxe, une fois de plus !

La trêve pour les images est brève. Une nouvelle ondée précipite le retour au sol du drone d’Olivier et de ma caméra dans sa sacoche protectrice. Le mauvais semble même vouloir se renforcer. La bruine persistante s’est maintenant transformée en pluie nourrie. D’un commun accord, on décide de concentrer notre reportage sur la Forêt d’Eu en sacrifiant la partie, en aller-retour, qui y conduit depuis Blangy via le coteau du Fond Martinval. On mise sur l’abri naturel procuré par le plafond de houppiers. Le départ de la randonnée est donc finalement déplacé de Blangy au Poteau de Gérente, à l’extrémité sud-est de la Forêt d’Eu, et accessible en voiture.

Eu sans ses poteaux ne serait plus vraiment Eu. Les curieux de forêt trouveront ici une spécificité unique en France.

En soi, les-dits poteaux sont déjà des curiosités. Immanquables. Ils sont 28 en tout. Un trait de craie d’une dizaine de mètres, dressé au centre des principales intersections forestières et coiffé d’une sphère verte épaisse de laquelle fusent toutes les directions possibles. Ce qui les rend si particuliers ? Le choix de la fonte, plutôt que du bois, pour les réaliser. À leur embase, verte forêt et en fonte tout autant, leur nom gravé et l’année de réalisation apparaissent en capitales blanches. Généralement les années 1870, pour commémorer sa restitution dans le giron des Orléans. Comme toute la forêt ce jour-là, ils suintent entièrement de pluie. Pas sûr, finalement, que notre stratégie pour passer entre les gouttes soit si payante…

Forêt d'Eu

Depuis Gérente, l’itinéraire trace une droite en direction du Poteau du Val de l’Eau, via celui de la Longuemare. C’est le parcours n°5, identifié par de petits ronds bleu qu’on retrouve sur des balises en bois aux couleurs de la Seine-Maritime. Ce n’est pas le seul itinéraire à frayer en Forêt d’Eu : ils sont huit, en tout, entre 3,5 et 17,5 kilomètres, à dévoiler les charmes d’Eu au visiteur. Une sacrée forêt encore, à l’instar de celle de Brotonne, à 80 kilomètres au sud-ouest de là. 9300 hectares de couverture, sur près de 30 kilomètres de long, composée à pas loin de trois-quarts de hêtres. Le reste du gâteau se partage entre chênes – essentiellement – érables, charmes, merisiers, châtaigniers ou encore alisiers.

Longtemps propriété de la famille d’Orléans, Eu est désormais une forêt indivise de plus de 9000 hectares

On se noie littéralement dans Eu. Et aujourd’hui plus que jamais ! Plutôt que de s’entêter à suivre l’itinéraire du programme, on décide de picorer à droite et à gauche, à l’instinct, en quête d’images aptes à capturer l’identité du lieu. La voiture nous permet des sauts de puce d’un endroit à l’autre, ponctués de courtes balades à pied. Eu est aujourd’hui qualifiée d’indivise. C’est donc l’État qui, depuis 1915, en est propriétaire majoritaire au 9/10ème, le département de la Seine-Maritime possédant, lui, la dernière part. Et c’est à l’ONF qu’a été confié la mission de gestion avec comme mot d’ordre produire du bois d’œuvre de qualité, tout en assurant la protection générale des milieux et des paysages.

Forêt d'Eu

On engage la voiture sur la route forestière Tournante, au demeurant pourtant parfaitement rectiligne, entre le Poteau du Mont Saint-Rémy et celui de Sainte-Catherine. J’ai envie de découvrir le site de la Reine Mère Élisabeth, qui a donné son nom à l’un des circuits de randonnée de la Forêt d’Eu. On l’appelle aussi site de la Bonne Entente. Les deux énormes souches qu’on y trouve sont celles d’un hêtre et d’un chêne, plantés côte-à-côte en 1843, pour symboliser l’entente franco-anglaise de l’époque. Malheureusement tombés malades, ces beaux arbres jadis entrelacés ont été abattus en 2013. Un signe prémonitoire du futur Brexit ?

Sites historiques, arbres remarquables… Au gré de leurs balades, les petits trésors d’Eu et leurs histoires se racontent aux randonneurs

Juste derrière le mémorial, un petit passage ouvert dans la haie retient mon attention. Comme une envie d’aller voir ce qui se passe derrière… À la manière d’Alice, je passe alors instantanément dans un autre monde. Un petit chemin roux déroule son invitation à le suivre au travers d’une plantation de Douglas tapissée de fougères. Un monde de géants dans lequel, sur l’image, Clément disparaît presque entièrement. Ils ne sont pas légion, sur les 9000 hectares de forêt, mais ont été plantés pour combler les vides de celle-ci, entre 1900 et 1912. À l’extrémité de la parcelle, on a la surprise de trouver des balises jaunes qui poursuivent dans les feuillus. La pluie a un peu cessé. On décide d’aller voir jusqu’où mène ce chemin.

Forêt d'Eu

Notre curiosité est payante. À défaut d’avoir pu apprécier l’intégralité du circuit de Gérente à sa juste valeur, on peut néanmoins goûter à une vraie immersion en Forêt d’Eu grâce à celui de la Reine Mère, l’un des plus courts de tous les itinéraires qui y sont balisés. La marque de fabrique d’Eu s’y dévoile tandis que le chemin oscille à proximité de l’orée, sous le regard d’immenses hêtres donnant une luminosité particulière à l’endroit. Je sens qu’on a droit ici à la séance de rattrapage, celle qui va nous permettre de gratter un peu sous la surface pour entrapercevoir l’âme de la forêt. À peine une esquisse mais qu’on accueille néanmoins avec l’œil réjoui des personnes qui connaissent le goût des bonnes choses.

Gratifiant ce court circuit de la Reine-Mère. Un vrai condensé d’Eu compilé en une petite boucle d’une heure. Génial !

Le sentier, aguicheur, joue avec les courbes qui épousent le rebord d’une côte. À notre grande surprise, il nous conduit jusqu’à une trouée ou a été placée une table d’orientation. Ici poussent les hauteurs du Roide Mont, au pied desquelles s’étire la vallée de l’Yères. C’est le GR® de Pays des Forêts de Haute-Normandie qui la traverse, à Grandcourt, avant de crocheter vers Eu. Un panorama inattendu sur cette partie de la Seine-Maritime qui n’était pas au programme du jour mais que la météo nous a finalement conduits à découvrir. Un sentiment d’inachevé me tenaille néanmoins sur le chemin du retour. Les trésors d’Eu n’auront décidément pas pu être tous ouverts.

VENIR EN SEINE-MARITIME

La Seine-Maritime, vous le savez peut-être, c’est 2h depuis Paris en voiture mais de 6 à 9h depuis Strasbourg, Toulouse ou Marseille ! Mais cela ne doit pas être un frein pour venir séjourner dans ce joli petit bout de France. Autrement, il faut venir à Rouen en train (5h30 à 8h30 pour 7/8 départs quotidiens depuis les trois métropoles précédemment citées à titre indicatif) et y louer une voiture. C’est la solution à laquelle j’avais souscrite lors de cette tournée de reportages d’une semaine.

ACCÈS À BLANGY-SUR-BRESLE

En voiture, l’accès le plus simple à Blangy se fait par l’A28, l’autoroute qui relie Rouen à Abbeville, en empruntant la sortie 5 qui dessert immédiatement le centre-ville. Le passage par Rouen concernera une grande majorité de visiteurs. Seules les personnes venant de la Picardie auront plus intérêt à passer Amiens et l’A29, afin d’attraper l’A28 soit au niveau de Neuchâtel-en-Bray, soit directement à Abbeville, selon. Après la sortie 5, il suffit de suivre la direction du centre-ville de Blangy et, au niveau du Super U, prendre à gauche par la rue du Manoir en direction du Musée de la Verrerie. Parking à disposition.

SPÉCIAL MOBILITÉ DOUCE

Il y a une gare à Blangy mais la desserte la plus utile pour venir/partir c’est Beauvais. En venant depuis Paris, il est donc possible d’opérer une liaison ferroviaire avec Blangy en 1h15 et pour environ 15 euros.
Côté bus c’est un peu plus complexe. En venant depuis Rouen, il faudra d’abord prendre la ligne 71 pour Neûchatel-en-Bray. Changement à Neûchatel pour la ligne 72 qui dessert Gamaches, via Blangy. Près de 5h20 au total, en comptant la correspondance. Autre possibilité : venir depuis Amiens avec la ligne LR704 en 1h15 environ. Consultez le site de Oise Mobilité pour les horaires.

Forêt d'Eu

FORÊT D’EU : LES ITINÉRAIRES

Habituellement, je vous propose ici le descriptif pas-à-pas de la randonnée effectuée dans le reportage. La pluie ayant contrarié notre tournage ce jour-là et notre découverte de la Bresle et de la Forêt d’Eu s’étant faite, finalement, de manière dispersée, je vous propose uniquement le lien direct vers le descriptif des deux circuits qui ont servi de support à la réalisation de cet article.

Le Circuit de Gérente : 18 km, 6h15, 220m D+
Le Circuit de la Reine Mère : 4 km, 1h15, 55m D+

Et, bien sûr, pour être exhaustif, vous pouvez également jeter un œil aux autres circuits proposés en Forêt d’Eu et, plus généralement, sur la Vallée de la Bresle en consultant la liste des randonnées proposées par l’Office de Tourisme d’Aumale Blangy-sur-Bresle.

Forêt d'Eu

FORÊT D’EU : AVIS & CONSEILS

La partie décrite dans ce reportage, située sur le territoire d’Aumale Blangy-sur-Bresle, est appelée Massif de la Haute Forêt et est probablement le segment le plus imposant de toute la Forêt d’Eu. Appréhender la Forêt d’Eu en une seule randonnée n’est pas chose aisée. C’est en réalité une grande planète, aujourd’hui éparpillée en multiples boisements de tailles variables et répartis en rive gauche de la Bresle entre Eu, au nord, et Senarpont, au sud. Si vous avez du temps, il faudra donc pouvoir vous déplacer le long de cet axe pour partir en quête des essentiels de la Forêt d’Eu, listés ci-après.

Briga & le site archéologique de Bois-l’Abbé

Ce fut probablement le premier foyer d’habitation près de la Forêt d’Eu. Cette ancienne ville gallo-romaine, datée d’entre le 1er et le 3ème siècle, a été ressuscitée par les fouilles archéologiques. On est ici aux origines du lien entre les hommes et la forêt. Un chemin de randonnée permet de le rejoindre au départ des étangs de la Vallée de la Bresle, à Bouvaincourt-sur-Bresle, ou depuis Saint-Pierre-en-Val ou encore Eu.

(crédit photo : Normandie Tourisme)

Le Quesne à Leu

Un coup de vent un peu trop fort en 2008 est venu à bout de ce chêne colossal de près de 300 ans d’âge qui atteignait 27 mètres pour 4 de circonférence. C’est l’un des arbres remarquables de la Forêt d’Eu – au pied duquel la rumeur attribue la mort du dernier loup de celle-ci – qu’on peut néanmoins toujours admirer, gisant au sol et vaincu. Une belle randonnée d’environ 15km, au départ d’Incheville permet de coupler sa découverte à celle de la Vallée Mayeux, des Poteaux du Hêtre des Princes et de Siège Madame, de la Pierre Bise et des Étangs des Ballastières.

Guerville et le site de lancement des V1

Qui se rappelle ce qu’étaient les V1 ? Fabriqués par la Luftwaffe, l’ancêtre du missile de croisière, propulsé à partir de rails, a servi aux bombardements de Londres en 1944. 21 sites ont été construits en Seine-Maritime, en Forêt d’Eu. Un itinéraire dédié permet de marcher de site en site. Une application permet l’accompagnement du randonneur et le renforcement de l’immersion sur les sites.

(crédit photo : Office de Tourisme Aumale Blangy)

La Reine Mère

Évoqué dans l’article, ce petit circuit de seulement 4,5 km est un concentré de Forêt d’Eu. Ambiances forestières variées, site historique, poteaux… Les éléments-clés pour un aperçu de ce qu’est Eu sont au rendez-vous de cette balade d’à peine 1h de temps. Le tout par des sentiers qui ne sont pas que de grandes traverses rectilignes. En bonus, un panorama sur la vallée de l’Yères.

Forêt d'Eu

La Rieuse

Un itinéraire qui sait plutôt bien éviter les lignes droites au départ de Rieux et qui permet, en 11 kilomètres, de profiter autant de la Forêt d’Eu que du patrimoine local.

Circuit de Courval

C’est l’extrémité orientale de la Forêt d’Eu qui émerge au-dessus des champs. Le circuit est assez long – 17 km – mais donne l’occasion de passer près de la verrerie Pochet du Courval, 400 ans d’âge mine de rien, et de naviguer sur les reliefs pour une vue panoramique sur les environs. Notamment en franchissant le Mont Gobert.

Forêt d'Eu

HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

Au cœur de Blangy

Tenu par un quatuor qui a le sens de l’accueil, Au Cœur de Blangy fait office de lieu de vie local et permet au visiteur d’être lui au cœur du tissu humain de la vallée de la Bresle. C’est là qu’on a dormi à notre arrivée à Blangy. Des petites chambres toute tranquilles et un bon petit-déjeuner pour être à pied d’œuvre pour se lancer le lendemain à la découverte de la Forêt d’Eu. Comme c’était le mardi, jour de fermeture du restaurant, on n’a pas pu goûter aux menus terroir à base de produits locaux qui étaient proposés. On s’est consolé dans le joli cadre du Rest’O Zoy tout proche, adresse bistronomique où on a passé un excellent dîner !

Forêt d'Eu

Cet article Forêt d’Eu : la Forêt de Normandie qui coiffe toutes les autres au poteau est apparu en premier sur Carnets de Rando.

Saut de Gouloux : l’instant fraîcheur des forêts du Morvan

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Tous les chemins mènent au Saut de Gouloux ! Après le Lac des Settons, c’est un des gros hubs touristiques du Haut Morvan et une belle porte d’entrée sur la vallée de la Cure. On peut y venir en voiture bien sûr mais, à pied, c’est encore mieux ! J’ai donc testé un itinéraire en boucle, au départ de Saint-Brisson et de la Maison du Parc Naturel Régional du Morvan, pour rendre visite à la fameuse cascade. L’occasion de pénétrer le secret des magnifiques forêts morvandelles et d’y croiser des rivières, des daims et même un (faux) dolmen. La touche finale c’est l’Étang Taureau, la carte postale des prairies tourbeuses nivernaises, qui évoque l’époque révolue où le bois du Morvan flottait jusqu’à Paris. Top départ pour un périple de 19 kilomètres dans la magie et la fraîcheur de l’incontournable forêt de Breuil-Chenue !

Difficulté : difficile| Distance : 19 km| Dénivelé : 555 m| Durée : 6h45 | Carte : IGN TOP 25 1/25000è 2723ET – Château-Chinon/Lac des Settons/PNR du Morvan

Il flotte comme un parfum d’Écosse ce matin-là sur l’Étang Taureau. La pluie de la veille a laissé derrière elle un épais voile de brume qui emprisonne le moindre son dans une masse opaque et faiblement lumineuse. Le premier être vivant que je croise dans ce paysage, en m’apprêtant à démarrer, c’est une massive vache Highland Cattle, totalement insensible à l’humidité ambiante ! Cornes en lyre, frange épaisse, pelage roux et abondant : pas de doute possible, celle-ci a débarqué dans la Nièvre depuis les terres de William Wallace !

La Highland Cattle, cette vache rustique venue d’Écosse, est l’artisan d’un projet de restauration des prairies humides mis en place depuis 2004 par le Parc. Rien d’étonnant, alors, à la croiser autour de l’Étang Taureau !

Aux pieds de Pierre et de Marlène, Fulkan pointe un bout de truffe intrigué vers le gros animal. Nul doute que cette espèce, bien connue pour sa rusticité, se soit aisément accommodée des conditions changeantes de la météo nivernaise. Je reporte mon attention sur la signalétique. Depuis le parking de la Maison du Parc Naturel Régional du Morvan, ce sont les marques jaunes d’un PR® qu’il faut repérer et suivre pour quitter les Petites Fourches et rejoindre… les Grandes !

saut de gouloux

On prend un peu d’altitude par la route. Les grands sont forcément plus hauts que les petits ! Le goudron, les maisons et le monde des hommes est cependant bien vite laissé derrière soi. La Nature morvandelle reprend  ses droits. Au pied d’un talus bordé de fougères et de digitales pourpres dégoulinantes de rosée, un sentier dissimulé nous dirige vers le haut mur de la forêt. Une institution ici, dans la Nièvre. Ce poumon vert de la Bourgogne, qui couvre près de 148000 hectares, est également partagé par les voisins : l’Yonne, la Saône-et-Loire et la Côte-d’Or.

Plus qu’une activité économique, le bois, ici dans la Nièvre, c’est une histoire d’Homme qui fait corps avec le passé du territoire.

Les feuillus, jadis souverains, ont vu leur majorité s’effriter face aux résineux, massivement plantés au débouché de la Seconde Guerre Mondiale afin de dynamiser l’industrie du bois et d’accélérer la reconstruction. La biodiversité, forcément sacrifiée par cette pratique, ne peut-être que le souci d’une société prospère et en paix. Trouver un point d’équilibre entre la protection de la nature, d’un côté, et une filière économique essentielle, de l’autre, est donc le défi des hommes d’aujourd’hui.

Les pessières du Morvan n’ont cependant rien de ces plantations de résineux rectilignes et sans âme qu’on peut trouver ailleurs en France. Elles sont souvent même mixtes et côtoient d’autres essences. Il y a comme de la magie païenne qui suinte derrière les écorces moussues de ces hautes futaies. Drapée dans le brouillard, la forêt renvoie un écho de mystère derrière le chuintement léger de la bruine. Je tends l’oreille, sûr et certain de pouvoir saisir le cliquetis d’un kodama, cet esprit du folklore japonais qu’on retrouve dans le dessin animé Princesse Mononoke.

Le vert qui tapisse la forêt me fascine. Son éclat ici, dans le Morvan, n’a d’égal dans aucune forêt que je connaisse.

Je crois que le plus sidérant, c’est cette nuance si particulière de vert qui recouvre le tapis de mousse étendu sur la litière. Une couleur jeune, claire et étonnamment fluorescente. À un point tel que, désormais, je l’ai ajoutée telle quelle à mon nuancier personnel aux côtés du bleu soldat et de l’orange Feuille d’Automne. C’est le vert Morvan, une coloration unique qui donne à la forêt cet éclat surnaturel caractéristique et face auquel on ne peut décidément pas rester insensible.

Saut de Gouloux

Un large chemin forestier permettant de rejoindre Saint-Aignan, rompt provisoirement le charme. Une parenthèse de courte durée : le balisage renvoie très vite le/la marcheur dans le cœur vivant de la forêt via un étroit single qui déroule son ruban marron entre deux rangées de feuillus. Au bout d’un petit quart d’heure, une éclaircie lumineuse marque le bout du tunnel. Clairière, route, pistes et barrières indiquent, elles, la probable bifurcation de notre itinéraire vers le Saut de Gouloux. Nous voici au lieu, signalé sur l’IGN, de l’enclos à daims.

Les daims de la Forêt de Breuil-Chenue sont passés à un andouiller de l’extinction pure et dure. On est donc content de pouvoir croiser leur route, même si c’est derrière un grillage !

Et un daim, justement, il y en a, tout petit, qui nous observe avec curiosité. Pas farouche le garçon ! Et qui revient de loin par ailleurs. C’est que, suite à une inquiétude suscitée par leur état sanitaire, ils ont échappé de peu au même triste sort que les bouquetins du Bargy. Il aura fallu une pétition pour que le Parc revoit sa copie et évite l’abatage. Meilleur suivi sanitaire et alimentaire, redéfinition de l’habitat et de son périmètre, stérilisation : ce petit daim qui nous salue est, on peut le dire, un rescapé !

Notre itinéraire devient désormais commun avec celui du GR®13 – qui opère la traversée du Morvan. Après avoir suivi quelques temps la petite route forestière de Picherotte, on plonge à la suite des balises rouge et blanc en direction du vallon du Vignan, ce petit affluent de la Cure, qu’on traversera au niveau du Pont des Épines. On est ici au centre quasi absolu de la Forêt Domaniale de Breuil-Chenue, considérée comme l’une des plus belles hêtraies montagnardes du Morvan.

Après le Douglas, voici venir pointer le nez du hêtre. Une essence de montagne qui se sent bien ici dans la Nièvre et le Morvan.

Le hêtre impose désormais sa présence de part et d’autre de la raide trace qui escalade le coteau en direction du Dolmen Chevresse. On a prévu d’y faire la pause pique-nique. Cette drôle de formation rocheuse est une authentique curiosité ici, en plein cœur de la forêt morvandelle. Un spot qui dégage une aura de culte ancien et qui donne envie de lancer des incantations aux esprits sylvestres des environs. Les hommes sont pourtant totalement étrangers à sa conception.

Saut de Gouloux

De dolmen il n’a en fait que le nom, son origine n’étant le fruit que d’un simple empilements de blocs ! Théorie du chaos… mais granitique ! « C’est vrai qu’on peut faire bouger la pierre du dessus ?« , me demande Marlène qui a bien étudié le topo. Apparemment oui, c’est vrai, à condition de trouver le point exact sur cet énorme galet qui a fini par trouver son équilibre seul au fil du temps. Malgré nos tentatives, on reprendra la route vers le Saut de Gouloux sans y être parvenu !

Singulière formation que ce Dolmen Chevresse qui n’en est, en fait, surtout pas un ! Un empilement que d’aucun adjugeront aux fées – plus poétique – qu’au hasard !

Le chemin se poursuit par un bout de route forestière, longeant des murs bien agencés de rondins coupés. Une manière de rappeler que la Forêt de Breuil-Chenue a fait l’objet de remaniements depuis le 16ème siècle pour l’exploitation du bois de chauffage. Puis c’est à nouveau le plongeon. Direction, cette fois, la vallée de la Cure, étonnante rivière de 112 km dont le débit énergique permet la pratique… du raft ! Un terrain de pratique insolite et définitivement inattendu que l’ami Laurent Bouit a révélé dans un épisode de sa très belle série les Plus Beaux Treks.

On passera cependant beaucoup plus haut que le cours de la Cure en suivant le tracé du GR®13 en direction du Saut de Gouloux et on ne pourra apercevoir la rivière que bien plus tard, en surgissant vers l’amont, au niveau du Pont Dupin. Il faut d’abord traverser de nouvelles plantations de pins Douglas, un géant parmi les résineux, capable d’atteindre jusqu’à 100 mètres chez lui, aux États-Unis, son pays d’origine. Mais aussi un redoutable tueur de biodiversité.

Le Douglas est un géant dont on ne soupçonne pas toujours l’impact désastreux sur la biodiversité. Une présence qui nécessite aujourd’hui une gestion adéquate.

En concertation avec l’Office National des Forêts, le Parc du Morvan œuvre à la mise en place d’une gestion en futaie irrégulière, favorable au mélange des essences et à la limitation des coupes rases. Un travail est également mené sur les douglasaies visant à allonger leur cycle de production. Le/La randonneur/se qui marche en forêt est souvent loin d’imaginer le travail de gestion et les enjeux liés à ce décor séculaire qui a vu les premiers hommes, il y a des milliers d’années, s’aventurer sous ses frondaisons.

Le GR®13 nous fait vite perdre de l’altitude, débarquant soudain dans un bazar motorisé qui surprend après toutes ces heures passées dans la quiétude de la forêt. Coupé par la départementale reliant Saulieu à Montsauche-les-Settons et à moins de dix kilomètres du Lac des Settons le site du Saut de Gouloux est la halte attendue du visiteur, ici, dans le Morvan. Ce qu’on vient y voir c’est le fameux saut, en l’occurrence celui du Caillot dans la Cure.

Une belle cascade, pas forcément haute, mais bien chargée et à l’esthétique certaine, qui investit un agréable bassin circulaire avant de poursuivre sa route vrombissante vers le lac du Créscent.

Un spot à photo, qui invite à la pause. Un nouveau spectacle de l’eau, donné ici à guichets fermés, dans un charmant écrin de forêt. Deux parcours de découverte y ont été récemment aménagés pour celles et ceux que les 19 kilomètres de notre randonnée effraieraient : une petite boucle de 800m et l’autre d’un kilomètre. De quoi goûter au charme du lieu sans trop se fatiguer les mollets !

Saut de Gouloux

La randonnée reprend au-delà du Saut de Gouloux, baignant pour quelques mètres encore dans la douceur des sous-bois. La forêt recule peu à peu et le paysage se clairsème en approchant du village de Gouloux. Morcelé en une poignée de hameaux, Gouloux ne retient pas nécessairement l’attention après les trésors de nature récoltés au cours de la randonnée. On est pourtant surpris d’apprendre qu’il est traversé par l’un des tout premiers chemins tracés, à l’époque, en Gaule !

Insoupçonnable le fait que Gouloux soit mentionné – et à juste titre ! – dans les annales des origines des chemins en France… ou plutôt en Gaule !

Gubilium – c’était son nom – fera s’attarder les chasseurs de petit patrimoine qui y débusqueront un ancien puits, un lavoir, un calvaire et la fontaine Saint-Joseph. Et s’il vous reste un peu de temps, faites le crochet par l’Atelier du Sabotier, où la passion du bois s’est transmise de père en fils. À travers un savoir-faire ancien conjugué aux besoins modernes, du sabot d’hier à la maison contemporaine, les Marchand dévoilent une histoire de famille invariablement liée au bois depuis 1947. Une pause culture et tradition avant le chemin du retour vers Saint-Brisson.

Un chemin du retour qu’on se surprend à trouver beaucoup plus quelconque que l’aller. La traversée du Bois du Frène, d’abord, et de La Faye, ensuite, sont sans commune mesure avec celle de la Forêt de Breuil-Chenue. « Il faut bien rentrer !« , plaisante Pierre pour répondre à mon commentaire. En effet Pierre, tu as raison, il faut bien rentrer. Je me fais néanmoins la réflexion que, dans la mesure du possible, venir à deux voitures – si c’est possible – peut être une meilleure solution que de tout faire à pied.

Après une première partie riche en surprises et remplie de charme, la seconde partie de la randonnée paraît étonnamment morose

Une voiture à Saint-Brisson, l’autre à Gouloux – qui n’est pas très éloigné en plus – et le tour est joué. On évite une section à l’intérêt mineur et on récupère ainsi du temps sur la première partie – unanimement majeure ! – le Saut de Gouloux et la visite du village. Et aussi, ne l’oublions pas, sur Saint-Brisson et l’Étang Taureau, autour duquel les chemins rivalisent de cachet. Bonne nouvelle pour nous : le soleil boudeur de la journée pointe finalement le bout de son nez en fin d’après-midi. Une apparition qui révèle l’endroit à sa juste valeur.

Saut de Gouloux

Cet étang oligotrophe, bordé de prairies tourbeuses typiques du Haut-Morvan, s’il fait aujourd’hui partie de la Réserve Naturelle Régionale des Tourbières du Morvan date pourtant de bien avant la Révolution. Il avait été alors créé pour permettre le flottage du bois vers Paris. Aujourd’hui, à l’ombre de la Maison du Parc Naturel Régional du Morvan, c’est un espace surveillé et protégé, théâtre régulier d’opérations de sensibilisation du public.

Près d’un millier d’espèces – dont 200 protégées – ont été recensées autour de l’Étang Taureau. Parmi elles, l’Écrevisse à Pieds Rouges, côté faune, et la Pédiculaire des Marais, côté flore

Un parcours découverte, ponctué de mobiliers pédagogiques, permet au visiteur d’aller tranquillement à la découverte de ce cadre naturel qui fait la fierté du Morvan et où se dénichent également herbularium et arboretum. Du rabais pour les insatiables qui trouveront, dans les 40 hectares de la Maison du Parc, de quoi assouvir leur curiosité. J’y croise même, avant de partir, Alain Millot, qui nous avait accompagnés l’an passé sur le tournage de Mon GR® Préféré en Morvan. Une bonne surprise ! Le monde est décidément petit !

Saut de Gouloux

VENIR DANS LE MORVAN

En voiture, la desserte principale du Morvan c’est la départementale qui, du nord au sud, le traverse en reliant Avallon, dans l’Yonne, à Château-Chinon. Avallon, c’est la sortie 22 sur l’A6 entre Paris , Dijon et Lyon. Château-Chinon, en revanche, s’atteindra par la D78 soit depuis l’A6, sortie Beaune ou Châlon-sur-Saône selon, via Autun ou Le Creusot, soit depuis l’A77, sortie Nevers. Cette dernière option sera réservée à celles et ceux qui viennent de l’ouest, du sud-ouest ou qui transitent par l’Auvergne et Clermont-Ferrand.

En train

La longue histoire qui lie l’Île-de-France à la Nièvre lui permet une desserte encore excellente en train depuis Paris. Des Paris-Nevers en seulement deux heures et pour moins de trente euros, vous en trouverez sans peine. Même chose pour Paris-Avallon. Depuis Marseille, Montpellier, Rennes ou Bordeaux, c’est plutôt en 5h à 6h et pour, en moyenne, deux à trois fois plus cher. Mais la ligne existe et la fréquence quotidienne est correcte.

Accès à Saint-Brisson

Depuis Avallon, au nord, c’est la D10 puis la D20 qui dessert Saint-Brisson (40mn). Depuis Château-Chinon, au sud, c’est d’abord la D37 jusqu’à Planchez qu’il faut suivre. Puis direction Lac des Settons par la D520 puis Montsauche-les-Settons par la D193. À Montsauche-les-Settons suivre à droite la D977bis direction Saulieu. Après les Fontenottes, il faudra prendre à gauche par la D20 jusqu’à Saint-Brisson (45mn). À l’intersection avec la D6, suivre la direction de la Maison du Parc et se stationner au parking situé devant.

+ d’infos : site de l’Office de Tourisme Morvan Sommets & Lacs

LE SAUT DE GOULOUX : LE TOPO PAS-À-PAS

Quitter le parking par l’entrée de celui-ci et se diriger à droite pour rejoindre la route D6. La suivre prudemment à gauche jusqu’à l’intersection avec la D20. Poursuivre en face, par la D6 toujours, et très rapidement monter à droite par la route des Grandes Fourches. Ignorer un premier balisage qui s’en échappe plus haut par la gauche et continuer de monter. Au niveau de l’intersection en Y suivante, prendre à gauche (1).

Après avoir dépassé les dernières fermes, le chemin atteint un espace bien dégagé, au débouché d’une rangée d’arbres. Ignorer le coude à gauche du chemin et poursuivre tout droit, dans l’axe, le long d’un champ bordé d’un talus. Atteindre l’entrée du Bois de la Bertoux.

Dans le bois, le chemin s’affaisse progressivement jusqu’au passage d’une passerelle en bois. Remonter à sa suite jusqu’à l’intersection avec une route forestière (2).

La suivre à gauche sur 250m puis repérer, à droite, le chemin qui reprend à travers la forêt (3). D’abord à plat entre les feuillus, il amorce ensuite sa descente, rejoint une piste forestière qu’on emprunte par la droite et atteint une grosse intersection au niveau de l’enclos des daims. (4)

Tourner à gauche en suivant la route forestière de Picherotte. Après 500m, la quitter pour basculer à droite par la forêt (5). Couper une piste et poursuivre en face en continuant à descendre jusqu’à rejoindre finalement la D6. La suivre par la gauche pour rejoindre le Pont des Épines, visible sur la droite et qu’on traverse (6).

Suivre le large chemin qui part à gauche, après le pont, en suivant le cours du Vignan. Ignorer le GR®13 qui part à droite et continuer le long du Vignan. Dépasser deux petits ponts lancés au-dessus de celui-ci et guetter alors le sentier balisé qui part en ascension à droite, à travers la forêt (7). Le suivre et rejoindre, plus haut, le Dolmen Chevresse (8).

Du Dolmen suivre à droite la route forestière sur 500m, en ascendance légère. Puis, dans un coude à gauche marqué (9), la quitter à droite pour venir, presque immédiatement, croiser un chemin bien marqué des balises du GR®13 qu’on va descendre, à gauche. Croiser et traverser plus bas un chemin forestier. Poursuivre en face, toujours en descente. Plus bas, le GR®13 opère un changement de direction à gauche : le suivre.

Après une montée, le GR® redescend et rejoint une piste au niveau d’une barrière (10). La suivre par la gauche et atteindre les quelques maisons du lieu-dit Metz Roblin (11). Tourner alors à droite et descendre. Le sentier n’est jamais très loin de la D977bis et la rejoint plus bas au niveau du Pont Dupin et du parking pour le Saut de Gouloux (12).

Traverser et poursuivre de l’autre côté par le chemin bien marqué conduisant au Saut de Gouloux (13). Après avoir visité le site, continuer par le GR®13 en remontant dans le fond d’un vallon boisé. On rejoint une route : la suivre à droite et atteindre Gouloux (14).

À l’intersection, prendre à gauche, dépasser l’intersection à droite avec la D229 et prendre, juste après à droite, le chemin du Chêne Rocroy. S’élever par la route et, peu après le croisement avec le chemin de Matrat, à droite, repérer à gauche le chemin qui monte dans les bois (15).

Le suivre avec attention dans les Bois du Frène et de La Faye qui sont des bois d’exploitation où le passage des forestiers peut facilement modifier la configuration. Le tracé grimpe et rejoint d’abord un « col » boisé avant de tirer droit et à plat selon un axe légèrement sud/nord. Peu de temps après le « col », il s’échappe par la droite en ascendance plus marquée. Une trentaine de mètres d’altitude plus haut, il se réoriente nord, à niveau et à plat, avant d’imprimer une descente progressive qui s’achève au niveau d’un étang. Quelques mètres plus loin, on croise la D977bis à nouveau (16).

La traverser et continuer en face par une petite route qui contourne un relief et rejoint la D20 à l’entrée de Saint-Brisson (17). La suivre à gauche, rejoindre le centre de Saint-Brisson, passer devant l’église et descendre le long de la route pour passer devant l’Étang Taureau.

Juste après l’étang, passer la grille ouverte dans le mur, à droite (18), et longer à nouveau le plan d’eau. Une fois les arbres rejoints, à l’intersection, prendre à gauche et remonter jusqu’au parking de la Maison du Parc.

Saut de Gouloux

LE SAUT DE GOULOUX : LE DÉBRIEF’

Saint-Brisson, la Forêt de Breuil-Chenue, le Saut de Gouloux… Voilà assurément des spots qui ont du potentiel. Sur le papier, je trouvais que c’était un beau défi que ce parcours de près de 20 bornes, doublé d’une occasion en or de procéder à une découverte exhaustive du secteur. Et si nombre de sections et de lieux m’ont enchanté, en tant que randonneur, sur la première moitié du parcours, je me montre moins enthousiaste sur la seconde, entre Gouloux et Saint-Brisson. Comment remédier à ça ? Voici mes conseils pour ne pas passer à côté de l’essentiel et optimiser votre journée de randonnée dans cette partie du Haut-Morvan qui vaut assurément la visite.

Les immanquables

Marcher dans la Forêt de Breuil-Chenue

J’ai beaucoup été marqué par Breuil-Chenue. Je la cite assez souvent, depuis, pour évoquer des forêts de France aux ambiances remarquables. Je le vois au temps et au soin que j’ai passé à y faire des images. Je perdais régulièrement Pierre, Marlène et Fulkan parce que je traînais derrière, incapable de m’arrêter de faire des plans ! La randonnée présentée ici permet, de plus, d’en voir des visages vraiment différents. Petite préférence au passage dans la pessière du Bois de la Bertoux, plutôt au début. Mais la hêtraie voisine du Dolmen de Chevresse est carrément magnifique aussi. Globalement, toute cette section, de la sortie des Grandes Fourches au dolmen, projette le marcheur dans de superbes décors forestiers. À faire, sans hésitation.

Saut de Gouloux

Faire une pause au Dolmen Chevresse

OK c’est un chaos et pas un dolmen. N’empêche, c’est le genre de lieu auréolé d’énigme, un soupçon mystique, qui appelle à un moment de pause. Le spot est plutôt aéré, entouré de hêtres remarquables et, franchement, cet empilement de cailloux géants est surprenant. On y retrouve son âme d’enfant et on a juste envie d’une chose : grimper dessus et chercher l’endroit qui permet de les faire bouger. Un endroit vraiment plaisant qui renouvelle, par-dessus ça, l’intérêt que la forêt, à ce stade du parcours, aurait pu, chez certain(e)s, commencé à émousser.

Découvrir le Saut de Gouloux

L’un des gros highlights de la journée. Si ce n’est LE temps fort. Après tout, c’est lui qui occupe le haut de l’affiche du topo et c’est, généralement, l’objectif numéro un quand on vient ici. Le lieu vaut le détour. Toute cette eau qui cavalcade dans la forêt, cette chute inattendue et remarquable, ce décor de sous-bois, en font un spot naturel attachant. On pourra éventuellement être gêné par l’affluence qu’il peut y avoir parfois, selon la saison. Le Saut de Gouloux est largement signalé et fléché pour y faire converger le visiteur. N’empêche, ce n’est pas une raison pour le bouder. C’est une pause fraîcheur bienvenue et un chouette endroit pour s’abandonner à laisser filer le temps et se vider l’esprit.

Saut de Gouloux

L’Étang Taureau

Encore un bien bel endroit. Une Nature qu’on sent désormais maîtrisée – protection du biotope oblige – mais cependant aménagée avec soin pour rendre la balade agréable. Une rupture après le milieu fermé qu’est la forêt. Et l’occasion de profiter des infrastructures de la Maison du Parc Naturel Régional qui, indépendamment des itinéraires de découverte balisés, propose également deux musées pour approfondir sa connaissance du Nivernais et de ses habitants. Un lieu de départ et d’arrivée qui a du sens et auquel il convient de consacrer un peu de son temps.

Solutions d’optimisation

Venir à deux voitures

Si c’est possible, c’est une très bonne solution pour profiter des meilleurs passages de l’itinéraire et ainsi passer plus de temps sur les spots remarquables. Une voiture à la Maison du Parc et une autre, soit au parking du Saut de Gouloux, soit à Gouloux même, me paraît la combinaison parfaite.

Faire une boucle plus petite

Considérant que la première partie est carrément sympa, je vous propose de suivre l’itinéraire décrit jusqu’au Dolmen Chevresse. Mais, après avoir quitté le dolmen par la route forestière, tourner rapidement par un sentier à gauche qui ramène en 3,5 km sur Saint-Brisson. Soit une économie de près de 9 km par rapport à la grande boucle. Vous pouvez ainsi aller en voiture jusqu’au Saut de Gouloux et profiter du site et de ses courtes boucles de randonnée. Une solution pour davantage de mobilité.

DIFFICULTÉ & RECOMMANDATIONS SPÉCIALES

La principale difficulté tient à la longueur de l’itinéraire. 19 kilomètres, ce n’est pas rien. Mais, comme expliqué dans la section précédente, il est possible de l’écourter si, une fois Gouloux atteint, marcher pour marcher ne vous intéresse pas plus que ça.

L’essentiel de l’itinéraire se passe en forêt. Qui dit forêt dit… dit ? Dit tiques ! Alors on n’oublie pas de prévenir, plutôt que de guérir. On prend donc la pince pour retirer ces satanées bestioles, on s’asperge de répulsif, on évite de quitter les chemins, on marche éventuellement en pantalon et on s’inspecte fréquemment !

Côté saison, ce sera une randonnée particulièrement agréable en été, à l’ombre des arbres et dans la fraîcheur du Saut de Gouloux. Sauf si, comme nous, vous n’avez pas de chance et qu’il a plu la veille ! Je serais également curieux d’admirer la forêt morvandelle à l’automne. Côté magie, ça doit aussi bien envoyer dans la hêtraie. Sans oublier le printemps et ses couleurs qui explosent sous la pression de l’éveil de la Nature. Entre les trois, mon cœur balance !

HÉBERGEMENTS ASSOCIÉS

On dormait un peu loin de Saint-Brisson pour notre part. On avait élu une ancienne ferme morvandelle comme quartier général, du côté de Saint-Martin-du-Puy pour nos trois jours de présence. Un choix stratégique qui nous était propre. Mais, cependant, une adresse à connaître tant par son calme, que son charme et sa modernité. Ça s’appelait La Nouvelle Ancienne et on y passé trois excellentes nuits tous les trois (ou quatre si on compte Fulkan) !

Les Petites Fourches (non testé)

Juste au départ de cette randonnée, il y a une petite maisonnette qui peut accueillir jusqu’à 4 personnes à la nuitée. Vous serez à 300 mètres de la Maison du Parc ! Difficile de faire plus près. Et aussi plus économique : 40 euros la nuit, ça va ! Infos et réservations : 03.86.76.06.56 ou 06.86.47.08.74. Mail : annievanba@yahoo.fr

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Val de Loire & Forêt des Bertranges : l’essentiel de la Charité-sur-Loire en 24h chrono

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Épicentre de cette journée de randonnée nivernoise, La Charité-sur-Loire invite à feuilleter les pages d’une Histoire foisonnante au rythme lent du fleuve qui en a, de tout temps, accompagné le cours. Premier rendez-vous fixé en Réserve Naturelle du Val de Loire, à la rencontre de paysages mouvants qui façonnent le décor à l’aune des humeurs du courant. Un préambule nature avant d’embarquer pour un voyage forestier. Cap, pour le second chapitre, sur la Forêt des Bertranges, qui talonne la célèbre Forêt de Tronçais par le volume et la qualité de ses chênes. Une mise à l’ombre appréciée dans cet univers d’écorces et de feuilles qui s’appréhende par la curiosité. Des berges du plus grand fleuve de France aux secrets enfouis d’une des plus importantes forêts de la Nièvre, embarquez sur les sentiers méconnus du Pays Charitois.

1 – DE L’EAU ET DES ARBRES

Difficulté : facile
Distance : 5km
Durée : 2h15
Dénivelé : 30m
Carte : IGN TOP25 1/25000è 2523SB – La Charité-sur-Loire/Suilly-la-Tour

On aurait pu arriver à La Charité-sur-Loire à pied comme ces pèlerins se rendant à Compostelle au 11ème siècle. Il aurait suffi, pour cela, de suivre le chapelet de balises en forme de coquille du GR®654, depuis Champlemy et la douillette chambre d’hôte de Marie-Noëlle où nous avons posé nos valises. On aurait ainsi traversé la Forêt des Bertranges avant de plonger dans ces petites rues où le visage du Moyen-Âge s’accroche encore avec vigueur. Les berges de la Loire auraient été atteintes, face au Vieux Pont, bâti pile-poil 500 ans plus tôt.

La Charité-sur-Loire, c’est un voyage dans le temps, au fil d’une histoire mouillée depuis toujours par l’eau de la Loire

1520, 2020… Un demi-millénaire d’écoulé et pourtant la cité ligérienne est toujours là, plus éclatante que jamais, eut égard au label Ville d’Art et d’Histoire brillamment obtenu en 2012 grâce à la rénovation de son prieuré, l’un des plus grands de l’époque clunisienne. Non, décidément, la Charité ne doit pas simplement qu’être un banal lieu de stationnement pour un véhicule avant une randonnée.

La Charité sur Loire

Car c’est bien pour marcher qu’on a fait le déplacement ici. Au programme la visite de La Charité sur Loire, évidemment, mais également le circuit de l’Eau & des Arbres – le matin – dans la forêt alluviale de la Réserve Naturelle du Val de Loire, suivi d’une boucle dans la Forêt des Bertranges – l’après-midi. J’ai ainsi garé la voiture sur une des places de la rue du Champ Barathe, juste derrière les jardins jouxtant l’arrière du Prieuré et de l’Abbatiale Notre-Dame.

L’ensemble architectural et religieux de la Charité sur Loire est son point d’ancrage dans l’Histoire. L’épicentre de siècles d’aventures traversés de personnages hauts en couleur qui pourraient être aujourd’hui racontés sous la forme d’une série Netflix

L’édifice en impose. Difficile, à son approche, de ne pas en ressentir la force d’attraction et de ne pas se retrouver à satelliser autour telle une étoile autour d’un soleil. C’est ce qu’on a fait, déviant naturellement de notre trajectoire pour longer les murs massifs et lumineux de ce joyau d’architecture qui, à son apogée, compta près de 400 dépendances dans tout le monde chrétien jusqu’aux portes de la Terre Sainte à Constantinople.

La Charité sur Loire

Un passage en voûte nous fait ensuite passer côté cour. Dans notre dos, le clocher des Bertranges, véritable phare de La Charité sur Loire quand on arrive par le fleuve ou par le Cher. Et, devant nous, des tours, rondes ou carrées, vestiges muets d’une époque où anglais et français se disputaient la ville. Jeanne d’Arc en personne s’y cassa les dents en 1429, échouant à reprendre la ville à Perrinet Gressart, un mercenaire à la solde des anglais pendant la Guerre de Cent Ans.

À La Charité, les humeurs belliqueuses du 15ème siècle ont fort heureusement été depuis remplacées par les douces flâneries du 21ème

En 2020, le touriste a supplanté le pèlerin et les seules luttes perdurant sont celles consistant à trouver une place de libre au restaurant pour le déjeuner. Lors de notre passage matinal, les rues étroites de La Charité sur Loire sont encore calmes, s’éveillant mollement après une nuit sans histoire. Tout comme les bords de Loire, rejoints après une errance volontaire dans le dédale compact des rues de la ville.

La Charité sur Loire

On y retrouve le grand fleuve, ses berges ensablées et ses îlots de verdure entre lesquelles le courant force un passage. La Loire sera l’héroïne de cette première partie de journée. Après un rapide aperçu la veille, lors de notre randonnée à Pouilly-sur-Loire, nous souhaitions lui consacrer un plus large chapitre aujourd’hui. Ici, c’est la façade occidentale de la Nièvre. Plus qu’un simple élément de décor, le cours d’eau est aussi une frontière historique entre deux départements et deux régions.

La Loire, ici, est à la fois fleuve, espace naturel, jalon historique et frontière

Là-bas, sur l’autre rive, la Bourgogne Franche-Comté a cédé la place au Centre Val de Loire. Les murs de La Charité sur Loire se déploient tout le long de la rive droite qui offre, aux locaux comme aux visiteurs, aux promeneurs comme aux sportifs, une agréable promenade où rencontrer l’esprit du fleuve. Au bout de sa laisse, Fulkan y déambule truffe à ras de terre, au gré de mille odeurs subtiles que seul un canidé a le talent de saisir.

La Charité sur Loire

Notre compagnon à quatre pattes n’ira cependant pas au-delà de ce kilomètre de berge autorisé. Au-delà, c’est la Réserve Naturelle du Val de Loire où les chiens, même tenus en laisse, ne sont pas admis. Marlène reprendra donc, de son côté, la visite de La Charité sur Loire pendant que Pierre et moi poursuivrons en duo vers la Loire. Fleuve nature par excellence, elle est aussi un fleuve vivant qui modèle son paysage au gré de ses crues.

Pas un brin de ce décor fluvial qui n’ait été consciemment façonné par les humeurs passées de la Loire. Des états d’âme à l’origine, aujourd’hui, d’une biodiversité spécifique à protéger.

Cette dynamique fluviale est à l’origine de chaque élément de décor croisé en chemin, berceau d’une faune et d’une flore riche, variée et à protéger. Une raison suffisante pour classer l’endroit Réserve Naturelle dès 1995. Le circuit de découverte s’y engage, conjointement au tracé du GR®3, en suivant un large chemin percé dans un sous-bois touffu. On est à moins de 200 mètres de la Loire mais l’opacité de la végétation nous interdit de l’apercevoir.

On guette l’apparition d’un signal quelconque, balise, marquage, flèche, signal lumineux même, pour nous avertir du bon moment pour aller repiquer vers la Loire à travers ces frondaisons épaisses. Au lieu de ça, on tombe sur des prairies sèches – décor typique de la mosaïque paysagère de la Réserve – à main droite, où Pierre tente d’établir le contact avec une brochette d’équidés curieux d’humains. Puis, plus loin, c’est le point coté 156 et son coude à droite immanquable. « On a dépassé l’embranchement.« , dis-je à Pierre avec une certitude absolue.

S’égarer sur les bords de Loire ? Mais si c’est possible ! Carnets de Rando l’a fait !

« Il faut revenir sur nos pas. On a du rater quelque chose. » Deux paires d’yeux rivées sur la trace GPS affichée sur le téléphone portable n’y suffiront pas. On a accusé, à l’aller, notre manque de concentration. Force est de constater, au retour, que l’erreur était due à davantage qu’à de l’inattention : le changement de direction matérialisé sur la carte n’est indiqué nulle part !

La Charité sur Loire

Qu’à cela ne tienne : on empruntera une vague ouverture repérée dans le mur végétal pour espérer s’approcher de la Loire convoitée. Une sorte de jungle nivernaise nous avale tout cru. On suit une trace précaire qui force le passage entre de hauts arbres dégoulinant de lierres, par ce qui ressemble à un inattendu couloir forestier. L’entreprise est payante et nous fait surgir dans une traverse lumineuse, occupée par un bras mort du fleuve.

Se faire accompagner par un guide de la Réserve, c’est permettre à ce décor végétal de soudainement prendre vie.

Un groupe conduit par un animateur de la réserve est là également, suivant de la tête les mouvements du bras de leur guide. On aurait pu, nous aussi, bénéficier de l’expérience de l’un de ces agents du Conservatoire d’Espaces Naturels Centre-Val de Loire. Ils n’ont malheureusement pas pu donner suite à notre demande de reportage. Avec Pierre, nous y allons donc à l’instinct, guidés par les indices de la carte et nos besoins en image.

La Charité sur Loire

On rejoint ainsi une berge de galets au-delà de laquelle s’élance une Loire aux allures d’Amazonie. Si le groupe précédemment croisé avait été avec nous, nous aurions probablement entendu son guide expliquer qu’ici, au cœur de la Loire des îles, la végétation s’adapte à la proximité de l’eau, à la fréquence et à l’importance des crues. L’endroit où nous nous trouvons a sans doute été, par le passé, un chenal secondaire. C’est aujourd’hui une grève aride, faite de sable et de caillasse.

Ici, c’est la Loire des îles, le mariage subtil de l’eau et de la terre, l’acte de naissance de milliers d’espèces dans une alchimie invisible et fragile.

Notre regard, imbibé par le paysage, ignore que dans ce patchwork de milieux naturels – près de vingt différents – ce sont près de 1200 espèces, animales et végétales, qui cohabitent, parmi lesquelles 130 sont plus ou moins menacées de disparition. Une pression plus forte encore sur 48 d’entre elles nécessite la mise en place d’une réglementation très stricte quant à la fréquentation du site.

Le chemin du retour s’amorce. Sans aucun doute la plus belle partie de cette courte boucle très immersive. Le sentier y joue avec la berge, s’approchant de l’eau avant de s’en éloigner à nouveau et puis recommençant encore, tout en dévoilant, très régulièrement, de beaux points de vue sur l’étendue de la Loire. On marche au rythme du fleuve, calant notre pas dans celui du courant.

Des mobiliers pédagogiques font les présentations entre le promeneur et les essences remarquables des bords de Loire. Prendre le temps de les lire obéit à une volonté de notre part de marcher intelligent.

À la faveur d’une pause, on se prend à envier ces kayakistes glissant en douceur sur le courant. Ici le temps semble s’écouler plus lentement. Les bords de Loire sont un antidote au stress et administrent au marcheur une perfusion indolore de calme absolu. On ne se lasse pas d’en contempler les discrets remous y emporter les secondes qui passent.

La Charité sur Loire

On s’y attarde tellement qu’on finit par se rappeler, avec Pierre, qu’on a laissé Marlène et Fulkan depuis un moment ! Il est temps de laisser la Loire à sa lente course vers l’océan pour replonger dans la cité monastique de La Charité sur Loire. On retrouve nos compagnons sur les remparts, superbement restaurés par le patient travail des Charitois passionnés de l’association Les Remparts de La Charité, qui bordent encore la ville au nord.

Les remparts de La Charité sont, sans aucune mesure, le meilleur endroit pour admirer la ville dans son ensemble et en réaliser les plus belles images. Incontournables.

Puis un escalier dérobé nous ramène dans la rue des Chapelains où les pavés d’hier côtoient les voitures d’aujourd’hui. Ici, les époques se chevauchent. En quelques mètres, on a rejoint le cœur battant de la commune. Ici, plus qu’ailleurs, l‘Histoire se raconte dans les livres dont La Charité sur Loire s’est fait une spécialité.

La Charité sur Loire

Boutiques de livres anciens ou rares, calligraphes et enlumineurs… Magiciens des lettres ou artistes des mots, penseurs, poètes ou philosophes… Ils se sont donnés rendez-vous dans cette cité du livre où on n’a pas peur, à l’instar d’Hipolito, l’écrivain raté du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, d’écrire sur les murs des envolées de citations. Il y a quelque chose qui retient le visiteur à La Charité-sur-Loire.

La Charité sur Loire est de ces villes qu’il faut courtiser avec lenteur et curiosité. Une opération séduction patiente et gratifiante.

Dans ces ruelles où les époques se rejoignent se devinent de bonnes adresses, tant culturelles que culinaires. Le temps se rappelle malheureusement à nous, nous ramenant de force dans son inépuisable course. Sans doute l’avions-nous oublié en savourant avec insouciance les petits plats cuisinés du Cocktail de Clémentine, où nous avions mis la journée en pause. Celle-ci était pourtant loin d’être finie…

La Charité sur Loire

2 – FONTAINES EN BERTRANGES

Difficulté : assez facile
Distance : 8km
Durée : 3h
Dénivelé : 30m
Carte : IGN TOP25 1/25000è 2523SB – La Charité-sur-Loire/Suilly-la-Tour

Il n’est pas loin de 14h lorsqu’on stationne notre véhicule à l’ombre des arbres de l’église de Raveau, hameau assoupi à cinq kilomètres plus à l’est de La Charité sur Loire. La chaleur de l’été plonge ici la Nièvre dans un climat de torpeur. Toute trace d’activité humaine est invisible. Si ce n’était le passage de quelques voitures, on pourrait se croire seuls au monde.

Après la douce agitation de La Charité et ses appâts visuels et gustatifs, Raveau, désert, fait presque office de retraite spirituelle !

Raveau est rapidement laissé derrière nous en empruntant la rue du Point du Jour sur laquelle vient s’appuyer le long mur de pierres fermant le domaine du château de Mouchy. Un préambule bitumé, mais nécessaire, pour atteindre la porte d’entrée d’un des plus grands univers forestiers nivernois : la Forêt des Bertranges.

La Charité sur Loire

Mon mois de juillet aura décidément été très studieux en matière de forêts. Après Brotonne et Eu, en Seine-Maritime, et avant le Parc National de Forêts, en Côte-d’Or, me voilà sur le point de marcher sur les chemins de la deuxième forêt productrice de chênes en France. Un bel ensemble de quelques 7600 hectares, devenu forêt domaniale à la Révolution, dont les origines, qui remontent au 12ème siècle, demeurent indubitablement liées à La Charité-sur-Loire et à son prieuré. Notre première impression des Bertranges n’est pourtant pas la meilleure : route, puis chemin large et rectiligne taillé dans une coupe sèche et sans aucun charme. On reste encore sur notre faim, curieux de forêt et impatients de plonger véritablement sous les arbres.

À chaque territoire sa forêt. Dans la Nièvre, l’incontournable c’est celle des Bertranges, un fief de chênes sessiles de 7600 hectares à la belle réputation

Il faut dire que le départ habituellement admis pour une balade dans Bertranges, c’est plutôt ce qu’on appelle ici le Rond-Point de la Réserve, spot nombrilique qui envoie ses flèches et chemins dans toutes les directions à travers la forêt. Démarrer de Raveau est une alternative pour celles et ceux qui veulent également découvrir le périmètre des Bertranges. Et il y a un réel intérêt à cela comme nous le découvrirons plus tard. Pour l’heure, on presse le pas pour assurer notre rendez-vous avec Samuel, responsable de l’Unité territoriale des Bertranges à l’ONF, qui devrait être l’interlocuteur idéal pour changer notre regard sur cette forêt dont la première lecture reste encore opaque.

La rencontre a été fixée à la Fontaine des Bougers. Une fontaine dans une forêt ? La toponymie m’intrigue. C’est, en tout cas, la première bonne surprise de cette incursion forestière. D’abord parce qu’elle nous permet d’abandonner cette longue piste ennuyeuse et de prendre, enfin, pied dans les Bertranges.

Les sous-bois sont un autre monde fait d’ombres dansantes et de lumières furtives, de froissement de feuilles et de gazouillis disparates

Ensuite parce qu’elle nous confronte à l’une de ses originalités locales : les fontaines. N’attendez cependant pas des vasques d’ornements faisant jaillir l’eau depuis une source. Ici les fontaines ressemblent plutôt à des étangs. Celle des Bougers a fait d’ailleurs l’objet d’une rénovation et d’une remise en eau récente.

La Charité sur Loire

C’est un beau bassin, bien délimité, dont la surface émeraude brillante reflète le tableau chlorophyllien qui l’entoure. Des disques de nénuphars s’y entassent par endroits, assurant le spectacle de leur floraison au visiteur passant à la bonne saison. Voici assurément un lieu où faire une pause, comme les bouviers d’antan, ces conducteurs de troupeaux qui y faisaient boire leurs bêtes et qu’une déformation lexicale, les ayant transformé en bougers, a fini par faire attribuer son nom au lieu.

Aussi connues que le loup blanc, les fontaines des Bertranges ont autant d’anecdotes à partager avec le visiteur que de nénuphars à leur surface

Fulkan y perpétue la tradition en y jetant sans la moindre retenue son corps de canidé transi de chaleur. C’est lors de cette séquence éclaboussures que nous rejoint Samuel, un gaillard à la barbe épaisse et à la carrure solide comme un chêne. Sa chevelure dense, tirée en arrière et nouée à la base de la nuque, dégage un visage avenant et bienveillant. Les présentations faites, j’attaque sans attendre mes questions.

« La force des Bertranges« , nous explique Samuel, « c’est de se trouver sur des sols très fertiles par rapport à d’autres forêts. C’est ce qui lui permet d’obtenir une excellente qualité de chênes. Et cette notoriété est connue de tous les merraindiers pour la fabrication des merrains, ces lattes en bois de chênes fendus, la matière première des tonneliers dans l’assemblage des tonneaux. »

Passionnant et intarissable, Samuel Blais s’inscrit dans la lignée de ces interlocuteurs précieux que j’ai eu la chance d’accueillir dans Carnets de Rando

J’écoute Samuel nous raconter l’histoire des Bertranges, son héritage sylvicole séculaire, ses arbres remarquables de plus de deux siècles d’âge, son chêne Babaud de 482 ans – qu’il a malheureusement fallu abattre en 1993 – ses dolines et rivières souterraines qui m’évoquent davantage le Vercors que la Bourgogne. Les Bertranges prennent subitement vie dans mon esprit à la seule évocation de cette foule de détails.

Notre intervenant décide, de manière parfaitement improvisée, de nous accompagner le temps de quelques kilomètres sur la suite de notre itinéraire. Une aubaine ! D’autant que cette seconde partie s’engouffre cette fois réellement dans la forêt. Terminée la monotonie des allées à la rectitude inflexible : les Bertranges se resserrent autour du sentier pour envelopper le/la marcheur/se de ses jeux de lumières chatoyants.

Des couloirs végétaux s’ouvrent à l’improviste comme autant de passages secrets pour nous inviter à poursuivre la randonnée. Les Bertranges se dévoilent enfin !

« L’ancienneté des Bertranges lui assure également un potentiel élevé de biodiversité« , poursuit Samuel tout en marchant. « La cigogne noire, plus solitaire et forestière que la blanche, peut notamment être observée ici. Tout comme le chat forestier ou l’écrevisse à pattes blanches, un baromètre reconnu de bonne qualité environnementale. »

Samuel nous abandonne au croisement de la Route Forestière de la Bertherie et de la Sommière du Pré Bourreau, une travée plus dégagée par laquelle se poursuit notre itinéraire. En bordure de celle-ci s’ouvre l’une de ces immenses chênaies très clairsemée où apprécier pleinement l’identité et la force tranquille de l’essence phare des Bertranges.

Le chêne sessile trouve matière ici à écrire ses lettres de noblesse. Droit comme un I, haut et souverain, il exprime aux Bertranges la quintessence de son art végétal

Pour la beauté des images, j’y fais déambuler Pierre, Marlène et Fulkan. Le spot, inattendu, est ma seconde bonne surprise ici, en Forêt des Bertranges. Purgée du taillis, la futaie s’y dévoile dans toute sa maturité. Il faudra faire grincer ses cervicales pour courber suffisamment la tête afin d’apercevoir le haut de ces spécimens de 50 à 80 ans d’âge qui peuvent atteindre jusqu’à 18 mètres de haut.

La Charité sur Loire

Le chemin nous fait déboucher sur la route forestière à la Vache où se trouvent le chêne et la fontaine éponymes. Un autre de ces endroits bercés d’Histoire, où plane l’ombre d’un nouvel arbre remarquable des Bertranges. Un crochet de quelques dizaines de mètres par rapport à l’itinéraire dont il serait dommage de se priver. C’est encore une déformation linguistique qui a ancré le mot vache à la toponymie moderne. Aucun bovidé à l’horizon de l’Histoire pourtant.

Dans la Forêt des Bertranges, la toponymie est joueuse et envoie souvent le promeneur naïf sur de mauvaises pistes.

La vache en question était plutôt une bachebacha en latin – un terme désignant une auge, une mare ou un bourbier. Celle de la Vache/Bache n’a pourtant rien de ça en 2020. Il s’en dégage même une certaine aura de magie druidique. Sans doute à cause de ses eaux scintillantes et de son chêne de 250 ans indéracinable malgré qu’il ait été foudroyé à plusieurs reprises. Ou peut-être aussi parce qu’en ces lieux plane l’ombre de la justice de Saint-Louis ?

La Charité sur Loire

En tournant le dos à la Fontaine de la Vache, on pensait en avoir fini avec les surprises. Il suffisait, après tout, de se laisser glisser jusqu’à Raveau en suivant les balises du GR®654 qui, lui, continue ensuite jusqu’à Compostelle. C’était compter sans nos gosiers à sec qui nous font chercher comment mettre un terme à cette soif insistante du côté des Forges de la Vache. L’occasion de débusquer un site parfaitement adapté aux randonneur/ses.

Les Forges de la Vache sont assurément un endroit taillé sur mesure pour la pause, courte ou prolongée, du randonneur.

Ce domaine historique, aujourd’hui remis au goût du jour pour accueillir le/la visiteur/se dans ses chambres de charme, a en effet connu jadis le martèlement des masses et la chaleur des fourneaux. Les forges ont occupé un long et dense chapitre de l’histoire des Bertranges, la forêt alimentant en bois de nombreux sites de métallurgie jusqu’au 19ème siècle. Ce qui faisait à l’époque de la Nièvre l’une des principales régions productrices de métal de France.

La Charité sur Loire

Avec près de 100 exploitations à la veille de la Révolution – dont une quarantaine autour des Bertranges – la Nièvre était une consommatrice de bois insatiable. Pour nourrir les hauts fourneaux, près de 4900 hectares de coupe annuelle étaient nécessaires en 1833 ! C’est presque les trois septièmes de tout le massif nivernais ! Cette surexploitation a conduit la forêt à son plus faible taux de boisement jamais atteint.

Forges, fournaux, sidérurgie… Les Bertranges ont payé un lourd tribut à la métallurgie. Une page de leur histoire qu’il faut connaître pour mieux apprécier le paysage d’aujourd’hui.

Le remplacement du charbon par la houille – et la suprématie à venir des bassins sidérurgiques du Nord et de la Lorraine – vont, heureusement, mettre un terme à ce carnage industriel et initier la régénération des Bertranges. Le souvenir de cette époque est encore perceptible aux Forges de la Vache, endroit paradisiaque et accueillant idéal pour finir sa randonnée. Et, en revenant ensuite sur Raveau par d’agréables chemins en sous-bois, vous pourrez, à juste titre, considérer que cette forêt réputée aujourd’hui pour la qualité de son bois, revient décidément de loin !

VENIR DANS LA NIÈVRE

En voiture

Si vous regardez bien votre carte de France, vous noterez que la Nièvre est un département assez central, posé tout au-dessus du Massif Central, à quasi équidistance de Paris et de Clermont-Ferrand. Pour les sudistes – dont je fais partie – ça ne fait généralement pas partie des choix premiers de destination. Et c’est bien dommage et j’espère que les différents reportages du blog vous convaincront qu’il pourrait être judicieux de revoir cette copie erronée !

Pour celles et ceux qui remontent donc depuis le sud et la vallée du Rhône, il faudra suivre l’autoroute jusqu’à Châlons-sur-Saône et, de là, tirer par la D978 vers Nevers via Autun et Château-Chinon. Depuis le Languedoc et le sud-ouest, le mieux est de viser Clermont-Ferrand puis de rejoindre Nevers via Moulins. Le grand ouest, quant à lui, préférera converger par autoroute vers Bourges pour rallier ensuite Nevers par la D976. Enfin, le nord et la région parisienne, pourront eux emprunter l’A77 directement jusqu’à Nevers.

À titre personnel, j’arrivais de mon tournage en Seine-Maritime et j’ai d’abord transité par Paris. Comme, à l’issue de ma semaine dans la Nièvre, j’avais besoin d’aller en Côte-d’Or, j’ai pris un train Paris-Auxerre et j’ai loué une voiture à Auxerre pour être autonome dans la Nièvre.

En train

La longue histoire qui lie l’Île-de-France à la Nièvre lui permet une desserte encore excellente en train depuis Paris. Des Paris-Nevers en seulement deux heures et pour moins de trente euros, vous en trouverez sans peine. Depuis Marseille, Montpellier, Rennes ou Bordeaux, c’est plutôt en 5h à 6h et pour, en moyenne, deux à trois fois plus cher. Mais la ligne existe et la fréquence quotidienne est correcte.

ACCÈS À LA CHARITÉ-SUR-LOIRE

En voiture et en montant depuis Nevers, on accède à La Charité-sur-Loire depuis le sud en quittant l’A77 à la sortie 29. On accède ensuite rapidement au centre de la commune par la N151, direction Bourges. Stationnement possible à la Cour du Prieuré, au pied des remparts – rue du Champ Barathe – ou derrière le Prieuré. En train, depuis Nevers, 11 trajets quotidiens de 25mn pour 5 euros environ.

ACCÈS À RAVEAU

Revenir au niveau de l’échangeur de l’autoroute, par la N151, direction Auxerre et Avallon. Juste après l’échangeur, suivre à droite la D179 et atteindre Raveau. Places de stationnement disponibles au niveau de l’église. En bus, on peut rejoindre Raveau depuis La Charité (un départ quotidien depuis la gare SNCF à 12h45, 5mn) ou depuis Nevers (un départ quotidien depuis la gare routière à 16h00 en période scolaire ou 17h en période de vacances scolaires, 50mn) en utilisant la ligne 50.

TOPOS DES ITINÉRAIRES AUTOUR DE LA CHARITÉ-SUR-LOIRE

Plus qu’un long discours ou des descriptions de repères inutiles – étant entendu que je suis parti la fleur aux dents et que je n’ai pas pratiqué l’itinéraire dans le bon sens – je préfère vous mettre un lien vers la plaquette descriptive de l’itinéraire De l’Eau et des Arbres . Mille fois plus pertinent ! Voici, en revanche, le pas à pas pour la partie Bertranges.

Depuis l’église de Raveau, revenir sur le centre, à l’intersection des D179 et D138. Prendre à droite la D138 direction Sainte-Hélène. Après la boucherie, à main droite, suivre à droite la Rue du Point du Jour pour quitter Raveau (1). Longer, à main gauche, le mur en pierres du domaine du Château de Mouchy et suivre la route jusqu’à atteindre la Maison Forestière de la Bertherie.

Quitter la route en empruntant le chemin gravillonné qui se détache, en légère pente, à gauche de celle-ci et passer devant la Maison Forestière (2). Rejoindre un carrefour (3).

Tourner à gauche et suivre cette grande piste forestière bien dégagée.
Juste avant un nouveau carrefour, repérer à droite le chemin s’engageant sous les arbres qui conduit à la Fontaine des Bougers. (4)

Contourner l’étang principal et rejoindre, quelques mètres au-delà, par des sentes pas toujours bien marquées, un sentier lui bien dessiné et bien droit, orienté nord-sud. Le suivre à droite, sud jusqu’à croiser perpendiculairement une première allée forestière. (5)

Poursuivre en face par la Sommière du Pré Bourreau jusqu’à rejoindre une deuxième allée forestière. (6)

Poursuivre encore en face, toujours par la Sommière du Pré Bourreau. On a, à main gauche, la grande chênaie évoquée dans l’article. Poursuivre la Sommière jusqu’à sa quasi-extrémité.

Peu avant qu’elle ne s’achève dans un espace un peu confus et clairsemé, suivre à gauche un sentier partant en sous-bois (7). Le suivre. Sa trace est partiellement effacée ou encombrée de temps en temps mais sa direction reste logique et il finit par surgir sur la route forestière à la Vache.

En aller-retour à gauche, rendre visite à la Fontaine et au Chêne à la Vache (8). Revenir sur ses pas et continuer par la route. Passer devant les Forges de la Vache (9) et atteindre un croisement avec la D138. (10)

Poursuivre en face, par le Chemin de la Fontaine des Vaquets. C’est d’abord une petite route, puis un joli chemin en sous-bois. Il jaillit plus loin au niveau d’un lavoir et d’une route appelée Chemin de la Petite Forge (11). Suivre celle-ci à droite et atteindre Raveau.

RANDONNER AUTOUR DE LA CHARITÉ-SUR-LOIRE : LE DÉBRIEF

C’est dur ? C’est pas dur ?

Alors non, ce n’est absolument pas dur. C’est même bien peinard. Et puis, si on vient ici, ce n’est pas pour chercher une quelconque difficulté. Si c’est la difficulté qui vous intéresse, allez plutôt vous voir du côté du Morvan ! Le Pays Charitois c’est pour les contemplatifs, les flâneurs, les amoureux de nature. Ou, dans un autre registre, pour les marcheurs peu sportifs ou les familles. De la randonnée où on ne force pas trop donc !

Mais on ne s’ennuie pas sur ce genre de rando ?

Tout dépend de ce qu’on vient y chercher. Si c’est de l’effort et de la sueur, c’est sûr que vous serez déçus. Si c’est encore des spots visuels ou des points de vue ultra-spectaculaires, même tarif. Si, maintenant, vous êtes de passage dans cette partie de la Nièvre et que vous souhaitez organiser un petit trip tout en douceur en Pays Charitois, ma proposition devrait vous permettre d’être assez exhaustif dans cette mission. Côté pile, la Loire, côté face, les Bertranges. Les deux identités paysagères fortes du secteur, à mixer et à intégrer à un temps de pause à La Charité. Dans cet état d’esprit motivé par la curiosité, avec les mots-clés « nature » et « patrimoine » en tête de l’ordre du jour, la journée devrait en revanche être un petit succès.

Tu aurais un ou deux conseils supplémentaires à donner ?

Oui. J’en ai potentiellement deux. Le premier c’est de se faire accompagner par un expert. Je le conseille souvent et ce n’est pas pour faire plaisir au territoire concerné ou à titre commercial. C’est juste que ça a du sens. Du moins si vous désirez approfondir votre visite et repartir avec le sentiment d’avoir « compris » le milieu traversé. Dans le cas contraire, en effet, promenez-vous en autonomie. Sur le circuit Val de Loire, rejoindre un groupe encadré par un animateur de la Réserve est un vrai plus. Pour la Forêt des Bertranges, je vous renvoie vers Marie-Christine et/ou Christophe, le duo d’Instant Nature, situé à Nevers.

La deuxième chose concerne la chasse. Vous imaginez bien que les Bertranges sont un gros terrain de jeu pour les chasseurs, y compris à courre. Pour éviter de tomber dans une battue, c’est bien d’être renseigné en amont. La période de chasse généralement constatée démarre au 15 septembre et s’achève fin mars. Pour avertir les usagers de la forêts des jours chassés en fonction des secteurs de la forêt domaniale des Bertranges, l’Office National des Forêts a réalisé la carte suivante. Ces cartes sont distribuées aux mairies concernées et affichées en forêt. Pour plus d’informations possibilité de consulter le site de la Fédération Départementale des Chasseurs de la Nièvre.

La Charité sur Loire

RECOMMANDATIONS SPÉCIALES

Le premier itinéraire se déroule partiellement dans la Réserve Naturelle du Val de Loire. Une réglementation spécifique s’y applique qu’il vous sera demandé de respecter scrupuleusement. Parmi celles-ci, vous l’avez peut-être vu/lu dans le reportage, l’interdiction des chiens, même tenus en laisse. À garder à l’esprit si vous venez avec un animal !

Vous l’avez vu/lu, on a un tout petit peu galéré avec Pierre pour trouver le chemin. La faute à un peu d’inattention de notre part – eh oui les mecs aussi ça papote ! – et au fait qu’on a pris le circuit à l’envers. Je vous recommande de respecter le sens donné dans le topo et donc, dès l’entrée de la réserve, de trouver le chemin à gauche qui amène directement sur les bords de Loire.

Le second itinéraire se passe, lui, en forêt. Qui dit forêt dit… dit ? Dit tiques ! Alors on n’oublie pas de prévenir, plutôt que de guérir. On prend donc la pince pour retirer ces satanées bestioles, on s’asperge de répulsif, on évite de quitter les chemins, on marche éventuellement en pantalon et on s’inspecte fréquemment !

La Charité sur Loire

HÉBERGEMENTS ASSOCIÉS

HÔTELS À LA CHARITÉ

Petit budget

La formule la plus économique, c’est le petit hôtel-restaurant** la Pomme d’Or, tenu depuis 15 ans par Isabelle et Steven. Convivialité et simplicité, étape pour les pèlerins en route pour Compostelle, l’hôtel propose des chambres pour 45 à 60 euros la nuit. La demi-pension est possible pour 22 euros de plus, comprenant le repas du soir et le petit-déjeuner. Infos et réservation : 03.86.70.34.82

Budget moyen

Quasi juste en face de la Pomme d’Or, il y a l’hôtel-restaurant*** Mille et une Feuilles. Une étoile de plus et un style un peu plus affirmé, orienté vers la thématique du livre et des chambres aux noms d’écrivain(e)s célèbres. Les tarifs des chambres vont de 70 à 110 euros et le restaurant propose, en plus de la carte, une formule étape à 24 euros. Infos et réservation : contact1001f@gmail.com et/ou 03.86.70.09.61

À L’EXTÉRIEUR DE LA CHARITÉ

Les Forges de la Vache

Je vous en ai parlé dans l’article et dans l’épisode du débrief : on est tombé dessus par hasard et, après avoir découvert le site – juste féerique ! – et les prestations proposées, j’ai été convaincu que l’adresse avait sa place ici, dans cette rubrique, et d’autant plus qu’elle se trouve sur l’itinéraire proposé. Bref, dans ces Forges, on peut dormir dans le Manoir pour 81 euros en demi-pension par personne. Mais ce n’est pas tout : il y a aussi une formule dans les cabanes Saint-Jacques ! Un hébergement insolite au tarif de 50 euros la nuitée en demi-pension. Côté restauration, ça faisait saliver tout autant. Un petit coup de cœur instantané ! Infos et réservation : 03.86.70.22.96 et/ou contact@forgesdelavache.com

Nous, pour notre part, je rappele qu’on logeait à Champlemy, chez Marie-Noëlle, à 30 minutes en voiture de Pouilly. Du bonheur à l’état pur dans cette maison familiale transformée en chambre et table d’hôte et dans laquelle se dégage une incroyable énergie positive. On s’est fait chouchouter, on a parlé à tout le monde, on s’est reposé et tout ça sans se ruiner. Des moments précieux, simples et profondément humains. Ça a été dur d’en partir. Je vous recommande vraiment.

Cet article Val de Loire & Forêt des Bertranges : l’essentiel de la Charité-sur-Loire en 24h chrono est apparu en premier sur Carnets de Rando.

Sentier des Vignes : un Voyage des Sens au Pays du Crémant de Bourgogne

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Voyager au pays du Crémant de Bourgogne : en voilà une idée qu’elle est bonne ? On connaît le Champagne mais nettement moins son petit cousin. Un vrai rescapé celui-là d’ailleurs, qui a survécu au phylloxera et aux guerres d’appellation. Et, aujourd’hui, une authentique fierté, un savoir-faire qui n’a plus à rougir face à la concurrence. Un vrai patrimoine bourguignon à la rencontre duquel part cette agréable balade nature, entre vignes et sous-bois. De l’oeno-rando en bonne et due forme où la marche s’accompagne de visites et de dégustations bienvenues. Au départ de Massingy et jusqu’à Chaumont-le-Bois, je vous amène sur ce Sentier des Vignes, dans le sillage du Crémant de Bourgogne et des drôles de passionné(e)s qui l’incarnent ici, en Pays Châtillonnais. Sans oublier, en épilogue, une indispensable virée à Châtillon-sur-Seine.

Difficulté : assez facile | Distance : 10 km| Dénivelé : 300m | Durée : 3h| Carte : IGN TOP 25 1/25000è 2919SB Les Riceys/Mussy-sur-Seine

Dernier jour en Pays Châtillonnais. Après le Parc National de Forêts, avant-hier, puis le Cirque de la Coquille, hier, Méryl me conduit à Massingy, petite bourgade située à peine cinq kilomètres au nord de Châtillon-sur-Seine. Ici il y a assurément plus de tournesols que d’habitants au kilomètre carré. Adossé à une colline boisée, Massingy est de nos jours un repaire de producteurs de Crémant, ce vin effervescent bourguignon qui tient la dragée haute face au champagne voisin.

Ici c’est la patrie du Crémant de Bourgogne. Un trésor revendiqué et tout aussi précieux que celui de Vix, exhumé à quelques kilomètres de là.

La thématique du Crémant colle au paysage et, par extension, à la randonnée qu’on va réaliser ce jour-là. Le titre évocateur de Sentier des Vignes donne le ton. Coup d’œil au mobilier introductif, intelligemment placé à l’ombre des deux frères tilleuls du parking qui fait face au Monument aux Morts de la commune. À cette heure-ci, Massingy ploie déjà sous la chaleur de l’été et le silence d’une matinée habituelle.

Sentier des Vignes

Le balisage jaune nous fait quitter la commune par l’Est et par la route. Brièvement. Le temps de repérer la silhouette caractéristique d’un poteau de signalétique qui envoie ses flèches jaunes à l’écart du goudron. Les semelles crissent bientôt sur le tapis caillouteux d’une piste bien dessinée qui épouse le côté d’un champ fraîchement fauché. Plat pays, pourrait-on être tenté de penser à la lecture de ces quelques lignes ? Pas tant que ça en réalité.

Ici le Pays Châtillonnais se courbe vers le sud avec une langueur paresseuse qui crée un relief de longues et douces ondulations.

L’agriculture trouve ici un terrain d’expression idéal. Elle ne cède de terrain qu’aux Jumeaux de Massingy, collinettes boisées émergeant au-dessus d’un public de têtes de seigle agité par les riffs d’une agréable brise. Le Sentier des Vignes fait ici cause commune avec le GR®2, prestigieux itinéraire parcourant l’intégralité de la Seine et sur lequel j’avais fait des images, bien plus en amont, pour un épisode de la saison 2 de Mon GR® Préféré en 2019. Mais pas pour longtemps toutefois.

Nouveau poteau. Nouvelles directions. À Massingy – le Vaussien, le Sentier des Vignes prend la direction de Chaumont-le-Bois et consomme sa rupture avec le GR®2 qui, lui, invite à rejoindre Mussy-sur-Seine à 16 kilomètres de là. Une courte grimpette, à peine de quoi faire frétiller les mollets, et nous voici dans une éclaircie, à 327 mètres, altitude maximale de ce parcours de dix kilomètres sur les chemins de traverse du Pays Châtillonnais.

Géographiquement, on se trouve ici à la poupe d’un grand navire forestier se prolongeant, au nord, par une mosaïque de forêts domaniales de tailles variables : Vauxqué, Val du Puits, Essoyes…

Un mur de (pins) sylvestres, trahis par leur écorce sanguine, nous barre l’horizon. Une haie d’honneur qui annonce, plus loin, une plongée en sous-bois. Là où la vigne ou la céréale ne se sont pas installées, l’arbre est demeuré. Qu’elle soit agri- ou sylvi-, la culture ici se fait binaire, simplifiant la lecture du paysage au visiteur. Pour son ambiance et sa fraîcheur, le sous-bois emporte plus facilement l’adhésion du marcheur.

Sous les feuillages, la forêt chuchote des histoires de chevreuils et diffuse des feuilletons de sangliers. Le chemin, lui, ondule au gré de cette narration de la Nature. Aux côtés des animaux, les hommes ont aussi écrits quelques chapitres de ce roman à effeuiller. Dans ces arpents de futaie sous pente, l’affouage est encore pratiqué, comme en témoignent ces coupes propres et ces tas bien ordonnés de bois débité.

La promenade en sous-bois, effectuée sous les sirènes d’alarme de quelques geais effarouchés, est on ne peut plus agréable.

L’affouage, c’est un droit venu du Moyen-Âge et que les municipalités peuvent exercer en lieu et place du seigneur des temps féodaux. Elles accordent ainsi à des particuliers la possibilité de récolter du bois de chauffage selon un plan d’attribution de lots très précis. L’exercice concourt à l’entretien de la forêt en prélevant de jeunes arbres préalablement identifiés au bénéfice de la croissance d’individus plus robustes.

Sentier des Vignes

Il y a de l’intelligence dans l’itinéraire sans prétention de ce Sentier des Vignes. Un souci ludique qui assaisonne d’un plaisir subtil ce qui, sur la carte, avait l’allure d’un énième et banal parcours forestier. Les arbres ici n’ont aucune réelle souveraineté, les espèces ne prétendent à aucun endémisme. Et pourtant… Et pourtant on se laisse piquer par la curiosité à parcourir ces couloirs et boyaux de végétation qui nous plongent dans l’intimité du sous-bois. Le charme exquis d’une simplicité ordinaire.

Moments fugaces, bercés d’ombres et de lumières, sur des chemins qui ramènent à la simplicité de la randonnée.

Sur ces traces clandestines on échappe, l’espace de quelques instants, à l’emprise humaine, invisible mais palpable, qui a façonné ce bout de territoire. C’est alors qu’un éclair lumineux surexpose sans prévenir l’image de ma caméra. Le végétal ne va pas plus loin qu’une lisière impeccablement tracée. Des champs aux lignes nettes déroulent de la céréale jusqu’aux faubourgs d’un nouveau village. Agrippées à un coteau, des vignes en cascade se déploient en toile de fond. Nous voici à Chaumont-le-Bois, une autre mère-patrie du Crémant.

Sentier des Vignes

Ici, la vigne revient de loin. En un claquement de doigts, le puceron américain plus connu sous le redoutable nom de phylloxera, éradique le vignoble français, faisant quasiment disparaître des cépages ancestraux. Une ruine totale qui conduit à l’abandon des terres et à l’évanouissement d’une génération de vignerons. Ce fut le cas, ici, à Chaumont-le-Bois où la vigne fut à un raisin de sombrer dans l’oubli. Jusqu’à ce qu’un original décide, en 1988 et sans aucune connaissance, d’y replanter des pieds pour ressusciter le glorieux passé viticole de la région.

Il fallait un petit grain de folie et une foi à déplacer des montagnes pour faire le pari de relancer la viticulture dans ce coin ravagé, jadis, par le phylloxera

Trente ans plus, la success-story de Sylvain Bouhélier, de sa femme Anne et de leur fils Paul est incontestée. Contre vents et marées, les six hectares du Domaine Bouhélier sont à l’origine aujourd’hui de vins et de crémants de grande notoriété. Passionnés d’histoire et engagés dans la promotion oeno-touristique du Pays Châtillonnais, les époux ont même créé un Musée Vigneron à l’intérieur de leur cave.

Sentier des Vignes

C’est l’adresse incontournable ici, à Chaumont. Une pause bienvenue, à mi-parcours de la randonnée, qui remonte la piste de la vigne, dans les pas de celles et ceux dont le phylloxera a failli faire disparaître le souvenir. Les outils, les accessoires, les tenues de l’époque reprennent vie sous les explications de Anne. Sylvain et Paul, eux, se partagent entre les vignes, la cave et l’accueil. « Je voulais être agriculteur, c’était mon rêve depuis tout petit« , nous explique-t-il à la faveur d’une dégustation bienvenue dans la fraîcheur du caveau.

Le Crémant de Bourgogne est un miraculé. Et ici, à Chaumont, cette renaissance il la doit beaucoup à Sylvain Bouhélier.

« C’était un challenge. J’avais 17 ans et jamais vu un pied de vigne ou bu un verre de Crémant. J’étais parti, à l’origine, pour traire des vaches et soigner du bétail. » C’est une rencontre, un déclic, un peu d’instinct qui lui mettent le pied à l’étrier en 1988. Sylvain affronte alors la sidération : ici, autour de Dijon, la vigne c’est Beaune et Nuit-Saint-George. Qui donc aurait misé sur le Châtillonnais ?

« Au début on a planté et on a fait des erreurs« , confesse-t-il. L’obtention d’un BTS Viticulture donne cependant vite du poids aux expériences menées sur le tas. Et, après la curiosité vient l’engouement pour le projet. Un syndicat viticole se crée et c’est vite 40 à 50 personnes qui s’emploient, autour de Sylvain, à ranimer la flamme perdue. La première commercialisation se fera en 1995 et, immédiatement, le succès est là.

L’histoire des Bouhélier c’est avant tout une incroyable histoire de famille. Un récit qui se boit comme un bon verre de Crémant.

Paul, le fils déjà sevré enfant à la Nature, rejoint ensuite l’aventure. Il prend conscience de la valeur de son territoire au sein d’une Bourgogne mondialement connue pour ses vins prestigieux. Dans sa région d’abord, puis en Alsace et en Champagne, Paul se nourrit d’expériences et de connaissances sur le vin effervescent. C’est aujourd’hui un ambassadeur de poids pour faire valoir les qualités du vin Châtillonnais longtemps resté dans l’ombre des Grands Crus et du Champagne voisins.

Sentier des Vignes

Car la guerre des bulles fait rage dans le coin. Ici, on ne plaisante pas avec les appellations dont les frontières invisibles sont jalousement gardées. Le procédé de fermentation a beau être similaire, il n’y a que ce qui est produit en région Champagne qui peut se targuer de porter cette AOC. Une loi un chouilla élitiste qui a longtemps fait passer le Crémant pour le champagne du pauvre. Car ces différences d’appellation impactent aussi le portefeuille. Et pas qu’un peu !

L’opiniâtreté, la créativité et le savoir-faire des vignerons du Châtillonnais ont aujourd’hui permis à leur appellation de se hisser à la hauteur de la réputation du champagne voisin.

Le Crémant de Bourgogne n’a plus à rougir face à son célèbre concurrent. Et le Domaine Bouhélier est l’un de ces exemples probants qui portent hautes les armoiries du Crémant en France et au-delà. Le vin effervescent du Châtillonnais n’est plus le champagne raté que ses origines étymologiques mentionnent. C’est, au contraire, un produit convoité qu’un public de plus en plus nombreux substitue à des Champagnes aux tarifs prohibitifs.

J’ai l’impression d’un peu mieux maîtriser le sujet du Crémant en quittant Chaumont. Et je reste impressionné par la manière dont le pari de Sylvain, 32 ans plus tôt, a été transformé aujourd’hui. Pas plus tard que l’an passé, le Domaine s’est vu ainsi récompensé par deux médailles d’or aux réputés concours de Paris et de Lyon pour son Crémant Tradition. Sacré parcours pour ces aventuriers de la vigne ! On quitte Chaumont avec l’esprit léger et un délicieux goût de Crémant qui s’attarde au palais.

À l’abri de la cave, j’avais oublié que juillet bombait le torse à l’extérieur.

Retour sur le Sentier des Vignes. La chaleur nous tombe dessus dans l’agréable montée conduisant vers ce que, en montagne, on nommerait un col, desservant le village de Vannaire. Vannaire c’est le dernier angle d’un triangle reliant Chaumont et Obtrée. Vannaire et son château – en fait une maison-forte du 15ème – transformé en chambres d’hôte de charme. Une façade cossue qui échappera à notre vue, la signalétique se contentant d’une traversée rapide et anonyme de la petite bourgade agricole.

Sentier des Vignes

Rapidement nous sommes rappelés à l’ordre sur un chemin forestier impeccablement droit qui s’élève entre deux hautes rangées d’arbres. C’est l’ascension de la Grande Montagne, toponymie un soupçon prétentieuse pour une grosse bosse poussée cent mètres au-dessus du niveau des champs ! Là-haut l’abri du sous-bois s’évanouit brusquement. On retrouve le dénuement des cultures qui, vu du ciel, paraissent avoir été découpées au scalpel dans l’épiderme de la forêt.

Retour aux sous-bois sur la seconde partie de cette randonnée. La Nature nous enveloppe à nouveau de son calme et de ses chants d’oiseaux.

Le soleil se fait mordant le temps de cette traversée exposée. De l’autre côté, un couloir ombragé nous procure rapidement un nouvel espace de protection ombragé. Ce dernier petit moment de forêt a une saveur particulière. Il signe, pour moi, trois semaines de tournages et de reportages où la récurrence du milieu forestier a été marquante. Une bonne grosse dose de chlorophylle avant, prochainement, de partir vers d’autres horizons paysagers. J’en profite donc ici plus spécifiquement encore.

Sentier des Vignes

Une trouée dans l’orée, une rangée de piquets clôturés, un horizon céréalier surmonté de la ligne sombre de la forêt de Châtillon : nous arrivons sur les hauteurs de Massingy dont les toits de tuiles orangés et les murs blancs apportent des nuances de couleurs supplémentaires au paysage. Bourdons et papillons virevoltent autour de nous dans une ultime travée fleurie qui nous fait atterrir en douceur aux portes du village.  Fin du Sentier des Vignes. La journée aurait pu se terminer là. Mais non !

Ampelopsis doit nécessairement être inscrit à la feuille de route du/de la marcheur/se venu découvrir le Crémant sur ce Sentier des Vignes.

Une oeno-rando au départ de Massingy et sur le thème du Crémant ne saurait être complète sans un passage par Ampélopsis, oenocentre baptisé au nom de cette robuste vigne vierge et grimpante qui habille parfois les façades des maisons. Ici c’est aussi le Domaine Brigand, ouvert en 1902 et dont Ghyslain, actuellement propriétaire, représente la 4ème génération. Un vigneron fantaisiste, ainsi qu’il se désigne. Un personnage haut en couleurs en tout cas, aux commandes d’un lieu qui a tout d’un OVNI dans le monde de la viticulture.

Sentier des Vignes

Ampélopsis ne ressemble à rien de connu. C’est un univers à part entière sorti en droite ligne de l’esprit créatif et en ébullition permanente d’un touche-à-tout qui oscille entre le vigneron et l’artiste. Le sourire, les récits et les mots d’esprit de Ghyslain entraînent le visiteur dans leur sillage. Avec Karine, son épouse, ils forment un duo moteur qui fait carburer Ampélopsis à la bonne humeur. Officiellement, Ampélopsis se définit comme un centre d’interprétation oenologique – le premier de ce style dans toute la Bourgogne – et comme Conservatoire de Vignes – le premier également de la région.

L’histoire et la généalogie du vin rencontrent ici un univers imaginaire qui transforme l’aspect généralement sobre et polissé d’une visite en une plongée baroque et colorée dans une scénographie surprenante

Dans la réalité, la partie fantaisiste vient largement détendre le côté un peu trop institutionnel de ces titres et Ampélopsis m’est apparu comme un espace ludique sur le thème du vin dont les frontières, tout comme l’Univers, semblent vouer à une extension permanente, au gré de l’inspiration et des nuits sans sommeil de son créateur. Car Ampélopsis c’est toute une planète. Et l’explorer demande du temps. Se contenter d’un survol serait une erreur. Prenez le temps de vous y poser, vous ne le regretterez pas !

À l’origine, Ghyslain se destinait à être ingénieur du son. C’était compter sans le pouvoir d’attraction du métier de vigneron, exercé de père en fils chez les Brigand. « Au départ, ça a été un job d’été pour gagner un petit peu de sous.« , me confie-t-il. « Et puis, à force d’échanges, d’amis et de temps passé dans la vigne, le point de vue évolue. L’implication aussi. Et tu comprends que ta place est là. » Terminé alors le goût de l’image et de l’audio ? Pas tant que ça. On retrouve ces premiers amours dans toutes les créations scénographiques qui parsèment Ampélopsis.

Maître d’œuvre et génie touche-à-tout de ce lieu atypique, Ghislain est le Monsieur Loyal de la vigne. En bousculant les codes, il a fait d’Ampélopsis un pôle culturel incontournable en Pays Châtillonnais.

La patte de Ghyslain est dans chaque image et chaque son. Au bidouillage amusant des premières années succèdent aujourd’hui des montages vidéos très élaborés, imaginés et conçus avec des outils d’édition ultra-modernes. « Comme j’ai touché au monde du spectacle, je voulais, à travers le musée, créer ce côté un peu magique autour du vin et dépasser le côté classique habituel à ce type d’endroit. Ici, c’est tout du cousu main !« , glisse-t-il en riant. Et force est de constater que l’imaginaire du dernier des Brigand est un puits sans fond de plaisir pour le visiteur.

Sentier des Vignes

Accompagné de Méryl, je déambule distraitement d’une salle à l’autre, entouré de bruits étranges, d’animations inattendues, d’objets hétéroclites, de petits films amusants. Sensation plaisante d’être parfois davantage dans une drôle de foire que dans un musée traditionnel. L’initiative de Ghyslain, à contre-courant de ce qui se fait habituellement dans le monde du vin, a suscité, au début, un sentiment partagé entre l’amusement et l’inquiétude. Y compris dans le cercle familial. Inquiétude aujourd’hui dissipée par le succès incontesté de l’entreprise.

Loin d’être un bric-à-brac rassemblant de vieux souvenirs, Ampélopsis est une source d’émerveillement permanent pour son visiteur

« Ici, dans le Châtillonnais, on se démarque aussi par le côté culturel. On est les premiers à être labellisé Haute Valeur Environnementale. Dans nos vignes, il n’y a plus ni labour, ni intrant. Ce n’est que de l’attente. Et ça favorise l’apparition d’une grande biodiversité qui crée à son tour de nouveaux équilibres. » Près d’un siècle après la création du Domaine Brigand par Julien, l’arrière-grand père, Ghyslain perpétue la tradition familiale en restant à la pointe de l’innovation. Pas de doute, cette visite constitue le point final parfait à cette journée sur le Sentier des Vignes et la planète Crémant.

Sentier des Vignes

EN MARGE DE LA RANDO

On ne peut pas quitter le Châtillonnais sans avoir pris le temps d’en découvrir sa capitale. Loin d’être une simple étape pour la nuit, Châtillon-sur-Seine dispose, dans sa besace, de suffisamment d’atouts pour séduire les randonneur/ses qui aiment aussi découvrir les villes et les villages. Bâti sur le lacet d’une Seine encore jeune, Châtillon regorge de spots de charme et de patrimoine remarquable. Le cœur de la ville lui-même palpite d’une agréable énergie et s’y déplacer à pied n’a rien d’une épreuve pénible, bien au contraire. J’ai apprécié d’y flâner en fin de journée, après la randonnée. Voici donc, sous forme de liste, les points et sites à ne pas manquer lors de votre passage.

L’Église Saint-Vorles

Sa position dominante permet, dans un premier temps, de bénéficier d’une vue en hauteur sur les toits de Châtillon-sur-Seine. C’est un spot panoramique. Et y accéder permet d’emprunter les petites rues au caractère encore bien médiéval de la ville. Ensuite, architecturalement parlant, ça vaut le détour. C’est un beau bloc à la sobriété bien romane et bien compact, à la pierre lumineuse. Incontournable.

L’ancien château des Ducs de Bourgogne

Juste à côté du site de l’église, au-delà du cimetière : c’est le prolongement logique d’une visite sur les hauteurs de Châtillon. L’essentiel est ruiné mais ce qui reste dégage encore une belle force, notamment les bases encore hautes et solides des Tours de la Guette et de Sainte-Anne.

Les Sources de la Douix

Le havre de nature et de sérénité à visiter ab-so-lu-ment à Châtillon. Je vous fais le tableau : un grand espace ombragé baigné de tâches de soleil, le bruit de l’eau qui cascade à la faveur d’une petite rupture, une haute falaise grise parée d’un mur végétal et percée d’une ouverture discrète, un large bassin peu profond aux reflets mystérieux. Vous sentez la magie ? Oui ? Car les Sources de la Douix, depuis leurs profondeurs secrètes, portent avec elles le souffle épique des légendes païennes. L’endroit est beau, paisible et chargé d’une énergie profonde.

Le Musée du Pays Châtillonnais – Trésor de Vix

The place to be. Le meilleur pour la fin. Oubliez les clichés des musées poussiéreux et rébarbatifs. Celui de Châtillon est lumineux, moderne et d’une pédagogie à toute épreuve. Il abrite surtout un Trésor – le T majuscule n’est pas usurpé – archéologique que le Louvre en personne lui envie : le Vase de la Dame de Vix, objet princier antique aux proportions colossales et au bronze resplendissant, venu en droite ligne d’une époque de célébration lointaine – 510 avant JC – où les gens de la fin de l’Âge du Bronze côtoyaient les Celtes et les Grecs. 1100 litres de contenance, 208 kilos, 1,27m de diamètre pour 1m64 de haut. Le poids de l’Histoire et un parfait choc visuel. Une pièce unique qui a traversé les siècles jusqu’à nous. Rarement objet antique – depuis le Musée du Caire et le Masque de Toutankhamon – ne m’avait autant coupé le souffle. À lui seul il justifie une visite au musée.

VENIR EN PAYS CHÂTILLONNAIS

En voiture

Le point d’ancrage pour cette randonnée sur le Sentier des Vignes en Pays Châtillonnais est évidemment Châtillon-sur-Seine, à seulement cinq kilomètres, qui constitue un point assez central dans un cercle disposé autour de Dijon, Troyes, Auxerre, Chaumont et Langres. On peut donc le rejoindre facilement depuis la plupart de ces axes.

Pour les sudistes, comme moi, on arrivera nécessairement par l’autoroute l’A6, on sortira à Dijon et on rejoindra Châtillon par la D971 (6h environ). Dijon sera également le point de passage en arrivant depuis le Jura ou Mulhouse (3h30 environ). Pour le Grand Est, en revanche, on passera plutôt par Chaumont puis par la D65, qui devient ensuite D965 (environ 4h depuis Strasbourg). Le Nord contournera Paris pour passer par Troyes et descendre sur Châtillon par la D671, qui devient ensuite D971 (5h depuis Lille). Les Parisiens, eux, descendront par l’A6 via Auxerre puis, par la sortie 20 et la D965, tireront sur Châtillon via Tonnerre (3h environ). Auxerre sera aussi point de passage pour les Bretons, en passant d’abord par Orléans (8h depuis Brest). Le Grand Ouest et Sud-Ouest, quant à eux, préféreront viser Clermont-Ferrand ou Moulins pour rejoindre d’abord Nevers, puis en diagonale Avallon pour attraper l’A6, la suivre au sud jusqu’à la sortie 23 puis, via Montbard et la D980, rejoindre enfin Châtillon (7h30 environ depuis Bordeaux).

En train/bus

La gare de Châtillon-sur-Seine n’est plus en service. Il faut passer par la gare de Montbard (30mn en voiture de Châtillon) puis prendre la ligne 126 jusqu’à Châtillon. Accessibilité également depuis Dijon avec 5 trains par jours (environ 1h30 de trajet et un tarif allant de 15 à 20 euros). Pour celles et ceux qui arriveraient en train depuis Dijon, c’est la ligne 124 (jusqu’à 7 départs quotidiens) qu’il faudra emprunter.

Accès à Massingy

Depuis Châtillon-sur-Seine et en voiture, il faut prendre la D965 direction Chaumont et, après 3,5 km, la quitter à gauche par la D118H, direction Massingy. Parking central sur la gauche, au centre du village. Présence du mobilier de départ du Sentier des Vignes. Pas de bus à ma connaissance.

SENTIER DES VIGNES : LE TOPO

Depuis le parking et le mobilier de départ du Sentier des Vignes, partir par la droite, par la rue Caron qui passe devant le Monument aux Morts. À l’intersection, poursuivre tout droit par la rue Haute (D118c). Sortir de Massingy. Quitter plus loin, dans un virage à droite de la route (panneau sens interdit + poteau signalétique), la D118c pour un large chemin tirant tout droit à travers champs (balisage jaune + rouge/blanc du GR®2) (1)

Après 800m et une petite montée, on atteint un croisement et une flèche signalétique « le Vaussien ». (2) Suivre le chemin de gauche balisé jaune « Sentier des Vignes » et Chaumont-le-Bois.

Poursuivre en ascendance légère dans des espaces ouverts et cultivés. Le chemin se prolonge plus loin à travers la forêt. Quand il commence à légèrement redescendre, bien repérer la signalétique qui part à droite au fil d’un petit sentier (3). Plonger dans le sous-bois.

Le chemin descend en suivant un thalweg jusqu’à atteindre une lisière qu’il ne dépasse pas (4). Il enroule par la gauche, en montée, et rejoint une orée de champ plus haut (5). Ne pas la dépasser et s’engager à droite, par un passage végétal assez rectiligne. Après 350m, suivre un embranchement à droite qui amorce une descente plus marquée (6). Le chemin atteint la lisière du bois, la dépasse puis atteint une intersection au niveau d’un oratoire. (7)

Pour rejoindre Chaumont, prendre à droite. Pour continuer la boucle, s’engager à gauche et remonter par une ascendance légère jusqu’à un « col » boisé (8). Faire la bascule sur l’autre versant et atteindre Vannaire.

Traverser entièrement Vannaire et, à la sortie du bourg, tourner par un chemin à gauche (9) qui s’engage, en ascension légère, à nouveau à travers la forêt. Il rejoint le plateau sommital et les espaces cultivés (10). Traverser ceux-ci par un chemin évident et atteindre le sous-bois de l’autre côté.

Après 250m environ, la trace s’infléchit petit à petit à droite – sud – (11) puis amorce la descente vers Massingy qu’on finit par apercevoir. Terminer la descente pour rejoindre le village et la rue Caron. Retrouver le parking en la suivant à gauche sur cent mètres.

Ci-joint également le lien vers la plaquette, en PDF, du Sentier des Vignes.

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

Aucune difficulté majeure à prévoir sur ce Sentier des Vignes, au parcours raisonnable et agréable. N’oubliez pas de prendre de l’eau. On a eu chaud avec Méryl au mois de juillet. Guère d’autres recommandations si ce n’est les précautions d’usage en forêt par rapport aux tiques. Attention également en période de chasse : les bois peuvent être fréquentés par les chasseurs. Une carte interactive est consultable en ligne pour connaître les jours de battue et de chasse au grand gibier. Pratique.

LE SENTIER DES VIGNES : POUR QUI ? POUR QUOI ?

Le Pays Châtillonnais c’est un territoire où il faut savoir prendre le temps. Si vous êtes pressés, vous passerez complètement à côté. Si vous êtes un(e) amateur/trice de rando-aventure baignant dans l’adrénaline et le grand spectacle, vous risquez aussi d’être déçu(e)s. Pour autant, et si c’est le cas, votre lecture ne devrait d’ailleurs même pas vous avoir amené(e)s jusqu’à cette partie de l’article ! En revanche, si pour vous randonnée rime davantage avec balade qu’avec effort, que vous aimez ou avez envie de découvrir la France côté terroirs méconnus et/ou qu’allier le plaisir d’une dégustation à celui de la marche s’inscrit facilement à votre cahier des charges, alors n’hésitez plus, cet itinéraire est fait pour vous !

En toute logique, si vous lisez cet article et qu’il trouve un écho favorable dans votre esprit, vous ne devriez pas venir en Côte-d’Or juste pour faire ce Sentier des Vignes et repartir. Ce que j’ai appris de ces jours passés à Châtillon c’est que le territoire a envie de retenir le visiteur de passage. Et à juste titre. Généralement traversant, le Châtillonnais se voit trop souvent injustement survolé alors qu’il a tant de choses à offrir à qui prend le temps d’y prolonger son étape. À commencer par l’hospitalité et la gentillesse de ses habitant(e)s. Et ça ce n’est pas rien non plus. Une bonne formule s’étire sur deux à trois jours afin de trouver le bon mariage entre randonnée, dégustation et visites. C’est une approche équilibrée que je vous recommande largement pour votre premier séjour.

LE SENTIER DES VIGNES : HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

L’Auberge des Capucins (testé & approuvé)

C’était mon quartier général le temps de mon séjour à Châtillon-sur-Seine. On dort ici dans l’ancien monastère des moines capucins – d’où le nom du lieu – et en plein cœur de Châtillon. L’endroit respire le calme, malgré cette position centrale. Et puis, tant qu’à être dans la thématique du vin, vous aurez avec Philippe un interlocuteur de choix puisque le bonhomme s’y connaît plus que bien après des années passées dans les vignes du Chili. Une atmosphère America del Sur qu’on retrouve jusque dans la musique souvent jouée au salon. J’ai aimé le côté apaisé de l’adresse et le sourire d’Agnès, d’un dévouement sans faille à ses clients. Un chouette moment après les journées de tournage. Cinq coquettes chambres à votre disposition pour la nuit. Infos et réservations : 07.84.92.96.67 ou 07.71.75.09.43 / Mail : aubergedescapucins@gmail.com

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